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Ysbrantz Ides

Everard Ysbrantz Ides, est un voyageur allemand au XVIIe siècle, était né à Glukstadt, dans le Holstein. Son goût pour les courses lointaines le conduisit en Russie, où il établit une maison de commerce. Pierre le Grand se l'attacha, et eut recours à ses conseils, pour faire fleurir le commerce dans son vaste empire. Ce prince avait conclu, en 1689, avec la Chine, un traité qui fixait les limites des deux Etats. Trois ans après, il jeta les yeux sur Ides pour aller à Pékin confirmer le traité, et prendre des arrangements plus positifs pour les relations commerciales.

Ysbrantz Ides partit de Moscou le 11 mars 1692, traversa la Tartarie, la Sibérie; le 27 octobre, il vit la Grande muraille, et le 5 novembre , il entra dans Pékin. Le voyage avait été bien pénible au milieu des hordes sauvages de l'Asie; mais une fois arrivé en Chine, Ides fut accueilli partout avec distinction, et, on peut ajouter, avec des marques d'une amitié et d'une confiance que n'ont pas obtenues des ambassadeurs envoyés plus tard dans cet empire.

Par ordre de l'empereur mandchou Kangxi, on le conduisit dans le couvent des jésuites, où il séjourna. Il éprouva ensuite quelques désagréments, auxquels il était loin de s'attendre. Les présents qu'il avait apportés furent refusés; mais il fut personnellement très bien traité de l'empereur, et il remplit parfaitement l'objet de sa mission. 

A sa première audience, le P. Gerbillon lui servit d'interprète, et lui parla
italien, parce qu'Ides avait déclaré ne savoir pas le latin. Il quitta Pékin le 19 février 1693, et courut de grands dangers dans les déserts de la Sibérie, où son camp faillit être consumé par le feu que les Tartares avaient mis aux plantes sèches; il souffrit aussi beaucoup de la faim, et entra dans Moscou le 19 janvier 1694.

Ides visita aussi Arkhangelsk et y séjourna quelque temps; il portait le titre de conseiller impérial de commerce, et mourut vers 1700.

On ne sait pas précisément en quelle année parut, pour la première fois, la relation de son voyage, écrite par lui-même. Des auteurs ont avancé qu'elle fut publiée en 1696, et en hollandais, mais ils ne citent que des catalogues à l'appui de cette assertion; et il n'en est nullement question dans la préface de l'édition suivante, que l'on peut regarder comme la première: elle est en hollandais; en voici le titre: Voyage de l'ambassadeur moscovite, E. Y. Ides, de Moscou à la Chine, fait par terre par la grande Oustiga, la Sirianie, la Permie, la Sibérie, la Daourie et la grande Tartarie, et qui a duré trois ans; contenant la description des moeurs des peuples, etc., et enrichi d'une carte et de beaucoup de figures dessinées par l'ambassadeur; en outre, d'une description de la Chine, écrite par un Chinois dans sa langue, et traduite pour la première fois en hollandais avec des remarques, Amsterdam, 1701.

L'éditeur François Halma, dans sa préface , annonce que Nicolas Witsen, bourgmestre d'Amsterdam et géographe habile, lui a remis cet ouvrage. Ides avait, le 21 mai 1693, envoyé tous ses papiers à Witsen, en le priant de se charger de leur publication : l'on est donc fondé à considérer cette édition comme originale. Il y en a une traduction allemande, Francfort; 1701; une française, insérée dans le tome 8 du Recueil des Voyages au Nord, et une anglaise, Londres, 1706.

Ides n'est pas un voyageur instruit, maais il est sensé, bon observateur et véridique. Il est le premier qui ait décrit, en détail, la route par terre de Moscou à la Chine, et donné des notions précises sur plusieurs populations qui habitent entre l'Oural et la Grande muraille. Les figures qu'il a jointes à sa relation sont bien faites; elles manquent dans la version française. Il s'était servi, pour son voyage, d'une carte de Witsen, gravée en 1687. Il la corrigea d'après ses observations, et la transmit a son ami. Celle que ce dernier dressa, en conséquence, est encore bien fautive. 

Le Mémoire sur la Chine contient beaucoup d'observations qui rectifient les récits des voyageurs européens : il ne se trouve pas dans la version française. Un Allemand, Adam Brand, natif de Lubeck, et marchand à Moscou, avait suivi l'ambassade russe en Chine; à son retour, il revint dans son pays, ou il fit des affaires considérables, reçut chez lui, en 1647, plusieurs personnes de distinction de la suite du tsar, voyagea ensuite au Danemark et en Allemagne, fit goûter à Berlin un projet de commerce avec la Perse, que la mort du roi, en 1713, fil évanouir, et alla demeurer à Königsberg, où il finit ses jours. Il paraît que cet homme, dont Ides ne fait pas mention une seule fois dons son livre, voulut être le premier à publier la relation . de l'ambassade. Il la fit imprimer, en allemand, sous ce titre : Relation du voyage de M. Everard Ysbrantz , ambassadeur de S. M, tsarienne à la Chine, en 1694, 93 et 91, Hambourg, 1698, in-12; traduite en français avec une Lettre sur l'état présent de la Moscovie, Amsterdam, 1699, in-12.

Brand avait envoyé un extrait de son manuscrit à Leibniz, qui le traduisit en latin, et l'inséra dans son recueil intitulé Novissima Sinica, 1697, in-12. La Gazette littéraire de Leipzig, de 1722, contient une lettre de cet homme illustre, qui manifeste sa joie d'avoir obtenu ce récit succinct : on la conçoit, puisqu'il ne connaissait pas celui d'Ides. L'ouvrage de Brand est très maigre, et souvent fautif. Il suffit de comparer les deux productions pour voir que cette dernière, n'apprend rien qui ne se trouve dans l'autre, et qu'elle omet plusieurs choses importantes. Elle a néanmoins été traduite en plusieurs langues, et réimprimée plusieurs fois en Allemagne, toujours avec de nouvelles additions, tirées soit du livre d'Ides, soit du récit de différents voyageurs.

L'éditeur des Voyages au Nord a pris la peine de relever les fautes de l'édition française, et les a mises au bas des pages de la traduction de l'ouvrage d'Ides. La prétendue lettre écrite de Russie n'offre qu'un extrait de ce que l'on avait récemment publié sur ce pays jusqu'au retour de Pierre le Grand dans ses Etats. La carte ne ressemble pas à celle d'Ides; les positions n'y sont marquées que par des chiffres. Plusieurs bibliographes, trompés par la ressemblance des noms Ysbrantz et Brand, ont confondu les deux auteurs, et Voltaire, induit en erreur par une faute de copiste, a nommé l'ambassadeur russe llbrand lde. (E-s.).

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