| Clitandre est une tragi-comédie de Corneille. Au lieu de suivre sa pente et de redoubler par une comédie du genre dont Mélite était un agréable échantillon, sinon tout à fait un modèle, Corneille changea de voie avec sa deuxième pièce, une tragi-comédie, genre à la mode. C'était Clitandre - dont on peut placer la représentation en 1631 ou 1632 - ne fut pas seulement une des mauvaises pièces qu'il ait faites, et il en a fait beaucoup, mais encore l'une des tragi-comédies les plus extravagantes, pour ne pas dire les plus parfaitement ridicules, qui aient jamais paru sur le théâtre français. Corneille lui-même ne peut arriver à exposer clairement l'intrigue trop compliquée, dans la minutieuse analyse qu'il a écrite pour expliquer sa pièce. Si l'auteur a, ici, observé la règle des vingt-quatre heures, on peut dire qu'il s'est peu embarrassé de celle de l'unité d'action, la seule vraiment nécessaire. Elle est remplacée dans sa pièce par une profusion d'aventures et d'incidents. Clitandre ne peut s'analyser, tant il y prodigue les complots romanesques, les jeux de scène mouvementés, les rencontres extraordinaires; c'est un vrai roman mis en drame. L'intrigue de Pyrame et Tisbé de Théophile de Viau , qui n'a rien de plus embrouillé est même beaucoup plus claire; et le style en sa prétention n'en a rien de plus bizarre, ou en quelque sorte de plus forcené. Ce ne sont qu'apostrophes, interjections, déclamations, imprécations. Le mauvais goût du temps s'y étale, avec un contentement de soi-même plus amusant d'ailleurs et plus divertissant que choquant. Et c'est encore du Théophile, mais c'est déjà aussi, par moment, du Scarron. Si d'ailleurs il est vrai qu'en écrivant Clitandre, Corneille ait voulu se moquer des auteurs dramatiques ses rivaux, qui lui reprochaient que Mélite manquait d'assez de complication dans l'intrigue et de fantaisie dans la forme, on peut se passer d'examiner la question. Mais on remarquera la souplesse de talent, la facilité extraordinaire dont cette justification, sincère ou non, est en tout cas la preuve. Le fond de Corneille, c'est le style. Il a eu ce qu'on peut appeler l'outil universel; et les pires complications de la tragi-comédie ne lui ont pas coûté plus de peine que les savantes combinaisons de la tragédie pure, ou que les intrigues légères, courantes, si on peut ainsi dire, et aimables de la comédie de moeurs. (Ch.M. Des Granges). | |