 |
La
mythologie grecque
Malgré sa
luxuriante abondance et sa complexité touffue, de toutes les mythologies,
la mythologie grecque
est celle qui nous est la plus familière. Elle nous semble claire
et lumineuse. Chacun des êtres divins ou héroïques,
qui la peuplent, a sa personnalité, son caractère, ses attributs,
son histoire; chacun d'eux est, pour ainsi dire, le centre d'un vrai cycle
de mythes. Une clarté certainement bien
trompeuse, tant les mentalités des anciens Grecs étaient
éloignées des nôtres. Mais c'est qu'un caractère
de la mythologie grecque explique en partie tous les autres : elle est,
plus qu'aucune autre, essentiellement polythéiste
et anthropomorphique.
C'est aussi que cette
mythologie a largement débordé du creuset religieux dans
lequel elle s'est formée, pour susciter réappropriation sur
réappropriation, au fur et à mesure qu'elle se déployait
dans tous les domaines des arts et des lettres. En prenant parfois des
tournures aussi peu grecques que possibles - il suffit de penser à
cette variation dublinoise sur les thèmes de l'Odyssée
qu'est l'Ulysse de James Joyce, par
exemple, pour comprendre ce que cela signifie. ( Bibliographie
générale).
Les premiers philologues
comparatistes ont montré que par de nombreux aspects, la mythologie
grecque s'apparente aux mythologies dites indo-européennes (mythologies
indienne ,
perse ,
nordique,
etc.). Mais elle ne peut se réduire à cela. Un important
fonds proprement méditerranéen - disons autochtone ou préhellénique,
pour faire court - peut y être identifié. Les relations de
la Grèce
avec les peuples et les civilisations de l'Orient classique (Phéniciens,
Phrygiens, Égyptiens) ont
également contribué à enrichir la mythologie de beaucoup
d'éléments nouveaux. Dès l'aube de la période
historique, cependant, ces éléments hétérogènes
étaient déjà mêlés et fondus; Hésiode,
dans sa Théogonie ,
en particulier a coordonné les principales idées éparses
dans la Grèce, et établi un ordre chronologique dans la succession
des dieux.
A
la racine du polythéisme grec.
On sait aujourd'hui
qu'une religion est une manipulation symbolique d'un caractère beaucoup
plus complexe que ce qu'ont supposé ces premières approches.
Mais pour ce qui concerne, au moins l'origine des divinités grecques,
deux grandes classes ont pu être identifiées :
1°
Celles qui appartiennent à un vieux fonds méditerranéen,
que l'on identifie avec le plus d'évidence en Anatolie, mais qui
pourraient être reconnues jusqu'au mont Bego, dans les Alpes, et
qui sont essentiellement des divinités chtoniennes(telluriques).
Les cycles de la nature, ceux de la vie et de la survie après la
mort sont au centre des préoccupations qu'elles traduisent.
L'archéologie
révèle en particulier sur les sites de probables sanctuaires
et dans les tombes de l'époque néolithique et de l'âge
du Bronze des idoles aujourd'hui qualifiées de Grandes
Mères ou de Terres-Mères, supposées être
en relation avec des cultes de la fécondité et de la fertilité.
Le rapprochement de ces objets avec ceux d'autres sites (notamment en Anatolie)
suggère que cette antique religion méditerranéenne
associait cette déesse à un taureau
ou à un bélier. Un thème
qui s'installera durablement dans la région.
En
Crète ,
le culte supposé de cette Grande déesse, évolue au
cours du second millénaire avant notre ère en faisant intervenir
quantité de nouveaux acteurs : animaux divers, plantes, etc. Toute
une foule de démons accompagnateurs des dieux, tels que les Curètes
ou les Dactyles, prennent aussi leur essor
à cette époque. ils auront une nombreuse descendance dans
la mythologie grecque (Chimères, Gorgones,
Sirènes,
etc.). La Déesse Mère elle-même se dédouble,
sans doute en mère et fille, comme ce sera plus tard le cas pour
leurs héritières Déméter
et Perséphone.
2°
Celles qui ont été apportées par les Grecs, c'est-à-dire
par les envahisseurs indo-européens qui investissent la région
à partir du deuxième millénaire, et ont davantage
un caractère ouranien (céleste). Ces dieux-là sont
peu en rapport avec les cycles naturels et la permanence des choses. On
pourrait davantage les qualifier de dieux de l'action immédiate.
Cette
première religion proprement hellénique est identifiable
à Mycènes et sur les sites
qui appartiennent à cette époque. Les dieux prennent le pas
sur les déesses. Zeus fait son apparition,
et avec lui un certain nombre de grandes divinités, qui se placèrent
plus tard à la tête du panthéon hellénique,
Héra,
Arès,
Hestia,
Hermès,
Athéna...
Le culte de Zeus conserva longtemps son importance à Dodone
en Épire. Celui d'Hermès fut surtout en vigueur chez les
Arcadiens .
Mais,
surtout, une synthèse, accentuée après la conquête
de la Crète, va s'opérer entre cette tradition religieuse
et celle des populations autochtones, donnant naissance à cette
grande famille qu'est le panthéon grec. Soudain Zeus, dieu céleste,
se met à naître sur la terre de Crète, et tout
sera désormais à l'avenant. On pourrait même largement
déchiffrer le processus de catastérisation ou transformation
d'un personnage mythologique en astre ou constellation
( Les Catastérismes
d'Eratosthène), comme une manière
le mariage de la Terre et du Ciel,
de la durée et de l'instant.
En Crète et à
Samothrace ,
où la religion demeura dans un rapport étroit avec celles
de l'Asie occidentale, de la Phénicie, de la Syrie. Ce seront des
points de passage pour de nouveaux éléments. Certaines divinités
viendront des colonies de Phénicie, de Syrie, de Phrygie, etc.,
et se mêleront peu à peu aux dieux des anciens habitants de
la Grèce .
On peut supposer que c'est aussi le trajet suivi, par exemple, par le mythe
du déluge de Deucalion,
dont les racines se perdent dans un lointain récit sumérien.
N'empêche, c'est au total une religion au caractère propre
qui s'est développée : des cultes et des rites locaux se
formèrent dès la période mycénienne en Thessalie ,
en Béotie ,
à Samos ,
à Rhodes ,
etc., et c'est là principalement qu'il faut chercher les origines
du riche panthéon grec. C'est là aussi qu'on trouve la source
des grands cycles héroïques, qui relèvent davantage
de la littérature que de la religion, et, au total, de ce qu'il
est convenu d'appeler la mythologie grecque.
Les Grecs concevaient
leurs dieux comme possédant la forme humaine et beaucoup d'attributs
humains; mais c'étaient véritablement des êtres divins,
car ils ne connaissaient pas la vieillesse et étaient immortels.
Les
types de mythes.
On y distingue trois
catégories de mythes: les mythes cosmogoniques, qui forment l'histoire
mythologique de la Grèce
jusqu'à la victoire définitive de Zeus; les mythes divins,
qui concernent les dieux et les déesses de la religion olympienne;
enfin les mythes héroïques.
-
Athéna,
Apollon et Hermès. Vase de Pamphaios (vers 500 av. J.-C.).
(Bibibliothèque
nationale, Paris).
Les mythes cosmogoniques
- Les mythes cosmogoniques de la Grèce
nous ont été surtout transmis par Hésiode,
l'auteur de la Théogonie ;
la portée philosophique de la plupart d'entre eux prouve qu'ils
avaient déjà perdu leur aspect populaire primitif, et qu'ils
avaient été coordonnés en une vaste synthèse
destinée à expliquer la genèse du monde physique et
les lois de la morale .
Avant toute chose
existaient, d'après une tradition, l'Océan
et Téthys; d'après une autre, le
Chaos
et Gaea, la Terre. Du Chaos et de la Terre naquirent
l'Erèbe et la Nuit;
de l'Erèbe et de la Nuit naquirent l'Ether
et le Jour. Puis Gaea engendra Ouranos = le
Ciel, et Pontos = la
Mer. Il est impossible de ne pas reconnaître
dans ces premières divinités de la Théogonie
des personnifications purement artificielles.
La seconde génération
de dieux est déjà plus véritablement mythologique.
Gaea s'unit à Ouranos, et de cette union sortent, outre les Cyclopes,
plusieurs divinités parmi lesquelles Cronos.
Cronos s'oppose à son père Ouranos, le détrône
et se substitue à lui, comme maître du monde. Il épouse
Rhéa
et donne le jour à de nombreux enfants; puis il subit le même
sort qu'Ouranos. Son fils Zeus réussit à
l'enchaîner et s'empare à son tour de la toute-puissance.
Mais il doit la défendre contre de terribles ennemis, les Titans
d'abord, puis le monstre
Typhoeus (Typhée
ou Typhon).
La lutte de Zeus
et de ses frères contre les Titans est un des épisodes les
plus frappants de la cosmogonie des Grecs, et d'aucuns ont voulu y retrouver
le souvenir des bouleversements volcaniques dont le sol de la Grèce
et des îles qui l'entourent fut jadis le théâtre. Zeus
ne triomphe qu'au prix des plus grands efforts, et sa victoire, qui donne
au monde la paix et en assure l'harmonie, clôt dans la mythologie
grecque l'ère des mythes cosmogoniques. Désormais la société
divine est organisée.
Les mythes divins
- Cette société nous est révélée par
les mythes, que nous avons appelés divins, parce qu'ils concernent
les dieux et les déesses et par opposition aux légendes des
héros. Elle est d'abord constituée par les douze grands dieux
de l'Olympe :
Zeus,
le roi des dieux et des hommes, le dieu du ciel
lumineux, maître de la foudre ,
dont un geste irrité fait trembler le monde; Héra,
soeur et épouse de Zeus, qui protège les unions légitimes
et préside aux naissances; Apollon, le
dieu du soleil, des arts et de la poésie;
Poseidon,
le dieu de la mer; Arès, le dieu des combats;
Héphaïstos, le dieu du feu et
de l'industrie; Hermès, le messager des
dieux, patron des orateurs et des négociants; Athéna,
la déesse de la raison et de la sagesse; Aphrodite,
la déesse de la beauté et de la volupté; Hestia,
la déesse du foyer, protectrice des vertus familiales; Déméter,
la déesse des moissons; Artémis,
enfin, la vierge chasseresse, déesse de la Lune.
Ces douze divinités
tenaient le premier rang dans le monde mythologique imaginé par
les Hellènes; mais elles n'étaient pas les seules. Hadès
régnait dans le monde souterrain; Dionysos,
le dieu de la vigne ,
Asclépios,
le divin médecin,
Amphitrite, la reine
des mers, bien d'autres encore étaient adorés par les Grecs.
Autour de ces dieux
et de ces déesses se pressait un nombreux cortège d'êtres
divins; toute la nature en était peuplée : Eole
et les Vents, Ganymède,
Hébé,
Iris, traversaient l'atmosphère; sur terre,
Pan, les Dryades, les
Naïades, les Nymphes
animaient les bois, les sources, les étangs; les Satyres
accompagnaient
Dionysos; sur mer, les Néréides
et les Tritons escortaient le char de Poseidon
et celui d'Amphitrite. Apollon
menait le choeur des neuf Muses. Du Tartare
sortaient parfois, pour châtier les criminels, les Erinyes,
tandis que les Moires présidaient aux
diverses étapes de la destinée humaine.
Pour s'y
retrouver...
On
trouvera sur ce site un très grand nombre de notices consacrées
aux divinités grecques. Voici en résumé les principales
portes d'entrée de ce panthéon :
Les
grandes régions du monde
Le
ciel : Ouranos, Zeus,
Héra,
Hélios,
Sélénè,
Iris,
Eole, et Eos (L'Aurore).
L'eau
: Poséidon, Amphitrite,
Triton,
les Sirènes,
Protée,
Nérée, les Néréides,
Phorcys,
Glaucos,
Pontos, Océanos,
les Naïades, Scylla.
La
Terre : Gaïa, Rhéa
/ Cybèle.
Les
champs, les bois et les jardins : Déméter,
Chloris
et les Nymphes,
Aristée,
Pan et les Satyres.
Le
monde des ténèbres : Hadès,
Perséphone,
les Grées, les Gorgones,
Hécate,
Nyx et
Hypnos (le Sommeil).
Le
temps et la destinée
Le
temps : les Heures et Cronos.
La
destinée, la justice et la récompense : Némésis,
Atè,
les Moires,
Thémis,
les Erinyes, les Harpyies,
Thanatos et les génies.
La
vie des Humains
La
maison et de la vie domestique : Hestia,
Ilythie
Les
arts, les métiers et les sciences : Héphaïstos,
Athéna,
Apollon,
Artémis,
les Centaures,
Hermès
et les Muses.
L'amour
et la volupté : Aphrodite, Eros,
les Charites, Hébé,
Ganymède,
Dionysos,
Silène,
Priape.
La
guerre et la paix : Arès, Eris (la Discorde).
|
Les cycles héroïques
- Le culte des héros acheva d'imprimer
à ce polythéisme une physionomie distincte. Les mythes ou
traditions mythiques, avec les héros et les demi-dieux qui y figurent
sont un élément important dans la mythologie des Grecs, comme
elle le sera pour les Romains. Les héros ou demi-dieux (Prométhée,
Deucalion,
Bellérophon,
Persée,
Thésée, etc.) diffèrent
tous des dieux en ce qu'ils sont mortels. Héraclès
est le seul qui devienne immortel.
Sous ce nom de héros
on comprit les individus nés d'un dieu et d'une mortelle, comme
Heraclès, ou d'un mortel et d'une déesse, comme Achille,
et tous les personnages des temps fabuleux, chefs de clans ou de migrations,
fondateurs de villes, protecteurs de cités et de familles, vainqueurs
de bêtes féroces, bienfaiteurs de leurs semblables.
Le nombre en est
considérable. Chaque cité grecque tenait à honneur
d'avoir pour ancêtre un héros, à défaut d'un
dieu ou d'une déesse. Chaque région a ainsi forgé
ses propres cycles légendaires, qui ont fini eux aussi par s'interpénétrer
dans certains cas. On mentionnera les héros mycéniens (Persée,
Atrée);
ceux de Lacédémone (Hélène);
de Pylos
(Nestor), de Thèbes
(Œdipe); d'Athènes
(Thésée). A qui s'ajoutent des
grands rassemblements de héros d'origines diverses : la chasse de
Calydon,
le périple des Argonautes, la guerre
de Troie ( l'Iliade ,
d'Homère).
-
Des Héros
et des légendes
Légende
d'Héraclès
Héraclès,
Alcmène,
Amphitryon,
Iphiclès,
Iolas,
Déjanire,
Eurysthée,
Hydre
de Lerne, Augias,
Stymphalides,
Géryon,
Diomède,
Hésione,
Hespérides,
Omphale,
Nessus, etc.
Héros
de l'Attique
Légende
de Thésée : Thésée,
les Amazones, Phèdre,
Hippolyte,
Pirithoos,
Ariane,
le Minotaure
Autres
héros : Cecrops, Erichtonios,
Erechthée
Héros
thébains
Cadmos,
Amphion
et Zéthos,
Niobé,
Oedipe, le Sphinx,
Laïos,
Jocaste,
Antigone,
Hypsipyle,
Epigones.
Héros
de l'Etolie et de la Thessalie
Légende
de Péléus : Péléus,
Thétis
Légende
des Argonautes : Jason,
Pélias,
Phrixos et Hellé,
Médée,
Aéetès
Héros
corinthiens
Sisyphe,
Bellérophon,
Pégase
Héros
du Péloponnèse
Epidaure
: Asclépios
Argolide
: Persée et Andromède,
Danaüs
et les Danaïdes
Laconie
et Messénie : Tyndare, Léda,
les Dioscures (Castor
et Pollux), Hélène,
Pâris
La
malédiction des Atrides : Pélops,
Thyeste,
Atrée,
Ménélas,
Agamemnon,
Clytemnestre,
Egisthe,
Oreste, Electre,
Iphigénie
Légendes
de la Crète
Ariane,
le Minotaure, Minos,
Pasiphaé,
Rhadamante et Sarpédon,
Dédale,
Icare,
Talos
Les
héros de l'Iliade et de l'Odyssée
L'expédition
de Troie : Achille,
Patrocle,
Hector,
Ajax, Nestor,
Diomède,
Priam,
Ménélas,
Agamemnon,
Cassandre
La
légende d'Ulysse : Ulysse, Pénélope,
Télémaque,
Phéaciens,
Nausicaa,
Circé,
Calypso,
Polyphème,
Lestrygons
|
Développements
tardifs.
Du VIIeet
du VIe siècle avant l'ère
chrétienne, grâce au développement accru des relations
avec l'Asie, on assiste à l'importation de nouveaux dogmes étrangers,
qui ont encore transformé le visage polythéisme grec. Par
de nombreux aspects ces nouveautés peuvent être mises en relation
avec une véritable innovation : l'émergence de pensée
philosophique grecque. Mais alors que les premiers philosophes, entamaient
une désacralisation du monde, une dépersonnification des
principes agissants dans la nature, une réaction s'est faite jour
: les écoles pythagoricienne et platonicienne essayèrent
ainsi tour à tour de conserver ces nouveaux acquis philosophiques,
tout en assimilant entre eux les dieux honorés chez les différents
peuples, afin de réunir les éléments vraiment religieux
qui existaient dans ces cultes divers; le peuple grec attribua les noms
de ses divinités aux divinités étrangères qui
avaient avec elles quelque ressemblance, et mit sur le compte de ses propres
dieux les fables dont les dieux étrangers étaient l'objet.
Ce syncrétisme
atteignit ses derniers développements à l'époque de
l'école d'Alexandrie,
qui voulut opérer une fusion complète entre les religions
de l'Asie, de l'Égypte
et de la Grèce .
Alors aussi on prétendit donner aux mythes païens un sens et
une portée qu'ils n'avaient certainement pas. Et c'est bien dès
cette époque qu'on commença à faire de ces mythes
autant d'expressions figurées des phénomènes naturels,
des révolutions astronomiques, etc. Le polythéisme fut ainsi
totalement dénaturé, et celui qui le jugerait d'après
les derniers écrivains grecs s'en ferait l'idée la plus fausse.
Au temps des Alexandrins, le polythéisme n'avait plus de rapport
avec la religion d'Homère, d'Hésiode et de Pindare; les fables
anciennes n'étaient plus que des allégories; les rites seuls
étaient conservés, parce qu'ils constituaient généralement
pour le peuple toute la religion, et que les philosophes cherchaient à
s'appuyer sur la tradition pour dissimuler la nouveauté de leurs
idées; la religion n'était plus qu'un attachement routinier
et inintelligent à des cérémonies surannées
et vidées de leur sens. Tout comme d'ailleurs les mythes, si prompt,
eux, à en acquérir de nouveaux.
Ainsi les dieux et
les déesses ne seraient, d'après une opinion représentée
déjà dans l'Antiquité par Évhémère,
que des êtres humains déifiés après leur mort
à cause de leurs exploits ou de leurs vertus, et il ne faudrait
voir dans les mythes que des faits historiques altérés par
l'ignorance populaire et embellis par la fantaisie des poètes.
Une nouvelle vie commençait pour la mythologie. Et de nouveaux mythes
ont commencé à se construire sur les anciens. D'autres mythologues,
ont ainsi regardé les dieux de la Grèce
comme la personnification des éléments, des agents physiques,
et ont cru découvrir sous le voile de la Fable l'expression figurée
du rôle que les phénomènes naturels jouent dans l'univers...
Il y a sans doute
là encore une méprise, même si l'on peut bien accepter
que certains de ces personnages ont bien existé, et même que
certains événements peuvent bien avoir eu lieu aussi. Après
tout, Schliemann, guidé par Homère,
a bien retrouvé une ville qui pouvait avoir un rapport avec Troie.
Mais quelle est la nature exacte de ce rapport? Les ruines d'Hissarlik
déterrées par Schlieman sont-elles celles de Troie?
On peut se faire
une idée des pièges auxquels s'expose toute tentative d'interprétation
trop littérale des mythes en comparant la situation à ce
que révèlent les chansons de geste ,
par exemple : elles aussi utilisaient un matériau historique (personnages,
peuples et lieux ont tous souvent existé), mais le transformaient
à leur façon. Les Vikings ,
les Basques, ou les Saxons devenaient par exemple des Sarrasins;
Saragosse,
dans la vallée de l'Ebre, se retrouvait au sommet d'une montagne;
on confondaient les rois et les siècles, etc. Et aucune grille de
lecture ne permettrait à travers elle de s'y retrouver véritablement
sans l'aide, à côté, d'une connaissance de l'histoire
avérée.
De même les
mythes grecs ne sont pas de l'histoire cryptée, ou même comme
on a pu le croire à propos de l'astronomie ( Dupuis
: L'origine des constellations), une forme de science cachée
derrière des codes bien établis, et dont il suffirait de
connaître la clé pour lire la pensée de leur auteur.
Les mythes ne recellent pas de l'information : ils véhiculent de
la signification. Et celle-ci ne peut se comprendre autrement que dans
la cadre global de la culture qui l'a produite.
-
Héraclès
conduit dans l'Olympe par Athéna.
Peinture
d'un vase trouvé à Vulci. Musée
de Berlin.
Les
cultes dans la Grèce antique
Un Grec
pense des dieux ce qu'il lui plaît. Mais il ne doit rien négliger
des pratiques traditionnelles. Le culte est un contrat passé avec
la divinité; la prière a pour objet de l'amadouer. On prend
les dieux à témoin des serments, traités, imprécations,
malédictions; par politesse, on n'approche de leurs autels
qu'après s'être purifié
les mains par l'eau, et l'on se soumet aux cérémonies
expiatoires après un deuil, un meurtre involontaire ou une épidémie.
On n'entreprend rien
sans consulter les dieux; on ruse pour connaître leur avis, quelquefois
manifesté directement dans un songe; mais
d'ordinaire il faut recourir à la divination,
observer le vol des oiseaux, les phénomènes de l'air, les
entrailles des victimes, le jeu de la flamme ou de la fumée d'encens,
etc. Pour l'interprétation, on s'en rapporte à l'expérience
des sibylles, des devins, des nombreux oracles;
l'avenir se révèle dans l'ombre d'une grotte ou les exhalaisons
d'une crevasse, par des mots, des signes ou des rêves; parfois, les
prophéties semblent se contredire, mais la confiance en elles n'en
est pas atteinte.
Tout dieu agréa
d'abord pour domicile une caverne, une forêt,
un tertre, un autel
de pierre; enfin il eut sa maison, le temple. On gagnait ses faveurs par
des sacrifices assujettis à un rituel invariable, extrêmement
minutieux. La plus précieuse des offrandes est le sang humain, et
il y eut encore des sacrifices humains à l'époque classique;
pourtant on imagina, n'osant les répudier, d'ingénieuses
substitutions : un animal, paré comme
un être humain, fournissait la victime. L'esprit d'économie
était inventif; on consacrait un boeuf
en terre cuite, un concombre orné de bois sculptés
simulant des cornes.
D'ordinaire les dieux se contentaient des prémices
des champs.
Les
confréries.
Les cultes publics
ou familiaux avaient des formes arrêtées et un exclusivisme
gênant, sans parler de leur insignifiance doctrinale. De là
le succès des cultes étrangers et des mystères,
où chacun, admis indistinctement, avait la joie d'une vision de
l'au-delà. Les divinités d'Asie et d'Afrique ,
introduites par les navigateurs, d'abord repoussées par les États,
ont, dès le Ve siècle, d'innombrables
fidèles réunis en confréries (thiases, orgéons)
, où sont admis les femmes, les métèques et les esclaves.
Parmi ces confréries, il y avait des sociétés secrètes,
où l'on n'entrait qu'après initiation et sous défense
de rien révéler de ce qui s'y passait; nous ne savons donc
que très vaguement leur caractère : dans les confréries
originaires de Thrace ou de Phrygie se succédaient les scènes
de fanatisme, macérations, orgies,
extases; les préoccupations morales l'emportaient dans les groupes
orphiques, la vie ascétique dans les
loges pythagoriciennes de l'Italie
méridionale. Par endroits, ces mystères entrèrent
dans la religion officielle, sous la surveillance de l'État; ainsi
à Samothrace ,
Andanie ;
en Attique
(Eleusis), des images symboliques, métamorphoses
et moisson du grain de blé, figuraient l'immortalité de l'âme;
on connaissait un baptême rénovateur. Les mystères
eurent d'abord plutôt une bonne influence, mais l'entrée des
foules leur fut fatale, laissant libre carrière aux exploiteurs
de la crédulité.
Les
cultes privés.
Chaque famille a
ses dieux domestiques : les ancêtres, dont les images varient d'un
toit à l'autre; les dieux du foyer, partout identiques. La maison
grecque
est encombrée de niches et d'autels .
Dès l'entrée, voici l'image d'Hécate,
celle d'Hermès, gardien des gonds ; dans
la cour, l'autel de Zeus Herkeios, protecteur de
l'enclos; dans la grande salle du fond, le symbole d'Hestia;
dans la chambre conjugale sont les dieux du mariage et de la naissance;
Athéna
Ergané préside aux travaux des femmes; Zeus Ktésios
veille sur les greniers. Tous sont représentés par des statuettes
de bronze, de cire, d'argile peinte. Le père est chef absolu du
culte intérieur, rendu suivant les rites particuliers.
La
religion dans la Cité.
Formé par
le groupement des phratries, des tribus, etc., l'État en adopta
les cultes, en superposant celui d'un héros
fondateur, comme Thésée en Attique ;
ce panthéon croissait à chaque génération.
L'État impose
l'hommage aux dieux, obligation civique, mais ne s'occupe que de la forme
extérieure; c'est une pure manifestation qui n'engage pas la conscience.
Le culte est un service administratif comme un autre. Le sanctuaire, entretenu
par la cité, comprend d'ordinaire toute une enceinte avec édifices,
jardins, bois, pâturages, où vivent les animaux
sacrés. Le sacerdoce n'a rien de général; on est
prêtre de tel dieu, en tel temple, et d'habitude pour un an; pas
de caste séparée, pas de « clergé », dirions-nous.
A part quelques prêtrises réservées à de vieilles
familles, quelques autres acquises à prix d'argent, la plupart s'obtiennent
au sort ou à l'élection, entraînent docimasie et reddition
de comptes. Le prêtre, aidé de subalternes, fait la police
du sanctuaire, en gère les intérêts, accomplit les
cérémonies
prescrites; il vit de l'autel ,
a sa part des victimes et prémices,
n'assume aucun rôle moral.
Les dieux de la Grèce
ont été ses plus riches propriétaires ils possédaient
souvent un trésor considérable alimenté par des dons,
des revenus fixes de terres ou de maisons louées, des redevances,
le produit du travail de leurs esclaves, parfois une dîme sur les
récoltes, une part des butins de guerre et des amendes. Leurs temples
devinrent des banques de dépôts et de prêts hypothécaires;
il en est qui frappèrent monnaie.
Les fêtes officielles
étaient fréquentes, prolongées, luxueuses, ouvertes
à tous. L'Attique, en particulier, fut le pays des larges hécatombes
et des belles processions. La foule appréciait entre toutes les
fêtes de Dionysos, d'une gaieté
exubérante : il y avait des journées entières de cortèges
burlesques et déguisés, de banquets, farces et mascarades,
d'où le théâtre allait sortir. Déméter
était adorée, tout au contraire, dans une note grave et recueillie.
Mais rien ne pouvait se comparer à la fête d'Athéna
Polias, panégyrie annuelle, qui prenait, chaque cinquième
année, un éclat extraordinaire (Grandes
Panathénées) : plusieurs jours se passaient en sacrifices,
concours et jeux, terminés par la procession que déroule
encore à nos yeux la frise
du Parthénon ;
on accompagnait jusqu'à l'Acropole
le péplos neuf offert à Athéna. La vie religieuse,
comme la vie courante, laisse voir, à côté des libres
épanchements de la nature, un souci d'art et de beauté.
(diverses sources).
|
|