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Les fondateurs Babeuf La conspiration de Babeuf (1796) est le point de départ du socialisme moderne entendu comme un mouvement politique. La Révolution française, d'après lui, n'a réalisé que l'égalité politique, elle n'a pas réalisé «l'égalité réelle», «l'égalité de fait», c.-à-d. l'égalité économique ( surtout son journal le Tribun du Peuple). Celle-ci a pour condition la suppression de la propriété privée. Toute propriété qui dépasse les besoins de l'individu est le résultat d'un vol fait aux autres citoyens; au nom du droit de propriété, on lèse le droit à l'existence. D'après les déclarations mêmes de Babeuf, c'est sous l'influence de Mably, d'Helvétius, de Morelly et de Rousseau qu'il a formé ses idées. Il doit à Helvétius sa conception générale du droit comme un ensemble de moyens permettant d'assurer le bonheur général, en satisfaisant le plus complètement possible les besoins des individus; cette conception, au nom de laquelle Helvétius critiquait, en même temps que l'organisation juridique de la monarchie, l'existence du luxe, conduit Babeuf à critiquer les lois établies par la Révolution. Chez Morelly (Code de la Nature, 1755), chez Mably (Doutes proposés aux philosophes économistes sur l'ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, 1768; Principes de la législation, 1776) et avant eux chez Meslier (mort en 1729 ou 1733), on trouve de violentes attaques contre la propriété; mais leur point de vue est purement moral; ils se bornent à montrer que la propriété est la cause d'un grand nombre de vices. Enfin chez Rousseau on rencontre, à côté de justifications du droit de propriété, des passages où la propriété privée du sol est signalée comme la cause de l'immoralité croissante qui a accompagné les progrès de la civilisation. Quant à «l'égalité de fait», l'égalité de tous les hommes en bien-être, Condorcet, en 1794, dans son Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, y voyait le « dernier but de l'art social », c.-à-d. de l'organisation réfléchie de la société par la volonté humaine. Il est certain aussi que Babeuf s'est inspiré du spectacle qu'avait présenté la France sous la Convention; grâce à la loi du maximum, au rationnement, aux diverses réquisitions d'hommes et de choses, le gouvernement jacobin s'était efforcé d'assurer à tous, par des procédés dictatoriaux, le droit à la vie proclamé par Robespierre. L'originalité de Babeuf, c'est d'avoir transformé en théorie ce qui n'avait été qu'un expédient de circonstance, d'avoir retourné contre le droit de propriété les principes juridiques d'Helvétius et de Condorcet, qui servaient avant lui à le légitimer; et d'avoir tenté de mettre au service de ses idées la force révolutionnaire du peuple qui venait de substituer la république à la monarchie. Le babouvisme, qui est resté sans influence sous l'Empire et sous la Restauration, a recommencé à agir sur les socialistes postérieurs à 1830. Godwin « Ceux qui, par la ruse ou la violence, ont usurpé le pouvoir d'acheter et de vendre le travail de la grande masse de la société, sont assez disposés à prendre garde qu'ils ne fassent jamais que subsister. »C'est la théorie des salaires qu'on trouve déjà chez Adam Smith et avant lui chez Turgot et chez Helvétius (De l'Esprit, 1758). Les propriétaires d'ailleurs tendent à s'approprier un profit injuste, aussi bien comme vendeurs de marchandises que comme employeurs de travail. Et le développement du machinisme, qu'Adam Smith n'avait pas encore eu le temps d'observer, au lieu d'être utile à tous, ne fait, en raison de la répartition des richesses, qu'augmenter la misère et la souffrance du plus grand nombre. Puisque ce sont là les conséquences de la propriété privée, il faut condamner la propriété privée du sol et du capital; elle n'est pas d'ailleurs pour Godwin, comme elle l'était pour Adam Smith, un phénomène naturel, lié avec la production même des richesses; elle est l'effet de l'héritage, c.-à-d. qu'elle est l'oeuvre artificielle de la loi, d'une institution politique. L'idéal à réaliser, c'est une société communiste, où personne ne posséderait plus ni le produit du travail d'autrui ni même celui de son propre travail, mais où tous jouiraient, conformément à leurs besoins, du produit du travail de tous. Il ne faut demander d'ailleurs la réalisation de cet idéal ni à la violence, ni même à la loi; Godwin pousse le libéralisme politique à ses dernières conséquences; de même qu'il condamne l'organisation actuelle, il condamne et l'emploi révolutionnaire de la force et l'organisation d'un État qui dirigerait le travail et en répartirait les produits; si son idéal économique est le Communisme, son idéal politique est une société sans lois ni gouvernement ; ce qui peut seul réaliser ce double idéal et ce qui d'ailleurs le réalisera nécessairement, c'est le progrès illimité de la raison individuelle, qui finira par faire agir librement tous les humains conformément à l'intérêt général, c.-à-d. à la justice. Le changement des institutions ne serait rien sans celui des sentiments et des moeurs, et la transformation des moeurs à son tour a pour condition nécessaire et suffisante le progrès de l'intelligence. Cette foi dans le progrès intellectuel comme cause du progrès social, qu'il tenait de Priestley, de Hartley, d'Helvétius et qu'il partageait avec Condorcet, lui fournit une réfutation des objections qu'en 1761, Wallace, dans ses Various Prospects of Mankind, Nature and Providence avait adressées au Communisme. La meilleure organisation sociale, d'après Wallace, serait le Communisme; et elle n'est pas incompatible avec les passions et les tendances de l'homme; mais elle l'est avec les conditions physiques et biologiques de son existence; car la population, dans une société communiste, croîtrait indéfiniment et la terre ne pourrait plus la nourrir, ni même la loger. D'après Godwin, le progrès des sciences, la domination croissante de l'esprit sur la matière permettront aux humains d'améliorer le rendement des terres d'une manière incalculable ; ils permettront même de prolonger sans limites la vie humaine et de supprimer la fonction de reproduction, toutes les actions de l'humain finissant par devenir volontaires et réfléchies. L'ouvrage de Godwin est le premier où la critique de la propriété privée s'appuie sur les faits mêmes constatés par l'économie politique bourgeoise et libérale. C'est par là qu'il diffère des utopistes (Utopie) de la Renaissance, d'un More, d'un Campanella, comme aussi de Wallace et des quakers du XVIIe, et du XVIIIe siècle, d'un John Bellers (Proposals for raising a College of lndustry; Londres, 1696), d'un John Woolman (1720-1772), qui attaquaient la richesse au nom du droit à l'existence. De même que, en France, Babeuf retournait contre la bourgeoisie révolutionnaire ses principes juridiques, Godwin en Angleterre retournait contre la bourgeoisie industrielle et commerçante ses théories économiques et sa morale utilitaire; sur les rapports du patron et de l'ouvrier, sur ceux du vendeur et de l'acheteur, sur les effets du machinisme, il a énoncé le premier les thèses que devaient reprendre et développer en Angleterre, en France, en Allemagne, les socialistes modernes. Le premier aussi, il a soutenu que l'abolition de la propriété privée devait résulter nécessairement du développement naturel et progressif de l'humanité. Son Communisme est déjà un Communisme évolutionniste. Sur ces deux points, il ne diffère pas moins de Babeuf que des communistes antérieurs. Son évolutionnisme, d'autre part, est tout intellectuel et moral, et il est lié avec l'optimisme intellectualiste et libertaire le plus chimérique : le problème économique se résout pour lui en un problème pédagogique, en une question d'éducation et d'instruction. Nous allons retrouver chez Fourier, chez Owen avant 1830, chez les saint-simoniens eux-mêmes, certaines tendances analogues Fourier Owen Puis il en vint à considérer comme insuffisantes la philanthropie patronale et l'intervention de l'État, et à préconiser le Communisme et l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes. Ses idées directrices, l'idée du plus grand bonheur du plus grand nombre, l'idée de liberté, sont empruntées à la tradition commune des philosophes utilitaires; son idéal communiste et les critiques qu'il adresse au régime capitaliste sont dus, en partie sans doute, à son expérience personnelle, mais en partie aussi au livre de Wallace et à Holcroft, agitateur révolutionnaire qui avait été l'ami de Godwin. L'état moral d'une société n'est pas la cause, mais l'effet de son état économique; ce n'est pas le progrès moral qui pourra amener la transformation économique, c'est la réforme économique qui est la condition du progrès moral. Le travailleur qui produit la richesse est misérable parce qu'il est mal rémunéré et parce que la nourriture et les vêtements sont trop chers. Sa souffrance tient à ce que la production et l'échange sont dirigés par des capitalistes qui possèdent le sol et les instruments de travail et qui sont maîtres du marché. De là les salaires insuffisants, les prix excessifs, la surproduction, les crises, les chômages. Les capitalistes exploitent les ouvriers à la fois comme producteurs et comme consommateurs. Pour se soustraire à l'exploitation et à la misère, ceux-ci doivent s'organiser en coopératives de production et de consommation, Que les ouvriers se groupent pour constituer un capital collectif et acheter les machines, que les consommateurs s'associent pour s'adresser directement aux producteurs, la production comme la répartition se feront en vue des besoins. de tous, au lieu de se faire en vue des profits des capitalistes. Le seul moyen de supprimer le profit capitaliste et la misère des ouvriers, c'est de transférer la propriété à des associations libres de travailleurs organisés. Le succès des premières associations de ce genre en multipliera bientôt le nombre, et ainsi la transformation sociale se fera pacifiquement, par la propagande de l'exemple, par l'initiative et l'éducation des travailleurs associés. Les projets d'Owen sont à la fois plus radicaux et plus pratiques que ceux de Fourier. Car d'une part, il vise à supprimer toute espèce de profit capitaliste, au lieu de soutenir, comme Fourier, que l'intérêt du capital et la rente du sol ne sont pas moins légitimes que le salaire du travail. Et d'autre part, il accepte les conditions de la grande industrie moderne, le machinisme et la division du travail, au lieu d'imaginer comme Fourier une réorganisation fantaisiste du travail, destinée à le rendre attrayant. Owen était un homme d'action plus qu'un théoricien; aussi s'efforça-t-il de mettre ses idées en pratique ; dès 1823, il fonde une communauté agricole en Irlande ; en 1824, il visite aux États-Unis les communautés organisées par des Frères moraves et par d'autres sectes chrétiennes communistes à la fin du XVIIIe siècle, et il organise aux États-Unis, en 1825, une colonie communiste. Non seulement ces tentatives et celles de ses amis n'amenèrent pas la transformation sociale espérée, mais elles échouèrent au bout de quelques années, comme les tentatives analogues que firent plus tard Cabet et Considérant, le disciple de Fourier. Owen fondait en même temps dès 1824, en Angleterre, des coopératives de consommation d'un type plus simple; mais celles-ci répudiaient bientôt sa doctrine (1832), et elles disparaissaient aussi après quelques années. Le nouveau mouvement coopératif anglais qui commence en 1844, et dont Owen a pu voir encore et approuver les débuts, a abouti à la création d'un grand nombre de coopératives riches et prospères : mais il n'a nullement un caractère socialiste. Sismondi La mieux-value de Sismondi est la même chose que la plus-value de Marx; elle implique déjà, malgré la différence des expressions, la distinction entre le travail et la force du travail que fait Marx et que n'avait pas faite Ricardo. Sismondi, qui ne conçoit pas que l'on puisse supprimer la propriété privée du capital, proteste cependant au nom de la justice contre les excès du laisser-faire et réclame, comme déjà Owen en Angleterre, l'intervention de l'État pour diminuer les souffrances du prolétariat. En 1824, William Thompson (Inquiry into the principles of the distribution of wealth most conducive to human happiness), disciple de Bentham, dont il acceptait la morale utilitaire, rapproche la théorie de la valeur de Ricardo et le principe juridique d'après lequel chacun doit jouir du produit intégral de son travail, et il conclut à la condamnation du profit capitaliste et de la propriété privée ; le principe juridique de Thompson et l'application de ce principe, la critique de la propriété privée, se trouvaient déjà chez Godwin qu'il connaissait; mais les analyses de Ricardo lui permettent de donner à ses raisonnements une rigueur toute nouvelle. Thompson connaissait aussi l'ouvrage de Sismondi, dont l'influence sur lui paraît manifeste et chez qui la théorie économique du revenu sans travail était déjà plus complètement élaborée qu'elle ne l'est chez lui. Il préconise comme remède les coopératives communistes qu'Owen, depuis 1817, proposait d'organiser. Chez Hodgskin (en 1825), Gray (en 1825), Edmonds (en 1828), nous retrouvons une critique de la propriété capitaliste au nom de la justice, qui repose sur la théorie ricardienne de la valeur. Saint-Simon Dans l'exposé de la doctrine de Saint-Simon, que nous devons à Bazard, nous trouvons enfin nettement énoncé le nouveau principe juridique au nom duquel les saint-simoniens critiquent l'organisation actuelle de la propriété et selon lesquels les produits du travail devront être répartis dans la société future : il est conforme à la justice que chacun soit rétribué selon ses oeuvres. Il faut donc tendre à «la suppression graduelle de tous les tributs que le travail payé à l'oisiveté sous les noms divers de fermage des terres, loyer des usines et des capitaux». Cette «exploitation de l'homme par l'homme», qui est liée à l'existence de la propriété héréditaire du capital, est un reste des servitudes antiques imposées par la force. Cette exploitation, qui a pris dans l'histoire la forme de l'esclavage, puis celle du servage, se présente aujourd'hui sous la forme du salariat. Dans les théories que nous avons exposées jusqu'ici, là même où le droit au produit intégral du travail était un principe de critique, ce n'était pas, comme pour les saint-simoniens, un principe positif de répartition; d'après Godwin, Thompson, Owen, la répartition devait se faire suivant les besoins; en outre, l'idée d'un droit au produit intégral du travail individuel suppose l'absence de services publics et une organisation individualiste du travail qui est en contradiction avec la nature de la grande industrie moderne; la formule saint-simonienne n'a pas cet inconvénient. En Angleterre En Angleterre, Owen, après avoir organisé des coopératives, avait songé à créer des Labour Exchanges, c.-à-d. des bourses du travail où les ouvriers pourraient échanger leur travail contre des objets de première nécessité, sans être forcés d'accepter les conditions des capitalistes. Mais ses échecs l'avaient convaincu que la réorganisation graduelle économique due à l'initiative privée ne conduisait pas plus au but que l'appel au sentiment moral des classes dirigeantes; il essaya donc, en 1833, de former un parti ouvrier socialiste, en groupant en une Trades Union les syndicats ouvriers qui, depuis les lois de 1824-25, étaient autorisés en Angleterre ; il proposait comme moyen d'action la grève générale; les propriétaires se verraient forcés de renoncer d'eux-mêmes à leur monopole désormais sans profit, et la révolution sociale serait faite en six mois. En quelques mois la Trades Union d'Owen comptait 500 000 membres. Mais les grèves échouèrent, le gouvernement écrasa sous les condamnations les syndicats révolutionnaires d'Owen, et les ouvriers découragés l'abandonnèrent (1834). Owen survécut jusqu'en 1858, mais à partir de ce moment son rôle est fini. Les chartistes qui, de 1838 à 1848, réclamèrent le suffrage universel, étaient en partie des communistes pour lesquels le suffrage universel n'était qu'un moyen; ils constituaient un parti politique composé de radicaux, d'Irlandais et d'ouvriers ; un grand nombre de chartistes, en particulier les Irlandais, réclamaient la nationalisation du sol; ils continuaient la tradition anglaise dont nous avons signalé l'existence au début de cet article, et dont un livre de Charles Hall en 1805 avait été une nouvelle manifestation ; d'autres réclamaient même la socialisation de tous les biens. Parmi les chartistes, les uns voulaient procéder légalement par voie de pétition ; les autres, qui avaient pour chef l'ancien député irlandais O'Connor, en appelaient à la force ; ils tentèrent de nouveau de faire la grève générale ; au lieu de rester pacifiques, comme en 1834, les grèves dégénérèrent en émeutes sanglantes, et leurs chefs furent condamnés à mort ou déportés. L'année 1848 marque l'écrasement définitif du chartisme. En France Chez Proudhon et chez Louis Blanc, l'influence du saint-simonisme est manifeste. Mais Proudhon est hostile à la centralisation saint-simonienne; sa doctrine est une doctrine de liberté et de fédéralisme, au point de vue économique comme au point de vue politique; par là il est le maître de Bakounine et des anarchistes contemporains. Sa critique de la propriété actuelle repose sur les mêmes principes que celle des saint-simoniens et surtout que celle des socialistes ricardiens il ne connaissait cependant pas; elle repose sur l'idée du droit de chacun au produit total de son travail; quand il dit : «la propriété, c'est le vol», cette formule n'a pas chez lui le même sens que chez Babeuf et avant lui chez Brissot (Sur la propriété et le vol, 1780); chez Babeuf et Brissot, la critique de la propriété reposait sur l'idée du droit à la vie. Quant à la réorganisation du crédit, la doctrine positive de Proudhon, elle fait penser aux Labour Exchanges d'Owen ; mais elle procède probablement du saint-simonisme auquel Proudhon aurait emprunté l'idée d'une réorganisation du crédit, en la transformant et en rejetant le reste de leur théorie collectiviste. Louis Blanc, n'accepte pas le principe saint-simonien de répartition et conserve le vieux principe communiste : A chacun suivant ses besoins ; et s'il pense, à la différence de Proudhon, que « l'organisation du travail » (c'est une expression saint-simonienne) ne peut être opérée que par l'Etat créant des «ateliers sociaux», des coopératives de production, Louis Blanc s'écarte des saint-simoniens en réclamant le suffrage universel et en déclarant, comme Pierre Leroux, que, pour devenir le serviteur de tous, au lieu de rester le maître de tous, l'État doit devenir républicain. Chez Blanqui enfin, on peut reconnaître l'influence de Pierre Leroux, c.-à-d. du saint-simonisme républicain, et celle du babouvisme; c'est un conspirateur; il croit avant tout à la vertu de la force révolutionnaire pour détruire les survivances du passé, les injustices du présent; il en viendra même, après 1848, à croire plus à l'action d'une minorité révolutionnaire qu'à celle du suffrage universel; mais d'autre part, c'est aussi un évolutionniste ; il conçoit le rôle de la révolution comme tout négatif : il n'admet pas, comme Louis Blanc, que la Révolution doive avoir pour but de réaliser un programme précis de réformes conçu à l'avance; il rejette comme utopique toute description de la société future, celles des saints-simoniens et de Pierre Leroux comme les autres; son Communisme n'est qu'une tendance et se définit surtout par la négation de la propriété individuelle d'aujourd'hui; il finira par écrire dans la dernière partie de sa vie : «L'organisme social ne saurait être l'ouvrage d'un seul, ni de quelques-uns» ; il se forme « par le temps, les tàtonnements, l'expérience progressive, par un courant spontané...» ; il comparera la société à un fleuve. « Abaissez les obstacles, créez-lui une pente, mais n' ayez pas la prétention de créer le fleuve ». Le vague de son Communisme tient sans doute en grande partie à ce qu'il fut un homme d'action plus qu'un théoricien. Le socialisme français de la monarchie de Juillet aboutit à la Révolution de 1848, où il fut écrasé, et qui éclaira d'une tragique, lumière la force supérieure de la bourgeoisie possédante et l'antagonisme entre ses intérêts et ceux du prolétariat. En France, en Angleterre, dans l'Europe entière, le socialisme parut à ce moment définitivement vaincu. Deux systèmes socialistes cependant venaient d'être constitués par des Allemands, qui devaient fournir des théories au mouvement socialiste quand celui-ci recommença une quinzaine d'années plus tard. Marx et Robertus ont travaillé jusqu'à la fin de leur vie à compléter leur doctrine ; mais les traits essentiels en étaient fixés dès l'époque à laquelle nous sommes arrivés, et c'est ici le lieu de montrer ce qu'ils doivent d'un côté à la philosophie allemande du droit et à la tradition administrative de la Prusse, d'un autre côté aux premiers socialistes français et anglais. La conception prussienne de l'État et la conception française révolutionnaire d'un droit idéal ont agi l'une et l'autre sur l'esprit de Fichte et sur celui de Hegel. Fichte Hegel Le seul socialiste allemand notable de cette époque, qui n'ait pas subi l'influence de Hegel, est le tailleur Weitling, chez lequel on retrouve des formules de Rousseau et un Communisme inspiré de Fourier et de Cabet (Die Menschheit, wie sie ist und sein Solle, 1835; Garantien und Harmonien der Freiheit, 1842). Chez les autres socialistes allemands de cette époque, il y a un effort pour combiner les idées de Hegel avec celle des socialistes français et, en particulier, avec le collectivisme saint-simonien; Hegel, Sismondi, le saint-simonisme, voilà trois des influences les plus fortes qui se soient exercées sur Marx et Rodbertus, les plus illustres parmi ces socialistes. (René Berthelot, 1900). |
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