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Les mystères |
Les mystères étaient de pièces de théâtre représentées pendant le Moyen âge, et dont les sujets étaient empruntés à l'Ancien Testament et au Nouveau Testament, ou à la Vie des Saints. Le Christianisme, qui voulait s'emparer complètement des âmes, devait donner satisfaction à tous leurs besoins intellectuels : or, la passion pour les jeux scéniques avait été jusqu'à la fin l'une des plus vives du monde païen. Le clergé n'essaya pas de la détruire, mais lui donna une direction nouvelle. On mit en drames les actes de Jésus et des premiers héros du christianisme; les traditions des tragédies grecques et romaines, conservées dans les monastères, fournirent des cadres pour ces premiers essais. Dès le Xe siècle, Hroswitha, religieuse à Gandersheim, composa six tragédies, que jouèrent ses soeurs en religion. De pareilles oeuvres, écrites en latin, pour charmer les loisirs du cloître, n'étaient faites que pour les clercs. Les églises servirent à représenter aux yeux des fidèles les mystères célébrés dans les principales fêtes : à Noël la crèche se peupla des personnages qui avaient figuré à Bethléem, y compris le boeuf et l'âne; à l'Épiphanie, on montra les rois Mages et les bergers; à Pâques, les trois Maries, etc. Ce ne furent d'abord que des figures muettes, en cire, en plâtre ou en bois; peu à peu la scène s'anima : des prêtres ou des fidèles prenant le rôle des personnages, traduisirent leurs sentiments et leurs pensées à l'aide des gestes et du langage vulgaire. Mais ces jeux scéniques, saints par l'origine moraux par le but, dégénérèrent assez promptement : la religion ne pouvant se rendre solidaire de toutes les inventions du siècle, le drame dut sortir de l'église. Toutefois il s'installa tout auprès, sur le parvis même des cathédrales, et continua d'être un complément des cérémonies. Le lien qui avait rattaché au culte la représentation des mystères ne fut pas rompu : il existe, par exemple, un manuscrit des premières années du XVe siècle, contenant une cinquantaine de drames en l'honneur de la Vierge; ils sont presque tous précédés de sermons en prose, qui leur servent de prologue. Très souvent aussi les mystères se terminaient par un Te Deum, chanté en choeur par les assistants. Jusqu'à la fin du XIVe siècle, toutes les classes, prêtres, clercs, étudiants, ouvriers, avaient concouru aux représentation. Les représentations dramatiques s'établirent d'une manière régulière à Paris, dans la grande salle de l'hôpital de la Trinité, fondé par Guillaume Escuacol, au coin des rues Grenéta et Saint-Denis, près de la porte Saint-Denis.
En 1402, les religieux, qui appartenaient à l'ordre des Prémontrés, louèrent leur grande salle à une troupe régulière d'acteurs, qui depuis 1398 exploitait un théâtre au bourg de Saint Maur et qui prirent le titre de maîtres et gouverneurs de la Passion et Rédemption de Nostre-Seigneur. Cette troupe, dûment autorisée par Charles VI , fut connue sous le nom de Confrérie de la Passion, du nom du plus important des Mystères. Leur théâtre, installé dans une salle de vingt et une toises de long sur six de large et prospéra pendant près d'un demi-siècle. Vers 1539, on lui enleva son local, et la troupe dut se transporter à l'hôtel de Flandre. Une société plus civilisée comprenant mieux le ridicule de représentations grossières et souvent peu décentes, le Parlement commença par défendre aux Confrères d'ouvrir leur théâtre à certaines fêtes de l'année. Puis d'autres acteurs, d'un caractère profane, les Enfants sans souci et les Clercs de la Basoche, firent une rude concurrence aux Confrères de la Passion, dont le répertoire s'altérait d'ailleurs par l'invasion des détails malins ou burlesques. Boileau pouvait dire, avec raison (Art poétique, ch. III), de ces pièces : Les Confrères de la Passion existaient encore dans les premières années du règne de Louis XIII; ils vendirent alors leur privilège aux comédiens de l'hôtel de Bourgogne, et bientôt les chefs-d'oeuvre du théâtre classique français firent oublier les mystères. Ces représentations sacrées devaient finir comme elles avaient commencé : on a vu, en effet, jusqu'à la fin du XIXe siècle, dans le fond de quelques provinces, des comédiens ambulants donner en spectacle de marionnettes les scènes de la Passion, et même, dans un certain nombre d'églises, on figure encore, aux fêtes de Noël, la crèche de Bethléem.De la foi d'un chrétien les mystères terribles Les mystères ont été fort nombreux. On possède un Mystère des Vierges folles et des Vierges sages, du XIe siècle, provenant de l'abbaye de Saint Martial de Limoges : il est écrit en trois idiomes; Jésus parle en latin, les Vierges sages en français, et les Vierges folles en provençal. Monmerqué a publié 10 Mystères tirés d'un manuscrit de Saint-Benoît-sur-Loire, et dont 4 sont du XIe siècle. Parmi les auteurs de Mystères dont l'histoire a conservé les noms, on remarque Jean Bodel, d'Arras, dont on a un Jeu de Saint Nicolas, écrit vers 1260; Rutebeuf, auteur présumé d'un Miracle de Théophile, qui fut très populaire; André de La Vigne, Jean du Prier, et Jean Michel, médecin d'Angers, du XVe siècle; Pierre Gringoire, contemporain de Louis XII; Barthélemy Aneau qui fit jouer un mystère de la Nativité en 1530. Le répertoire des Confrères de la Passion comprenait entre autres ouvrages, le Mystère de Saint Martin, le Mystère de Saint Crépin le Mystère de Sainte Barbe, le Mystère des Actes des Apôtres. Mais aucun sujet ne fut plus fréquemment traité que celui de la Passion, trilogie consacrée à la Nativité, à la Passion, et à la Résurrection. Il en est un, conservé dans un manuscrit de 1457, et qui fut composé avant 1452, et qui est d'Arnoul Greban. Il en existe un autre qui est divisé en 20 journées, et compte près de 40 000 vers. Un anonyme et Jean Michel l'ont encore amplifié, jusqu'à faire 67 000 vers. Les Mystères n'étaient que des versions dialoguées de la Bible ou des légendes chrétiennes; on y suivait le modèle chapitre par chapitre, avec une servilité qui exclut toute espèce d'invention, de plan et d'arrangement: de là des changements de scène continuels, et l'extrême longueur de ces drames. L'exactitude de la traduction n'empêchait pas mille anachronismes de moeurs, de costume et de langage, qui attestent l'ignorance et la simplicité des auteurs et des acteurs. On ignorait l'art de placer successivement plusieurs décorations sur une scène unique. L'unité de lieu n'était point observée. La scène se divisait en autant de compartiments qu'on avait de localités à parcourir. Un des confrères, avant le lever des rideaux, expliquait ce que l'on allait voir. Ainsi, dans le Mystère de la Résurrection, un des régisseurs du spectacle prononçait ce prologue d'ouverture : En ceste manere recitonOn voit par là que le théâtre représentait à la fois la croix, le tombeau, une prison, l'enfer, le ciel et les étoiles; une maison-où se tenait messire Pilate avec six chevaliers; la maison de Caïphe, qui était entouré des Juifs; la Galilée, Emmaüs, etc. Toutes les fois que le dialogue était coupé par de la pantomime, le régisseur reprenait la parole pour donner des explications sur le jeu muet. Dans les premiers temps, les Confrères de la Passion ne s'adonnèrent qu'au genre sérieux; aussi les curés acceptèrent-ils d'avancer l'heure des vêpres, afin qu'il fût loisible aux fidèles de se rendre au spectacle, qui commençait à une heure et se terminait à cinq heures. Il fallait que les acteurs fussent expéditifs pour déclamer en si peu de temps des compositions dramatiques dont quelques-unes ont vingt mille vers. Ces pièces nous paraîtraient aujourd'hui d'un profond ennui; on ne peut donc guère trouver qu'un intérêt de curiosité à parcourir ces premiers monuments de la littérature dramatique en France. Cependant, elles offrent une variété que les Anciens ne connaissaient pas. La tragédie, suivant Aristote, devait être l'imitation d'une action sérieuse, et les personnages qu'il fallait représenter de préférence étaient Ies grandes victimes de la fatalité. Dans les mystères, les habitants du ciel, les démons, les seigneurs, les soldats, les paysans prennent part à une action commune, et chacun s'exprime avec un langage approprié. Dans le mystère de la Passion qui fut composé sous Charles VI, et dont le style est par conséquant plus intelligible pour nous que celui du mystère plus ancien dont nous avons cité le prologue, Luciferapostrophe ainsi ses auxiliaires : Diables d'enfer, horribles et cornus,S'agit-il du mariage de Joseph et Marie, le poète prend un ton doux et gracieux : Joseph :Aux noces de Cana, un ivrogne témoin du miracle s'écrie : Si sçavoye faire ce qu'il fait,Un des mendiants qui se pressent autour de Jésus dit avec douleur : Je regarde sur mes drapeaux
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