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Les mathématiciens
grecs se sont beaucoup occupés des sections
déterminées dans un cône à
base circulaire par des plans de direction quelconque,
et ils ont réuni ces courbes planes sous le nom de sections coniques
(ou, simplement, de coniques). Suivant que le plan sécant
rencontre une seule nappe du cône, ou les deux nappes, on obtient
l'ellipse ou l'hyperbole;
comme cas intermédiaire, le plan sécant peut être parallèle
à une génératrice du cône et la section est
alors une parabole. La théorie
des coniques a été fondée principalement par Apollonius
de Perge, qui a laissé son nom aux théorèmes
concernant les longueurs des diamètres
conjugués. Avant lui on ne considérait que les sections des
cônes de révolution par des plans perpendiculaires à
une génératrice, et, pour obtenir les trois genres de coniques,
ou était obligé d'employer trois genres de cônes.
Apollonius se plaça à un
point de vue plus général : il étudia les sections
planes quelconques des cônes, droits ou obliques à base circulaire
et put ainsi établir la liaison intime des trois coniques. Son
Traité des coniques nous montre l'auteur en possession des propriétés
les plus remarquables de ces courbes : mais, pas
plus que ses prédécesseurs, il n'eut l'idée de les
définir sans faire intervenir un cône, de regarder, par exemple,
une conique comme le lieu des points d'un plan
pour lesquels le rapport des distances à un point et à une
droite de ce plan est constant. Voici quelques-uns des théorèmes
énoncés sous une forme plus ou moins compliquée, par
Apollonius :
«
La polaire d'un point est une droite passant, si le point est extérieur
[c'est le seul cas dont s'occupe le géomètre grec], par les
points de contact des tangentes menées
du point à la conique. Si le pôle s'éloigne à
l'infini, la polaire devient le lieu des milieux
des cordes paralèles à une même direction : cette droite
est un diamètre de la conique. Tous les diamètres passent
par un même point, le centre (qui dans le
cas de la parabole se trouve rejeté à l'infini), et s'y coupent
en parties égales. Si un diamètre partage par moitié
une série de cordes parallèles entre
elles, réciproquement, les parallèles au diamètre,
sont divisées en parties égales par le diamètre parallèle
aux cordes. Ces deux diamètres sont dits conjugués. Il existe
deux diamètres conjugués perpendiculaires l'un à l'autre
: ce sont les deux axes de symétrie
de la conique. »
Dans la géométrie analytique,
créée par Descartes, le mot de
conique est devenu synonyme de celui de courbe
du second degré. On démontre, en effet, que toute conique
rapportée à des axes de coordonnées
rectangulaires on obliques peut être représentée par
une équation du second degré entre
l'ordonnée et l'abscisse, et que, réciproquement, toute courbe
du second degré est une conique. On démontre aussi que tout
cône sur lequel peut être placée une courbe du second
degré est lui-même du second degré et coupé
par un plan quelconque suivant une conique. Descartes a même fait
voir qu'un tel cône peut toujours être coupé suivant
un cercle, et ne diffère pas dès
lors du cône d'Apollonius.
L'équation la plus générale
des courbes du second degré est : Ax²+2Bxy+Cy² + 2Dx+2Ey
+ F =0. Elle représente une ellipse, une parabole, ou une hyperbole
suivant que le discriminant B²-AC est négatif, nul ou positif.
Le centre est déterminé par l'intersection des deux droites
qui ont pour équations Ax+By+D=0, Bx+Cy+E=0. Dans le cas de la parabole,
ces deux droites sont parallèles et le centre disparaît à
l'infini. Il y a deux asymptotes passant par le centre. Leurs directions
sont parallèles à celles des deux droites représentées
par l'équation homogène du second degré Ax²+
2Bxy+ Cyz = 0. Ces directions sont réelles dans le cas de l'hyperbole,
confondues dans le cas de la parabole, imaginaires dans le cas de l'ellipse.
Enfin, si les axes de coordonnées sont rectangulaires, il suffit,
pour les rendre parallèles aux axes de symétrie de la courbe,
de les faire tourner d'un angle q
vérifiant la formule : tg2q
= 2B / (A-C).
La géométrie analytique
a permis de simplifier et de généraliser les théories
d'Apollonius, principalement en transportant dans le domaine de la géométrie
la notion des solutions infinies ou imaginaires qui se présente
si naturellement en algèbre. C'est ainsi
qu'une droite est considérée comme rencontrant toujours une
conique en deux points, qui peuvent être réels, confondus
on imaginaires, à distance finie ou infinie; c'est ainsi encore
qu'au lieu de dire, avec Apollonius :
«
Deux coniques ne peuvent se couper en plus de quatre points »,
on dit aujourd'hui :
«
Deux coniques se coupent toujours en quatre points, réels ou imaginaires,
qui peuvent être en tout ou partie rejetés à l'infini.
»
Ce qui précède se rapporte aux
systèmes de coordonnées ponctuels, c.-à.d. dans lesquels
deux coordonnées représentent un point du plan. Au point
de vue des systèmes de coordonnées tangentielles dans lesquels
deux coordonnées représentent une droite, les coniques sont
des courbes de deuxième classe, c. -à-d. que par
«
un point du plan passent deux tangentes à une conique quelconque
».
Ce sont les seules courbes générales
dont la classe soit égale au degré, et cette réciprocité,
inconnue des anciens, constitue l'une de leurs plus importantes propriétés.
Parallèlement à la méthode
analytique s'est développée, dans la géométrie
moderne, une méthode synthétique
pour l'étude des coniques. Le germe de cette méthode peut-être
aperçu dans le célèbre Théorème de Pascal
sur l'hexagramme mystique (Pascal, Essai sur les coniques, 1630),
théorème en vertu duquel
«
les côtés opposés d'un hexagone inscrit dans une conique
se coupent en trois points d'une même droite ».
Cette propriété est évidemment
projective, c.-à-d. que si elle est vraie pour une conique particulière,
un cercle par exemple, elle subsiste pour toutes les coniques qui se déduisent
de celle-là par perspective. Poncelet,
dans son Traité des Propriétés projectives des
figures (1822), a établi pour les coniques, par un procédé
uniforme, un grand nombre de théorèmes qui possèdent
le même caractère. Dans le même ouvrage apparaît
cette définition féconde des foyers
:
«
Les foyers d'une conique sont les points de rencontre des tangentes menées
à la conique par les deux points imaginaires d'un cercle situés
à l'infini »;
ou bien encore :
«
Les foyers d'une conique sont des points qu'on peut considérer comme
des cercles de rayon nul ayant un double contact avec la conique».
C'est également dans le Traité
des propriétés projectives que se trouve le beau théorème
qui a conservé le nom de Poncelet, et d'après lequel :
«
S'il existe un polygone de m côtés inscrit dans une conique
et circonscrit à une autre, il existera une infinité de polygones
de m côtés jouissant de la même propriété.»
La théorie des figures homologiques
et celle des polaires réciproques forment la base des travaux de
Poncelet; Chasles est allé plus avant
dans la même voie, en introduisant définitivement la
notion de la dualité et celle de l'homographie. Son Traité
des sections coniques (1865) montre toute la fécondité
des nouvelles méthodes, appliquées à l'étude
des coniques. L'auteur établit que
«
six points étant pris sur une conique, les deux faisceaux de quatre
droites menées de quatre de ces points aux deux autres ont le même
rapport anharmonique »,
et que :
«
si l'on mène six tangentes à une conique les deux séries
de quatre points dans lesquels quatre de ces tangentes rencontrent les
deux autres ont le même rapport anharmonique ».
Ces deux théorèmes qui se correspondent
par dualité, découlent d'une même proposition fondamentale,
savoir :
«
Les droites menées de quatre points a, b, c, d, d'une conique à
un cinquième point quelconque, ont un rapport anharmonique égal
à celui des quatre points de rencontre des tangentes en a, b, c,
et avec une cinquième tangente quelconque. »
Sur cette double base, s'édifie une
théorie complète et géométrique des coniques,
absolument comme de l'équation du second degré, ponctuelle
ou tangentielle, découlent analytiquement toutes les propriétés
des mêmes courbes.
Conique
osculatrice. L'équation la plus générale des coniques
renfermant linéairement cinq paramètres, savoir les rapports
de cinq coefficients au sixième, cinq points du plan déterminent
une conique et une seule. Si l'on suppose que ces points soient situés
sur une courbe donnée et se rapprochent indéfiniment, suivant
une loi quelconque, d'un même point M de cette courbe, la limite
de la conique est appelée conique osculatrice de la courbe donnée
au point M. Les quatre premières dérivées de l'ordonnée
par rapport à l'abscisse sont les mêmes pour la conique osculatrice
que pour la courbe, et si l'on prend sur la courbe un second point M',
tel que MM' soit infiniment petit du premier ordre, la distance du point
M' à la conique osculatrice en M est infiniment petite du cinquième
ordre. Comme le cercle osculateur, la conique osculatrice traverse la courbe.
En appelant axe de déviation en M la position limite de la droite
qui joint le point M au milieu du segment déterminé par la
courbe sur une droite parallèle à la tangente et infiniment
voisine de celle-ci, on voit sans peine que
«
la conique osculatrice a son centre au point de concours de deux axes de
déviation infiniment voisins ».
Pour achever
de déterminer la conique, il suffit de remarquer qu'elle a, au point
M, même rayon de courbure que la courbe. La conique osculatrice est
une ellipse quand le point de concours de deux axes de déviation
consécutifs est du même côté que le centre de
courbure; c'est une hyperbole dans le cas contraire. On obtient une parabobe
si deux axes de déviation consécutifs sont parallèles.
Coniques homofocales.
Si l'on considère le système de coniques représenté,
en coordonnées cartésiennes rectangulaires, par l'équation
x²/(a²-l)+y²/(b²-l) =1, où a, b sont des constantes,
et l un paramètre arbitraire, il est aisé de reconnaître
que ces coniques ont les mêmes foyers. Si a est plus grand que b,
deux de ces foyers sont réels et situés sur l'axe des x,
les deux autres sont imaginaires et situés sur l'axe des y. Par
chaque point du plan passent deux coniques du système; l'une d'elles
est une ellipse, l'autre est une hyperbole. Ces deux coniques se coupent
à angle droit. Le système complet se compose donc d'une famille
d'ellipses et d'une famille d'hyperboles, qui dessinent sur le plan un
réseau orthogonal. On démontre en outre que ce réseau
est isotherme, c. -à-d. qu'il peut être considéré
comme formé de carrés ifiniments petits. Un foyer est le
point de concours de deux tangentes passant par les points circulaires
à l'infini : d'après cela,
«
les coniques homofocales sont toutes inscrites dans un même quadrilatère
imaginaire »
et elles jouissent nécessairement
de toutes les propriétés des coniques inscrites dans un même
quadrilatère. Elles possèdent encore bien d'autres propriétés
remarquables; nous citerons seulement les suivantes, dues à Chasles
:
«
Si l'on a deux coniques homofocales de même espèce, et que
de chaque point de la conique externe on mène les deux tangentes
à la conique interne, la somme des deux tangentes moins l'arc compris
entre les points de contact est une quantité constante. »
«
Les tangentes menées de deux points d'une conique à une conique
homofocale forment un quadrilatère circonscriptible au cercle. »
« Un polygone de périmètre maximum inscrit à
une conique a ses côtés tangents à une conique homofocale.
»
Coniques sphériques. - Une conique
sphérique est la courbe d'intersection
d'un cône du second degré avec une
sphère ayant son centre
au sommet du cône. Toute surface du second
ordre est coupée par une sphère concentrique suivant une
courbe qui appartient à un cône également concentrique,
et qui est par conséquent une conique sphérique. Une courbe
de ce genre a trois plans de symétrie, qui sont les plans de symétrie
du cône sur lequel elle est placée. Sur chacun de ces plans,
elle se projette suivant une courbe du second degré, et par conséquent
elle peut, de trois manières différentes, être considérée
comme placée sur un cylindre du second
degré. L'un de ces cylindres est hyperbolique, les deux autres sont
elliptiques et traversent la sphère l'un par arrachement, l'autre
par pénétration. Il résulte de là qu'on n'a
pas à distinguer, dans la théorie des coniques sphériques,
des espèces distinctes comme pour les coniques planes.
Si un grand cercle de la sphère
ne rencontre pas la conique, il sépare deux hémisphères
dont chacun renferme une moitié de la conique sphérique,
analogue à l'ellipse plane ; si un grand cercle rencontre la conique
sphérique, il sépare deux hémisphères dont
chacun renferme une moitié de la conique sphérique, analogue
à l'hyperbole plane. Le grand cercle arbitraire que nous considérons
ici loue dans tous les cas le même rôle que la droite de l'infini
dans la théorie des coniques planes. La théorie des coniques
sphériques est naturellement une généralisation de
celle des coniques planes, et la comprend comme cas particulier. On appelle
arcs cycliques les grands cercles déterminés sur la sphère
par les plans centraux parallèles aux sections circulaires du cône,
et l'on reconnaît que ces arcs correspondent aux asymptotes de l'hyperbole.
C'est ainsi que
«
la produit des sinus des perpendiculaires sphériques menées
d'un point d'une conique aux ares cycliques est constant; si un grand cercle
rencontre une conique aux deux points P et Q et les arcs cycliques aux
points A, B, on a AB = PQ ; la portion d'une tangente limitée aux
ares cycliques a son milieu au point de contact; une tangente mobile forme
avec les arcs cycliques un triangle d'aire constante, etc.. »
Chaque propriété de la conique
sphérique entraîne une propriété corrélative,
grâce à la considération du cône supplémentaire,
c.-à-d. du cône enveloppé par les plans normaux aux
génératrices et passant par le sommet du cône donné
: absolument comme la notion des triangles supplémentaires permet
de doubler toutes les formules de trigonométrie
sphérique. Aux plans cycliques d'un cône correspondent les
lignes focales du cône supplémentaire, c.-à-d. les
droites issues du sommet et passant chacune parmi foyer des sections normales
à ces lignes. Les traces des lignes focales d'un cône sur
la sphère sont les foyers de la conique sphérique correspondante.
Partant de là, les théorèmes précédemment
énoncés au sujet des arcs cycliques entraînent les
suivants, relatifs aux foyers :
«
Le produit des sinus des perpendiculaires abaissées d'un foyer sur
une tangente est constant; les deux tangentes menées d'un point
à une conique forment des angles égaux avec les arcs qui
les joignent aux deux foyers; les lignes joignant un point aux deux foyers
forment des angles égaux avec la tangente; la somme des ares joignant
les deux foyers à un point de la conique est constante. »
Ce dernier théorème se généralise
de la manière suivante :
«
Une conique sphérique peut être considérée d'une
infinité de manières comme le heu des points tels que la
somme ou la différence des ares de grands cercles menés de
ces points tangentiellement à deux petits cercles fixes soit constante.
»
Voici enfin un élégant théorème
dû à Chasles :
«
Si l'on mène les quatre arcs de grand cercle tangents à une
conique sphérique et à un petit cercle, les sommets opposés
du quadrilatère formé par ces arcs tangents sont sur une
conique homofocale à la première.»
(L. Lecornu).
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