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Frères arvales

Les Frères arvales étaient une célèbre confrérie (Sodalité) religieuse de l'ancienne Rome dont le nom même (arva, terres labourées) indique la fonction; ils étaient spécialement chargés de rendre un culte à une vieille divinité agricole, Dea Dia, qui symbolise la terre nourricière, pour en obtenir la fécondité des champs. L'origine des Arvales est contemporaine des premiers temps de l'histoire de Rome, ce qui s'explique naturellement par ce fait que les premiers Romains n'avaient pas, en dehors de la guerre, d'autres occupations et d'autre richesse que l'agriculture.

La légende religieuse racontait que Acca Larentia avait eu douze fils, qui avaient été les douze premiers Arvales; l'un des douze frères étant mort, Romulus, le premier roi de Rome, prit sa place : dès lors la confrérie resta toujours fixée à ce nombre de douze, qui était la symbolisation des douze mois de l'année. Les frères Arvales n'auraient pas laissé dans l'histoire romaine tant de célébrité, car ils étaient loin de former une des corporations religieuses les plus importantes de l'ancienne Rome, si des fouilles heureuses n'avaient permis de retrouver les procès-verbaux, gravés sur pierre, des réunions et des cérémonies des Arvales : ces procès-verbaux s'appellent les Actes des frères Arvales, Acta fratrum ArvaIium

La confrérie avait son centre religieux dans le bois sacré de Dea Dia, situé sur la rive droite du Tibre, à cinq milles et en aval de Rome; dans ce bois sacré, occupé aujourd'hui par des plantations de vignes, les Arvales avaient construit le temple de leur divinité, un cirque et différents petits édifices, un entre autres destiné à honorer les empereurs, le Caesareum; car le culte des princes s'ajouta sous l'Empire à leur culte traditionnel. C'est sur les parois de ces différents édifices que les Arvales faisaient graver les procès-verbaux détaillés de leurs différentes réunions. Dès 1570 on a commencé à trouver quelquesuns de ces actes; on en avait trouvé 67 à la fin du XVIIIe siècle;  plusieurs dizaines d'autres s'y sont ajoutés par la suite, le plus ancien remontant à l'année 14 ap. J: C., la dernière du règne d'Auguste, le moins ancien descendant à l'année 241, sous le règne de Gordien III. Tout ce que l'on sait sur les Arvales et sur le cérémonial de leur culte est dû aux renseignements authentiques donnés par ces archives de pierre.

On ne sait rien de l'histoire de la confrérie pendant la République; Auguste la réorganisa, comme il le fit pour toutes les corporations religieuses de Rome, et dès lors la condition et le cérémonial des Arvales ne changèrent pas jusqu'au jour de leur disparition. Les douze frères Arvales se recrutaient par « cooptation » suivant l'expression technique des Romains, que les membres en fonction élisaient au scrutin leur nouveau collègue; ce mode de nomination s'était conservé sous l'Empire, mais pour la forme seulement, car le prince désignait aux Arvales le nouveau membre qu'ils devaient nommer. 

En dehors des douze « frères », lesquels sont toujours de grands personnages, en général patriciens, le collège des Arvales comprend quatre enfants de choeur, pueri, qui assistaient les « frères » dans les sacrifices, et un grand nombre de fonctionnaires subalternes, sacristains, scribes, etc. On évalue à une soixantaine le nombre des personnes qui se rattachaient à un titre quelconque à la corporation. Le collège était présidé par un magister, élu annuellement ; ces fonctions étaient souvent données à l'empereur qui se faisait suppléer par un promagister; un flamine élu était chargé d'offrir les sacrifices. Les Arvales avaient deux insignes caractéristiques pendant l'accomplissement de leurs cérémonies, la toge prétexte et sur la tête une couronne d'épis de blé avec des bandelettes de laine blanche.

La fête des Arvales, destinée à rendre un culte à Dea Dia, revenait annuellement au mois de mai, à une date qui était fixée à l'avance chaque année au mois de janvier par le magister de la confrérie. La fête durait trois jours, mais le premier et le deuxième non consécutifs, au milieu d'une complication incroyable de cérémonies archaïques. Le premier jour, la réunion de la confrérie avait lieu à Rome; elle s'ouvrait par un sacrifice en l'honneur de Dea Dia, c. -à-d. par l'offrande à cette divinité agricole de fruits, de vin, d'encens. Après le sacrifice, les Arvales prenaient un bain, puis ils s'asseyaient à un banquet somptueux, qui se terminait par la distribution aux « frères » de couronnes de roses et de sportules de cent deniers par tête. La deuxième journée, qui était non pas le lendemain, mais le surlendemain de la première, se passait hors de Rome, au bois sacré de Dea Dia; le magister commentait par célébrer une cérémonie expiatoire en immolant deux porcs et une génisse, pour se faire pardonner par la déesse l'usage du fer qu'on ne pouvait introduire dans le bois sacré et qui était cependant indispensable pour les sacrifices. L'après-midi, les Arvales rejoignaient le magister qui avait été seul pendant la matinée, et tous ensemble sacrifiaient solennellement une brebis à Dea Dia. Ensuite les « frères », réunis dans le temple et retroussant leurs tuniques, exécutaient en s'accompagnant de danses très animées un chant sacré et traditionnel, le carmen fratrum Arvalium

Ce chant nous est parvenu par un procès-verbal du mois de mai 218 sous le règne d'Elagabal. il se compose de six versets dont les cinq premiers étaient répétés trois fois et dont le dernier Triumpe, « Sautez », était répété cinq fois; c'est une sorte de litanie dans laquelle on invoque pour la prospérité de la campagne les dieux agricoles de l'Italie primitive : les Lares, Marmar ou Mamers le dieu osque, le Mars latin Berber et les Semones ou dieux des Semailles. Le texte que nous possédons de ce chant religieux (Chant des Arvals) est d'une langue bien antérieure au IIIe siècle de notre ère, qui est la date du monument épigraphique dans lequel il a été conservé; il avait été transcrit sur un original que l'on conservait dans les archives de la confrérie, et qui remontait au moins au second siècle av. J.-C. 

Les Arvales répétaient les paroles archaïques de leur litanie sans les comprendre, ce qui est bien conforme au caractère de la religion romaine dans laquelle on ne tient compte que de la lettre même de la prière et des formes extérieures du culte. Après l'exécution du chant et des danses, les Arvales nomment le magister et le flamen qui doivent figurer aux cérémonies de la prochaine année; puis ils se livrent à des exercices équestres dans le cirque voisin du bois sacré; enfin ils rentrent à Rome pour prendre part à un nouveau banquet et à une nouvelle distribution de sportules et de couronnes. Le troisième jour de la fête, qui était le lendemain du deuxième, se passait à Rome, et était la répétition à peu près identique du premier jour.

En dehors de leur grande fête annuelle, les Arvales avaient encore de fréquentes réunions. Ainsi dès qu'il s'agissait de couper la moindre branche dans le bois sacré de Dea Dia, de remplacer les arbres détruits par la foudre, de faire une réparation quelconque à l'un des édifices de leur culte, c'étaient aussitôt des cérémonies interminables, d'un rituel très compliqué, dans le genre de celles de la fête solennelle du mois de mai. Un autre objet des réunions des Arvales était la célébration des voeux ordinaires et extraordinaires pour les empereurs et la famille impériale. Le 3 janvier de chaque année ils célébraient un sacrifice solennel au Capitole en invoquant Jupiter, Junon et Minerve, la triade capitoline, pour le salut du prince; ils fêtaient encore dans le courant de l'année tous les anniversaires un peu importants de la vie de l'empereur, anniversaires de sa naissance, de son élévation à l'empire, de telle victoire, etc. 

Tous les empereurs, bien entendu, ont été l'objet de cérémonies de la part des Arvales. En 69 ils ont offert trois sacrifices à quelques semaines d'intervalle, le premier pour Galba, le deuxième pour Othon, le troisième pour Vitellius. Ils se réunissaient encore quand il y avait des cooptations à faire dans leur confrérie. De la sorte leurs réunions finissaient par être assez fréquentes dans tout le courant de l'année; mais il ne faut pas oublier que la réunion de beaucoup la plus importante, la seule qui était intimement liée à l'existence même du collège des Arvales, était la réunion de trois jours au mois de mai pour rendre un culte à Dea Dia

Les Arvales, qui se rattachaient au fonds primitif de la religion latine, ont dû exister jusqu'aux derniers jours de cette religion, c. -à-d. jusqu'à la fin du IVe siècle, jusqu'à l'époque de Théodose où le culte disparut tout entier; cependant certains auteurs, frappés de ce fait caractéristique que l'on n'a plus la moindre mention des Arvales ni dans les textes ni dans les inscriptions postérieurs à la première moitié du IIIe siècle, ont supposé que les frères Arvales avaient dû disparaître, pour une raison que l'on ignore, vers le milieu du IIIe siècle. (G. L.-G.).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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