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Le commerce dans l'Empire romain |
La réunion de tout le bassin de la Méditerranée sous la domination romaine fut très favorable aux relations commerciales, alors surtout que la constitution de l'empire eut mis de l'ordre dans ces vastes possessions et les eut dotées d'une administration régulière. Bien que Rome soit surtout connue comme cité militaire, il est vraisemblable qu'elle dut sa première importance au commerce; sa situation sur le Tibre en faisait le marché de l'Italie centrale; bien que des conceptions politiques communes à presque toutes les cités antiques aient maintenu la prééminence aux propriétaires fonciers (Classes sociales), il semble indubitable que dès les temps les plus reculés une grande partie de la population romaine vivait du commerce; avant la période de conquête et de colonisation militaire, Rome était déjà une grande ville, la situation spéciale qu'elle fit aux colonies maritimes, ses traités avec Carthage, prouvent l'attention qu'elle donnait au commerce maritime. Plus tard, il est vrai, l'influence romaine fut très nuisible au commerce; mais le soin même avec lequel furent détruites les antres cités commerçantes prouve l'influence de la classe qui redoutait leur concurrence et voulait les supplanter. Ce qui rendit momentanément le rôle des Romains néfaste, c'est qu'accumulant chez eux les trésors de tous les vaincus, ils firent de leur ville un centre de consommation chies richesses et les produits venaient se détruire sans compensation. Ces immenses importations de blé, d'huile, de vin qu'on tirait de Sicile et d'Afrique pour nourrir la population romaine, privaient de son marché le producteur italien, bientôt ruiné. En dehors des privilégiés qui appliquaient leur travail à l'exploitation commerciale des provinces, ou des aristocrates qui les pillaient, en dehors aussi des commerçants de détail, dont la fonction persistait, la population romaine était misérable; ces tributs en nature ou en numéraire, importations artificielles, étaient également nuisibles à Rome et aux provinces. Dès que la période de conquête fut terminée, les choses se régularisèrent conformément aux lois économiques; les pays producteurs reprirent par les échanges le numéraire qui leur avait été enlevé. Les prodigalités et le luxe insensé dont on cite tant d'exemples pendant une centaine d'années, depuis Atticus jusqu'à Vitellius, supposent un commerce très actif, ne fût-ce que pour se procurer les milliers de cervelles d'autruche qu'on engloutissait en un repas; le prix payé pour une table de bois de titre prouve que les intermédiaires devaient réaliser de sérieux bénéfices. Rome fut le principal marché de l'empire, et si l'appareil gouvernemental continuait d'y attirer plus de richesses que l'appareil producteur, celles-ci étaient bientôt distribuées par le commerce. L'harmonie économique était donc rétablie et l'on s'explique parfaitement la prospérité constatée au IIe siècle ap. J.-C., lorsqu'on put jouir de la paix romaine. Le commerce très actif qui se faisait entre les différentes provinces de l'empire et de celles-ci avec l'intérieur portait principalement sur les produits alimentaires, les esclaves et les divers articles précieux manufacturés ou non de l'Orient. Malgré le rapide développement des provinces occidentales, la Gaule et l'Espagne, et le relèvement de l'Afrique, les provinces orientales restèrent les plus riches. C'est de ce côté seulement que des affaires importantes pouvaient se traiter avec l'intérieur. Les produits de l'Inde, de l'Arabie, passaient par l'Egypte ou la Syrie pour arriver à la côte, et ils étaient en partie réexportés avec ceux de ces contrées, par elles-mêmes très riches. Ce commerce se fit surtout par l'intermédiaire des populations syriennes qui depuis des siècles vivaient en grande partie de l'industrie commerciale. Dès le siècle qui suivit la conquête d'Alexandre, la diffusion de l'hellénisme dans l'Asie occidentale fut suivie d'une diffusion des marchands syriens et juifs dans tous les ports de la Méditerranée orientale. Ce qui fut le plus favorable au commerce ce fut, avec la sécurité, l'énorme développement des voies de communication; il a fallu arriver au XIXe siècle pour retrouver en Occident un réseau de routes carrossables comparable à celui des Romains. Mais on se tromperait si l'on croyait que les marchandises circulaient librement d'une extrémité à l'autre de l'empire; chaque province avait ses droits de péage, de passage et de douane. Non seulement on conservait ceux qui existaient avant la conquête, mais fréquemment on en créait de nouveaux. Le taux du tarif des douanes romaines variait selon la valeur des objets, du quarantième au huitième; il était plus fort surs objets de luxe. Les paiements se faisaient par l'intermédiaire de banquiers; l'appauvrissement de l'empire, de l'Italie surtout, se marqua par l'augmentation du taux de l'intérêt qu'Alexandre Sévère tenta vainement de ramener à 4%. Constantin finit par admettre celui de 12%. Les Romains eurent toute une politique commerciale traduite par des mesures législatives et administratives. Des directeurs du commerce, placés dans les principaux marchés, en Egypte, sur la côte du Pont-Euxin, en Illyrie, en Espagne, régularisaient les importations.
Nous ne pouvons insérer ici un tableau complet du commerce intérieur de l'empire romain à cause de l'extrême variété des objets d'échange, des marchés et des routes. Nous indiquerons les faits essentiels. Avec la Germanie le commerce était faible; on achetait l'ambre jaune, des esclaves, du bétail, des denrées agricoles. On vendait du vin, de l'huile, des armes, des objets manufacturés; au déclin de l'empire romain, ce commerce fut plusieurs fois interdit. La Grande-Bretagne donnait ses métaux (étain et plomb) bruts ou ouvrés; la Gaule, ses vins, ses toiles, de huile, des animaux de boucherie, du fer; Marseille était le principal entrepôt; l'Espagne produisait des métaux; approvisionnant d'or, d'argent, mais aussi de cuivre et de fer, elle exportait aussi des étoffes de laine, de la cire, du miel (le sucre des Anciens). Ses principaux ports étaient Gadès et Carthagène; la Bétique était comme la Narbonaise un pays d'une grande richesse agricole qui envoyait au marché italien du blé, du vin, de huile et des salaisons. La majorité des navires abordaient à Ostie ou à Pouzzoles. Mais c'était surtout l'Afrique qui pourvoyait avec la Sicile et l'Egypte à l'énorme consommation de grains du peuple romain. Elle envoyait aussi des bois précieux, des tapis de Maurétanie, les marbres de Numidie et les bêtes sauvages pour les jeux du cirque. Carthage était redevenue le plus grand entrepôt africain. On comptait pour aller à Ostie, de Gadès, sept jours de navigation, de Carthagène quatre, de Marseille trois, d'Afrique deux seulement. L'Illyrie, appelée par les Romains à la vie civilisée, possédait des mines d'or en Dalmatie, de fer en Norique; la réputation de l'acier de Syrie remonte à l'époque romaine. Le grand commerce était celui de l'Orient, également prospère en Egypte, en Syrie, en Asie Mineure. Les produits restaient ceux que nous avons décrits, mais les centres commerciaux n'étaient plus les mêmes, et le grand accroissement du transit vers l'Inde avait fait la fortune de cités nouvelles. On tirait de l'Inde des articles précieux qu'on payait surtout en numéraire : des perles, de l'ivoire, des pierres précieuses, des épices et de la soie qui venait de Chine par les Indiens ou directement. Trois routes principales servaient au commerce avec l'Inde. Au Nord, il passait par la Bactriane, la Caspienne, le Cyrus (Kour) et le Phase; la traversée de l'isthme caucasien ne prenait que cinq jours; la Colchide redevint, pendant un siècle, très riche; le Phase coulait sous cent vingt ponts, et à Dioscurias les Romains avaient cent trente interprètes, on racontait qu'il s'y parlait trois cents langues; c'était au Ier siècle le marché des soieries de la Chine; mais cette route fut interceptée après le Ier siècle. Celle du golfe Persique fit la fortune de Séleucie qui avait remplacé Babylone; mais la rivalité de la cité parthe de Ctésiphon, les guerres fréquentes depuis que la Babylone était devenue un pays frontière, la concurrence d'autres routes ne permirent pas aux nouvelles cités de retrouver l'ancienne fortune commerciale de Babylone. En revanche, il se développa plus loin sur cette même route, entre la Mésopotamie et la Syrie, une grande ville commerciale dans l'oasis de Palmyre. Elle dut ses progrès probablement à sa situation entre l'empire romain et l'empire parthe (L'Iran Antique), servant en quelque sorte d'entrepôt neutre entre les deux pays; les caravanes lui arrivaient d'une part de la Mésopotamie ou de l'Arabie méridionale, d'autre part de Syrie, et par là d'Egypte et d'Asie Mineure. Sur les côtes florissait Antioche, une des plus opulentes cités du monde antique, le second port de la Méditerranée. Le premier était Alexandrie en Egypte, qui servait de débouché non seulement à la plus riche province de l'empire, mais à la troisième route du commerce de l'Inde; on avait, au temps des Ptolémées, rétabli la navigation de la mer Rouge par Myos-Hormos et Bérénice; le Périple de la mer Erythrée nous montre combien les marchands d'Alexandrie étaient informés sur les ports et le trafic de l'océan Indien. L'importance d'Alexandrie dans l'histoire est immense; cette grande place commerciale fut le foyer principal de la civilisation à l'époque gréco-romaine; le mélange des populations (Egyptiens, Grecs, Sémites), amené par le commerce, provoqua non seulement de grands progrès dans la technique industrielle, mais dans les conceptions scientifiques, philosophiques et religieuses. Le déclin du commerce dans l'empire romain commença avec le IIIe siècle quand reparut l'anarchie; les vices encore mal définis de la constitution économique de ce grand empire furent la cause profonde de sa ruine; l'anarchie, qui interrompit ou gênait continuellement la circulation commerciale, appauvrit beaucoup les provinces de l'Occident, et même le trafic maritime fut atteint. La déchéance était complète au moment où les Barbares s'établirent dans les différentes provinces. (GE). |
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