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Aperçu | Les pièces de Corneille | Caractères de son théâtre |
Aucune oeuvre dramatique
n'offre à la fois plus de variété et d'unité
que celle de Corneille. Il a touché tous les genres : comédie,
comédie héroïque, tragédie,
mis sur la scène les pays et les époques les plus différentes
de l'Antiquité; imaginé
les situations les plus diverses. Mais toujours ses héros se reconnaissent
à leur indomptable énergie. On apprend d'eux jusqu'où
peuvent aller les forces humaines et il n'est pas de leçon plus
salutaire. Corneille est un des grands poètes idéalistes
et l'on peut appliquer à son théâtre le mot de La
Bruyère :
« Quand une lecture vous élève l'esprit et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l'ouvrage : il est bon et fait de main d'ouvrier ». Théories littérairesLa conception qu'avait Corneille de la tragédie est le résultat de réflexions consciencieuses sur son art. Depuis les Sentiments de l'Académie sur le Cid, il n'a cessé dans ses Discours, ses Préfaces, ses Examens, de poser des principes et de discuter des critiques.Corneille et les
règles d'Aristote.
A partir d'Horace, Corneille s'astreint aux règles, mais non sans ergoter ni protester. On sait, en effet, qu'il a écrit, pour son édition complète de 1660, des examens critiques de ses pièces (de Mélite à Oedipe), et qu'à la même date il a publié trois discours (un en tête de chacun des trois volumes) : De l'Utilité et des Parties du poème dramatique, De la Tragédie et des Moyens de la traiter selon le vraisemblable ou le nécessaire, Des Trois Unités d'action, de jour et de lieu. Si Corneille crut devoir, à cette date, raisonner sur son système et sur chacune de ses pièces, c'est, à n'en pas douter, quoiqu'il ne nomme jamais cet ouvrage, pour réfuter. les critiques que lui adressait directement ou indirectement l'abbé d'Aubignac, dans sa Pratique du Médire (parue en 1657). On sent, dans ces discussions très normandes, que Corneille a la prétention de s'être conformé aux règles, mais qu'il en élargit le sens et la définition pour les accommoder à certaines libertés qu'il a prises. La vérité, c'est que choisissant des sujets historiques et les compliquant encore, Corneille est à l'étroit dans les vingt-quatre heures et dans l'unité de lieu; mais que, d'autre part, son génie consistant surtout à réduire ses actions à une crise essentielle de la volonté, les unités lui furent une contrainte utile. Il ne s'est pas douté que ces mêmes crises d'énergie, diluées dans une action de plusieurs jours, ne donneraient pas la même impression de fermeté et d'héroïsme. De plus, il a toujours pensé se soumettre à des règles fictives, imposées par un petit groupe de connaisseurs auquel, depuis le Cid, il ne voulait plus déplaire; il n'a pas senti que le public tout entier, composé presque exclusivement depuis 1636 de gens du monde et de bourgeois instruits, tendait d'instinct à cette recherche de la vraisemblance, que Racine, après lui, devait réaliser si aisément. Nature de l'intérêt dans la tragédie. Il est entendu que La poésie dramatique a pour but le seul plaisir du spectateur. (Discours sur le poème dramatique).Mais tandis que la tragi-comédie avait cherché à faire naître ce plaisir de la multiplicité des événements, Corneille a établi que, dans la tragédie, l'action devait être une, et, par là, il a fondé la tragédie classique. Car dès lors l'intérêt du drame est tout entier dans la préparation morale d'un événement unique, dans le jeu des sentiments et des passions qui amène au dénouement comme à une conclusion logique : Dans le dénouement je trouve deux choses à éviter : le simple changemnent de volonté et la machine. (Discours sur les trois unités).Grandeur des caractères. Toutefois si l'on veut que nous suivions avec émotion les différents mouvements d'une âme, il faut qu'elle sorte de la moyenne, en bien ou en mal : S'il m'est permis de dire mes conjectures sur ce qu'Aristote nous demande [...] je crois que c'est le caractère brillant et élevé d'une habitude vertueuse ou criminelle [...] Cléopâtre dans Rodogune est très méchante [...] mais tous ses crimes sont accompagnés d'une grandeur d'âme qui a quelque chose de si haut, qu'en même temps qu'on déteste ses actions, on admire la source dont elles partent. (Discours sur le poème dramatique).Si la force du héros doit provoquer l'admiration, on devra bannir de la tragédie les faiblesses du coeur, l'amour surtout : J'ai cru jusqu'ici que l'amour était une passion trop chargée de faiblesse pour être la dominante dans une pièce héroïque; j'aime qu'elle y serve d'ornement et non pas de corps. (Lettre à Saint-Evremond, 1666).Grandeur des sujets. Il faut naturellement que ces grandes âmes aient l'occasion de se manifester. Le poète est donc amené à chercher de grands sujets : La dignité de la tragédie demande quelque grand intérêt d'Etat ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, telles que sont l'ambition et la vengeance. (Discours du poème dramatique).Seulement, pour être accepté du spectateur, il faut que cet invraisemblable soit vrai, garanti par « l'autorité de l'histoire ». Les sujets devront être historiques : Il n'y a aucune liberté d'inventer la principale action. (Discours de la tragédie).En résumé mettre en lumière une personnalité forte aux prises avec une situation « hors de l'ordre commun » mais fournie par l'histoire, voilà ce qu'est pour Corneille une tragédie. Les comédies de CorneilleCe système dramatique, on l'a vu, ne date que du Cid. Dans ses comédies, Corneille en est encore à le chercher.Souci de la vérité.
Il est visible surtout dans l'analyse des sentiments. Toutes les pièces reposent sur une intrigue d'amour. Des jeunes gens s'aiment, se quittent, se retrouvent et Corneille en déduit finement les raisons (La Veuve, I, 1). Il marque curieusement déjà l'influence que peut avoir la volonté sur l'amour : Comptes-tu mon esprit entre le ordinaires?La conduite de l'intrigue. Entre autres mérites, les comédies de Corneille ont eu celui de lui apprendre à mener à bien une intrigue embrouillée. Il faut plusieurs pages à l'auteur pour exposer le sujet de Clitandre. Dorante, le Menteur, secondé par son valet Cliton , ne reste jamais à court d'inventions nouvelles. S'il finit par s'y perdre, le poète, lui, s'y reconnaît toujours. C'est bien la même ingéniosité qui agencera Rodogune et Héraclius. La volonté dans les tragédies de CorneilleCe qui manque le plus à ces comédies, c'est le comique. Corneille était plus porté à montrer la grandeur de l'homme qu'à observer ses ridicules, et dès Médée, sa première tragédie, c'est la grandeur qu'il s'est attaché à mettre en lumière.La volonté
marque de la supériorité morale.
Je ne remarque en nous qu'une seule chose qui nous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l'usage de notre libre arbitre et l'empire que nous avons sur nos volontés. (Traité des passions de l'âme, article 152).C'est donc cette maîtrise de soi, cette énergie guidée par la raison vers un but déterminé, qui peuvent provoquer l'admiration. Elles sont belles en elles-mêmes, en dehors de la nature de l'objet poursuivi. Les héros.
a)
Les héros vertueux.
Je le ferais encor si j'avais à le faire. (Le Cid, III, 4).Horace voit en son futur beau-frère un ennemi, dès qu'il a été choisi comme champion d'Albe : Albe vous a nommé, je ne vous connais plus. (Horace, II, 3).Cornélie rend justice à César, mais ne cessera pas néanmoins de le poursuivre (Pompée, V, 4). b)
Les héros criminels.
Les pleutres.
Ah! ne me brouillez pas avec la République! (Nicomède, II, 3). L'ActionLa tragédie consiste dans le spectacle de ces volontés agissant en vue de la fin qu'elles se sont proposée.Les sujets.
Les
situations extraordinaires.
Tendance
à la complication.
Il ne lui suffit pas qu'une soeur des Horaces ait été fiancée à un des Curiaces; il suppose encore qu'une soeur des Curiaces est mariée à l'un des Horaces. Ainsi, ce qui frappait déjà dans l'histoire, le sacrifice de l'amour au patriotisme, devient ici plus surprenant. Il ne lui suffit pas que Polyeucte, récemment marié à Pauline, lui préfère le martyre; il faut qu'un rival, Sévère, apparaisse entre les deux époux, pour montrer que la jalousie n'a pas de prise sur Polyeucte, et pour donner à Pauline l'occasion de choisir et de manifester, elle aussi, l'excellence de sa volonté. Il ne lui suffit pas qu'Auguste pardonne à un seul ingrat, Cinna; il faut que l'âme de cette conjuration soit la fille adoptive d'Auguste, Émilie, et que Maxime aussi soit un traître; ainsi, le pardon sera une triple victoire sur la plus légitime colère. Afin de mettre un tyran usurpateur et meurtrier en présence de deux jeunes gens, dont l'un est son fils et l'autre son ennemi, sans qu'il sache lequel est son fils (Héraclius) : Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses. (Héraclius, IV, 4).Il faut tant de combinaisons que Corneille en personne renonce à les exposer clairement ( l'examen d'Héraclius). Quand il reprend le sujet d'Oedipe à Sophocle, il y ajoute les amours de Thésée et Dircé et suppose quatre oracles successifs au lieu d'un. Traitant le sujet de Tite et Bérénice où Racine verra seulement une femme entre deux amants, Corneille suppose que Tite aime Bérénice, mais qu'il doit épouser Domitie, laquelle de son côté aime Domitian et en est aimée. Ainsi l'action se trouve composée d'une double intrigue. Il est des pièces comme Sertorius, Attila, Pulchérie où elle est triple. Dans tous ces renforcements de l'action, Corneille ne dépasse pas dans ses chefs-d'oeuvre les limites de l'énergie humaine; mais ou sent qu'il est de plus en plus tenté par la difficulté; ses héros deviennent des acrobates de la volonté, à la fois par leur vigueur et par l'inanité de leurs tours ; ils se créent à eux-mêmes des obstacles pour le plaisir d'en triompher, et leur victoire ou leur sacrifice n'importe plus à la grandeur humaine. Ainsi, la rivalité de Cléopâtre et de Rodogune, celle de Viriate et d'Aricie dans Sertorius, la lutte de Grimoald et de Rodelinde dans Pertharite, - autant d'actions qui ne sont telles que parce que le poète l'a ainsi voulu, et qui sortent non plus du commun, mais du possible. L'effort douloureux.
Que je sens de rudes combats!Curiace souffre d'avoir à combattre Horace. Ce sont alors les victoires successives du héros sur lui-même, en présence de divers obstacles, qui constituent l'action. Chimène poursuit Rodrigue malgré son amour pour lui, malgré deux entrevues attendrissantes (III, 4 et V, 1), malgré la gloire dont il se couvre contre les Maures, malgré sa victoire sur Don Sanche, qui sont autant de raisons de l'aimer plus. Polyeucte se détache progressivement du monde jusqu'à rechercher le martyre et à céder Pauline à Sévère qu'elle a aimé. Cinna renoncerait à sa conjuration contre Auguste, s'il ne se faisait violence par amour pour l'inflexible Emilie, etc. C'est l'action la plus émouvante parce que la pitié se mêle à l'admiration. L'effort impassible.
L'effort politique.
Ce sont intrigues de cabinet qui se détruisent les unes les autres. (Préface d'Othon).Il n'y a plus là ni souffrance, ni grandeur; il n'y a que de la virtuosité dans l'intrigue et une fade galanterie qui nous laissent indifférents. L'action ascendante.
Le Cid : il ne dépend de Rodrigue ni que son père soit insulté par le comte, ni que les Maures débarquent à Séville; mais il dépend de lui de provoquer le comte et de le tuer, malgré son amour pour Chimène, et de risquer un combat inégal et héroïque contre les Maures.Nous disons que, d'autre part, cette action est ascendante. En effet, la situation s'aggrave d'acte en acte; les événements semblent porter un défi à la résistance morale des personnages. Dans Horace, c'est déjà un déchirement pour Curiace et pour Sabine que les Horaces soient désignés par le sort; mais quel coup de théâtre quand les Curiaces eux-mêmes ont été choisis par Albe! Le vieil Horace est déjà profondément troublé, quand il voit ses fils et son gendre partir pour un combat où ils doivent s'entretuer; mais quelle épreuve pour son coeur de Romain et de père quand il apprend la mort de deux de ses fils, et la fuite du troisième! Et quand il est revenu de cette erreur, voilà ce glorieux fils qui se souille par le meurtre de sa soeur, et qui est menacé de périr comme un criminel! Ainsi, l'action monte toujours, pour éprouver et pour exalter l'énergie. Analysez à ce point de vue Cinna, Polyeucte, Pompée, Nicomède. Les caractères et les passionsLa Bruyère dit que Corneille a peint les hommes tels qu'ils devraient être. En effet, les héros incarnent, nous l'avons déjà indiqué, une volonté maîtresse d'elle-même, une raison qui règne en souveraine sur la sensibilité et qui la tyrannise, une clairvoyance morale toujours en défiance d'elle-même. De grands sentiments - qu'ils s'appuient ou non sur des chimères, peu importe ici - les animent : le devoir filial (Rodrigue), l'honneur (Don Diègue), le patriotisme (Horace, Nicomède), la clémence (Auguste), l'amour de Dieu (Polyeucte), la fidélité conjugale (Pauline, Cornélie), la dignité royale (Nicomède), etc.Les personnages subalternes eux-mêmes sont des entêtés : un comte de Gormas, un Félix, un Ptolémée, une Arsinoé, veulent avec âpreté. Enfin, quelques héroïnes appliquent leur volonté à la poursuite de leur satisfaction personnelle ou de leur vengeance : telles Camille, Émilie, Rodogune et Cléopâtre. Mais tous, on le voit, à des degrés divers, avec des buts différents, sont des énergies en action. Quelle place Corneille donne-t-il à l'amour, qui, de toutes les passions, est celle qui détermine le plus de conflits tragiques? On cite toujours cette déclaration tirée d'une lettre à Saint-Evremond (1666) : « J'ai cru jusques ici que l'amour était une passion trop chargée de faiblesse pour être la dominante dans une pièce héroïque; j'aime, qu'elle y serve d'ornement, et non pas de corps. »Par ces mots, Corneille ne caractérise qu'un petit nombre de ses pièces, où l'amour n'est, en effet qu'un ornement que l'on pourrait supprimer : Héraclius, Nicomède, Oedipe, Attila. Dans presque toutes les autres, l'amour, loin d'être un ornement, crée la difficulté morale et rend le devoir surhumain. Le Cid changerait de nature si Rodrigue et Chimène s'aimaient; c'est par amour pour Émilie que Cinna conspire, et que Maxime trahit Cinna; sans amour, que deviendrait le sujet de Polyeucte, et même celui de Rodogune, pour ne pas parler d'Othon et d'Agésilas? Il faut donc corriger la déclaration de Corneille en disant que, dans la plus grande partie de ses tragédies, il y a de l'amour, et de l'amour qui fait corps avec le sujet; mais en ajoutant deux remarques essentielles : a) cet amour n'est pas, comme chez Racine, la passion maîtresse et le ressort unique; il est en lutte avec un intérêt supérieur, et il doit être vaincu; Moralité du théâtre de CorneilleCet empire de la volonté sur les passions, même sur les plus, naturelles, fait proprement la moralité du théâtre de Corneille. Mais il faut préciser celle question de la morale de Corneille, et expliquer pourquoi le théâtre de Corneille est une « école de grandeur d'âme » (Voltaire).a) Corneille, dans ses plus belles tragédies, pose des « problèmes moraux-» et des « cas de conscience ». L'exemple, est rare et tragique; mais il évoque des cas analogues, plus ordinaires, auxquels la leçon peut s'appliquer et la beauté de ces problèmes vient, on ne le remarque pas assez de ce que le héros se trouve pris non pas entre le devoir et la passion (car la plus élémentaire morale nous oblige à choisir le devoir, et dans ce choix, il peut y avoir du mérite, mais non pas de la grandeur et, encore moins de l'héroïsme), mais entre deux devoirs, qui le sollicitent d'abord également, mais dont l'un doit triompher de l'autre. Croyez bien que Rodrigue, Curiace, Auguste, Pauline n'hésiteraient pas un instant s'ils avaient à se décider entre la vertu et le vice, entre le courage et lâcheté. Pour ne retenir qu'un de ces personnages, Auguste ne peut-il pas, ne doit-il pas hésiter entre son devoir de chef d'Etat qui est de punir, et son devoir d'homme qui est de pardonner? Ne peut-il craindre de se, tromper, et n'a-t-il pas raison de s'interroger avec angoisse?Voilà pourquoi le théâtre de Corneille provoque l'admiration. Par les sujets, par la nature des passions, par le mécanisme moral des héros, il nous élève au-dessus des choses mesquines ou des tentations troublantes. Mais surtout il nous donne confiance en la force de la nature humaine. Nous ne nous savions pas si bien doués pour la lutte, si supérieurs à la vie banale, si capables de connaître notre vrai devoir, si vigoureux à le remplir, si pleinement satisfaits par le seul témoignage de notre conscience. De là, une contagion de grandeur qui se dégage du Cid, d'Horace, de Cinna, de Polyeucte, et même de Pompée, de Sertorius et de tant d'autres pièces. Car le commencement de l'héroïsme est l'admiration de la vertu. L'emploi de l'histoire. L' « invention » chez CorneilleLes circonstances historiques elles ont une place importante dans la tragédie de Corneille, puisqu'elles doivent garantir l'authenticité de la situation. Si nous mettons à part Médée, le Cid, Oedipe, Corneille n'imite pas des pièces antérieures. Il choisit ses sujets dans l'histoire; car il pense que « le sujet d'une belle tragédie doit être extraordinaire »; mais, en même temps, il veut que l'histoire «-authentique » ce sujet. Que cherche-t-il, en effet? Des exemples d'énergie humaine. Il lui faut de ces cas rares et vrais tout ensemble, dont la volonté n'ait pu sortir qu'au prix d'un effort, mais d'un effort tout humain. Il écarte donc le merveilleux comme le banal; et c'est bien l'histoire, laquelle est en quelque sorte le registre des actes surhumains de la volonté humaine, qui doit l'inspirer.1° Modifications
apportées à l'histoire.
2° La vérité
politique.
Mon principal but a été de peindre la politique des Romains au dehors et comme ils agissaient impérieusement avec les rois leurs alliés. (Examen de Nicomède).Polyeucte, c'est la lutte de l'empire contre le christianisme. Othon, ce sont les intrigues qui entourent la succession impériale. La politique a été la passion des Condé, des Retz et de leurs contemporains. Ils la trouvaient dans Corneille et c'est pourquoi ils le proclamaient grand historien (Saint-Evremond, Dissertation sur Alexandre). 3° Corneille
et Rome.
Voilà ce qui a porté Corneille à se faire spécialement le peintre de Rome : Rome des rois (Horace), Rome républicaine (Sophonisbe, Nicomède, Sertorius, Pompée), Rome impériale (Cinna, Othon, Tite et Bérénice, Polyeucte, Théodore). Le type du Romain idéalisé par Tite-Live, Lucain ou Sénèque, s'accordait à merveille avec la conception héroïque de Corneille. Il n'est donc pas surprenant que Corneille ait tant puisé à cette souce, y soit sans cesse revenu, et ait encore donné l'allure et le langage romain à presque tous ses héros, fussent-ils byzantins ou syriens. On retrouverait facilement dans son théâtre la trace de toutes les vertus supposées de Rome. Le « Qu'il mourût » du vieil Horace, (Horace, III, 6) est le cri du patriotisme romain. La haine des rois est dans ces vers de Maxime : Considérez d'ailleurs que vous régnez dans Rome,Le tableau des guerres civiles avec l'amour de la liberté est dans le discours de Cinna (Cinna, I, 3); dans Nicomède enfin l'ambassadeur Flaminius porte comme un reflet de la puissance romaine (Nicomède, II, 3). Le style de CorneilleCorneille est un des plus grands écrivains français en vers, et peut-être le plus grand. Il n'est pas poète, du moins au sens où l'entendent les romantiques; il est sobre d'images; il développe des raisonnements et des idées, plutôt qu'il n'exprime des sensations. Il discute, il distingue, il accuse, il réplique, il gourmande la sensibilité par la voix de la volonté; bref, il est orateur. Il a toutes les qualités de la plus belle rhétorique; il en a aussi les défauts : la subtilité, l'emphase, la déclamation. Mais ce qui frappe le plus chez lui, c'est l'admirable propriété d'un vocabulaire le plus souvent abstrait, où les nuances et les degrés du raisonnement sont marqués avec une merveilleuse sûreté.De plus, ce style a toujours une gravité robuste, et vraiment dramatique; rien de mièvre, d'incertain, de vague. On sent, au théâtre, la vigueur toute scénique de cette langue et de ce style. Chez Corneille, les caractères, l'action, les tableaux d'histoire, tout tend à faire saillir ces volontés héroïques où se reconnaît l'humanité supérieure. Le style lui-même est par excellence un style d'action. Le raisonnement.
Ah! Rodrigue, il est vrai, quoique ton ennemie, etc.On verra que les différents développements (1° tu as fait ton devoir; 2° j'ai le mien aussi; 3° il est douloureux; 4° mais je n'y faillirai pas) se terminent chacun par deux vers très nets qui les résument et annoncent le suivant : 1° Tu n'as fait le devoir que d'un homme de bien,La force et le mouvement. Le rythme du style accompagne le rythme de l'action. Car, si Corneille excelle à développer avec ordre et logique une série d'arguments et à composer de longs discours (IIe acte de Cinna, IVe acte d'Horace, IVe acte de Sertorius, etc.), il n'est pas moins habile soit à formuler de courtes et inspiratrices maximes, soit à disposer un dialogue en répliques antithétiques, dont les vers étincelants se croisent comme les attaques et les ripostes de deux épées. Aussi les qualités dominantes du style de Corneille sont-elles des qualités oratoires, la force et le mouvement. La pensée alors a tendance à se condenser en un ou deux vers vigoureux : Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien néesSouvent aussi les répliques s'entrecroisent rapides, vers par vers : MAXIME. - Quel est votre dessein après ces beaux discours?Parfois même un hémistiche s'oppose à un hémistiche : LE COMTE. - Retire-toi d'ici.La poésie. Les vers purement poétiques ou pittoresques comme creux-ci sont rares : Je cherche le silence et la nuit pour pleurer. (Le Cid, III, 4).Les personnages compriment leur douleur, ou, tout entiers à l'action, ne s'arrêtent pas aux réalités sensibles. Mais pourtant la poésie jaillit vigoureuse quand ils en arrivent à un degré d'exaltation sublime : voir les stances du Cid (I, 6), de Polyeucte (IV, 2 ) et dans les mêmes pièces les dialogues lyriques de Chimène et Rodrigue (III, 4), de Polyeucte et Pauline (IV, 3). Souvent c'est un cri superbe où s'affirme la force : Paraissez Navarrais, Maures et Castillans. (Le Cid, V, 1). (E. Abry/ Ch.-M.
Des Granges).
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