.
-

Les Crocodiliens
Les Crocodiliens constituent un ordre de la classe reptiles (sous-classe des Diapsidés), à plaques dermiques osseuses, à dents implantées dans les alvéoles et n'existant que sur les maxillaires; munis de quatre pattes en partie garnies de griffes et d'une longue queue carénée. Tous les Crocodiliens actuels sont procéliens, c.-à-d. que la face antérieure du corps de la vertèbre est concave et la face postérieure présente une convexité ou tête assez développée. Une particularité propre aux Crocodiliens consiste dans la présence de cartilages ventraux se prolongeant jusqu'au bassin; ils forment en quelque sorte la continuation du sternum ou plutôt de l'appareil sternal. Les vraies côtes en effet ou côtes dorsales se réunissent au sternum par l'intermédiaire de prolongements recourbés et pliés à angle aigu; ce sternum reste cartilagineux à l'exception d'une seule pièce, plate, dont la partie antérieure se porte sous le cou; c'est en arrière que se voient les cartilages ventraux dont il vient d'être parlé. 
-
Cambodge : élevage de crocodiles.
Un élevage de crocodiles sur le lac Tonlé-Sap (Cambodge).Photo : © Angel Latorre, 2008.

Par une exception unique dans tout le groupe des vertébrés à sang froid, explique E. Sauvage, il existe chez les Crocodiliens un rudiment d'oreille externe. Il consiste en des replis de la peau du crâne circonscrivant une étroite fente transversale, au fond de laquelle s'ouvre la membrane du tympan. Par leur coeur, les Crocodiliens présentent, dit encore le même auteur, la réalisation d'une séparation complète non pas des deux sangs (artériel et veineux), mais des deux cavités du ventricule. Tout en conservant encore des caractères éminemment reptiliens, ce coeur n'en commence pas moins à représenter le type que l'on voit chez les oiseaux et les mammifères.

Coeur des crocodiliens.
Le coeur des crocodiliens.
Les Crocodiliens sont des animaux aquatiques et essentiellement carnassiers; ils sont plutôt nocturnes que diurnes, chassant la nuit et restant le jour cachés sur les berges des cours d'eau au milieu des joncs et des roseaux.  On peut les regrouper  en trois familles parfaitement caractérisées : les Crocodiliae ou Crocodylidae (crocodiles vrais),  et les Alligatoridae (alligators et caïmans) et les Gavialidae (gavials). 

A l'époque actuelle les crocodiles sont confinés dans les régions chaudes des deux hémisphères; on en rencontre en Afrique, à Madagascar, en Nouvelle-Guinée et dans le nord de l'Australie. Les alligators et les caïmans ont longtemps été considérés comme propres à l'Amérique intertropicale, une espèce d'alligators remontant jusqu'au Mississippi. Vers la fin du XIXe siècle, on s'est aperçu (Fauvel, 1879) qu'il existait aussi quelques alligators en Chine, dans le Yang-tsé-kiang (Yangzi Jiang) ou fleuve Bleu, sur la limite des régions orientale et mandchourienne (A. sinensis); cette espèce est actuellement menacée d'extinction. Enfin les Gavials qui sont essentiellement asiatiques (Inde et Birmanie, surtout).

crâne d'alligator
Crâne d'alligator.
La Systématique des Crocodiliens

Les divisions anciennement établies par Richard Owen dans l'ordre des Crocodiliens d'après la forme des vertèbres (en Procoeliens, Amphicoeliens et Opisthocoeliens), sont peu naturelles et d'une application difficile, la forme des vertèbres étant variable, souvent dans la même espèce, suivant qu'il s'agit d'une vertèbre cervicale, dorsale, lombaire ou caudale. Thomas Huxley a proposé, plus tard, de subdiviser cet ordre, d'après la disposition des os qui forment la voûte du palais et les fosses nasales, en Parasuchia, qui sont les Crocodiliens primitifs (Belodontidae), Mesosuchia pour les Teleosauridae ou Crocodiliens secondaires, et Eusuchia pour les formes tertiaires et actuelles. Enfin Zittel, dans son Handbuch der Paloeontologie, t. III (1890), divise les Crocodiliens en trois sous-ordres :

1° Parasuchia pour les Belodontidae;

2° Pseudosuchia pour les Aetosauridae;

3° Eusuchia pour tous les autres. 

Les Eusuchia, parmi lesquels se recrutent les Crocodiliens actuels, se subdivisent en Longirostres avec les familles des Teleosauridae, Metriorhynchidae, Macrorhynchidoe (Pholidosaurus), Rhynchosuchidae, (Thoracosaurus) et Gavialidae (Gavialidés). Les Brévirostres comprennent les Atoposauridae, Goniopholidae, Bernissartidae, Alligatoridae (Alligatoridés) et Crocodilidae (Crocodilidés).
Crocodilidés
 
 

 

Crocodylus (crocodiles vrais) : Crocodylus niloticus (Crocodile du Nil); Crocodylus porosus (crocodile des estuaires); Crocodylus acutus; Crocodylus palustris (Crocodile des marais); Crocodylus cataphractus (Gavial africain); Crocodylus intermedius (Crocodile de l'Orénoque); Crocodylus moreletii (Belize, Amérique centrale); Crocodylus rhombifer (Crocodile de Cuba); Crocodylus siamensis (Crocodile du Siam); Crocodylus mindorensis (Philippines); Crocodylus novaeguineae (Nouvelle Guinée); Crocodylus johnsoni (Australie).
Ostéolaemus : Osteolaemus tetraspis (crocodile nain).
Tomistima (faux gavials) : Tomistoma schlegelii.
Alligatoridés
 

 

Alligator : Alligator mississippiensis; Alligator sinensis.
Caiman : Caiman crocodilus (Caiman crocodilus crocodilus (Caïman commun) et Caiman crocodilus apaporiensis); 
Caiman latirostris; Caiman yacare (ou jacare).
Melanosuchus : Melanosuchus niger (caïman noir).
Paleosuchus : Paleosuchus palpebrosus (Caïman nain); Paleosuchus trigonatus.
Gavialidés Gavialis : Gavialis gangeticus.
Les Crocodiliens actuels

Les Crocodiles (Crocodilidés).
Les principaux caractères des crocodiles sont les suivants : une tête plus ramassée que celle des crocodiles vrais, et des dents antérieures de la mâchoire inférieure reçues dans des fossettes correspondantes aux intermaxillaires; dents canines (4e dent du maxillaire inférieur) reçues dans une échancrure du bord de la mâchoire supérieure. On remarque par ailleurs des pattes postérieures à membrane natatoire entière; les plaques dorsales seules existent. La forme la plus commune de ce genre est le Crocodylus niloticus (Crocodilus vulgaris de Cuvier) ou Crocodile du Nil; il se différencie de ses congénères surtout par la disposition des écussons. Sur la nuque on remarque quatre petits écussons carénés, disposés par paires; le nombre des plaques de la région dorsale est de quinze ou seize; on trouve sur la queue dix-sept à dix-huit écussons disposés par paires, et dix-huit à vingt impairs; la teinte générale est d'un vert plus ou moins foncé, parsemé de taches noirâtres; le ventre est d'un jaune sale. 

crocodile
Crocodylus niloticus.

Cette forme, connue depuis la plus haute antiquité se trouve dans tous les fleuves d'Afrique; c'est elle dont le culte était en honneur en Égypte, ainsi que le témoignent les momies sacrées (Religion égyptienne, symbolisme des animaux) recueillies notamment dans les caveaux de Moabites, et dont la figure se retrouve sur les monuments égyptiens les plus anciens. Il peut atteindre une taille considérable, et sa férocité le fait redouter de tous les animaux et de l'humain lui-même. 

Nous ne pouvons ici donner les renseignements sur les moeurs et les habitudes du Crocodile. Nous insisterons cependant sur un fait rapporté par Hérodote au sujet des Bdelles dont le palais de ces animaux est couvert, et du Trochilus venant se repaître de ces Bdelles, tandis que le Crocodile tient complaisamment la gueule ouverte pour lui faciliter sa capture. La nature de ces Bdelles a été longtemps un sujet de discussion. Il semble qu'il se soit agi d'Hirudinées auxquelles on a donné  le nom de Lophobdella Quatrefagesi.
Squelette de Crocodile.
Squelette de Crocodile.

Les Alligators et les Caïmans (Alligatoridés).
On désigne sous les noms d'Alligators et de Caïmans (qui correspondent à certains genres d'Alligators) à des Crocodiliens caractérisés par une tête assez large, leurs dents sont inégales, les premières de la mâchoire inférieure percent la supérieure à un certain âge, tandis que les quatrièmes, toujours les plus longues, se logent invariablement dans des cavités de la mâchoire supérieure, et ne sortent jamais par des échancrures; les membres et les pieds de derrière sont arrondis, entièrement dépourvus de crêtes et de dentelures sur leurs bords; la membrane interdigitale est toujours courte, les écailles cervicales nettement séparées de celles du dos.
-

Alligator mississipiensis
Alligator mississippiensis.

Le plus commun et le mieux connu des Alligators (que l'on a aussi appelé Caïman à museau de Brochet) est  l'Alligator Mississippiensis. Il se reconnaît à sa tête très déprimée, à son museau large, aplati, à l'arête longitudinale régnant sur le front; il porte deux écussons nuchaux et, derrière ceux-ci, six écussons disposés par parties sur trois rangées successives; les régions dorsales sont d'un vert brunâtre ou olive foncé, mouchetées de taches noirâtres, le ventre est d'un jaune sale. Chez les jeunes individus, on voit en travers du dos des bandes jaunâtres, ces bandes existent également sur la queue et sur la crête que porte cette dernière. 

Cet Alligator habite l'Amérique septentrionale. Longtemps chassé et rare aujourd'hui, il abondait jadis dans les fleuves, les lacs et les marais de la Caroline du Sud, de la Géorgie, du Mississippi et de la Louisiane. C'est avec peine qu'il se meut à terre, il marche avec lenteur, poussant une patte devant l'autre en laissant traîner sa longue queue. Dans l'eau, au contraire, il est vif et courageux, quelquefois il attaque l'humain, mais il fuit généralement quand ce dernier marche résolument à lui. 
-

Alligator clerops
Alligator clerops.

L'Alligator clerops, ou Caïman à lunettes, est une forme voisine de la précédente, dont elle se distingue par les paupières supérieures mi-membraneuses et ossifiées, par les sourcils reliés par une crête transversale, et par les écussons nuchaux disposés seulement sur deux ou trois rangées. Sa taille ne dépasse que rarement 3 mètres, sa couleur générale est d'un noir profond, avec des bandes jaunes transversales sur les parties supérieures; il est observé au Brésil, au Pérou, etc.
-

Alligator sinensis
Alligator sinensis, représenté sur une table de pierre
découverte dans l'île d'Argent (Sinkiang).

Les Gavials (Gavialidés).
Les Gavials sont les plus grands des Crocodiliens. Ils ont des mâchoires très étroites, excessivement allongées, des dents nombreuses toutes de même forme, la suture réunissant le maxillaire à l'intermaxillaire longue et formant une pointe en arrière. Ce genre ne comprend qu'une forme, le Gavial du Gange (Gavialis gangeticus) de la péninsule indienne; le Gavial de Schlegel, de Bornéo et du Nord de l'Australie, et le Gavial africain étant aujourd'hui rangés parmi les crocodilidés.
-

gavial
Gavial du Gange.

Le Gavialis gangeticus, Mudela des Indiens, a la tête petite, le museau très long, aplati et dilaté à l'extrémité antérieure, la nuque est recouverte de deux forts écussons ovalaires et carénés, les écussons du cou sont au nombre de quatre, formant une bande longitudinale étendue du cou au bouclier dorsal. Celui-ci est formé de dix-huit bandes de plaques osseuses à carènes égales; la queue est entourée de 30 à 40 cercles écailleux. La partie supérieure du corps est d'un vert jaunâtre, parsemé d'un grand nombre de taches irrégulières et irrégulièrement disposées, d'un jaune verdâtre; le ventre et le dessous du cou sont d'un jaune pâle, les mâchoires piquetées de brun. C'est dans cette espèce que l'on rencontre les Reptiles vivants connus atteignant la plus grande taille le Gavial du Gange peut, en effet, atteindre 6 mètres et plus de long. Il habite certains des grands fleuves de l'Inde, et on le trouve également au Bangla Desh, au Népal, en Birmanie. 

Le Gavial un animal regardé comme sacré par les Indiens; il existe à Kuraschi un étang sacré où l'on se rend en pèlerinage pour adorer les nombreux sujets qui l'habitent. Ils obéissent, dit-on, à l'appel du brahmane chargé de leur garde. Douze fakirs se consacreraient à l'entretien de l'étang sacré et donnent leurs soins aux animaux nourris aux frais des villages voisins qui payent à cet effet un tribut spécial.
-
La paléontologie des Crocodiliens

La distribution géographique actuelle des Crocodiliens, est la conséquence de ce fait que les trois types modernes (Crocodilus, Alligator, Gavialis) descendent d'une souche commune et ont coexisté, à l'époque tertiaire, sur tous les points du globe. Les premiers Crocodiliens devaient avoir des moeurs beaucoup plus franchement marines que celles des Crocodiles actuels qui s'écartent peu des estuaires et vivent par conséquent dans l'eau saumâtre ou dans l'eau douce.

H. de Meyer a désigné sous le nom de Belodon (étendu à un genre) à un Crocodilien (Belodon Plieningeri) trouvé dans la partie supérieure des terrains triasiques du Württemberg, chez lequel le museau est allongé, comme chez les Gavials; les dents sont coniques, légèrement recourbées à l'extrémité, qui est peu pointue. Ce Crocodilien avait été antérieurement décrit par Jaëger sous le nom de Phytosaure (Phytosaurus cylindricodon), Jaëger ayant considéré ce Reptile comme herbivore, par suite d'une erreur due à la fossilisation. Par la position de l'ouverture externe des fosses nasales, situées près des orbites, le genre Belodon est absolument distinct des autres Crocodiliens et forme le type de la famille des Belodontidées. Les genres Paloeosaurus, Stoganolepis, Parasuchus, etc., présentent,eux,  la même conformation.  Les genres Aetosaurus, Dyoplax et Typothorax sont de la même époque et prennent place dans un second groupe éteint où les narines sont latérales. 

Crocodile.
Crocodile du parc de la Venta, à Villahermosa (Mexique). © Serge Jodra.

Les Crocodiliens à narines terminales, c.-à-d. réunies à l'extrémité du museau, sont les seuls qui aient survécu. Les Teleosauridae, à museau long et étroit comme celui des Gavials, sont du lias et du jurassique supérieur : les genres Teleosaurus, Metriorhynchus, Steneosaurus, Aelodon, Pholidosaurus, Thoracosaurus, Tomistoma, se rattachent à ce groupe. Les Gavials se montrent dans le crétacé d'Europe (Rhamphostoma), et se continuent dans le tertiaire du même pays, émigrant en Asie à l'époque pliocène.

Les Crocodiles à museau gros et court ont eu pour précurseurs, dans les mers jurassiques, les genres Atoposaurus et Alligatorellus qui sont représentés en Europe. Theriosuchus, genre du Purbeckien d'Angleterre, était de petite taille (40 centim. de long), et Nanosuchus était seulement un peu plus grand. Goniopholis atteignait 2 mètres de long. A l'époque tertiaire, les deux familles Crocodilus et Alligator sont déjà nettement séparés. A la première appartient le Crocodilus toliapicus de l'argile de Londres, et le C. depressifrons du Soissonnais; à la seconde l'All. parisiensis du gypse de Montmartre. Ces Crocodiliens avaient les moeurs de l'ordre actuel, c.-à-d. habitaient les eaux douces : ils n'atteignaient pas une grande taille. (E. Trouessart / Rocher / E. Sauvage).
-

Crocodile du Nil.
Crocodile du Nil. Source : photos8.com.
.


Dictionnaire Les mots du vivant
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2005. - Reproduction interdite.