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La religion des
anciens Romains![]() - ![]() Jupiter Tinia et Junon Cupra. Statuettes étrusques en bronze. Musée du Louvre. Sous sa forme première, la religion
des Romains était purement latine ou plutôt italique. Et ce
qui semble caractériser tout spécialement les premières
formes religieuses qui se sont exprimées dans la péninsule,
c'est qu'elles sont aussi peu mythologiques que possible. Sans doute ces
religions sont polythéisme;
mais ce polythéisme ressemble d'abord à un panthéisme;
sans doute encore ces religions sont devenues avec le temps anthropomorphiques
dans une certaine mesure; elles conçoivent leurs divinités
comme des êtres animés, de sexe différent, ayant entre
eux certaines relations et placés les uns à l'égard
des autres dans des rapports hiérarchiques; mais cet anthropomorphisme
reste pauvre et imprécis; les légendes y sont rares ou monotones;
l'individualité des dieux et des déesses y est toujours flottante
: aucune épopée, aucun art ne leur donnent ces traits saillants,
qui distinguent les divinités grecques « Une liste de noms, comprenant les dii certi, c.-à-d. les divinités chargées de fonctions déterminées, et une liste parallèle de formules d'invocation ayant un pouvoir magique constituaient les Indigitamenta, qu'on peut regarder comme le livre de la religion nationale. » (Bouché-Leclercq).La théogonie, le dogme n'est presque rien; les rites sont à peu près tout. L'idée maîtresse qui a engendré la religion romaine tout entière, c'est que tout humain, tout groupe (famille, corporation, cité), tout objet, tout acte, tout phénomène naturel, en un mot toute chose, animée ou inanimée, a son génie. Les dieux primitifs de Rome étaient tous des génies ou démons; la religion proprement romaine se résumait, suivant le mot de Bouché-Leclercq, en une «-démonologie ». C'était un panthéisme très simple dans son principe, extrêmement varié dans ses applications. Le nombre des dieux, c.-à-d. des génies qui présidaient à toute chose, était pour ainsi dire infini; mais en un certain sens, tous se ressemblaient, parce que tous étaient créés par le même procédé. Il en résultait que ces dieux n'avaient pas de physionomie individuelle, n'étaient pas conçus sous des traits humains; la religion romaine, à ses débuts, était aussi peu anthropomorphique que possible. Aux premiers temps, on ne savait même pas avec certitude si telle divinité que l'on invoquait était un dieu un une déesse. Ce que l'on a coutume d'appeler la mythologie romaine est presque entièrement d'origine grecque. Les divinités romaines étaient bien moins des dieux et des déesses de nature concrète que des puissances abstraites, des numina. Plusieurs auteurs anciens, entre autres Varron, s'efforcèrent de classer logiquement les divinités romaines. Ces classifications, d'âge relativement récent, sont artificielles. La plus ancienne paraît être celle que les Fétiaux employaient dans leur rituel, si nous en croyons Tite-Live (I, 32) : dieux du ciel - dieux de la terre - dieux des enfers. Parmi les divinités du ciel, les
plus importantes étaient les deux groupes formés par Jupiter
ou Diespiter et Juno, Janus
et Diana. Les divinités de la terre étaient
de beaucoup les plus nombreuses, car elles comprenaient non seulement les
dieux et les déesses qui peuplaient les forêts,
les montagnes, les champs, qui présidaient
à la vie pastorale et à la vie agricole, mais encore tous
ceux et toutes celles qui protégeaient l'individu, la famille, l'État,
sous l'invocation desquels s'accomplissaient tous les actes de la vie individuelle,
de la vie domestique, de la vie sociale. Parmi ces divinités proprement
terrestres, nous citerons : Saturne et Ops,
Cérès, Liber
et Libera, Faunus et Fauna,
Silvanus, les génies, les dieux et les
déesses des Indigitamenta ( Enfin, parmi les divinités des enfers, figuraient non seulement les divinités du monde souterrain proprement dit et de la mort, Dis Pater, les Lémures, les Mânes, etc., mais aussi les dieux et les déesses des eaux, Neptune, les Nymphes, le dieu Fontus, la déesse Juturna. Tel fut, semble-t-il, le fonds primitif de la religion romaine. De toutes ces divinités, nous ne connaissons guère que les noms; de bonne heure, elles furent presque toutes assimilées à des divinités grecques; leurs attributions primitives furent effacées ou oubliées. Il n'en serait resté aucune trace, si l'esprit obstinément conservateur de la théologie et du culte romain n'était demeuré fidèle malgré l'invasion des mythologies de la Grèce et de l'Orient, aux rites les plus anciens, aux pratiques vénérables des ancêtres. La première influence qui s'exerça
sur la religion des Romains fut l'influence étrusque. Il semble
que le culte de la Triade Capitoline, Jupiter,
Junon et Minerve, fut
importé à Rome par les Étrusques; c'est aux rois étrusques,
aux Tarquins ( Sous la République, les divinités grecques envahirent progressivement la religion romaine. « Les formes vagues et mal déterminées des numina italiques étaient entrées de bonne heure en contact avec les images anthropomorphes des divinités grecques, aux contours bien marqués, aux lignes saillantes; et, comme le liquide prend la forme du vase où on le verse, ainsi dans l'imagination des peuples de l'Italie les dieux avaient pris peu à peu les traits et les attributs par lesquels on avait l'habitude de représenter et d'orner leurs parallèles grecs. » (J.-S. Speyer, le Dieu romain Janus, dans la Revue de l'histoire des Religions, t. XXVI, pp. 2 et 3).La plupart des divinités grecques furent désignées sous les noms des divinités romaines qui passaient pour leur ressembler le plus si Apollon garda son nom grec, Artémis fut appelée Diane, Arès devint Mars, Déméter fut appelée Cérès, Hermès prit le nom de Mercure, Aphrodite fut déguisée en Vénus, Hephaïstos fut adoré sous le vocable de Vulcain. Les mythes grecs furent transportés à Rome désormais Diane, Mars, Cérès, Mercure, Vénus, Vulcain eurent leurs mythes et leurs légendes qui n'étaient autres que les mythes et les légendes conçues par l'imagination des Grecs pour Artémis, Arès, Déméter, Hermès, Aphrodite, Hephaïstos. De même Jupiter se confondit avec Zeus, Junon avec Héra, Minerve avec Pallas-Athéna. -
Les Romains, séduits par le charme et la brillante poésie de la mythologie grecque, se l'approprièrent; ils gardèrent les noms de leurs anciennes divinités; mais ces noms désignèrent dès lors des divinités bien moins romaines qu'helléniques. Après la Grèce, ce fut le
tour de l'Orient. Dès l'année 204 av. J.-C., la déesse
de Pessinonte, Cybèle ou la grande Mère
des dieux, fut amenée en grande pompe de Phrygie à Rome,
ou elle fit une entrée solennelle. En 186, les cérémonies
secrètes du culte de Bacchus faisaient
déjà de tels ravages dans la société romaine,
que le Sénat romain crut devoir sévir et promulgua le fameux
sénatus-consulte De Bacchanalibus. Mais ni la résistance
des pouvoirs publics, ni les répressions ne purent empêcher
les divinités et les cultes de l'Orient d'envahir Rome. Après
Cybèle et Bacchus, vinrent les deux grandes divinités de
l'Égypte ptolémaïque, Isis et
Sérapis; le dieu syrien Adonis;
la déesse de Cappadoce Ainsi la mythologie grecque et les religions
orientales prirent à Rome une place de plus en plus considérable;
l'antique religion nationale fut délaissée; certains esprits
s'adonnèrent à la philosophie;
le peuple accueillit avec une faveur croissante la magie
de Perse A Rome, le culte privé était
essentiellement un culte familial, domestique. Le chef de la famille, le
père, en était le prêtre. Les cérémonies
du culte se célébraient dans l'intérieur de la maison,
près du foyer, sur un autel de forme
ronde ou carrée; les dieux, auxquels ce culte s'adressaient, étaient
les génies de la famille, les Lares ou
les Pénates. Chaque jour on leur consacrait
les prémices du repas. Les jours de
four, on leur offrait des gâteaux et du miel; on les couronnait de
guirlandes et de fleurs; on brûlait devant
eux de l'encens Entre le culte domestique et les cultes publics de l'État, la société romaine connaissait une forme intermédiaire de culte : le culte gentilice et le culte des sodalités. Le culte gentilice était le culte rendu par plusieurs familles, issues d'un même ancêtre, à cet ancêtre commun considéré comme le dieu de la gens; les gentes les plus illustres de Rome faisaient parfois remonter leur origine à un dieu. Sur le modèle des cultes gentilices se créèrent de très nombreux cultes rendus à une divinité par un groupe de fidèles associés : ces groupes s'appelaient des collèges ou des sodalités; ils se multiplièrent surtout à la fin de la République et sous l'Empire; la plupart d'entre eux se préoccupaient en outre d'assurer à tous leurs membres une sépulture convenable. Le culte public de l'État romain
présentait une plus grande complexité que les cultes privés.
L'État romain s'étant constitué par l'adjonction successive
de plusieurs communautés d'abord séparées, le culte
public garda le souvenir des cultes que chacune de ces communautés
célébrait à l'origine. La grande divinité du
Palatin était Mars ou Quirinus;
les habitants primitifs de l'Esquilin adoraient surtout Jupiter,
Janus et Junon; les dieux
et les déesses du groupe sabin établi
sur le Quirinal Outre les cérémonies que comportaient ces cultes proprement publics et officiels, il y avait à Rome un assez grand nombre de fêtes populaires qui tenaient à la fois de la religion privée et de la religion publique : par exemple, la fête du Septimontium qui rappelait le temps où la ville de Rome se composait uniquement du Palatium, du Germalus, de la Velia, de l'Oppius, du Cispius, du Fagutal et de la Suburra; les fêtes des curies, les cérémonies du culte des Lares compitales, les fêtes proprement agraires qui marquaient pour ainsi dire les principales étapes de l'année au point de vue agricole et pastoral : les Cerealia, les Vinalia, les Floralia, les Saturnalia, les Ambarvalia. Parmi les cultes venus de la Grèce
et de l'Orient, il en est quelques-uns dont l'État assuma, sur l'ordre
des livres sibyllins, soit la charge, soit la surveillance : ce furent
le culte d'Apollon, en l'honneur duquel se célébraient
les jeux Apollinaires sous la présidence du prêteur
urbain; le culte de Cérès, auquel
se rattachaient les jeux Séculaires; le culte de la Mère
des Dieux ou Cybèle, dont les cérémonies
prirent à l'époque impériale un caractère presque
officiel et, en tout cas, très populaire. Quant à la
religion de Rome et d'Auguste, bien qu'elle fût surtout très
répandue en Italie et dans les provinces, elle fut aussi célébrée
à Rome même; un culte était, rendu sur le Palatin aux
empereurs divinisés; au IIe siècle
Hadrien construisit non loin du Colisée L'importance de la religion et des cultes publics à Rome, le rôle qu'ils y jouaient dans la vie sociale et politique, expliquent le nombre considérable des sacerdoces romains, et nous permettent d'en mieux comprendre l'organisation si originale. Au début de l'histoire romaine, alors que Rome n'était qu'une humble bourgade, l'organisation du sacerdoce paraît avoir été très simple : comme le père dans la famille, dans chaque curie ou paroisse un prêtre (curio) célébrait les cérémonies du culte, et pour toute la ville le chef de l'État, le roi (rex), assisté des Vestales, prêtresses du foyer commun, offrait aux divinités protectrices de Rome les prières et les sacrifices publics. A mesure que la ville grandit, les sacerdoces se multiplièrent, et l'organisation du culte devint plus complexe. A Rome, la fonction sacerdotale était double : elle consistait d'une part, à célébrer les cérémonies du culte suivant le rituel imposé, sans rien changer aux traditions ni aux formules; d'autre part, à s'efforcer de connaître, par diverses méthodes, la volonté des dieux et l'avenir. L'accomplissement matériel des cérémonies
religieuses était confié, soit à des prêtres
individuels, soit à des sodalités ou à des collèges,
c.-à-d. des groupes corporatifs. Les prêtres, chargés
individuellement de desservir un culte déterminé, portaient
le nom de flamines : les principaux flamines
romains étaient le flamine de Jupiter (Flamen Dialis), le
flamine de Mars (FI. Martialis), le flamine de Quirinus (FI.
Quirinalis). Les flamines romains étaient placés sous
la dépendance du grand pontife, Pontifex maximus. Les sodalités
officielles étaient celles des Saliens,
des Luperques, des Arvales ( Le collège des pontifes était bien un groupe de prêtres, investis de fonctions sacerdotales; mais il occupait une place exceptionnelle dans la constitution religieuse de Rome, et ses attributions étaient très étendues. « Chargé de surveiller tout l'ensemble du culte national, privé et public, de pourvoir de desservants les cultes dont le soin n'est pas dévolu à des sodalités spéciales et de desservir lui-même ceux qui autrement tomberaient en désuétude, il est ainsi le premier parmi les sacerdoces occupés de fonctions liturgiques. Il est encore le premier parmi les collèges qui ont mission de conserver, d'adapter aux circonstances les doctrines léguées par la tradition. » (Bouché-Leclercq).Les pontifes romains étaient à la fois prêtres et théologiens. Ils avaient comme chef le grand pontife (Pontifex maximus), nommé à vie, et qui disposait d'un véritable pouvoir monarchique en matière religieuse. Son autorité était entière et sans limites sur les flamines, sur les Vestales, qu'il nommait, sur le Rex sacrorum ou flamine de Janus. Il avait également le droit et le devoir de surveiller les cultes privés, de s'opposer à toute innovation comme à tout abandon qui lui paraîtraient nuisibles à l'Etat. Le rôle du grand pontife et du collège qu'il dirigeait fut considérable à Rome. Aussi les empereurs s'arrogèrent-ils le titre de grands pontifes par là ils étaient les chefs de la religion. Ce que les pontifes étaient pour la religion nationale, les quindécemvirs l'étaient pour les cultes étrangers. Ce collège, qui ne compta d'abord que deux membres, puis dix, reçut sa forme définitive au début du Ier siècle av. J.-C., probablement sous la dictature de Sulla. C'était lui qui consultait les livres sibyllins, qui ouvrait aux cultes étrangers les portes de la cité, puis ensuite les surveillait. Les quindécemvirs furent « en quelque sorte les pontifes de la religion extra-nationale »; leurs fonctions sacerdotales se rapportaient surtout au culte d'Apollon, à celui du groupe Cérès-Proserpine-Dis Pater, à celui de la Cybèle phrygienne. Le collège des Fétiaux était chargé de toutes les cérémonies religieuses qui avaient trait aux relations internationales; ils intervenaient dans les déclarations de guerre, dans les conclusions d'armistices ou de traités. Les sodalités et les collèges
que nous avons cités jusqu'à présent avaient pour
attributions essentielles soit la célébration des cérémonies
du culte, soit le maintien rigoureux ou l'adaptation prudente du rituel.
Deux autres collèges distincts étaient spécialement
chargés d'interroger les dieux, de saisir, de comprendre, d'interpréter
les signes par lesquels les dieux faisaient connaître aux humains
leurs volontés ou l'avenir ( Plus tard le scepticisme et l'incrédulité des classes dirigeantes portèrent cet pratiques et surtout à l'influence des devins un coup très sensible. Sous l'Empire, le collège des Augures ne survécut que pour la forme : il ne servait plus à rien. Les Aruspices, qui formèrent sous Claude « l'ordre des haruspices impériaux », étaient des devins toscans, très versés dans la science divinatoire chère aux Étrusques. Les Romains les consultaient souvent. Claude ne fit, en créant l'ordre des haruspices impériaux, que leur donner une étiquette officielle. Tels sont les principaux traits de la religion
romaine, étudiée à Rome même. Nous ne saurions,
dans le cadre de cet article, traiter des cultes provinciaux et municipaux
de l'Empire, que ces cultes fussent adressés aux divinités
du panthéon gréco-romain, aux divinités officielles
de l'Empire, Rome; Auguste, les Augustes, ou aux anciennes divinités
locales. Nous nous sommes seulement efforcé d'exposer ce qu'était
la religion proprement romaine, de montrer quelle évolution elle
a subie, d'indiquer dans ses grandes lignes l'organisation du culte et
du sacerdoce romains. Notons simplement pour conclure que la religion romaine
ne disparut, pas tout entière avec le développement du christianisme.
Le chef de la religion chrétienne
porte encore le titre de souverain pontife; beaucoup des fêtes
chrétiennes ne sont que d'antiques fêtes du paganisme romain,
à peine modifiées dans leur aspect extérieur. Beaucoup
d'églises et de lieux de pélerinage
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