| Dithyrambe, petit poème lyrique des anciens Grecs en l'honneur de Dionysos. Le mot vient du grec dis, deux fois, thura, porte, et ambainô, je passe, parce que Dionysos avait en quelque sorte passé deux fois les portes de la vie, d'abord en sortant du sein de Sémélé, et ensuite de la cuisse de Zeus. Le dithyrambe était caractérisé par une verve désordonnée, étourdissante, par des accouplements étranges de mots, des hyperboles hardies et compliquées, et le mélange le plus licencieux de rythmes différents. Il paraît avoir été primitivement improvisé pendant les Dionysiaques, dans des réunions rustiques de buveurs en délire, dont les cerveaux, suivant l'expression d'Archiloque, étaient frappés de la foudre du vin. On le chantait en choeur, au son des flûtes, et sur le mode phrygien. Les traditions qui attribuent l'invention, ou plutôt la première forme littéraire de cette composition à Archiloque, à Lasos d'Hermione, à Arion, n'ont rien de certain. C'est au VIe et au Ve siècle av. J.-C. qu'on a écrit le plus grand nombre d'hymnes dithyrambiques sous une forme littéraire; ceux de Pindare, d'Ion, de Ménalippide, de Stésichore, de Philoxène, paraissent avoir été les plus célèbres, mais il ne nous en est rien resté. Les poètes de la Vieille Comédie étaient remplis d'allusions satiriques au caractère ampoulé, nuageux, retentissant, de ces poèmes étranges, comme nous le voyons encore dans plusieurs pièces d'Aristophane. Le dithyrambe fut l'origine première du drame tragique : le style sonore, grandiose, de la plupart des choeurs d'Eschyle, leur composition quelque peu désordonnée, en sont une preuve irrécusable. Ce caractère des choeurs tragiques se retrouve parfois chez Sophocle; il disparait chez Euripide, si ce n'est dans les Bacchantes, dont la partie lyrique devait, naturellement, reproduire le ton du dithyrambe. A partir du IVe siècle av. J. C. le genre dithyrambique, manié par des hommes médiocres, parait être tombé dans un complet discrédit. Cette partie de la poésie grecque devait être dédaignée par l'esprit raisonnable et judicieux de la nation romaine. Aussi Horace se moque-t-il des poètes de son pays qui prétendent imiter les dithyrambes de Pindare et composer en latin des poèmes lyriques sur un rythme affranchi de toute loi. Le dithyrambe ne convient pas plus à l'esprit moderne qu'il ne convenait à celui des anciens Romains; et ce n'est que par une véritable débauche de goût que quelques poètes italiens et français du XVIe siècle ont prétendu renouveler, en plein christianisme, ce genre poétique évidemment inséparable de l'enthousiasme bachique, terme précis chez les Grecs, et dénué de sens chez les modernes. On trouve dans Delille une assez belle pièce lyrique intitulée l'Immortalité de l'âme; il l'a appelée Dithyrambe; mais si elle peut justifier en quelque chose ce nom, ce n'est que par l'irrégularité des stances, et par un mélange assez arbitraire de vers de toutes mesures. Le dithyrambe où Lebrun célèbre l'arrivée à Paris des monuments des arts conquis par le général Bonaparte en Italie, les dithyrambes d'André Chénier, de Casimir Delavigne, etc., présentent les mêmes caractères. Il existe en italien un dithyrambe célèbre de Francesco Redi, Bacco in Toscana, dont le sujet est l'éloge des vins de Toscane. (P.).
| En bibliothèque- Tinkowsky, De Duthyrambis eorum que usu apud Graecos et Romanos (dans les Acta Societatis philologicae Lipsiensis, 1811), et les Dithyramboruna reliquiae, dans les Lyrici graeci de Bergk, Leipzig, 1843. | | |