Je te prends sur le livre. DORIMANT.
Eh bien, qu'en veux-tu dire?
Tant d'excellents esprits qui se mêlent d'écrire
Valent bien qu'on leur donne une heure de loisir.
LYSANDRE.
Y trouves-tu toujours une heure de plaisir?
Beaucoup font bien des vers, mais peu la comédie.
DORIMANT.
Ton goût, je m'en assure, est pour la Normandie...
LYSANDRE.
... Tel parle d'amour sans aucune pratique.
DORIMANT.
On n'y sait guère alors que la vieille rubrique;
Faute de le connaître, on l'habille en fureur;
Et, loin d'en faire envie, on nous en fait horreur.
Lui seul de ses effets a droit de nous instruire;
Notre plume à lui seul doit se laisser conduire;
Pour en bien discourir, il faut l'avoir bien fait.
Un bon poète ne vient que d'un amant parfait.
LYSANDRE.
Il n'en faut point douter, l'amour a des tendresses
Que nous n'apprenons point qu'auprès de nos maîtresses.
Tant de sortes d'appas, de doux saisissements,
D'agréables langueurs et de ravissements,
Jusques où d'un bel oeil peut s'étendre l'empire,
Et mille autres secrets que l'on ne saurait dire,
Quoi que tous nos rimeurs en mettent par écrit,
Ne se surent jamais par un effort d'esprit;
Et je n'ai jamais vu de cervelles bien faites
Qui traitassent l'amour à la façon des poètes
C'est tout un autre jeu....
O pauvre comédie! objet de tant de veines,
Si tu n'es qu'un portrait des actions humaines,
On te tire souvent sur un original
A qui, pour dire vrai, tu ressembles fort mal.