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Alexandre Jacques
François Bertrand est un médecin
et philosophe, né à Rennes
le 5 avril 1795, mort le 21 janvier 1831. D'abord élève de
l'Ecole polytechnique, on retrouve la trace de ses premières études
dans deux ouvrages de vulgarisation : Lettres sur les Révolutions
du Globe (Paris, 1824, in-18, 5e édit.,
1836) et Lettres sur la physique (Paris, 1825, 2 vol. in-8). A ce
titre aussi sans doute il fut longtemps au Globe rédacteur
de la partie scientifique. Mais c'est comme médecin psychologue
que son nom mérite de durer. Il commença par croire ardemment
au « magnétisme animal », en faveur duquel il se prononça
dans une série de leçons publiques et dans un mémoire
adressé à l'Académie de Berlin
pour un concours (1821).
Peu à peu l'esprit scientifique
prit le dessus dans sa manière d'envisager et de coordonner les
faits. Il y a comme un progrès continu à cet égard
dans les trois ouvrages qu'il a consacrés à ces questions
de psychologie physiologique, questions alors si neuves et qu'il a le mérite
d'avoir des premiers revendiquées comme relevant de la science positive.
Ces ouvrages sont : Traité du
Somnambulisme (Paris, 1823, in-8); Du Magnétisme animal en
France et des Jugements qu'en ont portés les Sociétés
savantes, suivi de Considérations sur l'apparition de l'extase dans
les traitements magnétiques (Paris, 1826, in-8); enfin, De
l'état d'Extase considéré comme une des causes des
effets attribués au magnétisme animal (1826), court traité
écrit pour l'Encyclopédie progressive.
A. Bertrand traite avec précision
de la physiologie du sommeil et du rêve, et il distingue nettement
quatre espèces de somnambulisme (somnambulisme essentiel ou normal,
symptomatique ou morbide, artificiel ou provoqué, extatique on provenant
d'une exaltation cérébrale d'origine purement mentale). Quoi
que l'on pense d'ailleurs de ses descriptions et interprétations,
au moins a-t-il contribué à faire entrer dans une phase scientifique
l'étude des phénomènes hypnotiques, en proclamant
la réalité de ces phénomènes contre ceux qui
les niaient en bloc, et en les considérant de sang-froid en physiologiste
et en psychologue, quand ils étaient abandonnés aux thaumaturges.
(H. M.)
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Louis-Jacques-Napoléon,
dit Aloysius Bertrand est un écrivain
français, né à Céva (Piémont, alors
département de Montenotte) le 20 avril 1807, mort à Paris
en mai 1841. Fils d'un capitaine de gendarmerie d'origine lorraine et d'une
mère italienne, il fit ses études à Dijon
et débuta dans un journal local, le Provincial (1828), par
des ballades en vers et en prose qui révélaient déjà
une véritable originalité.
Venu à Paris au commencement de
1829, il fut présenté à Nodier
et à Victor Hugo, mais se lia plus particulièrement
avec Sainte-Beuve et David d'Angers. Malgré
sa timidité et sa sauvagerie, il avait lu ou récité
devant quelques-uns de ces amis d'élite de courts poèmes
en prose, travaillés et ciselés comme des vers et dont le
renom avait été assez rapide pour que l'éditeur de
la nouvelle pléiade, Eugène Renduel, ait consenti à
les éditer; mais, après un premier moment d'enthousiasme,
l'affaire traîna en longueur; Bertrand, rappelé à Dijon
pour y rédiger, de concert avec Charles Brugnot, le Patriote
de la Côte-d'Or (1831-1835), revint ensuite à Paris, remplit
un moment les fonctions de secrétaire auprès du comte Roederer,
traversa toutes les phases de la gêne et de la misère sans
oser revoir ses anciens amis, et s'éteignit à l'hôpital
Necker, où un hasard le fit reconnaître de David
d'Angers, qui obtint pour lui de Villemain,
ministre de l'instruction publique, un secours de 300 F, veilla sur son
agonie et assista seul à ses obsèques.
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Ballade
« O Dijon,
la fille
Des glorieux ducs,
Qui portes béquille
Dans tes ans caducs;
Jeunette et gentille,
Tu bus tour à
tour
Au pot du soudrille
Et du troubadour.
A la brusquembille
Tu jouas jadis
Mule, bride, étrille,
Et tu les perdis.
La grise bastille,
Aux gris tiercelets,
Troua ta mantille
De trente boulets.
Le reître,
qui pille
Nippes au bahut,
Nonnes sous leur
grille,
Te cassa ton luth.
Mais à la
cheville
Ta main pend encor
Serpette et faucille,
Rustique trésor.
O Dijon, la fille
Des glorieux ducs,
Qui portes béquille
Dans tes ans caducs;
Ça, vite une
aiguille
Et de ta maison,
Qu'un vert pampre
habille,
Recouds le blason.
»
(A.
Bertrand).
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Le manuscrit de Gaspard de la Nuit,
fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, -
tel était le titre choisi par Bertrand, - fut alors retiré
des mains de Renduel et imprimé à Angers par les soins et
aux frais de Victor Pavie, avec une préface de Sainte-Beuve (1842,
gr. in-8). Distribué à quelques lettrés et non mis
dans le commerce, Gaspard de la Nuit fit à son auteur une
réputation qu'il a légitimement conservée, car «
ces petites coupes d'une délicatesse infinie et d'une invention
minutieuse », selon la définition de Sainte-Beuve, n'ont rien
perdu de leur éclat.
«
Il semble, dit Asselineau, que Bertrand ait vanné tous les vocables
de la langue pour ne garder que les mots pittoresques, sonores et chromatiques.
Sa phrase, courte, est néanmoins très pleine, parce qu'il
en exclut tout terme sourd, terne ou abstrait. »
Gaspard de la Nuit a été
réimprimé à Bruxelles
en 1869 (in-8) par Poulet-Malassis, avec une préface d'Asselineau
et un frontispice de Félicien Rops. Il y a quelques années
un libraire parisien avait annoncé sur un catalogue un dossier de
manuscrits ou de fragments de Louis Bertrand et de lettres à lui
adressées. A en juger par leurs titres, les premiers n'auraient
rien ajouté à sa gloire. (Maurice Tourneux). |
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Joseph Louis François
Bertrand est un mathématicien
né à Paris le 11 mars 1822, et
mort dans cette même ville le 3 avril 1900. Il fit au collège
Saint-Louis des études aussi rapides que brillantes, fut autorisé,
à onze ans, à se présenter à titre d'essai
au concours de l'Ecole polytechnique dont il subit les épreuves
avec succès, et fut reçu le premier en 1839. Il écrivit
alors sur la Théorie mathématique de l'électricité
un mémoire qui lui valut, à dix-huit ans, la réputation
d'un savant distingué. Il a failli périr, en 1842, dans la
terrible catastrophe qui coûta la vie à l'amiral Dumont
d'Urville; il en fut heureusement quitte pour une blessure dont son
visage conserva les traces. Sorti élève de l'Ecole des mines,
il donna dès 1846 sa démission d'ingénieur pour se
vouer à l'enseignement des mathématiques.
Il fut successivement professeur au collège Saint-Louis, examinateur
d'admission à l'Ecole polytechnique, maître de conférences
à l'Ecole normale, répétiteur d'analyse à l'Ecole
polytechnique et professeur suppléant de physique
générale et de mathématiques
au Collège de France :
à la mort de Biot, en 1862, il devint titulaire
de cette chaire.
Il s'est fait remarquer, dans ses différents
cours, par la clarté et la profondeur
de son exposition; les qualités
de son enseignement se retrouvent d'ailleurs dans ses travaux scientifiques
qui se distinguent par une rare concision jointe à une grande fécondité.
Les uns sont du domaine de l'enseignement supérieur et portent sur
la physique mathématique, les surfaces isothermes et orthogonales,
le calcul des probabilités, le calcul
des variations, le nombre des valeurs qu'acquiert une fonction quand on
en permute les lettres, etc.; les autres s'adressent à l'enseignement
classique et sont relatifs à la similitude en mécanique,
à l'intégrabilité des fonctions
différentielles, etc.
Joseph Bertrand a aussi publié des
traités d'arithmétique et
d'algèbre, qui ont été très
répandus et très appréciés dans les classes
de mathématiques élémentaires des lycées, mais
auxquels on reprochait de n'être pas toujours à la portée
de la moyenne des élèves pour lesquels ils avaient été
écrits. Cette critique n'enlève rien à l'importance
de l'oeuvre scientifique de Bertrand, et les mathématiques lui doivent
une partie des progrès qu'elles ont réalisés pendant
un demi-siècle.
En 1856, il fut élu membre de l'Académie
des Sciences en remplacement de Sturm, et en
1874, à la mort d'Elie de Beaumont, ses
collègues le choisirent comme secrétaire perpétuel.
Dès lors ses productions scientifiques se ralentirent quelque peu
pour faire place à un genre plus littéraire, mais dans lequel
il avait déjà fait brillamment ses preuves : les biographies
de savants. On accusa le mathématicien de ne s'être fait écrivain
que pour se créer des titres à l'Académie
française : si tel fut son but, il n'eut qu'à se louer
du résultat; car le 4 décembre 1884, il fut élu membre
de l'illustre compagnie en remplacement d'un autre savant, J.-B.
Dumas. Il fut commandeur de la Légion d'honneur à partir
du 31 décembre 1881.
Bertrand s'est toujours tenu éloigné
de la vie politique. Néanmoins son attitude dans un incident auquel
il fut mêlé et qui fit, en 1876, quelque bruit, le fit considérer
par l'opinion publique comme un ardent défenseur du cléricalisme.
Les candidats à l'Ecole polytechnique avaient accusé les
élèves du collège de jésuites de la rue des
Postes de connaître, avant l'ouverture du pli, le sujet d'épure
dont le choix avait été confié à un professeur
de l'Université, en même temps répétiteur dans
cet établissement. Bertrand, chargé par la commission d'enquête
de la rédaction du rapport, mit tous ses soins à disculper
le professeur et flétrit en termes énergiques les dénonciateurs.
Quatre membres de la commission protestèrent contre ces conclusions.
(L. S.).
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En
bibliothèque - La majeure partie
des écrits de Bertrand est disséminée, sous
forme de mémoires ou de notices, dans le Journal de l'Ecole polytechnique,
le Journal des mathématiques pures et appliquées de
Liouville et les Mémoires de l'Académie
des sciences. Ses ouvrages parus en librairie sont : Traité
d'arithmétique (Paris, 1849, in-8); Traité d'algèbre
(Paris, 1850, in-8); Méthode de M. Gauss pour déterminer
l'orbite des planètes (1855); De Senarmont, son éloge
(Paris, 1863, in-8); Traité de calcul différentiel et
de calcul intégral (Paris, 1864-1870, 2 vol. in-4); Arago
et sa vie scientifique (Paris, 1863, in-8); les Fondateurs de l'astronomie
moderne (Paris, 1865, ini-8); Sur la variation du moyen mouvement
de la Lune (1866); Rapport sur les progrès les plus récents
de l'analyse mathématique (Paris, 1867, in-8); l'Académie
des sciences et les académiciens, de 1666 à 1793 (Paris,
1868, in-8); Traité d'algèbre, en collaboration avec
H. Garcet (Paris, 1873, 2 vol. in- ; 13e éd., 1884-1885); la
Théorie de la Lune d'Aboul-Wefâ (Wefa)
(Paris. 1873, in-4); Thermodynamique (Paris, 1887, in-8); Déduction
du principe de l'attraction d'une seule des lois de Kepler (1877).
Parmi ses éloges historiques et ses notices biographiques, on peut
citer ceux de Poinsot, Gariel, Michel Chasles, Elie de Beaumont, Léon
Foucault, Belgrand, etc. |
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