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La
gravitation
quantique est une branche de la physique
théorique qui vise à unifier la mécanique
quantique, qui régit le comportement des particules subatomiques,
et la relativité générale, qui décrit
la gravitation et la structure de l'espace-temps
à grande échelle. Ces deux piliers de la physique moderne sont extraordinairement
puissants dans leurs domaines respectifs, mais incompatibles dans leurs
formulations actuelles. La gravitation quantique vient du fait que la relativité
générale est une théorie géométrique : elle décrit la gravitation
non pas comme une force au sens newtonien, mais comme une courbure de l'espace-temps
causée par la matière et l'énergie.
En revanche, la mécanique quantique repose sur une approche probabiliste
et linéaire des phénomènes physiques, avec des entités telles que les
particules et les champs quantiques qui évoluent dans un espace-temps
supposé fixe. La gravitation quantique cherche donc à développer un
cadre cohérent qui permette de décrire la gravitation à des échelles
de longueur très petites, notamment au niveau de la l'échelle
de Planck, où les effets quantiques du champ gravitationnel deviennent
significatifs.
Quelques pistes...
Plusieurs approches
ont été développées pour traiter cette question. Toutes ces approches
reflètent des visions différentes de ce que pourrait être la gravité
à l'échelle quantique. Certaines visent une unification complète des
interactions, d'autres se concentrent sur la structure de l'espace-temps
lui-même. Malgré l'absence actuelle de confirmation expérimentale, ces
travaux nourrissent une recherche active et multiforme, qui pourrait transformer
notre compréhension de la réalité physique la plus fondamentale.
La
théorie des cordes, ses variantes et ses extensions.
La théorie des
cordes, également appelée théorie des supercordes parce qu'elle inclut
aussi la supersymétrie, une symétrie
entre bosons et fermions,
qui n'a pas encore été observée expérimentalement, propose que les
particules fondamentales ne sont pas ponctuelles, mais des cordes unidimensionnelles
dont les états de vibration correspondent aux différentes particules
observées. Leurs modes de vibration déterminent les propriétés des
particules (masse, charge, spin). Ces cordes
peuvent être ouvertes (avec des extrémités) ou fermées (en boucle).
Dans ce cadre, le graviton, particule
hypothétique responsable de l'interaction gravitationnelle, apparaît
ainsi naturellement comme une vibration particulière d'une corde fermée.
Pour être mathématiquement cohérente, cette théorie nécessite cependant
l'existence de dimensions supplémentaires, généralement 6 ou 7 dimensions
cachées ou compactifiées, en plus des 4 dimensions de l'espace-temps
observable. Dire que les dimensions supplémentaires sont compactifiées,
signifie qu'elles sont supposées repliées sur elles-mêmes à des échelles
extrêmement petites. Au début des années 1990, cinq versions de la théorie
des cordes ont été identifiées comme cohérentes :
• La
théorie de Type I inclut des cordes ouvertes et fermées, avec symétrie
de jauge SO(32), et des objets appelés D-branes (membranes sur lesquelles
les cordes ouvertes peuvent se terminer).
• Les théories
de Type IIA et de Type IIB sont des théories à cordes fermées, avec
une symétrie de dualité entre elles (la Type IIB est auto-duale).
• Les théories
hétérotiques SO(32) et E8×E8 combinent des cordes gauches et droites
avec des symétries de jauge différentes, permettant l'inclusion de la
théorie standard des particules.
En 1995, Edward Witten
a suggéré que ces cinq théories étaient des limites d'une théorie
plus générale, appelée théorie M. La théorie M inclut non seulement
des cordes, mais aussi des branes (objets à n dimensions, comme les membranes
ou fivebranes), et décrit la gravitation quantique via l'interaction de
ces entités dans un espace-temps à 11 dimensions. Plusieurs variantes
de la théorie M ont été élaborées. La théorie F est une extension
de la théorie M en 12 dimensions, utilisant une compactification "non-géometrique"
pour étudier des transitions de phases entre différentes configurations
de branes. Il existe aussi une formulation de la théorie M en termes de
matrices quantiques, qui interprète l'espace-temps comme émergent d'algèbres
matricielles.
La théorie des cordes
n'a pas encore de preuve expérimentale. Ses prédictions dépendent de
configurations non observables (dimensions cachées, énergies extrêmes),
et son espace de solutions ("paysage de cordes") est immense, ce qui rend
difficile la prédiction unique du monde observable. De plus, la nature
mathématique abstraite de la théorie (géométrie non commutative, dualités
non triviales) rend difficile la conception pratique de tests. Malgré
cela, elle a inspiré des avancées en physique mathématique (géométrie
algébrique, théorie des champs topologiques) et en cosmologie
(modèles de big bang quantique, trous noirs).
La
gravitation quantique à boucles.
La gravitation quantique
à boucles adopte une approche totalement différente. Elle vise à quantifier
la gravitation tout en préservant l'invariance de jauge et la géométrie
de l'espace-temps, sans recourir à des dimensions supplémentaires. Les
travaux de Carlo Rovelli, Lee Smolin, Abhay Ashtekar et Thomas Thiemann
ont été fondamentaux pour le développement de cette théorie, qui reste
l'une des seules approches à ne pas recourir à des dimensions supplémentaires
ou à des hypothèses exotiques, tout en restant
une voie théorique en construction.
Elle part directement
de la relativité générale, en la reformulant dans un langage plus adapté
à la quantification, notamment via les variables d'Ashtekar (un ensemble
de variables canoniques, conçues pour simplifier les équations,
qui permettent une quantification non perturbative directe des champs gravitationnels).
Dans ce cadre, l'espace-temps n'est plus continu, mais constitué de structures
discrètes appelées réseaux de spins, qui décrivent des unités élémentaires
de surface et de volume. Les réseaux de spin sont des graphes mathématiques
où les arêtes (liens) et les noeuds représentent des objets quantiques.
Les arêtes portent des états de spin associés à la géométrie locale
(comme l'aire ou le volume), tandis que les noeuds codent des relations
entre ces grandeurs. Les observables géométriques (aire, volume, longueur)
sont ainsi quantifiées : leurs valeurs ne forment pas un continuum mais
des spectres discrets. Par exemple, l'aire d'une surface est proportionnelle
à la racine carrée de nombres quantiques associés aux liens du réseau.
Les réseaux de spins forment une base du espace d'états de la théorie.
L'évolution temporelle des réseaux de spin (évolution sans temps explicite
gouvernée par l'équation
de Wheeler-DeWitt) est décrite par des mousses de spin, des structures
4D formées de "bulles" ou de "feuilles" de réseaux évoluant dans le
temps. Ces mousses encodent les dynamiques de la gravité quantique via
des transitions entre configurations spatiales.
Une des forces de
cette approche est qu'elle ne présuppose pas de structure d'espace-temps
sous-jacente, mais tente de la faire émerger sa géométrie à partir
des interactions quantiques fondamentales. Elle explique l'entropie
des horizons des événements (comme celui d'un trou noir) comme le nombre
d'états microscopiques quantiques accessibles à la surface de l'horizon.
Cela concorde avec la formule de Bekenstein-Hawking. Des modèles simplifiés
de l'univers (comme le modèle isotrope homogène) évitent la singularité
du big bang en prédissant un rebond quantique, où l'univers se contracte
jusqu'à une échelle planckienne avant de connaître une nouvelle phase
d'expansion. Toutefois, la gravitation quantique à boucles a encore du
mal à intégrer la matière de façon complète, et à reproduire de manière
convaincante l'espace-temps classique à grande échelle. Comme d'autres
théories de la gravitation quantique, la gravitation quantique à boucles
peine à proposer des tests expérimentaux directs en raison des échelles
extrêmes (longueurs de Planck). La suppression du temps
comme variable indépendante pose des questions philosophiques et pratiques
sur la mesure des observables. L'intégration des autres interactions fondamentales
(électrofaible, forte) dans le formalisme reste par ailleurs un défi
majeur.
Théories
de la gravitation émergente.
Les approches dites
de la gravitation émergente remettent en question le caractère fondamental
de la gravitation. Selon ces perspectives, la gravité pourrait émerger
comme une propriété collective, de la même manière, que la pression
ou la température émergent du comportement
statistique de nombreuses particules. Cette idée repose souvent sur des
analogies thermodynamiques ou informationnelles.
Par exemple, certains modèles suggèrent que la gravitation est une force
entropique, résultant d'un gradient d'entropie
lié à la distribution de l'information dans l'espace-temps. Le principe
holographique, inspiré de la théorie des cordes, soutient que les informations
contenues dans un volume d'espace peuvent être entièrement encodées
sur sa frontière, ce qui a des implications profondes pour la nature de
la gravitation. Voici les principales théories :
• L'espace-temps
comme théorie de jauge émergente.
- Certains modèles considèrent l'espace-temps lui-même comme une structure
émergente d'interactions quantiques plus fondamentales. Par exemple, la
théorie des cordes ou la gravitation quantique à boucles incluent déjÃ
des aspects émergents, mais des approches plus spécifiques comme celle
de Sundance O. Bilson-Thompson ou Fotini Markopoulou proposent que l'espace-temps
émerge de noeuds ou de relations entre des entités quantiques primordiales
(comme des préons ou des informations quantiques).
Ces modèles sont liés à l'idée de réseau d'information ou de calcul
quantique universel, où la géométrie spatiale est un agrégat statistique
de processus microscopiques.
• Holographie
et gravitation émergente. - La correspondance AdS/CFT (anti-de Sitter/Conformal
Field Theory) relie la gravitation dans un espace à courbure négative
(AdS) à une théorie de champs sans gravitation sur sa frontière (CFT).
Cela suggère que la gravitation est une manifestation émergente de la
dynamique des degrés
de liberté de la théorie conforme. Cette
dualité est souvent interprétée comme un exemple de gravitation émergente,
où la gravitation dans l'espace AdS émerge des corrélations quantiques
dans la théorie frontalière. Des extensions de ce cadre, comme la gravitation
holographique non-locale, tentent d'étendre ce concept à des espaces
non-AdS.
La
gravitation holographique repose sur l'idée qu'une théorie de la
gravitation dans un certain volume de l'espace (souvent appelé le "bulk")
peut être entièrement décrite par une théorie physique (généralement
une théorie quantique des champs sans gravitation) pertinenet sur la frontière
de ce volume, qui a une dimension inférieure. C'est l'analogie avec l'hologramme
qui donne son nom au concept : de même qu'un hologramme en 2D code l'information
d'un objet en 3D, la physique d'un espace de dimension N+1 contenant la
gravitation peut être "projetée" et décrite par une théorie non-gravitationnelle
sur une surface de dimension N. L'exemple le plus célèbre et le mieux
étudié est la correspondance AdS/CFT, qui suggère qu'une théorie de
la gravitation quantique dans un espace Anti-de Sitter est précisément
équivalente à une théorie quantique des champs conforme sur la
frontière de cet espace Anti-de Sitter. L'intérêt majeur de la gravitation
holographique est qu'elle offre une approche concrète pour étudier des
problèmes complexes de gravitation quantique, comme le comportement des
trous noirs ou le plasma de quarks et de
gluons,
en les traduisant en problèmes plus traitables dans le cadre de la théorie
quantique des champs sur la frontière. Elle représente une réalisation
puissante du principe holographique général en physique, suggérant que
la nature pourrait fondamentalement être décrite par des degrés de liberté
déployés sur des surfaces de dimension inférieure.
• L'approche thermodynamique
(Jacobson, Padmanabhan, etc.). - Des modèles comme celui de Jacobson ou
Padmanabhan s'appuient sur une description statistique de l'espace-temps,
où la courbure gravitationnelle est liée à des fluctuations statistiques
de l'entropie. David Jacobson (1995) a montré que les équations d'Einstein
peuvent être dérivées en identifiant le théorème
de Clausius (ΔS = Q/T) à l'évolution d'un horizon d'événement.
L'entropie de l'horizon (proportionnelle à son aire, selon Bekenstein)
augmente lorsque de la matière ou de l'énergie traverse celui-ci. Ted
Jacobson a ainsi obtenu les équations d'Einstein à partir de relations
thermodynamiques locales. Le physicien Thanu Padmanabhan a approfondi cette
idée, interprétant la gravitation comme une manifestation de l'équilibre
thermodynamique de l'espace-temps, avec un "gradient de densité d'information"
comme source de courbure. Pour lui, la gravitation émerge de la différences
de densité d'énergie/information entre des régions de l'espace.
• La gravitation
entropique (Verlinde, 2010). - Le physicien Erik Verlinde propose que
la gravitation est une force entropique, analogue à la pression thermodynamique.
Il s'inspire du principe holographique (l'information d'un volume est codée
sur sa surface) et de la relation entre entropie et accélération. Selon
lui, la force gravitationnelle émerge de la tendance des systèmes Ã
maximiser l'entropie, avec une accélération induite par un gradient d'entropie
à la surface d'un horizon (comme l'horizon thermique ou celui d'un trou
noir). Cette approche reproduit l'équation de Newton et Einstein en supposant
que la matière "polarise" l'espace-temps en modifiant localement l'entropie.
Verlinde relie aussi cette idée aux phénomènes de la matière sombe,
et suggère que certains effets attribués à celle-ci (comme l'anomalie
de rotation des galaxies spirales) pourraient
être expliqués par une entropie non-comptabilisée.
• La théorie
de la gravitation comme force résiduelle. - Inspirée par les forces
résiduelles en physique de la matière (comme les forces
de Van der Waals), certaines théories proposent que la gravitation
résulte de corrections à des interactions plus fondamentales. Par exemple,
dans des modèles à plusieurs dimensions, la gravitation pourrait émerger
comme une force de rejet entre des branes (comme dans la théorie des cordes),
ou comme un effet de la torsion de l'espace-temps dans des théories de
Kaluza-Klein.
Bien que séduisantes
sur le plan conceptuel, ces approches aussi sont encore spéculatives et
ne disposent pas encore de formulations prédictives solides et testables.
Beaucoup de ces théories manquent d'un cadre microscopique clair, rendant
difficile la prédiction précise des effets quantiques ou de la dynamique
à l'échelle planckienne. La nature exacte de l'entropie sous-jacente
(information quantique, micro-états de l'espace-temps) reste souvent ambiguë,
générant des débats sur la cohérence des modèles. Si certaines reproduisent
les équations d'Einstein en régime classique, leur extension à des régimes
quantiques ou extrêmes (singularités) reste problématique. Les prédictions
diffèrent peu de la relativité générale, ce qui complique aussi leur
validation.
Théories
asymptotiquement sûres.
La gravitation quantique
asymptotiquement sûre se présente comme une approche candidate à une
théorie quantique cohérente de la gravitation qui repose sur l'idée
qu'une description quantique de la gravitation peut être bien définie
à toutes les échelles d'énergie si le flot des constantes
de couplage atteint un point fixe non trivial en ultraviolet (UV).
Introduite par Steven Weinberg en 1976, cette proposition repose sur la
théorie du groupe de renormalisation
de Wilson : au lieu de chercher une théorie renormalisable au sens perturbatif
comme en électrodynamique quantique, on admet que les constantes de couplage
dépendent de l'échelle d'énergie et que leur évolution peut converger
vers un point fixe UV non gaussien (non trivial), où la physique reste
prédictive malgré la présence de couplages dimensionnés comme celui
de Newton.
La méthode principale
pour aborder cette idée repose sur l'utilisation de l'équation fonctionnelle
du groupe de renormalisation, notamment la formulation de Wetterich. Cela
permet d'analyser la dépendance des actions effectives vis-à -vis de l'échelle
d'énergie dans l'espace des actions possibles. En gravitation, on applique
cette technique au champ métrique dans le cadre de la théorie de l'action
d'Einstein-Hilbert et ses généralisations (ajout de termes quadratiques
comme R2, RμνRμν,
etc.).
Les résultats les
plus convaincants indiquent l'existence d'un point fixe non gaussien pour
un sous-espace réduit des actions de gravité, ce qui permettrait de maintenir
la prédictibilité de la théorie avec un nombre fini de paramètres physiques
à fixer expérimentalement, malgré l'absence de renormalisabilité perturbative.
En pratique, cela signifie que même si des interactions divergentes apparaissent
à haute énergie, elles sont contrôlées par ce point fixe, empêchant
les quantités physiques de diverger.
Plusieurs développements
ont enrichi ce cadre : l'étude de la gravitation couplée à des champs
de matière (fermions, scalaires, etc.) montre que la condition de sûreté
asymptotique peut encore être maintenue, bien que cela dépende de la
structure précise du modèle. De plus, des généralisations non métriques
comme les approches unimodulaires ou les formulations dans le cadre de
la géométrie affine ou spinorielle ont été étudiées dans cette optique.
L'intérêt majeur
de cette approche réside dans le fait qu'elle reste proche du langage
et des principes de la relativité générale, sans nécessiter de nouvelles
dimensions, de supersymétrie ou de structures exotiques comme les cordes.
Cela la rend compatible avec les observations classiques de la gravitation,
tout en fournissant un cadre quantique cohérent. La gravitation asymptotiquement
a l'avantage de rester dans le cadre de la théorie des champs sur un espace-temps
continu. Elle évite les dimensions cachées ou les structures discrètes.
Des modèles prédisent un rebond quantique évitant la singularité du
prévue par le modèle du big bang, où l'univers
se contracte jusqu'à une échelle de Planck avant de rebondir. La renormalisation
implique que la constante consmologique Λ varie avec l'échelle, offrant
une explication potentielle pour sa faible valeur observée aujourd'hui.
Des études incluant la matière standard (groupe
de jauge SU(3) x SU(2) x U(1)) montrent que la gravitation et les forces
fondamentales pourraient atteindre un point fixe commun à l'UV, favorisant
une unification naturelle.
Cependant, les calculs
actuels simplifient l'action (se limitant à quelques termes), et les résultats
dépendent fortement de ces choix. Bien que des calculs numériques (comme
ceux de Reuter ou de Percacci) indiquent l'existence du point fixe, aucune
preuve analytique n'est disponible. Des troncatures plus complètes sont
par ailleurs nécessaires pour valider la robustesse du point fixe. Les
prédictions (comme les corrections à la dynamique galactique ou les signatures
cosmologiques) sont difficiles à tester expérimentalement en raison des
échelles extrêmes impliquées. La gravitation quantique à l'UV pourrait
aussi violer l'unitarité (conservation de
la probabilité), bien que des analyses suggèrent que le point fixe pourrait
la préserver. Enfin, des désaccords existent sur la stabilité et la
nature universelle d'une gravitation asymptotiquement sûre.
Théorie
des triangulations dynamiques causales.
La théorie des
triangulations dynamiques causales (CDT) cherche à définir l'intégrale
de chemin pour la gravité quantique en utilisant une méthode non-perturbative
et discrète. L'idée fondamentale est de construire l'espace-temps en
"collant" ensemble des blocs de construction élémentaires, appelés simplexes
(des triangles en 2D, des tétraèdres en 3D, des 4-simplexes en 4D). Plutôt
que de sommer sur toutes les géométries possibles de manière arbitraire,
comme dans les premières versions des triangulations dynamiques qui menaient
à des structures spatiales pathologiques (dégénérées, spikies),
la CDT introduit une contrainte cruciale : la causalité.
Cela se traduit par l'existence d'une "feuilletage temporel" global, où
les simplexes sont orientés dans le temps et ne peuvent être collés
que d'une manière respectant cette orientation temporelle. L'intégrale
de chemin devient alors une somme sur toutes les configurations possibles
de ces simplexes causaux, pondérées par l'action d'Einstein-Hilbert discrétisée.
Les simulations numériques de la CDT en 4 dimensions ont montré l'émergence
d'une géométrie macroscopique qui ressemble à un espace-temps de de
Sitter (un univers en expansion), ce qui suggère que la théorie pourrait
effectivement mener à la récupération de la relativité générale Ã
grande échelle tout en fournissant un modèle quantique à l'échelle
fondamentale. L'approche est purement géométrique et se concentre sur
la structure de l'espace-temps lui-même.
Les
modèles d'espace-temps non commutatif.
Une perspective
très différente propose que l'espace-temps lui-même ne soit pas un continuum
lisse au niveau quantique, mais qu'il possède une structure fondamentale
où les coordonnées spatiales et temporelles ne commutent plus. C'est
l'idée des modèles d'espace-temps non commutatif. Inspirée par l'incertitude
intrinsèque portée par la mécanique quantique (même appliquée à des
mesures de distance ou de temps à très petites échelles), ou par certaines
limites de la théorie des cordes (comme l'étude des D-branes en présence
de champs magnétiques forts), cette approche remplace les fonctions usuelles
sur l'espace-temps par une algèbre d'opérateurs non commutatifs. La relation
de commutation la plus simple s'écrit souvent [xµ,
xν] = iθνµ,
où θ est un tenseur antisymétrique qui introduit
une échelle fondamentale (souvent liée à la longueur de Planck). Un
"point" dans un espace-temps non commutatif n'est plus bien défini; la
structure fondamentale est plus floue ou étendue. La géométrie et la
physique (champs, interactions) doivent alors être reformulées sur cette
algèbre, souvent en utilisant des outils issus de la géométrie non commutative
d'Alain Connes. Ces modèles peuvent potentiellement résoudre certaines
divergences ultraviolettes rencontrées dans les théories quantiques des
champs standard en introduisant naturellement une coupure à courte distance.
Cependant, la non-commutativité introduit aussi de nouveaux défis, comme
la violation potentielle de l'invariance de Lorentz si θ est un tenseur
constant. |
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