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Isabelle II
(Marie-Louise) a été la reine d'Espagne
de 1833 à 1868, née à Madrid
le 10 octobre 1830, fille aînée de Ferdinand
VII et de Marie-Christine des Deux-Siciles, sa quatrième femme.
Son père n'ayant pas de fils, la couronne
d'Espagne devait passer à son frère don Carlos, en vertu
de la loi salique établie par Philippe
V. Pour empêcher cette éventualité, il fit promulguer,
dès le 29 mars 1830, la pragmatique que Charles
IV avait fait voter par les Cortès
en 1789 et qui rendait les filles aptes à monter sur le trône.
De là provinrent les longues et
terribles discordes intestines qui ont agité presque tout le règne
d'Isabelle II, qui succéda à son père le 29 septembre
1833, sous la régence de sa mère, assistée d'un conseil.
La guerre civile éclata aussitôt, et elle ne fut terminée
qu'au bout de six ans, après l'écrasement des carlistes par
le général Espartero.
La direction politique du pays dans cette
période, qui oscilla entre l'absolutisme et le libéralisme
modéré, appartient à l'histoire personnelle de la
régente. Elle fut obligée d'abdiquer le 10 octobre 1840 et
dut quitter le royaume. Espartero, alors le chef du pouvoir, fut nommé
régent par les Cortès (8 juillet 1841), et Arguelles fut
investi de la tutelle de la jeune reine. Le régent ayant été
renversé par une insurrection des « cristinos » et des
radicaux réunis, Narvaez devint lieutenant
général du royaume, Lopez chef du ministère, et la
tutelle de la reine passa au général Castaños, duc
de Baylen. Mais bientôt (8 novembre1843) les nouvelles Cortès
proclamèrent majeure la reine Isabelle.
Par un jeu de bascule continuel, elle essaya
de ménager tous les partis, sans en satisfaire aucun complètement.
Des hommes politiques de toutes nuances se succédaient au pouvoir,
avec plus ou moins de réussite, au milieu des intrigues de la cour
et des agitations des rues et des casernes. Cependant la jeune souveraine,
grâce à l'aménité de son caractère et
a sa charité inépuisable, jouissait personnellement d'une
popularité réelle.
Le 10 octobre 1846, elle épousa
son cousin François d'Assise-Marie-Ferdinand de Bourbon, duc de
Cadix, fils de l'infant François de Paule, qui était le frère
cadet de Ferdinand VII et de don Carlos; en
même temps, la soeur de la reine, Marie-Ferdinande-Louise, fut donnée
en mariage au duc de Montpensier, fils du
roi Louis-Philippe. Ces alliances, favorables
à l'influence française, portèrent ombrage à
l'Angleterre.
Une tentative d'assassinat commise en 1852
sur la personne de la reine par un prêtre fanatique servit de prétexte
à des mesures réactionnaires. On y répondit par une
insurrection militaire (juillet 1854), dirigée par les généraux
O'Donnell et Dulce, à la suite de laquelle
des soulèvements formidables éclatèrent dans la capitale
et ailleurs. De larges concessions sauvèrent la dynastie, mais les
liens de la fidélité au trône étaient en partie
brisés. Ces concessions furent retirées en 1856 sous le ministère
rétrograde de Narvaez. O'Donnell, redevenu le chef du pouvoir en
1858, s'efforça de détourner l'orage par le bruit des armes,
notamment par sa campagne du Maroc, et son
gouvernement de cinq années, avec le concours de l'Union libérale,
fut peut-être la période la plus brillante du règne.
L'ancienne popularité de la souveraine
s'en allait rapidement, en raison de l'influence néfaste qu'exerçait
sur elle un entourage bigot et hétérogène, composé
notamment du confesseur de la reine, le P. Claret, de la nonne Patrocinio
et de l'Italien Marfori, intendant de la maison royale. Et lorsqu'il n'y
eut plus ni Narvaez ni O'Donnell pour réprimer les émeutes,
un soulèvement général, sous le conduite des généraux
Prim et Serrano, ainsi que de l'amiral Topete, renversa Isabelle du trône
(30 septembre 1868), au moment même où elle était sur
le point de conclure avec Napoléon III
une convention au sujet du remplacement éventuel de la garnison
française à Rome par des troupes
espagnoles.
La reine déchue se réfugia
en France, fit de vaines protestations et
abdiqua le 25 juin 1870, en faveur de son fils. Bientôt elle se sépara
à l'amiable d'avec son royal époux, dont elle avait eu neuf
enfants quatre morts en bas âge, une fille décédée
à dix-huit ans; trois autres filles : l'infante Isabelle, née
en 1851, mariée en 1868 au prince Gaétan de Bourbon-Sicile,
comte de Girgenti; l'infante Marie de la Paz, née en 1862, mariée
en 1883 à Louis-Ferdinand, prince de Bavière, et l'infante
Eulalie, née en 1864, mariée en 1886 à Antoine, prince
d'Orléans-Bourbon, fils du duc de Montpensier, son cousin germain;
enfin un fils qui régna depuis 1874 sous le nom d'Alphonse
XII. Auparavant (entre 1870 et 1873) le trône avait été
occupé par Amédée Ier.
D'un grand charme personnel, d'une bonté
à toute épreuve, sensible aux beautés de l'art, musicienne
excellente, très lettrée, protectrice passionnée de
tous les talents, elle ne sut pas gouverner, et d'ailleurs elle ne montra
jamais que peu de goût pour la politique. (G. P-i). |
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