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Histoire de l'Europe > L'Italie |
L'Italie sous les empereurs germaniques Le Saint-Empire, 962-1250 |
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En
appelant Otton, les Italiens s'étaient
donné un maître. Sans analyser les conséquences du
rétablissement de l'Empire (Saint-Empire),
lequel fut également funeste à la nationalité allemande
et à la nationalité italienne, nous constatons la lutte engagée
presque aussitôt à Rome et la cruauté
avec laquelle l'empereur réprima les insurrections de 964 et 966.
Plus il s'appuyait sur le clergé, plus jugeait nécessaire
d'avoir le pape à sa discrétion. L'acte par lequel il renouvela
la donation de Pépin faisait la papauté vassale de l'Empire.
En échange, il confirmait Saint-Pierre et à son vicaire la
possession de la ville et du duché de Rome, d'une partie de la Toscane
et de la Sabine, de l'ancien exarchat de Ravenne,
des terres en Campanie et lui promettait,
au cas où il en redeviendrait maître, des territoires de l'Italie
méridionale (Gaète, Fundi Naples) et de la Sicile. Otton
Ier n'était pas près de réaliser
cette promesse. Il ne put qu'imposer une suzeraineté nominale aux
ducs de Capoue et de Bénévent.
Otton II (973-983) échoua dans ses tentatives pour conquérir l'Italie méridionale. L'alliance de Basile II et des Fatimides le mit en échec (982). Otton III (982-1002) fut encore moins heureux : pendant sa minorité, l'aristocratie féodale dirigée par Crescentius, avait gouverné Rome. L'empereur majeur relève la papauté. Il songe à transférer à Rome Ia capitale de son empire, croit ressusciter l'Empire romain en reprenant les vieilles formules et des bibelots archéo logiques. Sa mort prématurée met fin à ces rêves. Le Lombards élisent roi Arduin, marquis d'Ivrée; les comte de Tusculum, descendants d'Albéric et les Crescentius se disputent Rome; les princes du Sud renient la suzeraineté germanique. Henri II la maintient cependant, il renverse Arduin (1004), s'entend avec les comtes de Tusculum pour rentrer à Rome où il reçoit la couronne impériale (1014). Sauf ses deux expéditions, il abandonne à peu près l'Italie à elle-même. Dans le Nord, la prépondérance des villes se manifeste de plus en plus. La rivalité de Pavie, la cité lombarde, et de Milan, la métropole romaine, les divise en deux groupes. Venise est depuis le Xe siècle la reine de l'Adriatique. Pise a grandi à l'embouchure de l'Arno et, avec l'aide de Gênes, arrache la Sardaigne aux Sarrasins (1017-1022). En Toscane, les marquis sont encore assez puissants pour arrêter le développement des républiques municipales. Celles-ci reçurent en Lombardie une grande impulsion du concours que leur prêta Héribert, archevêque de Milan. Conrad II (1024-1039) sentit le danger et, contre l'aristocratie ecclésiastique et les villes, protégea les petits seigneurs laïques de Lombardie, leur garantissant l'hérédité des fiefs contestée par les suzerains ecclésiastiques. Il continua à Rome l'alliance avec les comtes de Tusculum et dans le Midi renversa le duc de Capoue Pandolf IV avec le concours des Normands (1038). Son fils, Henri III (1039-1056), acheva de pacifier l'Italie, nettoya Rome où il rétablit sa suzeraineté sur la papauté et prêta son appui aux réformateurs clunisiens de l'Église. Il imposa l'obéissance aux marquises de Toscane et donna au pape les duchés de Spolète et Camerino, reliant le duché de Rome à la Romanie de l'Adriatique (Exarchat et Pentapole). En empêchant la sécularisation de l'Etat pontifical et vivifiant la papauté, Henri III forgea les armes qui détruisirent sa dynastie. Les césars germaniques devaient rencontrer des adversaires redoutables non seulement dans les communes du Nord, mais aussi dans le Sud de la péninsule unifié par les Normands. Tandis que le Nord et le centre de l'Italie allaient s'émietter de plus en plus, le Sud, jusqu'alors si morcelé, fut soudé par les Normands et si fortement que depuis lors jusqu'à l'unification de l'Italie, au XIXe siècle, cet Etat est resté le plus considérable de l'Italie. Les hasards d'un pèlerinage à la grotte de Saint-Michel du Monte Gargano mirent une bande de Normands en rapport avec Melus et Datus, grands de l'Apulie, insurgés contre les Grecs (1017). Ils prirent les aventuriers à leur solde et, quoiqu'ils n'aient pas réussi à s'emparer de Bari, les prouesses des Normands excitèrent une telle admiration que les princes se disputèrent leur service. Leurs compatriotes accoururent de plus en plus nombreux. En 1027, le duc de Naples, Sergius, auquel ils avaient reconquis son duché sur Pandolf IV de Capoue, leur donna un territoire fertile où ils bâtirent la ville d'Aversa et fondèrent sous leur chef Rainulf un comté indépendant. L'immigration normande continuant vers le beau pays du Midi, ils devinrent la puissance principale de l'Italie du Sud. Les fils de Tancrède de Hauteville donnèrent une impulsion nouvelle à leur action. Sur les douze fils, dix vinrent, parmi lesquels Guillaume Bras de fer, Drogon, Humfroi, Roger et Robert Guiscard. Après les princes lombards, les Grecs voulurent utiliser leur vaillance. Le catapan les emmena en Sicile (1038). Messine fut prise, l'émir de Syracuse fut tué par Guillaume. En quelques années l'île presque entière fut conquise. Mais les Grecs refusèrent de partager avec leurs formidables alliés. Ceux-ci conduisirent tout le camp d'Aversa contre l'Apulie. Le catapan fut vaincu à Cannes, et les Normands s'établirent à Melfi, au pied du mont Volture, près de l'antique Venouse; de ce point stratégique, ils conquirent la plaine, réduisant les Grecs aux villes de Bari, Brindisi, Otrante et Tarente : Guillaume Bras de fer devint duc d'Apulie (1043). Trois ans après, il mourut; son frère Drogon qui lui succéda n'avait pas ses talents. Les populations opprimées s'insurgèrent et appelèrent le pape Léon IX. Le général grec Argyos, fils de Melus, fit assassiner Drogon dans une église (1051). Humfroi lui succéda; quand le pape amena son armée d'Allemands et d'Italiens, il offrit de devenir son vassal. Léon IX refusa, voulant expulser les Normands de la péninsule, mais fut complètement défait à Civitella (1053). Prisonnier des vainqueurs, il fut traité avec égards, leur donna sa bénédiction et l'investiture de tous les pays qu'ils pourraient enlever aux Grecs et aux Arabes, en échange d'un tribut à payer au Saint-siège. Les Normands avaient un titre légitimant leur établissement. Ils surent en user. En 1056, la mort d'Humfroi laisse le duché d'Apulie à Robert Guiscard. Il obtient du pape Nicolas II la ratification de l'investiture donnée par Léon IX. Lentement il acheva la conquête, réduisant l'une après l'autre les places fortes : Cosenza, Reggio, Salerne, qu'il fallut assiéger huit mois; Tarente, Otrante, Troja, enfin Bari, après un siège de quatre ans (1071). Pendant ce temps, Roger, le plus jeune des fils de Hauteville, conquérait la Sicile. Son fils Roger II recueillit l'héritage des fils de Robert Guiscard. Ceux-ci s'étaient partagés, non sans combat, les possessions paternelles, Roger prenant le duché d'Apulie, Bohémond réduit à Tarente et un morceau de la Calabre. Bohémond alla fonder la principauté d'Antioche, où il mourut. Le fils de Roger d'Apulie, Guillaume, mourut sans enfants. En 1127, Roger II de Sicile réunit donc toutes les possessions familiales, imposa sa suzeraineté au comté normand de Capoue et Naples, aux républiques d'Amalfi et de Gaète, aux principicules lombards, et décida le pape Anaclet à le couronner à Palerme roi de Naples et de Sicile (Noël 1130); il s'engageait à reconnaître la suzeraineté du Saint-siège et à lui donner Bénévent. Il fallut encore quelques années pour consolider le nouveau royaume. Il fallut dompter ses grands vassaux, Serge de Naples, Robert de Capoue et surtout Rainulf d'Allifa que le pape Innocent II, rival d'Anaclet, investit du duché d'Apulie, et l'empereur Lothaire, qui revendiquait la suzeraineté de l'Italie entière, l'appuya, assisté de la flotte vénitienne. En revanche, les Pisans aidèrent Roger et profitèrent de l'occasion pour détruire Amalfi, leur rivale (1136). Le roi finit par l'emporter; il extermina ses adversaires, fit prisonnier Innocent II et le convainquit aisément de la légitimité de ses droits (1139). La conquête de l'Italie méridionale par les Normands est l'épisode le plus romanesque de l'histoire du Moyen âge. Elle eut de grandes conséquences. En consolidant les pays anarchiques du Sud en un royaume homogène, elle enraya les progrès des républiques maritimes, élimina les étrangers grecs et arabes d'Afrique; mais en plaçant le nouveau royaume sous la suzeraineté nominale du Saint-siège, elle créa un obstacle insurmontable à l'unité, provoqua l'immixtion des Français et des Espagnols dans les affaires italiennes, perpétua le système féodal dans les provinces méridionales, longtemps après qu'il eut disparu des autres. La Querelle des Investitures, qui prit de suite l'aspect d'un duel à mort entre les papes et les empereurs, fut très favorable à l'affranchissement des Italiens. Elle n'eut pas le caractère d'une lutte nationale; la noblesse lombarde et tous les adversaires des réformes ecclésiastiques tinrent pour Henri IV; Grégoire VII et ses successeurs s'appuyèrent sur la comtesse Mathilde, marquise de Toscane, et sur les Normands. Les principaux coups se portèrent en Allemagne. A partir de 1115, un débat territorial vint encore compliquer la situation. La mort de la comtesse Mathilde rendit vacante la possession de la Toscane, d'une partie du duché de Spolète, de l'Emilie (Reggio, Parme, Modène) et de Mantoue; elle en avait fait donation au Saint-siège; mais ceci ne pouvait s'appliquer qu'aux alleux et il était à peu près impossible de les discerner des fiefs. Si le Saint-siège eût fait prévaloir ses prétentions, il se fût trouvé maître de toute l'Italie centrale et suzerain de la partie méridionale. A l'issue de la Querelle des Investitures, l'Empire était singulièrement affaibli. Les Italiens gagnaient deux choses : d'une part, le choix des papes étant attribué au collège des cardinaux, la papauté restait italienne, et ce fut pour la nation une cause indirecte de gloire et de profits; d'autre part, cette lutte d'un demi-siècle avait valu aux villes des avantages de toute sorte. Pour les attirer à leur parti, l'empereur et le pape avaient multiplié les concessions. Les évêques les avaient aidé à s'affranchir des princes laïques; la guerre des Investitures les affranchit de leurs évêques ; les uns prirent parti contre les réformateurs et furent discrédités ou chassés par eux; les autres le furent par les impériaux. En Toscane, Henri IV renforça la liberté municipale de Pise, de Lucques, de Sienne, pour affaiblir la comtesse Mathilde; dans les discussions interminables pour l'héritage de celle-ci, presque tout finit par être partagé entre les villes qui en profitèrent pour se rendre autonomes; Pise, Lucques, Florence, Sienne, Arezzo, Modène, Parme, Reggio, Mantoue devinrent autant de républiques. Il en fut de même en Lombardie, où les principales républiques furent Bergame, Brescia, Milan, Lodi, Côme, Crémone, Pavie, Verceil, Novare, auxquelles il faut ajouter les villes du Sud du Pô et de la Marche véronaise (Vénétie) et de la Romagne, sans oublier les Etats maritimes de Gênes, Pise et Venise. L'organisation communale était sensiblement la même, malgré des particularités locales. A la tête de la république étaient des consuls en nombre variable, selon la division en districts; ces magistrats avaient été à l'origine les protecteurs des classes populaires; leur rôle grandit avec l'importance de celles-ci; dans les conflits du XIe siècle, le pape, l'empereur et leurs délégués s'adressèrent à eux; ils devinrent les représentants des cités dans les affaires extérieures, éclipsant les évêques. Leur autorité assez vague comportait une présidence de la communauté. A côté d'eux se constituèrent plusieurs assemblées : la credenza, conseil des notables; le grand conseil, formé de l'aristocratie bourgeoise; le parlement, auquel assistaient tous les citoyens adultes. Le grand conseil eut longtemps la haute main; le régime demeurant oligarchique, ce qu'on appelait le peuple était simplement cette élite. A mesure que se développèrent les tendances démocratiques, on reconnut, au-dessus du premier peuple, un second, un troisième peuple. On trouvera dans les pages consacrées à Florence et à Milan l'histoire des deux plus importantes communes italiennes et de leurs institutions successives. Des efforts répétés furent tentés afin d'implanter à Rome le régime communal, mais les papes les firent échouer. La plus célèbre de ces révolutions fut l'oeuvre d'Arnaud de Brescia. Elles s'inspiraient des souvenirs de l'Antiquité, lesquels revivaient alors ainsi que l'étude du droit romain. Derrière les massives murailles, la belliqueuse population des communes pouvait braver les armées féodales, mais l'autonomie municipale ne fut pas sans inconvénients. Elle poussa à l'extrême le particularisme. A l'occasion des conflits généraux où elles s'engageaient pour ou contre l'empereur, les républiques donnèrent cours à leurs jalousies locales et se combattirent avec acharnement : Milan contre Crémone et Pavie, Pavie contre Vérone, Crémone contre Crême, Vérone contre Padoue, Parme contre Plaisance, Modène contre Bologne, Bologne et Faenza contre Ravenne et Imola, Ravenne contre Venise, Florence contre Pise et Sienne, Pise contre Lucques, Rome contre Tivoli, Gênes contre Pise et Venise, Venise contre Pise, etc., chacune s'efforçant de détruire sa rivale. La discorde s'introduisit dans chaque cité divisée en factions irréconciliables qui cherchaient un appui au dehors chez leurs coreligionnaires politiques. Vers le milieu du XIIe siècle se généralisa le groupement en Guelfes et Gibelins, emprunté à l'antagonisme des Welfs de Bavière et des Waiblingen de Souabe. D'une manière générale les Guelfes furent nationalistes et fédéralistes, alliés au pape, les Gibelins partisans de la monarchie universelle des empereurs; mais le plus souvent ces distinctions étaient le prétexte invoqué par des haines locales des rivalités économiques ou des conflits d'amour-propre. Des ligues se formaient entre les villes pour abaisser l'une ou l'autre. Les luttes les plus mémorables furent celles où Milan acquit la prépotence en Lombardie par la destruction de Lodi (1111) et l'abaissement de Côme (1118-1128). Sa vieille ennemie, Pavie, continua de lui tenir tète avec Plaisance et Crémone. En 1129, s'engagea entre Milan et Crémone une guerre où les autres villes prirent parti et qui fut l'origine de la division en Guelfes et Gibelins. Elle prit toute sa gravité sous le règne de Frédéric Barberousse. Les prédécesseurs du grand empereur, Lothaire (1125-1137) et Conrad Il (1137-1152), étaient peu intervenus et sans succès dans les affaires italiennes. Frédéric Ier (1152-1190) projeta de restaurer l'ancien Empire romain dans la plénitude de sa souveraineté et entra en lutte avec toutes les puissances territoriales constituées en Italie. Il afficha son programme, précisé par les légistes, à la fameuse diète de Roncalia (1158). Les républiques lombardes refusèrent de s'y soumettre et de lui reconnaître les droits qu'il revendiquait. Malgré l'assistance des cités hostiles à Milan et des princes féodaux du Nord, ennemis des villes, il ne put triompher. Ses principaux points d'appui furent les principautés du pied des Alpes, du Piémont (où ne s'étaient formées que deux républiques municipales, Chieri et Asti), spécialement le marquisat de Montferrat et Pavie. Ses adversaires s'unirent dans la ligue véronaise (1163), qui groupa Vérone, Trévise, Padoue, Venise; puis dans la ligue lombarde (1167), formée entre Crémone, Bergame, Brescia, Mantoue, Ferrare, à laquelle s'unirent aussitôt la précédente et Milan, Lodi, Plaisance, Parme, Modène, Bologne, puis Novare, Verceil, Côme, Asti, Tortone et, l'année suivante, la ville nouvelle d'Alexandrie (fondée pour neutraliser l'hostilité du Montferrat), puis Ravenne, Rimini, Imola, Forli. Cette « Concordia » put alors s'intituler « association de Venise, Lombardie, Marche, Romagne et Alexandrie-». Ce fut en vain que cinq fois Frédéric Ier descendit d'Allemagne à la tête des forces de son empire, qu'il saccagea Chieti, Asti, Tortone, Spolète (1155), Crême (1160), Milan (1162). Le pape, qu'il avait débarrassé de ses adversaires de la commune de Rome, et les villes lombardes finirent par l'emporter. La déroute de Legnano (1176) contraignit l'empereur à traiter avec le pape d'abord (paix de Venise, 1177), puis avec les villes (paix de Constance, 1183). Il est remarquable d'observer de combien peu se satisfirent les communes lombardes qui venaient de prouver leur force. Il ne fut pas question d'indépendance nationale; le nom d'Italie ne fut pas prononcé. On ne songeait pas à contester la suprématie impériale; pas même à rendre permanente la confédération et à la transformer en un Etat proprement dit. On ne réclama rien de plus que l'autonomie municipale, le droit de régler soi-même ses affaires intérieures. Captifs des grandes idées générales du Moyen âge, les bourgeois ne conçoivent plus qu'ils puissent se dégager de l'Empire, reconstituer un royaume national. Ils acceptent la suzeraineté de l'empereur allemand et se contentent de préciser les impôts et services qu'ils lui doivent. Leur esprit ne s'élevait pas au-dessus du régime municipal. Ils avaient hâte de revenir à leurs querelles intérieures. Le traité de Constance constate leurs divisions; d'un côté, il range les membres de la ligue, Verceil, Novare, Milan, Lodi, Bergame, Brescia, Mantoue, Vérone, Vicence, Padoue, Trévise, Bologne, Faenza, Modène, Reggio, Parme, Plaisance; de l'autre, les impérialistes Pavie, Gênes, Alba, Crémone, Côme, Tortone, Asti et Alexandrie qui a changé son nom pour celui de Cesarea; Venise reste en dehors. Aux termes du traité, l'empereur conserve la juridiction d'appel dans les cités, celles-ci ont l'élection de leurs magistrats et le droit de guerre. Ces clauses furent étendues aux cités toscanes. Elles furent pendant les siècles suivants la base du régime politique de l'Italie septentrionale. L'évolution communale entre dans une nouvelle phase qui accrut encore la prépondérance des villes dans l'économie générale de la vie italienne. Les bourgeois s'attaquèrent aux châteaux dans lesquels les nobles s'étaient retirés autour des villes, chacune de celles-ci désirant être complètement maîtresse de sa banlieue et du district dont elle était le centre. De gré ou de force, après la prise de leurs châteaux ou la vente à de riches citadins, ou bien en se mettant au service des cités comme mercenaires (condottieri), les seigneurs durent venir résider dans les villes. La vieille population urbaine absorba ainsi la féodalité en grande partie germanique des campagnes et réduisit la population des campagnes à une condition inférieure. Cette évolution, qui fit disparaître la féodalité et rétablit le caractère urbain de la nation italienne, eut une extrême importance et lui assura un développement plus rapide que celui des autres nations européennes. Cependant l'introduction des nobles dans les villes eut de graves inconvénients; ils y apportèrent leurs habitudes guerrières, fortifièrent leurs maisons ou palais; la cité divisée en factions fut livrée à la guerre des rues. Les vieilles institutions consulaires ne suffirent plus à rétablir l'ordre. Il fallut recourir à des dictatures. Le système usuel fut la nomination d'un podestat, dictateur élu pour un an et sévèrement contrôlé à l'expiration de ses pouvoirs, qu'on choisissait toujours au dehors pour qu'il fût étranger aux querelles locales et impartial. Cette magistrature conduisait fatalement à la tyrannie. Tandis que s'accomplissaient ces transformations en Lombardie, en Toscane et en Romagne, dans le centre de l'Italie les papes s'efforçaient de consolider leur Etat. Alexandre III avait obtenu de Frédéric Ier d'importantes concessions de droits souverains. Innocent III profita des compétitions à l'Empire pour imposer à tous ceux auxquels il reconnut la couronne impériale un serment spécifiant les limites de l'Etat de l'Eglise romaine et l'absolue souveraineté temporelle du pape dans ces territoires. Il évita les conflits avec la commune de Rome et favorisa dans les anciens pays de la comtesse Mathilde la formation de trois ligues de cités guelfes (Toscane, duché de Spolète et Marche) sous son protectorat. Il chercha aussi à prévenir le danger créé par la réunion sur une même tête de l'Empire et de la royauté sicilienne. Frédéric Ier avait, en effet, préparé l'acquisition du royaume normand, monarchie absolue et homogène, qui devait fournir une base solide pour la soumission du reste de l'Italie. Après Roger II (1130-1154) et Guillaume Ier (1154-1166), Guillaume Il (1166-1189) avait porté au plus haut point la prospérité du royaume de Naples et de Sicile; et pendant des siècles le souvenir de son règne fut évoqué comme celui de l'âge d'or. Guillaume Il n'avait pas d'héritier mâle légitime. Sa tante Constance fut mariée à Henri VI, et en son nom celui-ci s'empara, non sans résistance, du royaume normand (1194). Sa mort prématurée (1196) ajourna le péril. Son fils Frédéric II, dut, pour obtenir l'alliance d'Innocent III en Allemagne, promettre de transférer le royaume de Sicile à son fils Henri (1212). L'Italie méridionale eût été placée sous la suzeraineté effective du pape; l'Italie centrale sous sa domination complète. Frédéric II ne pouvait l'admettre. Il garda son royaume méridional et y fortifia la centralisation monarchique, revendiqua ses droits souverains sur les pays de l'Italie centrale et exerça en Lombardie ceux que lui reconnaissait le traité de Constance. La lutte, quelque temps ajournée, fut terrible. Gênes et Venise, les villes lombardes (à partir de 1235) la soutinrent sans faiblir. Malgré le concours des cités gibelines et du féroce Ezzelino de Romano qui terrorisa la Marche véronaise, l'empereur finit par succomber. Sa mort (1250) n'arrêta pas les hostilités. Elles continuèrent jusqu'à la disparition des Hohenstaufen que les papes avaient décidé d'extirper du sol italien. La mort d'Ezzelino abattit les Gibelins du Nord (1259). La bataille de Montaperti (1260) les fit prévaloir en Toscane, et l'habile Manfred, roi de Sicile, les soutenait dans toute l'Italie. Contre lui, le pape Clément IV appela Charles d'Anjou qu'il investit de son royaume (1265). Manfred fut vaincu et tué à Grandella (1266); Conradin, le dernier des Hohenstaufen, fut décapité après la défaite de Tagliacozzo (1268). Les Guelfes l'emportaient sur toute la ligne. L'effondrement du Saint-empire délivrait l'Italie de la domination des empereurs allemands. (Félix Henneguy). |
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