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Histoire de l'Europe > L'Espagne |
L'Espagne au XIXe siècle |
L'insurrection générale contre l'occupation de l'Espagne par les troupes napoléoniennes (L'Espagne au XVIIIe siècle) fut déclenchée le 2 mai 1808. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de cette guerre d'Indépendance qui fut marquée des deux côtés par une cruauté rare, qui nous conta la vie de milliers d'hommes, qui discrédita pour longtemps la France auprès du peuple espagnol. Disons seulement qu'elle peut se diviser en trois périodes : pendant la première, les généraux français, surpris par la soudaineté et la violence du mouvement insurrectionnel, sont obligés de reculer d'abord derrière l'Ebre, puis au pied des Pyrénées; dans la seconde, Napoléon, voyant que la situation est plus grave qu'il ne pensait, envoie ses meilleures troupes, vient lui-même et remporte des succès qui semblent décisifs; dans la troisième, les généraux français sont divisés, leurs armées affaiblies sans cesse par le départ de soldats qu'on envoie en Allemagne ou en Russie, tandis que les Espagnols reçoivent des renforts anglais, de jour en jour plus considérables, et les Français doivent abandonner pas à pas tout le pays conquis et livrer en 1814 la grande bataille de Tolosa. - Entrée de l'avant-garde française à Salamanque (15 novembre 1812). Musée de Versailles. Ce qui caractérise surtout cette guerre, c'est l'enthousiasme et la constance qu'y montra le peuple espagnol; nobles, curés et moines, paysans, s'y portèrent avec une semblable ardeur; chaque ville devint une forteresse, chaque habitant un soldat ; on harcela les colonnes napoléoniennes, on multiplia les embuscades, on tua les hommes isolés; on fit aux Français cette guerre de guerillas, pour laquelle ce pays accidenté est si favorable et dans laquelle acquirent du renom : El Empecinado, Juan Paleara (El Medico), Porlier, Morillo, Mina, Jaureguy et le légendaire curé Merino. Ce genre de guerre n'eût cependant pas abouti, s'il n'y avait eu aussi des armées régulières commandées par Castanos, Reding, Le Romana et les armées anglaises de Blake et de Wellington. Les deux faits les plus populaires de cette lutte sont le fameux siège de Saragosse et la capitulation de Dupont à Baylen. Pendant les sept années qu'elle dura, l'Espagne fut gouvernée d'abord par les juntes centrales, qui se préoccupèrent exclusivement d'organiser la résistance, puis par une junte suprême qui siégea d'abord à Aranjuez, ensuite à Séville; en 1810, les pouvoirs furent centralisés dans un conseil de régence et ensuite passèrent à une sorte d'assemblée nationale, les Cortès, qui siégèrent de septembre 1810 à décembre 1813 et qui firent une oeuvre analogue à celle de la Constituante, en France, en même temps qu'ils repoussaient les armées ennemies du sol national. Guerilleros espagnols. Après l'occupation française A la fin de 1813, Napoléon, éclairé par les revers, traita avec Ferdinand à Valençay et celui-ci put rentrer en Espagne. Il fut accueilli avec enthousiasme et dès les premiers jours vit qu'il lui serait facile de renverser l'oeuvre libérale des Cortès et de rétablir le pouvoir absolu. Après une proclamation perfide, il fit jeter en prison les députés favorables aux idées nouvelles, choisit pour ministres Eguia, le duc de San Carlos, Macanaz, Ortolaza qui, avec la camarilla composée du duc d'Alagon, de bouffons et de valets du roi, exercèrent une sorte de terreur blanche. La violence suscita des mouvements chez les anciens guerilleros; El Marquesito fut pris et condamné à mort par l'Inquisition; un décret du 15 décembre 1815 exila ou condamna à la détention tous les hommes notables qui étaient suspects; Lacy et Vidal furent exécutés avec bon nombre de leurs partisans (1817). Il y eut un moment de trêve dans cette réaction, quand les ministres indignes ou incapables furent remplacés par Garay, Figueroa, Pizarro, mais elle fut courte et d'autre part les colonies soulevées d'Amérique (Argentine, Chili, Bolivie, Colombie) s'agitèrent et peu à peu conquirent leur indépendance. C'est en 1820, au milieu de cette situation pleine de troubles qu'éclata en Andalousie une insurrection militaire dont Riego fut le promoteur : les révoltés furent bientôt maîtres de Cadix et le mouvement éclata à peu près en même temps dans toute le péninsule, que la tyrannie de Ferdinand avait exaspérée; on réclamait le rétablissement de la constitution de 1812 et la convocation des Cortès. Ferdinand dut céder et accorder tout ce qu'on lui demanda; deux années entières il lutta en dessous contre les Cortès, tandis que dans le pays les libéraux et les royalistes s'organisaient en bandes et se livraient à toutes sortes d'excès et que les finances étaient de plus en plus obérées. Les puissances d'Europe, au congrès de Vérone (1822), s'inquiétèrent de voir les idées révolutionnaires se répandre en Espagne et décidèrent de rétablir le pouvoir absolu de la royauté; la France s'offrit à le faire par les armes et en 1823 le duc d'Angoulême, avec une belle armée, traversa l'Espagne, s'empara de Cadix le 31 août, et Ferdinand, que les Cortès avaient entraîné et gardé avec eux, se vit libre d'agir et de régner en despote. Une réaction, plus terrible encore que celle de 1814, sévit sur la malheureuse Espagne; on pendit, on fusilla partout; les prisons regorgèrent de captifs; le tribunal de l'Inquisition redoubla ses fureurs. Le ministre Calomarde, un ancien domestique, ferma les universités et fonda des écoles de tauromachie. Aussitôt la proclamation de la reine Isabelle II (1833-1868), le parti apostolique courut aux armes, et don Carlos, qui prit le nom de Charles V, fut soutenu dans ses revendications par les Bourbons de Naples et de Lucques, plus tard par don Miguel qui se trouvait au Portugal dans une situation analogue. Il eut aussi de nombreux partisans en Espagne, surtout dans les provinces basques, la Navarre et la Catalogne, qui espéraient obtenir de lui le retour à leur ancienne indépendance et à leurs anciens privilèges. Le pays fut divisé en deux factions : celle des carlistes et celle des christinos; les libéraux, malgré de justes défiances à l'égard du gouvernement de la reine, firent presque toujours cause commune avec les christinos. Alors commença cette guerre civile odieuse qui dura de 1833 à 1839, avec des succès divers, et où s'illustrèrent par leurs faits d'armes ou leurs cruautés : du côté des carlistes, Zumalacarreguy, Cabrera, Gomez; du côté des christinos, Rodil, Cordova, Espartero, Morato. Elle se termina parce que ce dernier, d'abord carliste, se tourna avec son armée contre don Carlos, qui l'avait maltraité, et signa le traité de Bergara (31 août 1839). A Madrid cependant, la régente Christine avait à lutter contre de grandes difficultés; elle hésitait entre un sage libéralisme, auquel la poussaient la France et l'Angleterre et un gouvernement presque absolu. L'absolutiste ministre Zea Bermudez fut remplacé en 1834, par Martinez de La Rosa qui fit de timides réformes et obtint quelque appui des cours de Londres et de Paris; des troubles et des émeutes dans diverses villes le forcèrent en 1835 à céder la place à un ministère Toreno, que de nouvelles insurrections dans les provinces firent bientôt tomber. Le ministère Mendizabal qui promit beaucoup ne put tenir aussi que quelques mois; partout on réclamait la constitution de 1812; la régente, devant une émeute militaire, dut céder (août 1836), et les Cortès de 1837 promulguent une constitution nouvelle. Au milieu de ces luttes grandissait un général ambitieux, Espartero, que des succès faciles dans la guerre carliste firent nommer capitaine général des armées de la reine, commandant général des gardes nationales et enfin duc de la Victoire; il profita des discordes entre les partis, des émeutes qui éclataient çà et là et força la régente à lui confier le soin de former un cabinet (1840), puis à abdiquer. Au nom de la jeune reine ramenée à Madrid, il fut avec ses collègues un véritable dictateur, puis régent par décision des Cortès du 8 juillet 1841. La reine mère protesta et des émeutes eurent lieu en son nom, mais Espartero les étouffa, alla même en 1842 bombarder Barcelone révoltée, puis Séville en 1843; mais là, il fut obligé de fuir devant l'hostilité devenue générale. Narvaez fut fait lieutenant général du royaume, un ministère Lopez constitué et les Cortès convoquées proclamèrent majeure la reine Isabelle qui n'avait que treize ans. Olozaga, Gonzalès Bravo furent ensuite ministres tour à tour et cherchèrent, le dernier surtout, à réparer les désordres de l'administration; la reine mère fut rappelée. Des projets sur la presse mal accueillis firent remplacer le ministère Bravo par un ministère Narvaez (1845), qui se montra d'une grande rigueur et très dévoué à la réaction. L'année suivante, sous le ministère Isturitz, la reine épouse le duc de Cadix, don François, tandis que sa soeur épouse le duc de Montpensier, au grand déplaisir de l'Angleterre. Alors commence ce règne personnel d'Isabelle, marqué par d'étranges intrigues domestiques, et pendant lequel les ministères passent comme des ombres, Sotomayor, Pacheco, Garcia Goyena; Serrano était le vrai maître du pouvoir. Du 12 février 1846 au 11 octobre 1848, c.-à-d. en dix-neuf mois, il se succéda six cabinets, qui tous, soi-disant modérés ou conservateurs, n'avaient vécu qu'au milieu des agitations et des embarras. Narvaez fut alors rappelé et montra une fermeté remarquable; il répondit avec fierté à l'Angleterre qui voulait s'immiscer dans les affaires d'Espagne, réprima les incursions des bandes carlistes et les tentatives des républicains dont notre révolution de 1848 avait réveillé les espérances, et paraissait gouverner sans obstacles quand, à la surprise de tous, il donna sa démission le 18 octobre 1849. Un cabinet indigne fut nommé que l'opinion publique repoussa et Narvaez dut reprendre le pouvoir quatre jours après, mais il avait à lutter contre une camarilla puissante; dans son ministère même, il n'y avait nulle entente; enfin sa dureté mécontentait presque tous les partis. Au mois de janvier 1851, il se retira et fut remplacé par Murillo Bravo; ce dernier fut excité par le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte à tenter de rétablir le pouvoir absolu et rendit des décrets contre la presse, qui soulevèrent une ardente opposition de la part des modérés aussi bien que des progressistes; après avoir en vain essayé d'en triompher, il dut se retirer le 14 décembre 1852. Les ministères Roncali et Lersundi, quoiqu'un peu plus prudents, tombèrent devant la même opposition en 1852; Sartorius, qui fut ensuite chef de cabinet, ne put désarmer la coalition qui s'était formée. Un des généraux qu'il avait condamnés à l'exil, O'Donnell, aidé des généraux Echague, Dulce, Ros de Olano, Serrano, remporte sur les troupes royales la victoire de Vicalvaro, près de Madrid (1er juillet 1854); un soulèvement se produit dans toutes les grandes villes, et la reine est obligée de révoquer les actes du ministère Sartorius, de faire des promesses libérales et de former un ministère où entrent Espartero et O'Donnell; il lui faut aussi envoyer sa mère en exil. Les Cortès réunies perdent leur temps en discussions futiles; O'Donnel et Espartero sont en désaccord; il y a des troubles dans les provinces. En 1856, la situation devient plus difficile encore et O'Donnel obtient qu'on accepte la démission d'Espartero; il est le chef reconnu du parti progressiste modéré et il semble qu'enfin un peu d'ordre va revenir dans le gouvernement, quand Narvaez en octobre reparaît en faveur à la cour et devient chef du cabinet. C'était un autoritaire; on rapporta toutes les réformes faites depuis 1854; on bâillonna la presse, et Narvaez, ne trouvant plus d'appui dans le Parlement, dut se retirer bientôt (4 octobre 1857). En 1868, avec l'aide de l'amiral Topete, ils firent éclater un soulèvement général, furent vainqueurs à la bataille d'Alcolea le 29 septembre et, après avoir proclamé la déchéance d'Isabelle qui partit en exil, organisèrent un gouvernement provisoire. Malgré les efforts du parti républicain, dirigé dès lors par Castelar, les Cortès élues par le suffrage universel décidèrent que la royauté serait rétablie. Mais, sur le choix du roi, les avis furent fort partagés; les uns voulaient le jeune Alphonse, le fils d'Isabelle, d'autres le duc de Montpensier, d'autres le roi du Portugal, ce qui eut amené l'unité de la Péninsule, d'autres enfin le duc de Madrid, petit-fils de don Carlos. Prim offrit la couronne à Léopold de Hohenzollern, ce à quoi Napoléon III s'opposa, amenant ainsi la guerre désastreuse de 1870. Enfin le 16 novembre de cette année, les Cortès par 191 voix contre 101 proclamèrent roi le deuxième fils de Victor-Emmanuel, sous le nom d'Amédée Ier. Celui-ci arriva en Espagne sous de fâcheux auspices; le jour de son arrivée, Prim fut tué en plein jour par une bande d'assassins qu'on ne rechercha pas. Les divers partis se livrèrent à une lutte ardente et passèrent tour à tour au pouvoir, le roi voulant demeurer fidèle au principe constitutionnel. Malgré son libéralisme, il ne devint jamais populaire, car il était étranger, et, bientôt découragé, il abdiqua le 11 février 1873. De la Ire République à la Guerre de 1898 La République fut alors proclamée par les Cortès; Pi y Margall, Salmeron, Castelar, qui furent successivement chefs du pouvoir exécutif, eurent à lutter contre des difficultés insurmontables, nées de la lutte ardente des partis et d'une recrudescence de la guerre carliste dans les provinces du Nord. Il leur fallut faire le siège de Carthagène révoltée, et, le 2 janvier 1874, le jour où les Cortès avaient élu Salmeron en remplacement de Castelar démissionnaire, le général Pavia, par un coup d'État, dispersa l'assemblée et Serrano devint dictateur. C'était le triomphe du parti militaire que rendait presque inévitable la lutte toujours très vive et sans succès contre les carlistes. Un an après, le 26 décembre 1874, eut lieu un nouveau pronunciamiento, celui du général Martinez Campos, qui rappela sur le trône Alphonse, le fils d'Isabelle, proclamé roi sous le nom d'Alphonse XII. Sous celui-ci, la guerre carliste fut enfin terminée; une constitution donnant le pouvoir à deux Chambres fut votée (1886); mais il y eut encore bien des agitations, des émeutes durement réprimées, une tentative du roi pour se rapprocher de l'Allemagne (1884), un conflit avec cette puissance en 1885 où l'Espagne revendiqua hautement ses droits sur les Carolines et enfin des inondations terribles et des tremblements de terre qui éprouvèrent cruellement ce pays. Les libéraux progressistes représentés surtout par Sagasta et les conservateurs représentés par Canevas passèrent tour à tour au pouvoir. Alphonse XII, par ses moeurs et ses manières, était devenu fort impopulaire, quand il mourut tout jeune encore, le 25 novembre 1885. Il laissait de son second mariage avec l'archiduchesse Marie-Christine d'Autriche deux filles, Maria de Las Mercedes et Maria Teresa Isabel, et de plus sa femme était alors enceinte. Celle-ci fut proclamée régente, en attendant le jour de sa délivrance; si elle accouchait d'un garçon, celui-ci serait roi; si au contraire c'était une fille, l'aînée de ses enfants, Maria de Las Mercedes, recevrait la couronne. Sagasta, chargé de former le ministère, eut à lutter contre des partis très divers; mais les élections d'avril 1886, tout en envoyant aux Cortès un bon nombre de républicains, donnèrent la majorité au parti monarchiste et la reine accoucha le 17 mai d'un garçon qui fut proclamé sous le nom d'AIphonse XIII. L'émeute républicaine du général Villacampa en 1886 facilement réprimée, le succès de l'Exposition de Barcelone en 1888, le vote des lois sur le jury et le suffrage universel sont les principaux événements qui ont marqué cette période. Sagasta y fut presque toujours le chef du cabinet, modifiant souvent le ministère selon les circonstances et les fluctuations de l'opinion; en 1891, il a dû céder la place à Canovas, qui a formé un cabinet conservateur libéral. La reine régente, très digne et affable, se rendit populaire; bon nombre de républicains se rallièrent, et l'Espagne, qui par un sentiment chevaleresque ne voulait pas rendre une femme et un enfant responsables des fautes ou des iniquités des ministres, qui aurait peut-être rejeté loin d'elle un roi majeur comme Alphonse XII, sembla s'être enfin arrêtée à une période de tranquillité et de paix intérieure, dont elle avait grand besoin pour réparer ses misères. Elle allait vite déchanter. En 1898, l'Espagne, à l'occasion d'une guerre désastreuse avec les États-Unis perdit ses dernières colonies (Cuba, Porto Rico, les Philippines, Guam) et aborda sombrement le XXe siècle. (G. Pawlowski). |
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