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Conrad
II, dit le Salique, ou le Salien, est un empereur d'Allemagne,
né vers 990, élu roi le 8 septembre 1024, couronné
empereur le 26 mars 1027, mort à Utrecht
le 4 juin 1039. C'est le fondateur de la dynastie franconienne; il fut
élu après la mort de Henri II, en qui s'éteignit la
dynastie saxonne; il était fils du comte Henri et d'Adélaïde,
arrière-petit-fils de Conrad le Roux,
et de Luitgard, fille d'Otton Ier.
Quand les grands
ecclésiastiques et laïques s'assemblèrent à Kamba,
près d'Oppenheim, pour l'élection, ils hésitèrent
entre Conrad l'aîné et son cousin Conrad le jeune. Le premier
possédait des biens considérables en Franconie
et les avait accrus par son mariage (1016) avec sa parente Gisèle,
veuve du duc de Souabe, lequel l'avait brouillé
avec l'empereur Henri II. Son caractère
énergique et généreux et ses qualités militaires
inspiraient confiance. Conrad le jeune s'appuyait sur son beau-père
(second mari de sa mère), Frédéric de Haute-Lorraine,
sur l'archevêque de Cologne et la noblesse
rhénane. Les deux Conrad s'en remirent au choix des grands et échangèrent
le baiser de paix. L'archevêque de Mayence
se prononça pour Conrad l'aîné, auquel se rallia son
cousin; seuls les Lorrains s'abstinrent. L'empereur se fit couronner avec
sa femme par l'archevêque de Cologne, celui de Mayence contestant
toujours la légitimité du mariage de Gisèle.
Les principaux conseillers
de Conrad furent les évêques d'Augsbourg
(frère de Henri II) et de Strasbourg.
Dans sa chevauchée royale à travers l'Allemagne, Conrad fut
partout accueilli et acclamé, même en Lorraine ; les Italiens
vinrent le saluer à Constance. Il annonça son intention de
maintenir les droits au royaume de Bourgogne,
dont le roi Rodolphe avait désigné pour héritier Henri
II. Il traita avec Knut, roi du Danemark,
et lui céda le Slesvig (1025), mais fit reconnaître la primauté
de l'archevêque de Brême et Hambourg
sur la Scandinavie. En 1026, il descendit
en Italie, prit la couronne de fer à
Milan,
soumit Pavie et Ravenne,
et, après avoir affermi son pouvoir en Lombardie,
se rendit à
Rome où le pape Jean
XIX le couronna, à Pâques, en présence des rois de
Bourgogne et du Danemark; une insurrection des Romains fut domptée,
la primatie du métropolitain de Milan sur Ravenne, du patriarche
d'Aquilée sur celui de Grado (vénitien) affirmée.
Les cités de l'Italie du Sud reconnurent son autorité.
L'empereur fut rappelé
au nord des Alpes par des troubles survenus en Allemagne. Conrad le jeune,
son beau-fils Ernest, duc de Souabe, le puissant comte Welf, qui visaient
l'héritage bourguignon, agitaient l'Alamanie, la Rhétie
et la Bavière. Au retour de l'empereur,
les chefs se soumirent; la prise de Kiburg acheva leur défaite;
à Bâle fut conclu un nouveau traité avec Rodolphe de
Bourgogne,
garantissant son héritage à l'Empire; enfin les grands choisirent
pour successeur à Conrad son jeune fils Henri, qui fut couronné
roi à Aix-la-Chapelle par l'archevêque
de Cologne (1028). La consolidation de l'autorité impériale
en Allemagne et la préparation d'une monarchie héréditaire
témoignaient du mérite de Conrad.
Il fut moins heureux
les années suivantes, Mieczislav de Pologne,
qui avait pris, comme son père Boleslav, le titre de roi, tenta
de reprendre sur les marches allemandes les anciens pays slaves et noua
des intrigues avec les mécontents de l'Empire. Conrad fut mis en
échec par le roi de Pologne et ne put s'emparer de Bautzen. Les
frontières allemandes furent ravagées jusqu'à la Saale,
l'évêque de Brandebourg fait prisonnier. Les Hongrois défirent
aussi le margrave d'Autriche, et, sans le duc de Moravie, Bretislav, l'Empire
eût été refoulé vers l'Ouest. Ernest de Souabe,
mis au ban de l'Empire, se fortifia à
Falkenstein, dans la Forêt-Noire, et pilla les environs jusqu'à
ce qu'il périt, les armes à la main (1030). Débarrassé
de cet adversaire, Conrad reprit l'offensive à l'Est, gagna le frère
du roi de Pologne et obligea celui-ci à traiter et à rendre
les marches allemandes, arrachées par son père à Henri
ll (1031). Un moment détrôné par son frère Bezbriem,
Mieczislav se soumit complètement (1032). Après sa mort,
la Pologne tomba dans l'anarchie (1034). En Bohême,
Bretislav s'empara de la couronne et vint faire hommage à l'empereur
(1035).
Du côté
de l'Ouest, le royaume de Bourgogne ou d'Arles
fut réuni à l'Empire. Le roi Rodolphe était mort le
6 septembre 1032. Le comte Eudes de Champagne disputa l'héritage
à Conrad; il fut reconnu dans les grandes villes du Rhône,
même à Morat. Mais le roi de France, Henri
Ier,
s'étant allié à l'empereur, celui-ci reprit l'avantage
contre Eudes. En 1034, il se rendit maître de tout le royaume d'Arles.
En Allemagne, les
duchés de Souabe ou d'Alamanie, de Bavière, de Carinthie
avaient été concédés au fils de l'empereur
ou réunis à la couronne; seuls ceux de Saxe et de Lorraine
(haute et basse Lorraine réunies en 1033) subsistaient. Conrad veillait
avec soin au maintien de la paix intérieure, régla les relations
de vassalité, de manière à maintenir les droits des
vassaux inférieurs vis-à-vis de leurs seigneurs et leurs
devoirs vis-à-vis de l'Empire. Favorable
à l'Eglise, comme ses prédécesseurs, il n'eut cependant
rien d'un théologien et disposa constamment des bénéfices
et dignités ecclésiastiques pour rémunérer
ses fidèles. Il suivit la même politique en Italie, où
il appuya d'abord l'archevêque Aribert de Milan contre les vavasseurs
(petite noblesse) qui formaient le noyau du parti national, et favorisa
le margrave de Toscane, Boniface. En 1036,
Conrad revint en Italie, tint sa diète
à Pavie (1037) et y fit arrêter
l'archevêque de Milan, sur la plainte de ceux qu'il avait spoliés.
Le résultat fut un soulèvement général. Conrad,
pour s'attacher les vavasseurs, leur concéda l'hérédité
des charges et bénéfices, et l'appel à l'empereur;
cette constitution demeura la base du système
féodal en Italie.
Comme en Allemagne,
Conrad cherchait à s'appuyer sur la petite noblesse contre les grands
feudataires. Les évêques italiens appelèrent alors
le comte Eudes de Champagne, mais celui-ci fut tué près de
Bar (15 novembre 1037). Malgré le pape qui l'excommunia, Aribert
défiait toute attaque derrière les remparts de Milan.
Conrad, après avoir châtié Parme,
se rendit auprès du pape, puis dans l'Italie méridionale
où il châtia le prince de Capoue, le brigand Pandolphe IV,
et confirma le Normand Rainulf dans le comté d'Aversa (1038). Son
armée fut décimée par la maladie et il dut repasser
les Alpes, tandis qu'à Milan les bourgeois, groupés autour
du Carroccio, repoussaient toutes les attaques de la noblesse d'alentour.
Conrad tint à Soleure une diète où il fit jurer fidélité
à son fils Henri, couronné roi de Bourgogne. Ensuite il chemina
à travers l'Allemagne, rétablissant
la paix, célébra la Pentecôte à Utrecht,
où il mourut peu après. Il fut enterré à Spire.
(GE). |
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