| Chamanisme. - Nom donné à des pratiques et de conceptions propres à certaines religions (que l'on qualifiera alors de chamaniques sans présumer de leur éventuelle parenté), et dans lesquelles intervient au travers de rituels souvent spectaculaires un médiateur, appelé chamane, entre le monde concret et un supposé monde-autre. Identifié dans un premier temps en Sibérie et Asie centrale et orientale chez les Mongols (La Religion mongole), Mandchous, Ostiaks, Samoyèdes, Tchouvaches, etc., les chamanisme est également attesté sur d'autres continents, et principalement en Amérique . En Asie, il a d'abord confondu avec le lamaïsme (Bouddhisme), soit parce que certains lamas imitaient parfois les pratiques des chamanes, soit parce que le nom chamanes paraissait venir du chinois Cha-men, qui est la transcription de l'indien Sramarna, nom des ascètes bouddhistes. En fait, chamane est un nom générique, que l'on adopte par commodité dans des contextes très divers; chaque peuple a sa désignation particulière (ce peut être par exemple le medecine-man des Nord-Amerindiens). Les Mongols traditionnels, qui emploient le mot chamane, donnent proprement à ces personnages le nom de bugué. Le mot saman, qui est le nom des prêtres mandchous, paraît n'être autre chose que le mot chamane, mais cela a été contesté. Le coeur des conceptions chamaniques repose sur la croyance en la possibilité d'entrer en communication avec les esprits (qui sont le plus souvent des esprit-animaux), de commercer avec eux de diverses manières dans un but généralement à fin de guérir une maladie. Le chamane qui officie en se plongeant en état de transe (peut-être simulée, peut-être obtenue à l'aide de drogues) peut également demander l'intercession des esprits afin de connaître l'avenir, de retrouver un objet perdu, ou d'obtenir tel ou tel avantage. En Sibérie, le chamane, bizarrement accoutré, porte habituellement un tambour et une ceinture chargée de grelots. Il danse en battant du tambour et faisant résonner ses grelots; après avoir fait beaucoup de tapage, force contorsions et simagrées, prononce des paroles inintelligibles, il donne la réponse attendue. Du reste, le procédé n'est pas le même pour tous. Il en est qui ont une écuelle pleine d'eau, dans laquelle ils plongent une herbe avec laquelle ils aspergent ceux qui ont recours à leur art; en même temps, ils mettent le feu à certaines racines en prononçant leurs paroles mystérieuses. Certains d'entre eux font des tours de force; on prétend qu'ils s'enfoncent un sabre dans le ventre sans se blesser, s'enroulent une corde autour du cou et la serrent jusqu'à ce que leur tête saute; après quoi ils la prennent et la remettent à sa place comme si de rien n'en était. Le chamanisme a vu de beau jours dans les régions où le lamaïsme prédomine, surtout chez les Mongols; au XIXe siècle, dans ces mêmes sociétés, il semblait en décadence, car mal vu et même proscrit. En 1819 et 1820, en particulier, il a subi une persécution sérieuse. A cette époque, le charlatanisme et l'audace de certains chamanes étaient arrivés à un tel point qu'un lama très considéré, s'étant mis à discourir contre leurs pratiques et à dévoiler leurs supercheries, réussit à les faire expulser du territoire de plusieurs tribus mongoles. Force est cependant de constater que les conceptions chamaniques restent vivaces en ce début de XXIe siècle. Elles ont même pris, ces dernières décennies, un essor inattendu dans les sociétés occidentales, où un néo-chamanisme s'épanouit le cadre des religions new âge. Son rapport avec le chamanisme des sociétés traditionnelles paraît il est vrai plus que factice. (L. Feer).
| Jean-Jacques Dubois, Anthropologie chamanique, Louise Courteau, 2005. - Les forces invisibles, inconscientes, passéistes, viennent sans cesse dans le présent pour perturber les phénomènes visibles, conscients. L'anthropologue chamanique pénètre par les brèches du visible dans un univers invisible, infiniment plus vaste et complexe, où tout s'inverse, se renverse et bouleverse. (couv.). Collectif, Chamanismes, PUF, 2003. - Bertrand Hell, Possession et chamanisme, les maîtres du désordre, Flammarion (Champs), 2002. Gavriil Ksenofontov, Les chamanes de Sibérie et leur tradition orale, Albin Michel, 2000. - P. Garrone et Th. Zarcone, Chamanisme et Islam en Asie centrale, t. 1, Maisonneuve, 2000. - Denise Algle, Bénédicte Brac de la perrière et Jean-Pierre Chameil, La politique des esprits, chamanismes et religions universalistes, publications de la société d'ethnologie, 2001. En bibliothèque - Michel Perrin, Le chamanisme, PUF (QSJ),1995. | | |