| Don Pedro Calderon de la Barca, Henao y Riaño. - Poète né à Madrid le 17 janvier 1600, mort le 25 mai 1681. Sa mère, doña Ana Maria de Henao y Riaño, descendait d'une famille de Mons en Hainaut, depuis longtemps établie en Castille; son père, don Diego Calderon de la Barca Barreda, d'une maison qui possédait un petit fief dans la vallée pittoresque de Carriedo, était secrétaire de la chambre du conseil des finances. L'enfant fit ses premières études au collège des jésuites de Madrid , puis fut envoyé à l'Université de Salamanque, où il étudia avec distinction la théologie, la scolastique, la philosophie, le droit civil et le droit canon. S'il faut en croire son biographe et ami Vera Tasis (Vera y Taxis), il réussissait dans toutes les sciences, géographie, mathématiques, chronologie, histoire politique et sacrée. Au sortir de l'Université, le jeune Calderon vint à la cour où il paraît avoir trouvé des protecteurs. En 1620, nous le voyons prendre part à un concours poétique en l'honneur de saint Isidore, institué par la ville de Madrid, et composer un sonnet et des stances qui méritèrent les éloges de Lope de Vega. En 1622, dans un concours du même genre, en l'honneur du même saint, il obtint un prix et des éloges encore plus grands. Comme presque tous les gentilshommes de ce temps, il suivait la carrière des armes; en 1625, il est dans le Milanais; plus tard il va combattre en Flandre. Les hasards de la vie des camps ne l'empêchaient pas de produire des poésies et d'accroître sa jeune renommée, car en 1630, le vieux Lope de Vega, dans son Laurel de Apolo, le fait figurer parmi les meilleurs poètes natifs de Madrid; en 1632, Montalvan nous apprend que Calderon était déjà l'auteur de plusieurs drames applaudis, avait écrit une grande quantité de vers lyriques et commencé un poème sur le Déluge universel. En 1635, quand mourut Lope de Vega, Fenix de los ingenios, Calderon était en mesure de recueillir la succession du grand dramaturge, et en 1636, il fut formellement attaché à la cour de Philippe IV (poète lui-même à ses heures), avec l'obligation de fournir des pièces aux théâtres royaux. Il reçut une première récompense, le titre de chevalier de l'ordre de Saint-Jacques, pour lequel il eut à faire ses preuves de noblesse et de pureté de sang. Il y avait quelque chose qui ressemblait une déchéance dans la vie du père de Calderon; celui-ci, en effet, avait été escribano de camara, c.-à-d. une espèce de greffier du conseil des finances. On obtint une dispense, et la cédule royale, qui accordait au poète l'habito de saint Jacques, fut expédiée le 28 avril 1637. Le nouveau titulaire fut appelé à combattre les Catalans révoltés et s'enrôla, dit-on, dans la compagnie du comte d'Olivarès. - Pedro Calderon de la Barca. Au retour, le roi lui fit allouer 360 écus de entretenimiento sur les fonds de l'artillerie; la pénurie du trésor fit bientôt supprimer cette indemnité, mais le roi dit dans sa lettre au capitaine général de l'artillerie qu'on revaudra cela à Calderon sur d'autres fonds. En 1649, le poète était chez le duc d'Albe, quand le roi le manda à la cour et le chargea de disposer les fêtes qu'on allait donner à Madrid pour l'entrée de la nouvelle reine, Anne-Marie d'Autriche. En 1651, Calderon, comme Lope de Vega et tant d'autres, quitte la carrière des armes pour l'église et est ordonné prêtre; des envieux semblent avoir voulu empêcher le poète d'obtenir une place de chapelain, prétendant que les deux choses étaient incompatibles, et au commencement de 1653, il est obligé de s'excuser de ne pas écrire les autos de la Fête-Dieu à Madrid. Par l'intermédiaire de D. Alfonso Perez de Guzman, capellan mayor de Reyes nuevos, il obtint une bonne place, celle de chapelain de Tolède (19 juin 1653), et dès lors ne songea plus à se retrancher derrière les obligations ecclésiastiques pour ne pas écrire des autos; il devint jusqu'à sa mort le poète ordinaire des fêtes du Corpus à Madrid. Dix ans plus tard, le roi voulut l'avoir plus près de lui, à sa cour même; et par brevet du 13 février 1663, le nomma chapelain de la maison de Castille, ad honorem. Suivant Vera Tasis, il conservait ses gages de chapelain de Tolède et recevait de plus une pension sur les fonds de Sicile. Cette même année, il fut reçu dans la congrégation de Saint-Pierre (prêtres ordinaires de la cour), dont il devint le supérieur en 1666, Ces fonctions ecclésiastiques n'interrompaient en rien la production dramatique de Calderon; il écrivait un grand nombre d'autos, sur la commande de villes, comme Madrid, Tolède, Séville, Grenade et plusieurs autres. La mort de Philippe IV, en 1665, paraît avoir été fâcheuse aux intérêts du poète : Charles Il n'aimait pas la poésie comme son père, et l'historien Antonio de Solis nous dit que Calderon murio sin mecenas. On croit qu'il fut assez pauvre sur ses vieux jours, et une pièce, découverte aux archives de Madrid, nous apprend la concession qui lui est faite d'une racion de camara en denrées «-afin qu'il puisse se nourrir et en considération de ses services de tant d'années, de son âge si avancé et de ses très maigres ressources-». Le brevet est daté du 21 août 1679 . Deux ans après, Calderon mourut au moment où une partie de l'Espagne représentait ses autos, car on était au jour de la Pentecôte. Le lendemain il fut enterré sans pompe, comme il l'avait demandé, dans l'église de San Salvador; mais quelques jours plus tard on lui fit de pompeuses funérailles que réclamait l'admiration publique; à Valence, à Lisbonne, à Naples, à Milan, à Rome, les Espagnols considérèrent sa mort comme un deuil national et lui rendirent de solennels hommages. Des éloges furent écrits et imprimés en son honneur; un des plus remarquables est l'Obelisco funebre, écrit par son ami Jaspar Agustin de Lara quelques jours après sa mort et imprimé à Madrid (1684, in-4). On éleva un monument à Calderon, en 1652, dans l'église de San Salvador; en 1840, ses restes furent transférés dans la somptueuse chapelle de Notre-Dame d'Atocha, ce qui donna lieu à la publication de nombreux panégyriques. Ils sont maintenant au cimetière San Nicolas où un mausolée a été élevé avec cette épitaphe composée par Martinez de la Rosa : Sol de la escena hispana sin secundo Aqui Don Pedro Calderon reposa, Paz in descanso ofrecele esta losa, Corona el cielo, admiracion et mundo. Un portrait de Calderon, fait quelques années avant sa mort, fut gravé et publié en 1684, et reproduit maintes fois depuis (plus haut). On y retrouve facilement la physionomie vénérable, le front large, la vivacité du regard dont partent les panégyristes, ses contemporains. Ceux-ci sont aussi d'accord pour vanter la douceur de sa voix, la distinction de ses manières, la courtoisie et le charme de sa conversation, la bienveillance de son caractère. Il eut de nombreux amis et des protecteurs dévoués, parmi lesquels le duc d'Olivarès, le duc de Veragua (descendant des Colomb) et le duc d'Albe. On attribue à Calderon cent vingt ouvrages dramatiques, indépendamment des Autos sacramenlales, pièces religieuses jouées dans les églises. Ses pièces profanes renferment des comédies et des drames. Ses comédies ont entre elles, malgré la diversité des intrigues, des traits fréquents de ressemblance. Les plus célèbres de ses comédies sont : la Vida es sueño (parfois aussi rangée parmi les Autos); Casa con dos puertas; la Dama duende, traduite en français par d'Ouville, sous le titre de l'Esprit follet; Mañanas de abril y maio, d'une fantaisie et d'un charme extraordinaires; el Incanto sin incanto; el Secreto a voces; Mejor esta que estaba; Dicha y desdicha del nombre; el Escondido y la Tapada; No hay cosa como callar. Parmi ses drames : la Devocion de la cruz et Medico de su honra, terrible drame conjugal; A secreto agravio, secreta venganza; elMayor monstruo los celos; el Pintor de su deshonra; el Alcalde de Zalamea; las Tres justicias en una; un Castigo en tres venganzas; enfïn, Amar despues de la muerte, sont considérés comme ses chefs-d'oeuvre. Calderon n'avait pas donné lui-même d'édition de ses pièces; elles furent recueillies en partie par son frère, en partie par un de ses amis, Vergara y Salcedo (1640-1644, 3 volumes). Le reste, six volumes, fut publié seulement à la fin du siècle (1682-1658), par Vera Tasis. Une collection Plus complète de Hartzembuch forme quatre tomes de la Biblioteca de los autores españoles, éditée par Rivadeneyra. Damas-Hinard a traduit, dans son Théâtre de Calderon (1814), presque toutes les pièces dont nous avons donné les titres. Les oeuvres dramatiques de Calderon furent longtemps très applaudies en Espagne et aujourd'hui encore quelques-unes d'entre elles, quand elles sont représentées, passionnent le public. En Europe, elles servirent de modèles à plusieurs dramaturges, parmi lesquels nous ne citerons que Thomas Corneille et Collot d'Herbois en France, Gozzi à Venise. Lessing, en haine sans doute de la littérature française et des théories littéraires qui régnaient de ce côté du Rhin, les exalta. August Wilhelm Schlegel proclamait Calderon le plus grand des poètes dramatiques du monde, et en 1803 faisait paraître d'excellentes traductions allemandes de quelques-unes des meilleures pièces. Cette admiration réveilla l'orgueil national des Espagnols qui avaient un peu oublié et négligé leur poète; les éloges enthousiastes du poète anglais Shelley, de lord Byron, de Goethe, les transportèrent et leur firent admettre que Calderon était la personnification la plus éclatante de la littérature espagnole, plus que Lope de Vega et Cervantès même. A l'occasion de la translation de ses cendres, en 1840, il y eut une averse de notices, de réimpressions, de biographies à grands traits, d'éloges, d'odes, etc. Ce fut bien autre chose en 1881; on célébra avec une pompe extraordinaire le centenaire de la mort de Calderon; des fêtes nationales eurent lieu dans la capitale et les ayuntamientos de toutes les villes de la péninsule y contribuèrent par des souscriptions; les journaux et revues ne parlèrent d'autre chose pendant des semaines, et les corps savants, les Académies, comme les simples collèges, ouvrirent des concours en l'honneur du poète. On trouvera un excellent compte rendu du mouvement littéraire qui eut lieu alors, dans une brochure de Morel Fatio : Calderon, revue critique des travaux d'érudition publiés en Espagne à l'occasion du second centenaire de la mort du poète (Paris, 1881). Comme le dit cet auteur : « Calderon a eu l'heureuse fortune de mourir en 1681, ce qui a permis à ses admirateurs [...] de célébrer son centenaire un an après celui de Camoens dont le succès a été grand en Portugal. » (E. Cat). | |