| Esprit, titre donné à certains livres où l'on a recueilli les pensées, les maximes, les traits ou passages remarquables d'un écrivain célèbre. Nous avons l'Esprit de Leibniz, de Fontenelle, de Montaigne, etc., tous ouvrages qui donnent, non un recueil de traits spirituels, mais l'esprit, c.-à-d. la quintessence d'écrits plus considérables. Un livre de ce genre a été intitulé le Génie de Bossuet, probablement parce qu'on a considéré que cet illustre auteur fut un homme de génie et non un homme d'esprit; mais ce n'est pas prendre le mot esprit comme titre de livre. En général, les Esprits sont des compilations mal faites, où le choix et la distribution des morceaux se rapportent à un plan plus ou moins heureux; l'utilité en est contestable d'ailleurs, les ouvrages dont on fait des extraits étant le plus souvent très répandus, lus et relus en entier. (B.). | |
| Le livre de l'Esprit, ouvrage publié en 1758 par Helvétius, et l'un de ceux qui firent le plus de bruit et de scandale au XVIIIe siècle. Qu'il ait été composé sérieusement, ou que l'auteur, comme le pensaient Mme de Graffigny, J.-J. Rousseau, Mme Du Deffant et beaucoup d'autres, se soit proposé seulement de faire briller ses idées et son style, ce n'en est pas moins un livre dangereux. Il est écrit avec assez de correction et d'élégance, quoique diffus. Helvétius attribue la supériorité de l'homme sur la brute uniquement à la perfection de son organisme, et réduit nos facultés à la sensibilité physique. Il traite de préjugés les sentiments religieux, les plus nobles sentiments, les vertus, et n'y voit que des moyens qu'on se crée pour arriver au bien-être; il préconise l'intérêt personnel et l'égoïsme le plus brutal; il érige les plaisirs des sens en système politique et social. Le livre De l'Esprit, condamné par le pape, les évêques, la Faculté de théologie, fut brûlé publiquement en vertu d'un arrêt du Parlement, malgré trois rétractations de l'auteur. Voltaire a dit de ce livre : "Le titre est louche; l'ouvrage est sans méthode; il y a là beaucoup de choses communes ou superficielles, et le neuf y est faux ou problématique." |
| L'Esprit des lois, ouvrage célèbre de Montesquieu, publié en 1748 : "II a pour objet, dit l'auteur, les lois, les coutumes et les divers usages de tous les peuples de la terre; il embrasse toutes les institutions qui sont reçues parmi les hommes; il examine celles qui conviennent le mieux à la société et à chaque société; il en cherche l'origine; il en découvre les causes physiques et morales; il examine celles qui ont un degré de bonté par elles-mêmes et celles qui n'en ont aucun; de deux pratiques pernicieuses il cherche celle qui l'est plus et celle qui l'est moins; il discute celles qui peuvent avoir de bons effets à un certain égard et de mauvais dans un autre." Montesquieu ne part point de l'absolu et ne considère pas les lois dans leur rapport avec la justice éternelle : il les prend telles qu'il les rencontre, et voit pourquoi dans tel lieu, dans tel temps, chez tel peuple, elles se sont produites avec tel caractère et non autrement, et quelles conséquences en ont découlé. Ce n'est point un réformateur qui vient déclarer la guerre au présent : il juge le passé, et décrit par allusion le présent sans colère et sans haine.; il se rend compte de tout, et ne proscrit rien. En jetant les yeux sur les différents gouvernements des peuples, Montesquieu les ramène à trois grandes formes : la république, où la loi, consentie par tous, domine seule; la monarchie, où le prince fait des lois qu'il est tenu de respecter; et le despotisme, où la volonté du chef tient lieu de loi. Il détermine les conditions de stabilité pour ces gouvernements d'après leur nature. Au fond, il est facile de voir ce qu'il souhaitait pour la France : sa pensée est exprimée à demi-mot dans le chapitre sur la Constitution anglaise. L'influence de ses idées devait puissamment contribuer à introduire chez nous le gouvernement constitutionnel. Bien des critiques ont été adressées à l'Esprit des lois : les divisions ne sont pas toujours claires et rigoureuses; l'ordonnance n'a pas toute la régularité désirable; l'auteur emprunte souvent ses exemples à des voyageurs suspects ou à des écrivains discrédités; parfois il tire de faits trop particuliers des conclusions trop étendues; pas toujours assez simple dans son langage, il affecte en certains endroits une concision qui nuit à la clarté, et vise à l'expression sentencieuse et brillante. L'Esprit des lois n'en est pas moins un des livres les plus originaux et les plus utiles de notre littérature, remarquable par la sagacité, la sûreté du coup d'oeil, la profondeur philosophique, et aussi par un sérieux amour de la justice, de la liberté et du progrès. |