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L'histoire de la Géologie
Le XIXe siècle et le XXe siècle

Aperçu
Le XIXe siècle est enfin celui où les efforts des siècles précédents portent enfin leurs fruits. Autour de noms tels que Elie de Beaumont, Lyell, Alcide d'Orbigny, Agassiz, Suess, Lapparent, etc., une nouvelle géologie voit le jour. Le plus grand accomplissement de cette période sera ainsi  la mise sur pied d'une échelle stratigraphique, qui a peu changé depuis. Les fond marins commencent également à être étudiés (Expédition du Challenger). Reste qu'une grande partie de l'édifice que l'on croit en cours d'achèvement, sa logique profonde, va être remise en question au XXe siècle. Alors qu'au cours de cette période, la géologie de terrain se perfectionne, d'autant plus que la place immense prise par l'exploitation des ressources pétrolières en appelle le développement, le grand changement va venir dans les années 1960, d'une part de la découverte (à la suite d'idées initiées vers 1912 par Alfred Wegener) de l'existence de plaques lithosphériques en mouvement (théorie de la tectonique des plaques), et qui sont responsables des grands phénomènes géologiques qui affectent notre planète, et d'autre part du démarrage de l'exploration spatiale, qui installe l'étude de la Terre dans un contexte où interviennent désormais les études des autres corps du Système solaire

Jalons
Le XIXe siècle

Au commencement  du XIXe siècle (1811), les découvertes de G. Cuvier donnèrent aux études géologiques un caractère de rigueur et de précision qu'elles n'avaient pu acquérir jusqu'alors. En effet, la détermination exacte des espèces animales éteintes permit au géologue d'établir la chronologie positive des divers terrains et des différentes formations, et de reconnaître leur âge respectif, nonobstant tous les bouleversements dont la croûte de la Terre a été le théâtre. Bien que Antoine de Jussieu eût déjà, un siècle auparavant (1708), signalé les différences qui existent entre les débris végétaux trouvés dans les houillères et les espèces actuellement vivantes, ainsi que leur analogie avec la flore des régions tropicales, les géologues avaient négligé cette source abondante de documents que leur offrait la nature elle-même. Ce fut seulement après les travaux de Cuvier et à l'exemple du célèbre naturaliste que l'on comprit que la botanique devait et pouvait concourir au même but que la zoologie.  Les premières avancées concrètes à ce sens sont dues à William Smith (1769-1839), qui au tournant du siècle va utiliser les fossiles pour ranger par strates les terrains et tracer ainsi les quelques unes des premières cartes géologiques. 

A partir de ce moment, la géologie n'a pas cessé de marcher d'un pas plus assuré dans la voie des découvertes, car désormais elle reposait sur des bases solides et avait pris un rang parmi les sciences d'observation. De nombreux et remarquables travaux ont jeté dès lors les bases de la géologie moderne. Citons, parmi beaucoup d'autres, ceux de Cordier, spécialiste des laves, et défenseur de l'idée d'une chaleur interne de la Terre; Poisson émet en 1838, au sujet de la chaleur centrale de la Terre, l'opinion que la température de la surface terrestre a diminué, parce que le Système solaire a passé d'une région chaude à une région relativement froide; Elie de Beaumont, qui tente d'expliquer l'orogenèse par les effets du refroidissement de la Terre au cours des âges géologiques; Alcide d'Orbigny qui en 1849 reconnaît grâce aux fossiles l'existence de 27 périodes entre le Jurassique et le Crétacé. Lyell qui, dans ses Principles of Geologie, 1830) qui combat le catastrophisme de Cuvier aussi bien que celui de Elie de Beaumont et donne une ancienneté de plusieurs centaines de millions d'années à la Terre; Léopold de Buch, qui explique les montagnes par l'existence de grands soulèvements causés par la montée de roches éruptives; Agassiz qui, grâce à son hypothèse sur les glaciations du quaternaire, peut enfin renoncer vers 1837 au diluvianisme jusqu'alors requis pour expliquer l'existence des blocs erratiques. Mentionnons encore : Dufresnoy, d'Omalius d'Halloy, Brochant de Villiers, Constant Prévost, Beudant, de Verneuil, Rivière, Fournet, d'Archiac, Bond, Buckland, Sedgwick, Murchison, de la Bèche, AIexandre de Humboldt, Keferstein, Leonhard; Stüder, Thurmann, Pictet, etc. 

Il s'est par ailleurs fondé au cours de ce siècle dans toutes les grandes capitales de l'Europe des Sociétés géologiques dans le but de favoriser les progrès et la diffusion de cette discipline. Les deux plus célèbres sont celles de Londres et de Paris. La fondation de celle-ci date du 17 mars 1830; elle publiera un bulletin périodique de ses travaux. Avant cette date qui marque le début d'une phase nouvelle d'activité, ces études, qui ne faisaient de la géologie qu'une énumération sèche et fastidieuse de petites couches superposées ne s'étaient adressées qu'à un petit coin de l'Europe. Mais bientôt les observations géologiques, devenant plus précises, se sont non seulement agrandies en s'étendant au continent tout entier et aux États-Unis de l'Est, mais généralisées en prenant le caractère de descriptions régionales. De plus, une analyse mieux comprise, non plus de la composition, mais de la structure du sol, a mis à jour une foule de faits nouveaux permettant cette fois; non seulement de tracer les grandes lignes de l'histoire du globe, mais de présenter des considérations très intéressantes sur les modifications subies par la géographie terrestre aux diverses époques géologiques. 

C'est l'heure où l'exécution des cartes géologiques est entreprise sur une vaste échelle, tandis que des commissions d'exploration parcourent les contrées les plus éloignées, fournissent, dans ce sens, des enseignements précieux. Après quelques décennies, les observations dirigées vers ce but se multipliant et s'étendant au globe entier, on peut dire que le progrès accompli est immense et que les résultats généraux de ces nouvelles méthodes d'observation peuvent, croit-on, se résumer d'un trait, en déclarant que notre globe peut être considéré désormais comme tout entier connu dans ses traits principaux. Aussi devenait-il possible d'entreprendre des essais de synthèse, trop longtemps ajournés faute d'une suffisante continuité dans les observations, et c'est dans de pareilles conditions que se sont produites les belles généralisations dont Suess et Neumayr ont donné le signal. 
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Esquisse d'une tectonique globale par Suess (1875).

D'autre part, il est encore une oeuvre considérable qui marque en quelque sorte les étapes de toutes ces observations, c'est l'Atlas physique de Berghaus, où pour la première fois on peut voir au milieu d'une foule de documents, tout particulièrement instructifs, les cartes géologiques successives de tous les continents; puis finalement, comme résumé final de tous ces travaux, une carte géologique de la Terre où les espaces blancs indiquant les régions encore inexplorées sont bien limitées. En même temps John Murray le savant directeur de l'expédition du Challenger, condensait tous les résultats des explorations sous-marines, au point de vue de la distribution des sédiments dans le fond des mers, non seulement dans un ouvrage (Deept of sea) qui prend désormais place à côté de ceux précédemment cités de Suess et de Neumayr, mais sous la forme plus expressive d'une carte géologique sous-marine aussi et même plus complète que celle de la Terre.

Dans ces conditions nouvelles, à une époque où se déploie une telle activité scientifique qu'il ne devient plus possible d'énumérer tous les travaux qui contribuent à son éclat, il est devenu tentant à l'aide de tous ces documents, non seulement de restaurer l'emplacement des anciens rivages et de tracer par suite pour chaque époque des cartes paléogéographiques très suggestives, montrant les modifications successives subies par la géographie terrestre avant d'acquérir ses formes actuelles si variées, mais de faire revivre pour ainsi dire les époques disparues en déterminant les conditions physiques qui ont présidé à chaque dépôt. Partant aussi de toutes ces données, il a été possible d'asseoir la classification sur des bases sérieuses, en donnant aux limites des diverses divisions un caractère de précision plus grand et surtout, après avoir su reconnaître les régions distinctes entre lesquelles la surface du globe a pu se partager autrefois, de tenir grand compte des histoires régionales et d'établir entre elles une concordance aussi complète que possible. C'est ce qu'exprimera le tableau des âges géologiques que l'on va construire en 1892, et où, tant la nomenclature des terrains, que  le mode de groupement des systèmes, sera le résultat de délibérations poursuivies de concert entre les représentants les plus autorisés de la géologie de ce temps (Michel-Lévy, Marcel Bertrand, Munier-Chalmas, Lapparent, etc.).

Le XXe siècle

L'illusion d'un science pratiquement achevée  a été léguée au XXe siècle par le siècle précédent. Moins d'une décennie suffira, en physique, pour se convaincre de l'erreur. En géologie, il faudra attendre une soixantaine d'années. En attendant, le siècle s'ouvre sur les questions posées par la découverte récente de la radioactivité. En 1903 George Darwin propose que celle-ci soit responsable, au moins partiellement, de la chaleur interne de la Terre. En 1907, Bertram Boltwood a l'idée d'utiliser la radioactivité des roches pour en déterminer l'âge. Il parvient à des chiffres de l'ordre du milliard d'années pour l'âge de la Terre, en contradiction avec l'opinion admise depuis Kelvin (1865), pour qui des considérations thermodynamiques menaient à des chiffres de quelques dizaines de millions d'années tout au plus. Arthur Holmes, utilise en 1911 la radioactivité pour dater des roches dont les plus anciennes ont 1,6 milliards d'années.

Le même Arthur Holmes soutiendra l'année suivante l'hypothèse de Alfred Wegener selon laquelle les continents actuels résultent du fractionnement d'un ancien continent unique, la Pangée. Cette hypothèse, dite de la dérive des continents est généralement très mal accueillie lors de sa publication (1912). Des arguments en sa faveur vont cependant être accumulés progressivement. En 1953, par exemple, Ewing et Heezen découvrent l'existence de la dorsale médio-océanique dans l'Atlantique. Dans la foulée Hess émet l'hypothèse d'une création de nouveaux terrains à partir de cette dorsale. En 1963, enfin, F. Vine et D. Matthews, qui étudient les alternances de la magnétisation des roches de part et d'autre de la dorsale, témoins d'inversions du champ magnétique terrestre, et en concluent à l'expansion des fonds océaniques à partir de celle-ci. A partir de là, une nouvelle théorie commence à être élaborée, auquel le nom de Xavier le Pichon, notamment est attaché : la théorie de la tectonique des plaques, qui permet enfin d'inscrire dans un cadre satisfaisant tous les grands phénomènes géologiques (volcanisme, orogenèse, notamment).

A l'époque où la théorie de la tectonique des plaques s'impose enfin, une autre révolution a lieu : il s'agit de l'accès à l'espace et à d'autres corps du Système solaire. Les expéditions Apollo sur la Lune entre 1969 et 1972, permettent d'esquisser la première géologie extraterrestre (on parlera de planétologie); les sondes qui atteignent Vénus et Mars (1975), donnent afin accès à une connaissance accrue de planètes soeurs de la nôtre (planètes telluriques); les missions Voyager (1979-1989) révèlent les surfaces de dizaines de nouveaux corps (Les objets du Système solaire) autour des planètes géantes; enfin la découverte des premières planètes extrasolaires a lieu en 1995. Comme on le voit, en seulement une trentaine d'années toutes ces étapes ont installé les sciences de la Terre dans une perspective considérablement élargie. (D.V. / Ch. Vélain).

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