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La religion des
anciens Romains
se forma en quelque sorte par voie d'accession, en s'assimilant les croyances
et les rites des peuples qui subirent la domination romaine. Pour bien
la comprendre, pour se rendre un compte exact de son histoire, il est nécessaire
de distinguer plusieurs périodes. On ne saurait historiquement en
tracer un tableau unique. La religion de Rome a évolué, s'est
transformée au cours des siècles, sous l'influence des événements
politiques; elle s'est de plus en plus mêlée d'éléments
étrangers, dont quelques-uns sont devenus à Rome même
tout à fait populaires. Il y a donc lieu d'exposer d'abord, dans
ses lignes générales, ce qu'était la religion romaine
primitive, puis de noter les principales influences exotiques qu'elle a
subies et les changements que ces influences ont produits.
- Jupiter Tinia et Junon Cupra. Statuettes étrusques en bronze. Musée du Louvre. Sous sa forme première, la religion des Romains était purement latine ou plutôt italique. Et ce qui semble caractériser tout spécialement les premières formes religieuses qui se sont exprimées dans la péninsule, c'est qu'elles sont aussi peu mythologiques que possible. Sans doute ces religions sont polythéisme; mais ce polythéisme ressemble d'abord à un panthéisme; sans doute encore ces religions sont devenues avec le temps anthropomorphiques dans une certaine mesure; elles conçoivent leurs divinités comme des êtres animés, de sexe différent, ayant entre eux certaines relations et placés les uns à l'égard des autres dans des rapports hiérarchiques; mais cet anthropomorphisme reste pauvre et imprécis; les légendes y sont rares ou monotones; l'individualité des dieux et des déesses y est toujours flottante : aucune épopée, aucun art ne leur donnent ces traits saillants, qui distinguent les divinités grecques. Comme l'a fort bien montré Preller, la religion des Romains incline plus au culte qu'à la mythologie. « Une liste de noms, comprenant les dii certi, c.-à-d. les divinités chargées de fonctions déterminées, et une liste parallèle de formules d'invocation ayant un pouvoir magique constituaient les Indigitamenta, qu'on peut regarder comme le livre de la religion nationale. » (Bouché-Leclercq).La théogonie, le dogme n'est presque rien; les rites sont à peu près tout. L'idée maîtresse qui a engendré la religion romaine tout entière, c'est que tout humain, tout groupe (famille, corporation, cité), tout objet, tout acte, tout phénomène naturel, en un mot toute chose, animée ou inanimée, a son génie. Les dieux primitifs de Rome étaient tous des génies ou démons; la religion proprement romaine se résumait, suivant le mot de Bouché-Leclercq, en une «-démonologie ». C'était un panthéisme très simple dans son principe, extrêmement varié dans ses applications. Le nombre des dieux, c.-à-d. des génies qui présidaient à toute chose, était pour ainsi dire infini; mais en un certain sens, tous se ressemblaient, parce que tous étaient créés par le même procédé. Il en résultait que ces dieux n'avaient pas de physionomie individuelle, n'étaient pas conçus sous des traits humains; la religion romaine, à ses débuts, était aussi peu anthropomorphique que possible. Aux premiers temps, on ne savait même pas avec certitude si telle divinité que l'on invoquait était un dieu un une déesse. Ce que l'on a coutume d'appeler la mythologie romaine est presque entièrement d'origine grecque. Les divinités romaines étaient bien moins des dieux et des déesses de nature concrète que des puissances abstraites, des numina. Plusieurs auteurs anciens, entre autres Varron, s'efforcèrent de classer logiquement les divinités romaines. Ces classifications, d'âge relativement récent, sont artificielles. La plus ancienne paraît être celle que les Fétiaux employaient dans leur rituel, si nous en croyons Tite-Live (I, 32) : dieux du ciel - dieux de la terre - dieux des enfers. Parmi les divinités du ciel, les plus importantes étaient les deux groupes formés par Jupiter ou Diespiter et Juno, Janus et Diana. Les divinités de la terre étaient de beaucoup les plus nombreuses, car elles comprenaient non seulement les dieux et les déesses qui peuplaient les forêts, les montagnes, les champs, qui présidaient à la vie pastorale et à la vie agricole, mais encore tous ceux et toutes celles qui protégeaient l'individu, la famille, l'État, sous l'invocation desquels s'accomplissaient tous les actes de la vie individuelle, de la vie domestique, de la vie sociale. Parmi ces divinités proprement terrestres, nous citerons : Saturne et Ops, Cérès, Liber et Libera, Faunus et Fauna, Silvanus, les génies, les dieux et les déesses des Indigitamenta (Semones et Indigètes), les Lares, les Pénates, Vesta, Vénus, Mercure, Mars, Quirinus, Bellone, etc. Enfin, parmi les divinités des enfers, figuraient non seulement les divinités du monde souterrain proprement dit et de la mort, Dis Pater, les Lémures, les Mânes, etc., mais aussi les dieux et les déesses des eaux, Neptune, les Nymphes, le dieu Fontus, la déesse Juturna. Tel fut, semble-t-il, le fonds primitif de la religion romaine. De toutes ces divinités, nous ne connaissons guère que les noms; de bonne heure, elles furent presque toutes assimilées à des divinités grecques; leurs attributions primitives furent effacées ou oubliées. Il n'en serait resté aucune trace, si l'esprit obstinément conservateur de la théologie et du culte romain n'était demeuré fidèle malgré l'invasion des mythologies de la Grèce et de l'Orient, aux rites les plus anciens, aux pratiques vénérables des ancêtres. La première influence qui s'exerça sur la religion des Romains fut l'influence étrusque. Il semble que le culte de la Triade Capitoline, Jupiter, Junon et Minerve, fut importé à Rome par les Étrusques; c'est aux rois étrusques, aux Tarquins (Tarquin l'Ancien, Tarquin le Superbe), que la tradition romaine attribuait sans hésitation la construction du Capitole. En même temps que leurs dieux et leurs rites, les Étrusques introduisirent à Rome les premiers éléments de mythologie grecque qui y pénétrèrent. La légende de la Sibylle de Cumes apportant à Tarquin le Superbe les Livres sibyllins est tout à fait significative (Divination, Oracle). Sous la République, les divinités grecques envahirent progressivement la religion romaine. « Les formes vagues et mal déterminées des numina italiques étaient entrées de bonne heure en contact avec les images anthropomorphes des divinités grecques, aux contours bien marqués, aux lignes saillantes; et, comme le liquide prend la forme du vase où on le verse, ainsi dans l'imagination des peuples de l'Italie les dieux avaient pris peu à peu les traits et les attributs par lesquels on avait l'habitude de représenter et d'orner leurs parallèles grecs. » (J.-S. Speyer, le Dieu romain Janus, dans la Revue de l'histoire des Religions, t. XXVI, pp. 2 et 3).La plupart des divinités grecques furent désignées sous les noms des divinités romaines qui passaient pour leur ressembler le plus si Apollon garda son nom grec, Artémis fut appelée Diane, Arès devint Mars, Déméter fut appelée Cérès, Hermès prit le nom de Mercure, Aphrodite fut déguisée en Vénus, Hephaïstos fut adoré sous le vocable de Vulcain. Les mythes grecs furent transportés à Rome désormais Diane, Mars, Cérès, Mercure, Vénus, Vulcain eurent leurs mythes et leurs légendes qui n'étaient autres que les mythes et les légendes conçues par l'imagination des Grecs pour Artémis, Arès, Déméter, Hermès, Aphrodite, Hephaïstos. De même Jupiter se confondit avec Zeus, Junon avec Héra, Minerve avec Pallas-Athéna. -
Les Romains, séduits par le charme et la brillante poésie de la mythologie grecque, se l'approprièrent; ils gardèrent les noms de leurs anciennes divinités; mais ces noms désignèrent dès lors des divinités bien moins romaines qu'helléniques. Après la Grèce, ce fut le tour de l'Orient. Dès l'année 204 av. J.-C., la déesse de Pessinonte, Cybèle ou la grande Mère des dieux, fut amenée en grande pompe de Phrygie à Rome, ou elle fit une entrée solennelle. En 186, les cérémonies secrètes du culte de Bacchus faisaient déjà de tels ravages dans la société romaine, que le Sénat romain crut devoir sévir et promulgua le fameux sénatus-consulte De Bacchanalibus. Mais ni la résistance des pouvoirs publics, ni les répressions ne purent empêcher les divinités et les cultes de l'Orient d'envahir Rome. Après Cybèle et Bacchus, vinrent les deux grandes divinités de l'Égypte ptolémaïque, Isis et Sérapis; le dieu syrien Adonis; la déesse de Cappadoce, Mà devenue Bellone; sous l'Empire, plusieurs Baals de Syrie, le Baal d'Héliopolis, celui de Dolichè, devinrent des dieux populaires et furent désignés sous les noms de Jupiter optimus Maximus Heliopolitanus, Jupiter O. M. Dolichenus. Le culte du dieu persan Mithra se répandit en Italie et dans plusieurs provinces de l'empire; Élagabal, puis Aurélien donnèrent une importance officielle au culte du Soleil. Ainsi la mythologie grecque et les religions orientales prirent à Rome une place de plus en plus considérable; l'antique religion nationale fut délaissée; certains esprits s'adonnèrent à la philosophie; le peuple accueillit avec une faveur croissante la magie de Perse, l'astrologie de Chaldée, les superstitions les plus diverses. Enfin le gouvernement impérial créa ou plutôt laissa se créer une religion officielle, commune à toutes les provinces de l'empire. De bonne heure les Grecs avaient rendu un culte à la ville de Rome divinisée; lorsque Octave fut devenu le maître du monde romain, ils s'empressèrent de l'adorer. Octave résista d'abord; mais bientôt il céda; déjà de son vivant le culte de Rome et d'Auguste prit une très grande extension; après sa mort, il fut placé au rang des dieux. Il en fut ainsi de tous les empereurs. Ce culte officiel, moins religieux que politique, ne revêtit pas une forme immuable : les prières, les sacrifices, l'adoration s'adressaient tantôt à la ville de Rome éternelle et auguste (Urbs Roma aeterna Augusta), tantôt à un empereur mort et divinisé (Divus Augustus, Divus Vespasianus, etc.), tantôt à l'empereur vivant, tantôt à une divinité en quelque manière symbolique, Auguste (Augustus), tantôt à tous les empereurs divinisés (Divi), tantôt à des impératrices ou à d'autres membres de la famille impériale également promus au rang divin. La divinité de l'empereur et de la famille impériale fut l'un des dogmes universellement admis de cette religion officielle. A la Fin de la République et surtout sous l'Empire, la religion romaine n'aurait en rien rappelé ses origines ni son caractère primitif, si l'organisation du culte privé et du culte public ne s'était pas conservée à peu près indemne des influences étrangères. A Rome, le culte privé était essentiellement un culte familial, domestique. Le chef de la famille, le père, en était le prêtre. Les cérémonies du culte se célébraient dans l'intérieur de la maison, près du foyer, sur un autel de forme ronde ou carrée; les dieux, auxquels ce culte s'adressaient, étaient les génies de la famille, les Lares ou les Pénates. Chaque jour on leur consacrait les prémices du repas. Les jours de four, on leur offrait des gâteaux et du miel; on les couronnait de guirlandes et de fleurs; on brûlait devant eux de l'encens et des parfums. Dans ce culte, la flamme même du foyer domestique jouait un rôle capital; elle ne devait jamais s'éteindre. Aucun des actes les plus graves de la vie individuelle et de la vie sociale ne pouvait s'accomplir sans que le culte domestique y intervint : naissances, mariages, décès donnaient lieu à des cérémonies, à des actes religieux d'une grande importance. Entre le culte domestique et les cultes publics de l'État, la société romaine connaissait une forme intermédiaire de culte : le culte gentilice et le culte des sodalités. Le culte gentilice était le culte rendu par plusieurs familles, issues d'un même ancêtre, à cet ancêtre commun considéré comme le dieu de la gens; les gentes les plus illustres de Rome faisaient parfois remonter leur origine à un dieu. Sur le modèle des cultes gentilices se créèrent de très nombreux cultes rendus à une divinité par un groupe de fidèles associés : ces groupes s'appelaient des collèges ou des sodalités; ils se multiplièrent surtout à la fin de la République et sous l'Empire; la plupart d'entre eux se préoccupaient en outre d'assurer à tous leurs membres une sépulture convenable. Le culte public de l'État romain présentait une plus grande complexité que les cultes privés. L'État romain s'étant constitué par l'adjonction successive de plusieurs communautés d'abord séparées, le culte public garda le souvenir des cultes que chacune de ces communautés célébrait à l'origine. La grande divinité du Palatin était Mars ou Quirinus; les habitants primitifs de l'Esquilin adoraient surtout Jupiter, Janus et Junon; les dieux et les déesses du groupe sabin établi sur le Quirinal eurent moins d'importance; mais les divinités étrusques qui occupèrent le Capitule, Jupiter, Junon eu Minerve, devinrent les divinités protectrices de l'État. De plus, l'État, considéré comme la maison commune de tous les citoyens, eut son foyer; la déesse de ce foyer, Vesta, reçut de même un culte public. Ainsi les cultes publics les plus importants de Rome furent ceux de Mars, de Quirinus, de Janus, de Vesta, de la Triade Capitoline. Outre les cérémonies que comportaient ces cultes proprement publics et officiels, il y avait à Rome un assez grand nombre de fêtes populaires qui tenaient à la fois de la religion privée et de la religion publique : par exemple, la fête du Septimontium qui rappelait le temps où la ville de Rome se composait uniquement du Palatium, du Germalus, de la Velia, de l'Oppius, du Cispius, du Fagutal et de la Suburra; les fêtes des curies, les cérémonies du culte des Lares compitales, les fêtes proprement agraires qui marquaient pour ainsi dire les principales étapes de l'année au point de vue agricole et pastoral : les Cerealia, les Vinalia, les Floralia, les Saturnalia, les Ambarvalia. Parmi les cultes venus de la Grèce et de l'Orient, il en est quelques-uns dont l'État assuma, sur l'ordre des livres sibyllins, soit la charge, soit la surveillance : ce furent le culte d'Apollon, en l'honneur duquel se célébraient les jeux Apollinaires sous la présidence du prêteur urbain; le culte de Cérès, auquel se rattachaient les jeux Séculaires; le culte de la Mère des Dieux ou Cybèle, dont les cérémonies prirent à l'époque impériale un caractère presque officiel et, en tout cas, très populaire. Quant à la religion de Rome et d'Auguste, bien qu'elle fût surtout très répandue en Italie et dans les provinces, elle fut aussi célébrée à Rome même; un culte était, rendu sur le Palatin aux empereurs divinisés; au IIe siècle Hadrien construisit non loin du Colisée le temple de Vénus et de Rome. L'importance de la religion et des cultes publics à Rome, le rôle qu'ils y jouaient dans la vie sociale et politique, expliquent le nombre considérable des sacerdoces romains, et nous permettent d'en mieux comprendre l'organisation si originale. Au début de l'histoire romaine, alors que Rome n'était qu'une humble bourgade, l'organisation du sacerdoce paraît avoir été très simple : comme le père dans la famille, dans chaque curie ou paroisse un prêtre (curio) célébrait les cérémonies du culte, et pour toute la ville le chef de l'État, le roi (rex), assisté des Vestales, prêtresses du foyer commun, offrait aux divinités protectrices de Rome les prières et les sacrifices publics. A mesure que la ville grandit, les sacerdoces se multiplièrent, et l'organisation du culte devint plus complexe. A Rome, la fonction sacerdotale était double : elle consistait d'une part, à célébrer les cérémonies du culte suivant le rituel imposé, sans rien changer aux traditions ni aux formules; d'autre part, à s'efforcer de connaître, par diverses méthodes, la volonté des dieux et l'avenir. L'accomplissement matériel des cérémonies religieuses était confié, soit à des prêtres individuels, soit à des sodalités ou à des collèges, c.-à-d. des groupes corporatifs. Les prêtres, chargés individuellement de desservir un culte déterminé, portaient le nom de flamines : les principaux flamines romains étaient le flamine de Jupiter (Flamen Dialis), le flamine de Mars (FI. Martialis), le flamine de Quirinus (FI. Quirinalis). Les flamines romains étaient placés sous la dépendance du grand pontife, Pontifex maximus. Les sodalités officielles étaient celles des Saliens, des Luperques, des Arvales (Le Chant des Arvals), des Titiens, plus tard celle des Augustales à Rome. Les Saliens, divisés en deux confréries tout à fait semblables, les Saliens du Palatin et les Saliens de la Colline, étaient voués au culte du dieu Mars. Les Luperques accomplissaient la cérémonie des Lupercales, en l'honneur du couple divin Faunus et Fauna; ils remontaient aux plus lointaines origines de la cité romaine. Les Arvales, au moins aussi anciens que les Luperques, étaient les prêtres de la terre nourricière; leur principale fête tombait en mai; elle durait plusieurs jours. De la sodalité des Titiens, nous ne connaissons guère que le nom : elle avait pour mission de maintenir dans le culte romain certains rites sabins d'une très haute antiquité. Les trois sodalités des Luperques, des Arvales et de Titiens étaient tombées, à la fin de la République, dans une profonde décadence; Auguste les fit revivre. La sodalité des Augustales fut créée aussitôt après la mort d'Auguste, en 14 ap. J.-C.; elle fut chargée de célébrer, aux lieu et place de la gens Julia, le culte gentilice de cette famille, et par conséquent le culte de tous les empereurs de la gens Julia qui avaient reçu l'apothéose. Plus tard, des sodalités analogues furent constituées pour les Flaviens, pour Hadrien, pour Antonin le Pieux, sous les noms de Flaviales Titiales, Hadrianales, Antoniniani. Le collège des pontifes était bien un groupe de prêtres, investis de fonctions sacerdotales; mais il occupait une place exceptionnelle dans la constitution religieuse de Rome, et ses attributions étaient très étendues. « Chargé de surveiller tout l'ensemble du culte national, privé et public, de pourvoir de desservants les cultes dont le soin n'est pas dévolu à des sodalités spéciales et de desservir lui-même ceux qui autrement tomberaient en désuétude, il est ainsi le premier parmi les sacerdoces occupés de fonctions liturgiques. Il est encore le premier parmi les collèges qui ont mission de conserver, d'adapter aux circonstances les doctrines léguées par la tradition. » (Bouché-Leclercq).Les pontifes romains étaient à la fois prêtres et théologiens. Ils avaient comme chef le grand pontife (Pontifex maximus), nommé à vie, et qui disposait d'un véritable pouvoir monarchique en matière religieuse. Son autorité était entière et sans limites sur les flamines, sur les Vestales, qu'il nommait, sur le Rex sacrorum ou flamine de Janus. Il avait également le droit et le devoir de surveiller les cultes privés, de s'opposer à toute innovation comme à tout abandon qui lui paraîtraient nuisibles à l'Etat. Le rôle du grand pontife et du collège qu'il dirigeait fut considérable à Rome. Aussi les empereurs s'arrogèrent-ils le titre de grands pontifes par là ils étaient les chefs de la religion. Ce que les pontifes étaient pour la religion nationale, les quindécemvirs l'étaient pour les cultes étrangers. Ce collège, qui ne compta d'abord que deux membres, puis dix, reçut sa forme définitive au début du Ier siècle av. J.-C., probablement sous la dictature de Sulla. C'était lui qui consultait les livres sibyllins, qui ouvrait aux cultes étrangers les portes de la cité, puis ensuite les surveillait. Les quindécemvirs furent « en quelque sorte les pontifes de la religion extra-nationale »; leurs fonctions sacerdotales se rapportaient surtout au culte d'Apollon, à celui du groupe Cérès-Proserpine-Dis Pater, à celui de la Cybèle phrygienne. Le collège des Fétiaux était chargé de toutes les cérémonies religieuses qui avaient trait aux relations internationales; ils intervenaient dans les déclarations de guerre, dans les conclusions d'armistices ou de traités. Les sodalités et les collèges
que nous avons cités jusqu'à présent avaient pour
attributions essentielles soit la célébration des cérémonies
du culte, soit le maintien rigoureux ou l'adaptation prudente du rituel.
Deux autres collèges distincts étaient spécialement
chargés d'interroger les dieux, de saisir, de comprendre, d'interpréter
les signes par lesquels les dieux faisaient connaître aux humains
leurs volontés ou l'avenir (Divination).
Les Augures, qui formaient un collège,
assistaient les magistrats dans l'observation des auspices publics. Comme
les auspices jouaient un rôle capital dans l'État romain,
les Augures occupèrent longtemps à
Rome un rang très élevé.
Plus tard le scepticisme et l'incrédulité des classes dirigeantes portèrent cet pratiques et surtout à l'influence des devins un coup très sensible. Sous l'Empire, le collège des Augures ne survécut que pour la forme : il ne servait plus à rien. Les Aruspices, qui formèrent sous Claude « l'ordre des haruspices impériaux », étaient des devins toscans, très versés dans la science divinatoire chère aux Étrusques. Les Romains les consultaient souvent. Claude ne fit, en créant l'ordre des haruspices impériaux, que leur donner une étiquette officielle. Tels sont les principaux traits de la religion romaine, étudiée à Rome même. Nous ne saurions, dans le cadre de cet article, traiter des cultes provinciaux et municipaux de l'Empire, que ces cultes fussent adressés aux divinités du panthéon gréco-romain, aux divinités officielles de l'Empire, Rome; Auguste, les Augustes, ou aux anciennes divinités locales. Nous nous sommes seulement efforcé d'exposer ce qu'était la religion proprement romaine, de montrer quelle évolution elle a subie, d'indiquer dans ses grandes lignes l'organisation du culte et du sacerdoce romains. Notons simplement pour conclure que la religion romaine ne disparut, pas tout entière avec le développement du christianisme. Le chef de la religion chrétienne porte encore le titre de souverain pontife; beaucoup des fêtes chrétiennes ne sont que d'antiques fêtes du paganisme romain, à peine modifiées dans leur aspect extérieur. Beaucoup d'églises et de lieux de pélerinage marquent des emplacements où étaient pratiqués des cultes antérieurs à un christianisme qui ne s'est implanté qu'en intégrant, au moins dans les formes populaires de la religion, des pratiques cultuelles - parfois d'origine romaine, mais aussi dans certains cas celtiques ou germaniques - qui n'étaient évidemment pas les siennes au départ. (A19).
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