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Antoine François,
l'abbé Prévost, dit Prévost d'Exiles,
est un écrivain né
à Hesdin le 11 avril 1697, mort à
Courteuil, près de Chantilly, le
23 ou le 25 novembre 1763. D'une vieille famille de l'Artois,
fils d'un procureur du roi au bailliage d'Hesdin, il fut mis au collège
des jésuites de sa ville natale. De
1713 à 1715, il fit son noviciat aux Pères jésuites
de Paris et passa ensuite une année
dans la classe de philosophie de leur collège
de La Flèche. Sa vocation religieuse n'était pas solide et
tout d'un coup, il abandonna la société
de Jésus pour entrer au service (1747); mais comme il trouva
que l'avancement dans l'armée n'était pas assez rapide et
comme son caractère s'accommodait mal des brutalités de la
discipline militaire, il revint à la maison des jésuites
aussi brusquement qu'il en était sorti et il en ressortit bientôt
aussi brusquement qu'il y était rentré. Il ne semble pas
qu'il sut très bien ce qu'il voulait. Car il reprit du service,
et après avoir obtenu un grade, se fit admettre dans l'ordre des
bénédictins de Paris et prononça ses voeux à
Jumièges en 1721. Il prêcha avec succès à l'abbaye
de Saint-Ouen, de Rouen, fit des études
philosophiques à la fameuse abbaye
de Bec-Hellouin, professa les humanités
au collège de Saint-Germer, prononça
à Evreux une série de sermons très goûtés,
séjourna à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés,
occupé à des travaux d'érudition où il excellait.
Mais les Pères se défiaient de lui et ne relâchaient
pas une surveillance qui incommoda et aigrit Prévost à tel
point qu'il jeta son froc aux orties.
Les bénédictins obtinrent
contre lui une lettre de cachet : il s'enfuit en Angleterre
où il fut bien accueilli. Il parcourut tout le pays, observant avec
soin les paysages et les moeurs, qu'il décrivit dans ses Mémoires
avec assez d'exactitude. Mais il manquait d'argent et il dut entrer comme
précepteur dans une riche famille, emploi qui le dégoûta
promptement. En 1729, il passait en Hollande. Il y fit d'assez bonnes affaires
de librairie, mais il y eut des aventures scandaleuses : une intrigante
s'empara à tel point de son esprit et de ses sens qu'elle lui fit
commettre certaines malhonnêtetés qui l'obligèrent
à retourner en Angleterre. Mais avant son départ, il publiait
à La Haye Manon Lescaut
(1731) qui obtint un succès immédiat : « On y couroit
comme au feu-», écrit un
contemporain. Prévost, en compagnie de sa décevante maîtresse,
et à court d'argent, ne se montra pas fort scrupuleux sur les moyens
de s'en procurer. Ses ennemis l'ont accusé d'avoir commis de fausses
lettres de change : cette calomnie pesa longtemps sur sa mémoire.
Il fonda un journal le Pour et Contre, qui fut très lu et
qui contribua dans une large mesure à faire connaître en France
les personnes et les choses d'Angleterre, et dont le succès le tira
de la misère. Il revint en France en 1734, ayant obtenu de hauts
protecteurs, entre autres le prince de Conti, la
solution de son différend avec l'Église, moyennant qu'il
fit une retraite de quelques mois à l'abbaye de la Croix Saint-Leufroy.
Il devint ensuite aumônier du prince de Conti et recommença
à faire des dettes : à la suite de faits restés mystérieux,
probablement quelque collaboration à une gazette ennemie du pouvoir,
il dut s'exiler de nouveau (1741).
Il séjourna à Bruxelles,
à Francfort et à force de suppliques obtint son pardon. Il
était de retour à Paris en septembre
1742. Cette fois il parut se fixer. Ses dernières années
sont fort occupées par des traductions de l'anglais, par la mise
sur le chantier d'une vaste Histoire des voyages, par la fréquentation
de sociétés choisies (les salons de Mme de Gréquy,
de Mme Doublet, les réunions chez Mussard à Passy, où
il voyait Rousseau); la direction du Journal
étranger. Il avait obtenu en 1754 le prieuré de Saint-Georges-de-Gesne
qui lui rapportait un assez bon revenu : il s'était d'abord établi
à Chaillot, puis à Saint-Firmin près de Chantilly
où il menait une vie simple et paisible, enfin rassasié d'aventures.
Il mourut d'une attaque d'apoplexie, ou de la rupture d'un anévrisme,
au cours d'une promenade.
L'abbé Prévost a beaucoup
écrit. Mais il n'est guère connu du grand public que par
son roman Histoire du chevalier Desgrieux et de Manon Lescaut,
paru d'abord sous forme du VIIe volume
des Mémoires et aventures d'un homme de qualité qui s'est
retiré du monde (1728-56, 8 vol. in-12) et qui depuis l'édition
particulière d'Amsterdam (1753, 2 vol. in-12), a eu d'innombrables
rééditions, dont quelques-unes fort luxueuses, parmi lesquelles
nous citerons celles de Paris, Didot, 1797, 2 vol, in-18; Paris, 1818,
2 vol. in-12, avec fig. d'après Desenne; Paris, 1859, gr. in-8 av.
illust, de Tony Johannot et notice de Jules Janin;
Paris, 1874, 2 vol. in-16, av. eaux-fortes d'Hédouin; celle de Paris,
Glady, 1875, in-8 av. grav. et préface d'Alexandre
Dumas fils; celle de Lemerre, 1877, in-8, avec notice d'Anatole
France, et neuf eaux-fortes: celle de Lancette, 1885, in-4, av. préface
de Guy de Maupassant et illustr. de Leloir,
etc.). Ce roman, écrit d'un style simple, facile, sans prétention,
d'un très vif intérêt, a crée des types d'une
éternelle beauté et qui ne passeront pas. Il a prêté
à des critiques, à des commentaires infinis, où se
sont plu les écrivains les plus illustres. Mais aucun n'a plus finement
que Maupassant analysé les raisons pour lesquelles il demeurera
l'un des joyaux les plus purs de l'histoire littéraire de tous les
pays :
«
Voici Manon Lescaut, plus vraiment femme que toutes les autres, naïvement
rouée, perfide, aimante, troublante, spirituelle, redoutable et
charmante. En cette figure si pleine de séduction et d'instinctive
perfidie, l'écrivain semble avoir incarné tout ce qu'il y
a de plus gentil, de plus entraînant, et de plus infâme dans
l'être féminin. Manon, c'est la femme toute entière,
telle qu'elle a toujours été, telle qu'elle est et telle
qu'elle sera toujours. »
Les autres oeuvres de l'abbé Prévost
ne manquent pourtant pas d'intérêt, bien qu'elles aient été
éclipsées par Manon. Les Mémoires d'un homme
de qualité, dont nous avons déjà parlé
renferment des détails curieux et sur la vie de l'auteur et sur
les moeurs du temps, mais ils sont noyés dans une phraséologie
un peu fade et les descriptions de paysage y sont sèches et ternes.
Le Doyen de Killerine (Paris, 1735, 6 vol. in-12) serait charmant
si le romanesque n'était gâté par des bizarreries,
des invraisemblances et une fiction par trop artificielle; l'Histoire
de M. Cleveland, fils naturel de Cromwell
(Utrecht, 1732, 4 vol, in-12), renferme des
pages d'amour d'une puissance et d'une vérité troublantes,
et encore des invraisemblances criantes et d'insupportables dissertations
philosophiques. Ce sont là les plus intéressants, avec l'Histoire
d'une grecque moderne (Paris, 1741, 2 vol. in-12), qui est une histoire
d'amour touchante. Citons seulement : Campagnes philosophiques (Amsterdam,
1741, 4 vol. in-12); Contes, aventures et faits singuliers (Paris,
1764, 2 vol. in-12); Histoire de Guillaume
le Conquérant (1742, 2 vol. in-12); Histoire de
Marguerite d'Anjou (1741, 2 vol. in-12); Mémoire d'un honnête
homme (1745, in-12); Mémoires pour servir à l'histoire
de la vertu (Cologne, 1762, 4 vol. in-12); le Monde moral ou Mémoires
pour servir à l'histoire du coeur humain (Genève, 1760,
2 vol. in-12), etc., sans compter des traductions de Dryden, de Richardson,
de Middleton, de David Hume, de Hawkesworth, des
traductions de Cicéron, etc.
(A19).
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Prévost
(Pierre), physicien et philosophe, né à Genève en
1751, mort à Genève en 1839. Il se fit recevoir docteur en
droit et avocat (1773), mais s'adonna par goût à l'enseignement
libre, en Hollande, puis entra comme précepteur dans la famille
Delessert, à Paris, où il fit
connaissance avec, J.-J. Rousseau. En 1780,
il accepta la chaire de philosophie et une
place à l'Académie de Berlin,
que Frédéric Il lui offrit. Quatre ans après, il obtenait,
au concours, à Genève, la chaire de philosophie et, en 1840,
celle de physique générale. Il
siégea au Conseil représentatif de Genève et y défendit
les idées de progrès.
Pierre Prévost a publié
de nombreux écrits : de l'Economie des anciens gouvernements
comparée à celle des modernes (Berlin, 1783, in-8); de
l'Origine des forces magnétiques (Genève, 1788, trad.
allem., in-8); Recherches physico-mécaniques sur la chaleur
(Genève, 1792, in-8); Des signes envisagés relativement
à leur influence sur la formation des idées (Paris, 1800,
in-8); Essais de philosophie (Genève, 1804, 2 vol. in-8);
du Calorique rayonnant (Genève, 1809, in-8, fig.), etc.
Il a traduit : Euripide
(1778-1782); Essais d'Adam Smith (1797,
2 vol. in-8); Essai sur le principe de la population de Malthus
(1809, 3 vol. in-8), etc. (J. Lourbet). |
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Louis Constant'Prévost
est un géologue né
à Paris le 4 juin 1787, mort à Paris le 14 août 1856.
Il s'adonna, de bonne heure, à l'étude des sciences naturelles,
fut l'élève d'Alexandre Brongniart,
mais quitta en 1815 la France pour accompagner en Autriche Philippe de
Girard, qui allait fonder à Hirtenberg, près de Vienne, une
grande filature et dont il devint l'associé. De retour en 1819,
il devint professeur de géologie à l'Athenaeum
et à l'École centrale des arts et manufactures, puis, en
1831, à la Faculté des sciences de Paris. Il fut élu
en 1848 membre de l'Académie des sciences
en remplacement de Brongniart.
Partisan de la théorie des affaissements,
qu'il opposait à celle des soulèvements, Constant Prévost
enseignait que les montagnes sont dues, non, comme le croyaient ses contemporains,
à des cataclysmes violents, éruptions ou tremblements de
terre, mais à une rétraction inégale de l'écorce
terrestre, accomplie d'une façon lente et incessante. Pour lui,
d'ailleurs, il y avait eu, à toutes les époques géologiques,
identité, synchronisme absolu entre les deux grands ordres de phénomènes
ignés et sédimentaires.
Outre un grand nombre de mémoires
originaux et d'autres parus dans les Comptes rendus de l'Académie
des sciences de Paris, dans le Journal de physique, dans le Bulletin
de la Société géologique, dans le Bulletin
de la Société philomatique, etc., il a publié :
Histoire des terrains tertiaires (Paris, s. d.) ; Traité
de géographie physique, avec E. Bassano (Paris, 1836). (L.
S.). |
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Marcel Prévost
est un romancier né
à Paris le 18, mai 1862, mort le 8 avril 1841. Fils unique d'un
ancien sous-directeur des contributions indirectes, il fit de brillantes
études au collège Saint-Joseph- de-Tivoli dirigé par
les jésuites, à Bordeaux,
puis au collège Sainte-Geneviève à Paris, dirigé
aussi par les Pères. En 1882, il fut reçu à l'École
polytechnique et en sortit élève ingénieur des tabacs;
après deux ans passés à la manufacture du Gros-Caillou
à Paris, il fut nommé ingénieur à Tonneins,
puis à Châteauroux et à
Lille. Mais en même temps il se livrait à son goût pour
la littérature, auquel il sacrifia bientôt sa carrière
administrative. Dès la fin de ses études, Marcel Prévost
avait écrit des nouvelles, insérées dans divers journaux.
En 1881, le Clairon publia sa première
oeuvre, Conserard Chambergeot, signée du pseudonyme de Schlem;
puis suivirent d'autres nouvelles : l'Ingénue de mon oncle,
les Pommes d'api, le Prince Max. Son premier roman fut publié
dans le Matin (le Scorpion, 1887); il fut remarqué
par le public et les littérateurs pour la finesse des analyses psychologiques,
la simplicité du style et l'intérêt
du récit. En 1888 parurent Chonchette, en 1889 Mademoiselle
Jauffre, en 1890 Cousine Laura, étude de moeurs de théâtre,
en 1891 la Confession d'un amant, en 1892 Lettres de femmes
et Nouvelles Lettres de femmes qui obtinrent un vif succès
auprès du public féminin. En 1893, il donna l'Automne
d'une femme en 1891 les Demi-Vierges, qui eurent une éclatante
fortune. C'est une étude légère de l'influence pernicieuse
de Paris sur l'éducation et les moeurs des jeunes filles du monde;
en 1895, Notre compagne et le Jardin secret; en 1899, Léa,
roman qui a des visées plus hautes que les précédents
et constitue une intéressante et philosophique étude des
idées féministes. Marcel Prévost
a été élu à l’Académie
française en 1909 et dirigé de 1922 à 1940 la
Revue de France.
Marcel Prévost a aussi abordé
la scène avec l'Abbé Pierre (un acte), joué
au Théâtre Libre et tiré du Scorpion, et avec
les Demi-Vierges, comédie en trois actes pour le Gymnase.
On s'accorde à reconnaître à Marcel Prévost
un grand talent de conteur; il a par là sa place bien marquée
dans la littérature contemporaine. On lui a reproché parfois
de flatter le goût du public par des sujets un peu libertins, mais
il reste ainsi dans la tradition de son genre. Et si ses livres manquent
parfois de profondeur et de portée philosophique, ils constituent
d'amusantes ébauches d'études des moeurs contemporaines.
(Ph. B.). |
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