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Le Moyen Âge
L'Europe au Xe siècle
Au commencement du Xe siècle les musulmans craints à Rome et à Constantinople, maîtres de la Perse, de l'Arabie, de la Syrie, de toutes les côtes de l'Afrique jusqu'à l'Atlas, ont une puissance presque égale à celle des Romains sous Auguste. Mais les Romains ne formaient qu'une seule nation : les musulmans sont divisés en plusieurs peuples; tant d'États, presque indépendants les uns des autres, n'ont de lien commun que dans leur croyance religieuse, et encore les sectes ne manquent pas en Orient, en Afrique et en Espagne.

En Orient, la puissance abbasside, ou partagée ou disputée, ne réprime plus les ambitions : les soldats déposent et assassinent les califes. L'Afrique, avec l'Égypte, où est fondé Le Caire, même la Syrie et certaines contrées de l'Arabie, forment un empire à part pour les Fatimides, mahadis ou directeurs des fidèles: ils aspireront même au califat universel. La domination musulmane avait plus d'éclat et plus de solidité en Espagne : le génie du calife ommeyade Abdérame III et celui du lieutenant des califes, Mohammed Almanzôr, neutralisent les effets de la turbulence des émirs. Leur mollesse est réveillée par les guerres incessantes avec les États chrétiens d'Oviédo ou de Léon, de Navarre, de Castille, d'Aragon, de Barcelone. L'Espagne sera, pendant six siècles encore, partagée entre les chrétiens et les Maures.

Les Arabes continuent de traduire et d'expliquer Aristote : Alfarabi prétend concilier Aristote et Platon et les comprend assez peu pour les trouver d'accord. Tout en se persuadant qu'ils entendent parfaitement la philosophie grecque, tout en s'efforçant de la rallier à la doctrine du Coran, ils se divisent en soixante et dix sectes. Des études plus positives sont cultivées avec succès : Albirouni rédige un traité de géographie, fruit de quarante ans d'observations et de voyages; Ibn Batrich, que les occidentaux ont appelé Eutychius, compose un corps d'annales orientales; Rhazès embrasse tout le système de la science de la médecine.

A Constantinople, la faiblesse ou les vices des empereurs, les désordres et les factions de leur cour n'excluent pas toute gloire. La maison macédonienne donne, après Léon le Philosophe, le débonnaire Constantin Porphyrogénète : absorbé dans ses études, jaloux de devenir peintre, architecte, auteur, il laisse l'empire à sa mère, à sa femme, à ses fils. On a beaucoup d'ouvrages sous son nom; celui qui a pour objet la situation des provinces et des villes soumises aux empereurs grecs, est un monument instructif de la géographie du Moyen âge. Son petit-fils, Basile II, marchera sur les traces des deux généraux habiles, que les guerres heureuses contre les Sarrasins et les Russes ont portés à l'empire; mais l'avarice, la férocité et la débauche forment le fond du gouvernement impérial.

La maison des Carolingiens s'éteint d'abord en Germanie, où la royauté, d'héréditaire, devient élective; tandis qu'au contraire les dignités qui n'avaient été que des simples commissions confiées à des ducs, à des comtes, etc., restent là, comme partout, héréditaires. Le chaos de l'Allemagne commence à se débrouiller sous le premier prince saxon porté au trône par élection : on s'affranchit par une victoire du tribut payé aux Hongrois; Henri l'Oiseleur fortifie les villes, institue des milices et des jeux militaires, qui donnent la première image des tournois; son fils, Othon le Grand, vainqueur des Danois, des Bavarois rebelles, des Bohémiens insoumis, renouvelle l'oeuvre de Charlemagne en Italie.

La dynastie carolingienne avait fini dans la péninsule avec le roi Bérenger Ier, qui ne pouvait défendre le territoire contre les Hongrois venus du Nord et contre les Sarrasins venus du Midi. L'anarchie féodale était au comble dans ce malheureux pays : deux courtisanes ambitieuses, Théodora et Marozie, ont été à la tête des factions et ont disposé même du siège de saint Pierre. Un fils de Marozie a exercé seul l'autorité civile à Rome. Un de ses petits-fils s'est emparé du ministère pontifical et l'a uni ainsi au pouvoir civil.

Tour à tour bienfaiteur des papes et leur maître, Othon le Grand détrône le roi Bérenger II d'Ivrée, ceint la couronne des Lombards et se fait sacrer à Rome en qualité de chef de l'Empire. La dignité impériale doit être inséparable des royaumes de Germanie et d'Italie. En échange des serments et de l'hommage du pape, Othon fait à l'Église romaine de magnifiques promesses. Les trois premiers Othon laissent poindre en Italie les institutions municipales et quelques germes de liberté publique qui se développeront contre les empereurs. Les privilèges accordés aux évêques allemands, qui sont faits ducs et comtes avec des droits régaliens, sont aussi des semences d'anarchie et de révolutions.

En France, la dynastie carolingienne se flétrit de plus en plus. La Neustrie est cédée aux Vikings, à titre de vassaux de la couronne; les Hongrois pendant près d'un demi-siècle dévastent le territoire à l'est, et les Sarrasins au sud. Les chefs de la féodalité se font rois : Hugues Capet, duc de France, le possesseur d'une des sept grandes principautés, subdivisées elles-mêmes, et presque à l'infini, en petites seigneuries, prend la place du dernier carolingien, et commence une troisième dynastie, en réunissant à son duchié le titre de roi et la faible puissance que le système féodal avait laissée à cette dignité.

L'histoire littéraire, dans la langue latine, offre bien peu de noms : les plus remarquables sont ceux des chroniqueurs, Réginon, Flodoard, Luitprand, Aimoin. L'ouvrage de Luitprand, évêque de Crémone, qui a eu part aux affaires publiques qu'il raconte, qui a fait deux voyages à Constantinople, comme ambassadeur du roi d'Italie et empereur d'Occident, est presque le seul monument littéraire de l'Italie septentrionale : il est concis, et énergique, il amuse le lecteur; sa latinité paraît pure, en comparaison de celle des autres écrivains de son temps. C'est l'époque où la langue des anciens Romains s'est le plus altérée. Le tudesque est la langue vernaculaire d'une grande partie de l'Europe occidentale et septentrionale; on l'écrit déjà en vers et en prose.

Le Danemark, la Norvège, la Suède, commencent à se donner des lois écrites : dans ces deux derniers pays, on a le bonheur d'éviter les principaux abus du régime féodal; point de fiefs héréditaires, point de servitude de la glèbe. Des bandes redoutables de barbares continuent de s'élancer de la Scandinavie. Les Vikings s'établissent en France. L'Angleterre, en proie aux convulsions religieuses et politiques que domine le nom de saint Dunstan, moine, archevêque de Canterbury et légat du pape, est à la merci des Danois. Les Russes d'origine scandinave commencent à connaître le christianisme, et cessent leurs courses contre les Grecs. Les Slaves Polonais doivent le christianisme aux Germains catholiques.

Le pape donne à son autorité spirituelle une extension qui devient redoutable même pour les rois : la politique a autant de part que les raisons canoniques à l'excommunication et à l'interdit dont sont frappés Robert le Saint, fils de Hugues Capet, et le royaume de France. Il ne se tient au Xe siècle aucun concile général. Il y a peu d'hérésies nouvelles.

Au milieu de ces peuples, de ces seigneurs, de ces rois qui ne savent ni écrire ni lire, l'instruction livre au clergé l'administration des affaires civiles : la science est appelée clergie, les clercs dictent les testaments, règlent les mariages, les contrats, les actes publics; ils s'affranchissent de la juridiction séculière, et s'efforcent d'assujettir toutes les personnes et toutes les choses à leur propre juridiction. Les legs et les donations affluent aux églises, et aux monastères, surtout dans les dernières années de ce siècle.
Sous l'empire de tous les vices et des plus scandaleux désordres, d'aucuns s'efforcent de faire croire à la fin du monde qu'une ancienne tradition semble fixer à la millième année de l'ère chrétienne. Cette terrible barrière est franchie pendant le pontificat de Sylvestre II, auparavant appelé Gerbert, qui a mérité, sous ce nom, une place dans l'histoire des lettres et des sciences, et qui a aussi, hélas, conçu le premier l'idée des croisades. (Ch. Dreyss).

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