| Les autos sacramentales, c.-à-d. actes du saint-sacrement, sont des anciennes représentations dramatiques, qui avaient lieu en Espagne le jour de la Fête-Dieu, autrement dite du St-Sacrement. La coutume en remontait aux temps les plus reculés du Moyen âge : alors le clergé, pour détourner le peuple des anciennes pompes païennes, imagina de transporter le spectacle dans l'église, et mit en scène les principaux faits de l'Ancien et du Nouveau Testament. La fête commençait par une procession que l'on appelait la Tarasque, parce qu'on y voyait, en même temps que le St-Sacrement, une figure monstrueuse, en carton, que des hommes cachés dedans faisaient marcher. Cette figure, probablement symbole de la défaite de l'Islam, excitait l'admiration, et souvent l'effroi de la foule. De la musique et des danses accompagnaient la procession, où beaucoup d'assistants portaient des torches enflammées; cependant cette cérémonie se faisait au grand jour, le matin. La représentation des Autos commençait vers 5 heures de l'après-midi, sur un grand théâtre dressé devant le palais du roi, qui y assistait avec toute la cour. Les jours suivants, la théâtre était transporté devant la maison de chaque président de conseil (conseil des Indes, conseil de la Foi, conseil des Croisades, etc.), car les représentations duraient tout le mois : la belle saison les favorisait. Rien n'était négligé pour leur donner une grande pompe, et l'on en classait les frais parmi les dépenses d'utilité publique. Pendant leur durée, il n'y avait pas d'autres spectacles à Madrid : les comédiens profanes cessaient leurs représentations, et venaient se joindre aux acteurs de ces drames sacrés, accueillis avec un véritable enthousiasme par toutes les classes de la société. Un Auto sacramental se composait de trois parties : 1° de la loa, ou prologue destiné à expliquer le sujet et à gagner la bienveillance des auditeurs; 2° d'un entremès ou intermède; 3° de l'Auto lui-même. La représentation (funcion) était terminée par des danses, avec accompagnement de castagnettes, tambour de basque et trompettes. On conçoit comment des représentations dramatiques que l'Église patronnait, et dont elle prenait même l'initiative, aient complètement réussi dans toute l'étendue de l'Espagne, depuis Madrid jusqu'aux moindres villages. Lope de Vega, et, avant lui, Juan del Encina, Gil Vicente, Valdevielso, se sont exercés dans ce genre. Mais l'homme qui y a véritablement excellé, qui a élevé ce genre populaire à la plus haute poésie, et en a fait une partie très importante et surtout incomparablement originale du théâtre espagnol, c'est Calderon. II travaillait dans ce genre, non-seulement pour Madrid, mais pour les cathédrales de Tolède, de Séville, de Grenade, etc., et il jouit de ce privilége pendant 37 ans consécutifs. II tire ordinairement ses sujets de la Bible, comme par exemple le premier et le second Isaac, la Vigne du Seigneur, les Épis de Ruth, la Première fleur du Carmel. On y voit figurer comme personnages la Mort, le Péché, le Mahométisme, le Judaïsme, la Justice, la Piété, la Charité. Le Démon y joue presque toujours un rôle important. Calderon a laissé une soixantaine d'Autos sacramentales, dont le chef-d'oeuvre est la Dévotion de la Croix. La représentation de ces drames, qui ne sont, en général, que de très étranges et froides allégories, cessa en 1765, par ordre du roi Charles Ill, secondé par l'archevêque de Tolède. Mais les Autos, qui ont franchi l'Océan, subsistent encore dans les anciennes colonies espagnoles, où ils n'ont point cessé d'être populaires au XIXe siècle. (E. B.). | |