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Jean-Marie Collot d'Herbois est un écrivain et homme politique français, né à Paris en 1750, mort en Guyane le 8 janvier 1796. Sa vie avant la Révolution est très mal connue. Certains biographes disent qu'il fut d'abord oratorien. Ce qui est sûr, c'est qu'il fut acteur et poète, eut son roman comique et joua en province et à l'étranger, en Hollande, à Genève, où il fut directeur de troupe. On dit qu'il manquait de talent, se fit siffler à Lyon, et que le proconsul vengea plus tard l'histrion. Mais une tradition lyonnaise (Morin, Histoire de Lyon, III, 404) le montre attaché aux plaisirs de Nosseigneurs les gouverneur et intendant, « jouissant de la faveur du public et des bonnes grâces de l'intendant, M. de Flesselles, qui le protégeait au théâtre comme un excellent comédien et l'accueillait à sa table comme un parasite aimable et un flatteur habile. » De sa plume féconde, il sortit une quantité de drames et de comédies où, parmi d'énormes invraisemblances, des platitudes, des imitations grossières, il y a parfois des traits comiques, du mouvement, le sens du théâtre. Collot avait de l'instruction et de la lecture : dans le paysan magistrat (1777), il imite Caldéron, et dans l'Amant loup-garou (1779), il s'inspire des Joyeuses commères de Windsor de Shakespeare. Fixé à Paris en 1789, il y donna des drames politiques, comme la Famille patriote ou la Fédération, pièce nationale en deux actes et en prose, qui ont un immense succès (1790). Il se piquait alors d'orthodoxie monarchique. Même après la fuite à Varennes, il tient pour la devise: Le roi et la nation. Il fait partie du club de 1789, et, quand il entre aux Jacobins, c'est pour y faire couronner (26 octobre 1791) son Almanach du Père-Gérard, où il y a une théorie de la royauté constitutionnelle. Le succès de ce petit livre fut prodigieux; c'est un style simple, un bon sens, une éloquence familière. Mais ses opinions ne tardèrent pas à s'accentuer lors de l'affaire des Suisses de Châteauvieux, pour lesquels il prononça des discours célèbres. André Chénier railla, dans un hymne fameux, le grand Collot d'Herbois, ses clients helvétiques. Lui-même, lors de l'entrée triomphale des Suisses, les plaça sur un char tramé de chevaux blancs et s'y plaça à côté d'eux (15 avril 1792). Il traversa tous les partis : on le vit tour à tour modéré, jacobin, girondin en 1792, rédacteur de la Chronique du mois avec Condorcet, montagnard en 1793, hébertiste, thermidorien, mais toujours en scène. Député de Paris à la Convention nationale, il demanda le premier l'abolition de la royauté (21 sept.embre 1792). Orateur habituel des Jacobins, il proposa (23 septembre) que tous les conventionnels s'inscrivissent à ce club. Le 14 octobre suivant il y fit à Dumouriez partant pour la Belgique un compliment bizarre : « De quelle félicité tu vas jouir, Dumouriez !... Ma femme... elle est de Bruxelles, elle t'embrassera aussi. »Mais sa parole, sauf en ce cas, n'est jamais ridicule. Il parle bien et ses discours inspirent l'effroi. Son thème le plus ordinaire est à peu près celui de Marat : il faut tuer tous les ennemis du peuple, non pour le plaisir de tuer, mais par compassion pour le peuple. Il loue, à ce point de vue, les massacres de Septembre et les appelle aux Jacobins « le grand article du Credo de notre liberté » (5 novembre 1792). Il vota dans le procès de Louis XVI la mort sans sursis. La Convention lui confia plusieurs missions : à Nice, avec Goupilleau de Fontenay et Lasource, le 18 novembre 1792; dans la Nièvre et l'Ain, le 9 mars 1793; dans l'Oise et l'Aisne avec Isoré, le 1er août 1793; enfin à Ville-Affranchie (Lyon), le 9 brumaire an II. Dans cette ville, Fouché et lui se montrèrent plus que rigoureux. Couthon avait éludé l'exécution du décret qui ordonnait la destruction de Lyon : Collot s'en plaignit. Dans son rapport à la Convention (1er nivôse an II) il avoua hautement les mitraillades dont le souvenir pèse sur sa mémoire. Il se vanta d'avoir empêché l'exécution des jugements rendus par la commission militaire de Lyon afin de réserver les condamnés pour une vaste et publique boucherie et le soir même, aux Jacobins, il déclara avoir mitraillé deux cents personnes d'un coup. « On parle de sensibilité, s'écria-t-il et nous aussi nous sommes sensibles; les Jacobins ont toutes les vertus, ils sont compatissants, humains, généreux; mais tous ces sentiments, ils les réservent pour les patriotes qui sont leurs frères, et les aristocrates ne le seront jamais. »Et cependant le même homme n'était pas incapable, à l'occasion, de clémence, de sagesse, de magnanimité. A Orléans, en mai 1793, après la tentative d'assassinat contre Léonard Bourdon, il étonna toits les partis par la modération avec laquelle il traita cette ville qu'un décret de la Convention avait déclarée rebelle. Un mois plus tard, dans là même ville, insulté au théâtre, il dédaigna de poursuivre ses insulteurs. Il se plaisait à jouer tous les rôles. Il fut un des membres les plus actifs et les plus violents du Comité de salut public, où il était plus particulièrement chargé de la correspondance. Jaloux de ses succès et inquiet de son exagération, Robespierre l'avait depuis longtemps proscrit dans sa pensée. L'art avec lequel Collot tira partie de la tentative d'assassinat dont il fut l'objet dans la nuit du 3 au 4 prairial an II, mit le comble à la haine de Robespierre. Collot avait donc à défendre ses jours quand il prit parti, au 9 Thermidor, contre le dictateur. Il présida la Convention pendant une partie de cette séance fameuse et contribua à la chute de son ennemi. Mais, quand vint la réaction, C'est surtout contre lui que les thermidoriens de droite dirigèrent leurs attaques. Il sut se défendre, et c'est surtout dans cette lutte suprême qu'il se montra orateur. Accusé par Legendre de complicité avec Robespierre, il se défendit avec adresse (12 vendémiaire an III). Décrété d'accusation avec Billaud et Barère, il parut à la barre le 4 germinal suivant et, avec beaucoup de hauteur, y plaida moins sa cause que celle de la Révolution. Il n'en fut pas moins condamné à la déportation à la Guyane, où il ne vécut pas longtemps. Son collègue Dusaulx, qui a tracé son portrait physique, lui prête « une physionomie un peu sauvage, une encolure forte et vigoureuse, un organe imposant quoique un peu voilé, une diction théâtrale... » Il s'appelait Collot tout court,et il est probable que ce surnom d'Herbois avait été son nom d'acteur. (F.-A. Aulard). |
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