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La religion
aztèque était un polythéisme,
riche d'un nombre exceptionnel de divinités. D'autant plus riche,
d'ailleurs, qu'à leurs dieux propres, les Aztèques
prirent coutume d'adjoindre ceux des peuples qu'ils venaient de vaincre
et dont ils ramenaient l'effigie prisonnière à Mexico.
Leur panthéon s'accrut ainsi de nombreuses puissances plus ou moins
hiérarchisées sur le fond desquelles se détachent
les grands dieux de la confédération.
Le premier d'entre eux se nomme Huitzilopochtli,
dieu du Soleil et de la guerre. Des exploits fameux justifiaient son titre.
On lui sacrifiait chaque année des
milliers
de victimes humaines, principalement des
prisonniers, car il avait soif de sang.
Tezcatlipoca,
autre grande divinité, personnifiait le Soleil d'été,
la force qui mûrit les fruits de la terre, mais qui apporte aussi
la sécheresse. Il présidait aux ébats des jeunes guerriers
et inspirait les musiciens et les danseurs. Son culte réclamait
aussi des sacrifices humains. Quetzalcouatl,
le « Serpent à plumes », avait été la
grande puissance adorée par les Toltèques,
son effigie se retrouve sur tous les vieux monuments attribués aux
Nahuatlacas (c'est-à-dire au groupe de populations dont sont issus
les Aztèques) . Les Aztèques l'avaient placé au rang
de leurs dieux; il gouvernait les vents et protégeait les orfèvres
et les sculpteurs. Tlaloc avait appartenu d'abord
aux Otomis; il personnifiait l'eau sous ses formes de pluie, de source,
d'humidité fécondante. Son séjour était souterrain.
A ces divinités principales, il
y a lieu d'ajouter de nombreuses puissances de second ordre régnant
les unes dans les airs, les autres dans les entrailles de la Terre, se
partageant l'espace selon ses grandes divisions, ce qui justifie l'importance
attachée par les Mexicains à la détermination des
quatre points cardinaux et à l'orientation des temples.
-
Les cultes
et les clans
Une particularité
du panthéon mexicain est la répartition des divinités
suivant les « quartiers » de l'espace. Cette notion de la division
du monde suivant les points cardinaux existe chez la plupart des peuples
de l'Amérique du Nord. Chez les Indiens
Pueblos
modernes, et surtout chez les Zuñis, elle devient un système,
qui régit la vie religieuse et, en partie, la vie civile.
Durkheim
et Mauss ont montré que cette division du
monde correspond à une division de la société en clans,
possédant certains totems, certaines divinités qui peuvent
agir sur les forces naturelles des diverses parties de l'espace. C'est
la forme de la société elle-même qui détermine
la conception qu'un peuple se fait du monde.
Nul doute que les
quatre grands quartiers de Mexico n'aient été considérés,
à une époque très reculée, comme correspondant
aux quatre quartiers du monde, et, de même, les vingt calpullis.
A l'origine, les
divisions de l'espace furent probablement au nombre de quatre (les quatre
directions du plan terrestre); puis, on distingua le haut (zénith)
et le bas (nadir), ainsi que le centre ou milieu, d'où l'existence
de combinaisons cabalistiques où les nombres 6 et 7 jouèrent
un grand rôle. Plus tard, la spéculation sacerdotale en vint
à considérer le haut et le bas comme (les plans, analogues
au plan terrestre et dans lesquels on distingua également quatre
directions, d'où le rôle joué dans la cosmologie mexicaine
par les nombre 9) (2 plans à quatre directions + le milieu) et 13
(3 plans à 4 directions + le milieu).
Il est probable que
le classement des dieux suivit une évolution parallèle et
que, tout d'abord, chaque quartier du monde terrestre eut son dieu particulier;
l'organisation sociale des Mexicains gardait, au moment de la conquête,
un souvenir de ce temps, puisqu'il existait encore un tlamacazqui ou prêtre
principal pour chacun des « barrios » : mais le nom des dieux
des quatre points cardinaux ne nous a pas été conservé.
Les sept clans, dont nous avons parlé plus haut et qui représentent
la première division des « barrios », avaient chacun
leur dieu, dont les chroniqueurs nous ont conservé les noms. Ce
sont :
Pour
le clan Topica |
le
dieu Quetzalcohuatl |
- Tlacochcalca
- Huitznahuac
- Cihuatecpaneca
- Chalmeca
- Tlacatecpaneca
- Itzcuintecatl |
- Tlazolleotl ou Oxomoco
- Macuilxochitl
- Chichilticcenteotl
- Piltzintecuhtli
- Telzcatlipoca
- Mictlantecutli |
Veytia
et Tezozomoc qui nous donnent cette liste ne sont en désaccord que
pour la divinité du clan Tlacochcalca : le premier nous donne Tlazolteotl
et le second Oxomoco. A ces dieux vinrent s'en ajouter d'autres de telle
sorte que la mythologie de Mexico comptait, à l'époque de
la conquête, une multitude de divinités, anciennes et modernes.
Elles étaient
groupées suivant les sept points de l'espace, mais leur place n'était
pas absolument fixe. Un manuscrit des plus précieux, le Codex
Féjervary-Mayer, nous nontre leur répartition, qui change
d'après la figure divine qui est supposée occuper le milieu.
C'est ainsi que Tlaloc est attribué à l'Ouest, à l'Est
ou au Sud, suivant que la divinité centrale est le dieu du feu Xiuhtecuhtli,
le dieu Macuilxochitl ou une divinité dont l'effigie est effacée
sur le manuscrit. De plus certaines formes de la divinité peuvent
occuper des places qui
diffèrent
de celle du dieu principal dans un même groupement; Tetzcatlipoca,
sous le nom de Huitznahnacteotl occupe le Sud, mais il régit aussi
le Nord sous l'épithète de Tlacochcalco yaotl. Mictlantecuhtli,
« le seigneur des enfers », est aussi une divinité du
Nord, etc. On ne saurait donner actuellement une explication entièrement
satisfaisante de ce « roulement ». Il est très
probable qu'à Mexico, pour chaque calpulli les anciens dieux de
clans occupaient la place centrale, et que les autres dieux leur étaient
subordonnés; changeant de clan et par conséquent de point
cardinal, ils étaient classés ailleurs, à un point
cardinal plus ou moins honorable, suivant leur importance'. Enfin, les
anciens Aztèques cultivaient l'astrologie et il est naturel que,
suivant les heures du jour et les jours du mois, les dieux, tous plus ou
moins assimilés à des astres, aient agi sur des régions
différentes du ciel. (H. B.). |
Pour expliquer ou prévenir les complications
et les conflits qui naissaient des pouvoirs d'un si grand nombre de dieux,
il fallait posséder une science que les prêtres étaient
seuls
à même d'acquérir; ils trouvaient dans une forme d'astrologie,
c'est-à-dire de divination basée
sur les cycles des astres, des solutions à ces difficiles problèmes.
Il est juste d'ajouter que beaucoup de divinités ne sont que les
émanations, sous des vocables distincts, d'une même puissance;
tel est le cas pour la plus importante d'entre elles, le Soleil.
Les cérémonies
collectives et les actes individuels religieux tenaient une grande place
dans la vie des Aztèques. Les rites de purification s'accomplissaient
souvent; ils consistaient d'ordinaire à se tirer du sang de diverses
parties du corps, principalement des oreilles. Les dieux, pensait-on, avaient
besoin de sang pour subsister, et cette croyance provoqua un développement
énorme de l'effusion du sang, allant, jusqu'aux sacrifices humains,
les uns librement consentis, les autres inconscients, comme ceux des enfants
en bas-âge, ou contraints comme ceux des prisonniers de guerre C'est
par milliers chaque année que se comptaient les victimes. Celles-ci
amenées en grande pompe au pied de la pyramide servant de piédestal
monumental au temple, en gravissaient les marches et parvenues à
la plateforme supérieure, chacune d'elles, à tour de rôle,
était jetée sur une table de pierre et tandis que des aides
lui faisaient bomber le thorax le prêtre, d'un seul coup de son large
couteau d'obsidienne lui ouvrait la poitrine et lui arrachait le coeur.
Le rite voulait que l'effusion du sang fût aussi complète
et rapide que possible. Le coeur se plaçait dans une cavité
spéciale nommée « coupe des aigles », tandis
que le corps roulait au piéd de l'édifice. Le soir les prêtres
réunissaient les cadavres et en faisaient un repas purement rituel,
l'anthropophagie n'étant pratiquée au Mexique que dans ce
cas particulier. Recevoir la mort sur l'autel était un honneur comparable
à celui de tomber, les armes à la main, en combattant; le
guerrier quasi divinisé montait au zénith, près du
Soleil. La femme morte en couches partageait le même sort enviable.
-
Tonatiuh,
dieu du Soleil.
Il était assoiffé de sang, et patronait les sacrifices humains.
Cosmogonie
D'après les Nahuatlacas, il existait,
avant la création de l'univers, un ciel où vivaient Tonacatécuhtli
et son épouse Tonacacihuatl qui, à la longue, procréèrent
quatre fils. L'aîné, Tlatlauhquitezcatlipoca, avait la peau
rouge; le deuxième, Yayauhqui, naquit avec une peau noire et de
mauvais instincts; le troisième, Quetzacoatl, possédait une
peau blanche; enfin le cadet, Huitzilopochtli, fut un simple squelette
couvert d'une peau jaune.
Après six cents ans d'inactivité,
ces dieux résolurent d'agir. Ils nommèrent exécuteurs
de leurs volontés Quetzacoatl et Huitzilopochtli, qui créèrent
aussitôt le feu, puis un demi-soleil. Ils créèrent
ensuite un homme, Oxomoco, et une femme, Cipactonatl, auxquels ils ordonnèrent
de cultiver avec soin la terre. Cipactonatl, qui devait, en outre, filer
et tisser, fut encore dotée du don de prophétie. Elle recevait,
comme récompense de ses oracles, des grains de maïs destinés
à l'alimentation de ses descendants. Les dieux formèrent
alors Mictlanteuctli et sa compagne, Mictlancihuatl, qu'ils nommèrent
souverains des enfers. Cela fait, ils divisèrent
le temps en jours, en mois et en années.
Se remettant bientôt à l'oeuvre,
ils créèrent un premier ciel qu'habitèrent deux étoiles,
l'une mâle et l'autre femelle, puis un second qu'ils peuplèrent
de Tétzahaucihuatl (femmes squelettes) destinées à
dévorer les humains lorsque la fin du monde arriverait. Dans le
troisième ciel, ils placèrent quatre cents hommes jaunes,
noirs, blancs, bleus et rouges. Le quatrième ciel servit de résidence
aux oiseaux, qui de là descendaient sur la terre; dans le cinquième,
peuplé de serpents de feu, naissaient les comètes et les
étoiles filantes. Le sixième devint l'empire du vent, le
septième celui de la poussière, et les dieux se logèrent
dans le huitième. Au delà, on ignorait ce qui existait jusqu'au
treizième ciel, résidence de l'immuable Tonacatécuhtli.
Dans cette création, l'eau reçut
une organisation particulière, car les dieux se réunirent
pour former Tlalocaltécuhtli et son épouse Chalchiuhtlicue,
qui devinrent maîtres de l'élément liquide. Dans la
demeure habitée par les deux époux, se trouvaient quatre
étangs pleins d'eaux diverses. Celle du premier étang facilitait
la germination, celle du deuxième flétrissait les semences,
l'eau du troisième les gelait, et celle du quatrième les
desséchait. Tlaloc, à son tour,
créa une multitude de petits ministres chargés d'exécuter
ses ordres. Munis d'une amphore et armés d'un bâton, ceux-ci
portaient l'eau où le dieu le leur commandait, et la répandaient
en pluie. Le tonnerre se faisait entendre lorsque l'un d'eux brisait son
amphore, et la foudre qui frappait les hommes n'était qu'un fragment
du vase rompu. Dans le mélange des eaux, avait été
créé un grand poisson nommé Cipactli, chargé
de soutenir la terre et de la diriger.
La première femme eut un fils; comme
il n'avait pas de compagne, les dieux lui en fabriquèrent une avec
un cheveu. Le demi-soleil éclairant imparfaitement la terre, Tezcatlipoca
se chargea de façonner un astre complet. Pour les Nahuatlacas, le
soleil et la lune erraient dans le vide, sans jamais toucher aucun ciel.
Le soleil, curieux détail, parcourait la moitié de l'espace
ouvert devant lui, puis rétrogradait. Son image, à l'occident,
n'était que son reflet.
-
La
dualité Tezcatlipoca/Quetzalcoatl, les deux frères ennemis
qui se disputent la domination du
monde
au cours des ères cosmiques a aussi été interprétée
comme le symbole de l'alternance
du
masculin et du féminin que l'un et l'autre dieu peut icarner tour
à tour. Codex Borbonicus.
Les cinq soleils.
Les Aztèques pensaient que le cosmos
avait traversé quatre âges successifs, correspondant à
quatre soleils successifs. Le nombre quatre structurant ici le temps, comme
il structure par ailleurs l'espace avec les quatre points cardinaux). Chacun
de ces soleils correspond au règne d'une divinité et s'achève
par une catastrophe suscitée par une guerre que se livrent les dieux
et qui détruit complètement ou partiellement l'humanité.
Nous vivvons aujourd'hui sous l'empire du cinquième Soleil. Il se
terminera par un tremblement de terre.
Ocelotonatiuh,
le Soleil du Jaguar.
Le Premier Soleil, nommé Ocelotonatiuh
(Soleil de Jaguar) ou Nahui-Ocelotl (Quatre-jaguar), que l'on appelle aussi
le Soleil de Terre, est celui du règne céleste de Tezcatlipoca,
devenu le soleil. Les autres dieux créent les Géants.
Huitzilopochtli vit alors ses os se couvrir de chair. C'est aussi à
cette époque que Quetzalcoatl combat et vainc Tezcatlipoca. Ce dernier
se transforme alors en jaguar et envoie ses émissaires
les jaguars terrestres pour dévorer tous les Géants.
Ehecatonatiuh,
le Soleil de vent.
Le Deuxième Soleil est nommé
Ehecatonatiuh (Soleil de vent) ou Nahui-Ehecatl (Quatre-Vent). Cet âge
est celui du règne de Quetzalcoatl. Celui-ci, devenu le Soleil,
rendit les récoltes abondantes et les humains heureux. Tezcapotla,
transformé en jaguar, détrôna Quetzacoatl qui, en tombant
du ciel, déchaîne une gigantesque tempête. Les humains
furent emportés par ce vent terrible; seuls quelques-un survécurent
sous la forme de singes. Une nouvelle humanité va lors être
créée sous la tutelle de la dualité fondamentale,
Ometeuctli et Omecihuatl.
-
Création
de la deuxième humanité
Ometeuctli et Omecihuatl,
deux divinités mâle et femelle, habitaient une ville superbe,
située dans le douzième ciel. La déesse, après
avoir eu un grand nombre d'enfants, accoucha d'un caillou, que ses autres
enfants jetèrent sur la terre, où il se brisa en morceaux.
Il en sortit seize mille héros. Ceux-ci , connaissant leur noble
origine, et voyant qu'ils n'avaient personne pour les servir, parce que
le genre humain avait été détruit par les ouragans,
envoyèrent une ambassade à leur dieu Omecihuatl, pour la
prier de leur accorder le pouvoir de créer des hommes pour les servir.
Celle-ci leur répondit
que, s'ils avaient eu des sentiments plus élevés, ils auraient
cherché à mériter d'être reçus dans le
ciel; mais que, puisqu'ils consentaient à habiter la terre, il fallait
aller trouver Mictlanteuctli, le dieu de l'enfer, et en obtenir un os des
hommes qui avaient péri dans la destruction universelle, et que,
quand ils l'auraient arrosé de leur sang , il en sortirait un homme
et une femme qui en produiraient d'autres. Elle les avertit en même
temps de se défier de Mictlanteuctli, qui, après avoir accordé
l'objet de leur demande, pourrait bien s'en repentir. Xolotl, un de ces
héros, se mit en route pour exécuter ces ordres, et pénétra
dans les abîmes. Mictlanteuctli lui accorda sa demande; mais à
peine Xolotl se fut-il mis en route avec l'os qu'il en avait obtenu, que
le dieu de l'enfer, se repentant de sa condescendance, comme Omecihuatl
l'avait prévu, se mit à sa poursuite pour le lui reprendre.
Xolotl tomba en hâtant
sa course et brisa l'os en plusieurs morceaux : il eut cependant le temps
de les ramasser et échappa à Mictlanteuctli qui le poursuivit
jusqu'à la surface de la terre. Il se rendit en toute hâte
à l'endroit où ses frères l'attendaient. Ils réunirent
dans un vase tous les morceaux d'os qu'il avait apportés et les
arrosèrent du sang qu'ils se tirèrent des différentes
parties du corps. Le quatrième jour, il en sortit un garçon,
et trois jours plus tard une fille qui furent les premiers parents de l'espèce
humaine actuelle. C'est parce que l'os fut brisé en plusieurs morceaux
que les hommes n'ont plus la haute stature qu'ils avaient autrefois, et
qu'ils sont d'une taille inégale. C'est aussi en souvenir de cet
événement que les hommes sacrifient aux dieux en se tirant
du sang des différentes parties du corps.
Les noms d'Ometeuctli
et d'Omecihuatl ne se trouvent nulle part ailleurs dans la mythologie mexicaine;
mais on pourrait les expliquer par l'étymologie. Ome signifie deux
en nahuatl, et tous les auteurs sont d'accord pour traduire littéralement
leur nom par deux seigneurs et deux dames : il paraît plus
vraisemblable que cela doit se traduire par seigneur divisé
en deux. Nous retrouverions alors une idée reçue chez les
Hindous et chez divers autres peuples de
l'antiquité qui ne comprenaient la création qu'au moyen de
la génération; à savoir, que la divinité se
divisa en deux personnes de sexe différent, et produisit ainsi les
héros en lançant sur la terre une étincelle du feu
divin figuré par le caillou, symbole du feu.
Les héros
ayant obtenu des hommes pour les servir, s'occupèrent aussitôt
des moyens d'éclairer le monde; car le soleil avait péri
dans le désastre universel. Ils se rassemblèrent dans un
endroit nommé Teotihuacan (l'habitation des dieux) et se demandèrent
: comment ferons-nous pour éclairer le monde? Ils allumèrent
alors un grand feu et décidèrent que celui qui oserait s'y
jeter volontairement serait entièrement purifié et prendrait
la place du soleil. Jaloux de mériter une aussi brillante destinée,
une violente querelle s'éleva entre eux pour savoir qui aurait la
préférence. Au moment où la querelle était
le plus animée, l'un d'eux qui se nommait Nanacatzin ( = le Lépreux)
auquel personne ne faisait attention, et que tout le monde méprisait
parce qu'il était infirme et lépreux, s'approcha du bûcher
et s'y précipita : un autre dieu nommé Tezcatecatl suivit
son exemple, et c'est lui qui est la lune.
Sahagun raconte la
même histoire avec des détails différents. Il dit que
Tezcaztecatl et Nanacatzin furent choisis par les autres dieux, mais que
, le premier ayant trois fois reculé de crainte avant de se jeter
dans les flammes, Nanacatzin s'y précipita avant lui.
Quoi qu'il en soit,
leur corps devint lumineux et brillant, et finit par disparaître
entièrement.
Les dieux discutèrent
entre eux pour savoir de quel côté le soleil paraîtrait,
mais ils ne pouvaient le deviner, car le ciel était éclairé
de tous les côtés par les flammes du bûcher. Ils se
prosternèrent donc les uns vers le midi, les autres vers le nord
ou l'occident; mais il n'y en eut que très peu qui se tournèrent
du côté de l'orient; parmi eux étaient Quetzalcoatl,
Totec et Tezcatlipoca.
Quand le soleil parut
à l'Orient, il était si brillant que personne ne pouvait
en supporter l'éclat. La lune parut bientôt à côté
de lui, mais elle était alors aussi brillante que le soleil. Les
dieux ne croyant pas qu'il fût convenable qu'il y eût deux
soleils égaux, l'un d'eux alla chercher un lapin, et le lança
à la face de la lune, ce qui ternit son éclat. D'autres ont
dit que Tezcatzoncatl s'étant jeté le dernier dans le bûcher,
il subit moins longtemps l'effet des flammes, et que c'est à cause
de cela qu'il ne devint pas aussi brillant.
Bientôt le
soleil s'arrêta dans sa course, et déclara aux dieux que tous
ceux qui ne l'avaient pas adoré en se tournant vers l'orient devaient
mourir. L'un deux nommé Citli voulut essayer de se défendre,
il saisit son arc et lança successivement au soleil trois flèches
que celui-ci évita en baissant la tête. Le soleil irrité
lui renvoya sa dernière flèche, et le frappa au front avec
tant de force, qu'il l'étendit mort.
Les autres dieux
effrayés de la chute de leur frère, et voyant qu'ils ne pouvaient
échapper à la vengeance du soleil, prièrent Xolotl
de leur donner la mort, ce qu'il fit, et il mit ensuite lui-même
un terme à ses jours.
Sahagun dit au contraire
que ce fut Quetzalcoatl qui fut chargé de les exterminer, et que
Xolotl ne voulant pas mourir prit successivement la forme d'un épi
de maïs et d'un agave (maguey), et que, découvert par Quetzalcoatl,
il finit par se précipiter dans l'eau sous la forme d'un poisson
(en fait un amphibien urodèle) nommé Axolotl , et que, sous
cette forme, il fut pris et tué par le dieu de l'air. Malgré
ce massacre, le soleil n'avançait pas; mais Quetzalcoatl se mit
à souffler avec tant de force qu'il le poussa en avant.
Les Mexicains prétendaient
qu'avant de mourir, les dieux avaient donné leurs manteaux aux hommes
qui les servaient, et Andrés de Olmos, cité par Torquemada,
dit qu'il trouva en effet quelques-uns de ces manteaux à moitié
pourris pour avoir été longtemps cachés dans la terre
et qu'il les livra aux flammes.
Tezcatlipoca, un
des dieux qui avaient échappé, voyant que les hommes étaient
très tristes de la mort de leur maître, ordonna à l'un
d'eux de se rendre à la maison du soleil et d'en ramener des joueurs
d'instruments pour célébrer sa fête. Comme il devait
y aller par mer, le dieu ordonna aux poissons et aux tortues de se réunir
pour lui former un pont, et lui enseigna une chanson qu'il devait chanter
tout le long du chemin pour les empêcher de se séparer. Les
Aztèques prétendaient que c'était depuis cette époque
qu'ils célébraient la fête de leurs dieux par des chants
et des danses, et que les sacrifices humains venaient du massacre que Xolotl
avait fait de ses frères. |
Quiauhtonatiuh,
le Soleil de pluie.
Le Troisième
Soleil se nomme Quiauhtonatiuh (Soleil de pluie [de feu]) ou Nahui quiahuitl
(Quatre-pluie). A cette époque les humains se livrent aux excès
et aux crimes. Tlaloc le dieu de la pluie qui est le nouveau soleil, ordonne
alors au dieu du feu Xiuhtecuhtli de lancer une pluie de feu contre l'humanité
qui, près de disparaître dans un immense brasier venu
du ciel, prie les dieux de l'épargner. En réponse, la plupart
des humains furent transformés en dindons et en autres oiseaux qui
se sauvèrent ainsi en volant. Un seul couple resté humain
survécut en se réfugiant dans une grotte.
Atonatiuh,
le Soleil d'eau.
Sur décision de Huitzilopochtli,
le Quatrième Soleil, Atonatiuh (Soleil d'eau) ou Nahui-Atl (Quatre-Eau),
est placé sous le règne de Chalchiuhtlicue ( = Celle aux
jupes d'Emeraude). Il se termina par un déluge qui résulta
d'une rupture d'équilibre dans le ciel. Les humains, qui avaient
de nouveau peuplé Tlalticpac, cette partie plate du cosmos que nous
appelons la Terre, furent transformés en poissons, sauf un couple
d'humains qui survécut en se réfugiant dans un arbre ou sur
la montagne de Colhuacan. L'homme se nommait Coxcox, et la femme,
Téocipatli. Les deux fugitifs eurent par la suite beaucoup d'enfants,
qui tous naquirent et demeurèrent muets, jusqu'au jour où
une colombe, du haut d'un arbre, leur apprit à chacun une langue
différente.
Nahui
Ollin, Quatre-tremblement de terre ou Quatre-mouvement.
Le Cinquième
Soleil correspond à la période actuelle. Il résulte
de l'entente finale des dieux, qui ne demanderont pour garantir la pérennité
du monde que leur tribut de sang. Cet âge aura cependant une fin.
Il se terminera par un immense séisme qui engloutira la Terre entière
et les Tétzahaucihuatl viendront alors dévorer les humains.
Les Mexicains étaient persuadés que cet événement
était prochain, et qu'il devait arriver à la fin d'un de
leurs cycles de cinquante-deux ans. Au renouvellement du cycle, tous les
prêtres revêtus du costume de leur dieu se rendaient en procession
et suivis d'une foule innombrable sur une montagne près de Mexico.
On immolait un esclave en lui arrachant le coeur, et l'on allumait du feu
en frottant deux morceaux de bois sec dans la blessure même. Aussitôt
qu'ils étaient enflammés, on s'en servait pour allumer un
grand bûcher dans lequel on jetait le corps de la victime. Aussitôt
tous les environs retentissaient de cris d'allégresse, car on croyait
le monde assuré contre la destruction pour une autre période
de cinquante-deux ans. Cette fête fut célébrée
pour la dernière fois en l'an 1517, le 7e
du règne de Montezuma.
La vie après
la mort
A l'exception des Otomis,
les diverses populations du Mexique
croyaient à une vie après la mort. D'après les
Aztèques, trois lieux principaux servaient de refuge aux âmes
séparées des corps qu'elles avaient habités : la demeure
du Soleil, le Tlalocan et le Mictlan.
La demeure du
Soleil.
L'âme
des soldats morts en combattant, celle du prisonnier sacrifié par
l'ennemi et celle de la femme qui succombait durant le travail de l'enfantement
étaient transportées dans la demeure du Soleil, pour y jouir
d'une vie de délices.
Chaque matin, ces
âmes célébraient le lever de l'astre par des hymnes,
des danses, des concerts et des cris d'allégresse. Celles
des hommes qui habitaient l'Orient l'accompagnaient jusqu'au point culminant
de sa course. Là, des âmes de femmes, venues à sa rencontre
depuis l'Occident qu'elles habitaient, escortaient à leur tour le
dieu jusqu'à son coucher, avec les mêmes démonstrations
d'allégresse.
Après quatre années de cette
vie « glorieuse », les âmes allaient animer les nuages,
les oiseaux à voix harmonieuses et à plumage éclatant;
libres de s'élever dans les profondeurs du ciel ou de descendre
sur la Terre pour y savourer le nectar des fleurs ou chanter.
Ces derniers privilèges, les Tlaxcaltèques
ne les accordaient qu'à l'âme des nobles, qui, outre le corps
des oiseaux chanteurs ou à riche plumage, vivifiaient, d'après
eux, celui des quadrupèdes doués d'instincts généreux.
Quant aux âmes des plébéiens, elles se réfugiaient
dans le corps des scarabées ou d'autres bêtes infimes.
Tlalocan.
Toujours d'après
les Aztèques, l'âme de ceux
qui mouraient frappés de la foudre, noyés, ou par suite de
tumeurs, d'hydropisie, de blessures et d'autres maladies, ainsi que celles
des enfants qui étaient sacrifiés à Tlaloc, dieu des
eaux, s'envolaient dans un séjour frais et agréable nommé
Tlalocan, où ce dieu résidait et où ils trouvaient
des festins et toutes sortes de plaisirs : ils passaient ensuite dans le
corps d'animaux moins nobles, tandis que ceux qui étaient envoyés
en enfer animaient ensuite des insectes et des reptiles.
Dans l'enceinte du
grand temple de Mexico, existait un lieu réservé où,
certain jour de l'année, disait-on, toutes les âmes des enfants
se réunissaient.
-
Mictlantecuhtli,
dieu de la mort.
Mictlan
Enfin il y avait un enfer, nommé
Mictlan, qui servait de résidence au dieu Mictlanteuctli et à
sa lieutenante, la déesse Mictlancihuatl. Dans cet enfer, situé
au centre de la Terre, les âmes n'avaient à souffrir que d'une
seule peine, terrible pour des gens accoutumés
aux splendeurs du soleil tropical : celle de vivre dans l'obscurité.
Pour y aller, il
fallait d'abord passer entre deux montagnes qui frappaient sans cesse l'une
contre l'autre, traverser deux endroits dont l'un était gardé
par un serpent, et l'autre par un lézard vert, franchir huit collines
et parcourir une vallée où le vent était si fort qu'il
lançait à la figure des morceaux de cailloux tranchants.
On arrivait ensuite en présence de Mictlanteuctli, auquel les morts
offraient les objets qui avaient été enterrés avec
eux à cet effet.
Pour sortir de ce
lieu, il fallait traverser une rivière
nommée Chicunappa (neuf fois), qui faisait neuf fois le tour du
Mictlan. On n'en venait à bout qu'avec l'aide d'un chien roux, que
l'on tuait chaque fois que l'on enterrait un mort, et qui allait attendre
l'âme dans cet endroit pour la passer sur l'autre rive.
Le panthéon
aztèque-
On l'a dit, la mythologie aztèque comprenait
un nombre énorme de divinités sans cesse accru. Les Aztèques,
suivant une forme de syncrétisme qui rappelle celui des Romains,
estimaient qu'ils devaient vénérer les dieux des peuples
vaincus. Ainsi s'implantaient des cultes nouveaux. Plusieurs de leurs grands
dieux ont cette origine, en particulier Quetzalcoatl d'origine toltèque
; Tlaloc, vieille divinité Otomie; Camaxtli , ancien dieu des Chichimèques;
Xilonen déesse du maïs, divinité des Huastèques,
etc.
Comme chez les Indiens de l'Amérique
du Nord, le panthéon mexicain a la particularité de répartir
les dieux par quartiers de l'espace, auxquels sont associés des
couleurs. Au nord était la résidence de Tezcatlipoca, associé
au noir; au sud, celle de Huitzilopochtli, associé au bleu; à
l'est, celle de Tonatiuh (ou celle de Xipe Totec) associés au rouge
et, à l'ouest, celle de Quetzalcoatl, associé au blanc.
Les autres populations de l'Anahuac vénéraient
à peu près les mêmes dieux que les Aztèques,
seulement, elles ne les adoraient pas toujours de la même façon.
Si, à Mexico, le dieu principal était Huitzilopochtli, c'était
Quétzacoatl à Cholula, Centéotl chez les Totonaques,
Mixcoatl chez les Otomis. Les Tlaxcaltèques, rivaux des Aztèques,
adoraient néanmoins les mêmes dieux; mais chez eux Huitzilopochtli
portait le nom de Camaxtlé.
-
Les
principes créateurs
•
Ometecuhtli ou Ometeuctli (deux-seigneur) et Omecihuatl
(deux-femme) étaient les essences masculine et féminine du
principe créateur Ometeotl, qui, dans le ciel le plus
haut, nommé Ilhuicatl-Omeyocan (le ciel de la dualité),
habitaient la cité enchantée d'Omeyecualiztli, séjour
de tous les plaisirs. De là, ces divinités, marquées
du signe de la dualité (ome = deux) veillaient sur le monde.
Ometecuhtli était chargé de donner aux hommes leurs inclinations,
et Omecihuatl de présider à celles des femmes.
On
racontait qu'Omecihuatl, déjà mère de nombreux enfants,
mit un jour au monde un couteau de silex que ses fils indignés lancèrent
sur la terre. En tombant, le couteau donna naissance à mille six
cents demi-dieux. Ceux-ci, ne trouvant personne pour les servir - la terre
venait d'être dépeuplée par un fléau - envoyèrent
une ambassade à leur mère pour lui demander le don de créer
des hommes.
La
déesse répondit que, si leurs pensées eussent été
dignes de leur origine, ils seraient venus habiter près d'elle.
Étant donné qu'ils préféraient vivre sur la
terre, ils devaient avoir recours à Mictlanteuctli, dieu des enfers,
afin d'obtenir de lui des os humains qu'ils arroseraient de leur sang et
desquels naîtraient un homme et une femme qui se multiplieraient.
Elle les engagea à se méfier du dieu des enfers, qui, après
avoir accédé à leur demande, pourrait se repentir
de sa complaisance. Suivant le conseil de sa mère, un des demi-dieux,
Xolotl, descendit au centre de la terre. Après avoir obtenu ce qu'il
désirait, il s'éloigna en courant. Mis en méfiance
par cette fuite, Mictlanteuctli le poursuivit; mais, n'ayant pu l'atteindre,
il rentra dans son empire.
Dans
sa fugue précipitée, Xolotl fit une chute et rompit en plusieurs
morceaux d'inégale grandeur l'os qu'il portait. Il ramassa ces débris,
rejoignit ses frères, puis, les précieux fragments ayant
été placés au fond d'un vase, chacun les arrosa de
son sang. Le quatrième jour naquit un garçon, et le septième
jour une fille, enfants que Xolotl se chargea de nourrir avec du suc de
chardon. De cette tradition est née la coutume, si commune parmi
les populations de l'Anahuac, de se saigner fréquemment sur quelque
partie du corps. En outre, la cause de la différence de taille qui
se remarque parmi les hommes s'expliquait, pour les Aztèques, par
la grosseur inégale des fragments de l'os brisé.
Ométeuctli
se nommait aussi Citlatonac, et Omecihuatl, Citlaticue. Ométeuctli
est le père des quatre dieux ordonnateurs du monde, auxquels
ont assignées de couleurs et des directions de l'espace :
Tezcatlipoca (Tezcatlipoca noir) au Nord, Quetzalcoatl (Tezcatlipoca blanc)
à l'Ouest, et Huitzilopochtli (Tezcatlipoca bleu) au Sud, et Xipe-Totec
(Tezcatlipoca rouge) à l'Est.
Les grands dieux
• Tezcatlipoca
(miroir luisant) était, avec Huitzilopochtli, Quetzalcoatl et Xipe
Totec, l'un des quatre dieux organisateurs du monde, et les images qui
le représentaient tenaient toujours un de ces instruments à
la main. On le nommait aussi «-Ame
du monde », car il passait pour le créateur du ciel et de
la terre, pour le maître de toutes choses, pour la Providence. On
le personnifiait sous les traits d'un jeune homme, car les ans ne pouvaient
rien sur lui, et pour cette raison on le nommait aussi Telpuctli.
C'était ce dieu qui récompensait les justes, et qui châtiait
les méchants en les affligeant de maladies. Cependant, sous le nom
de Nécoc-Yaotl (semeur de discordes), il passait pour armer
les hommes et les porter à s'entre-détruire. Dans les villes,
à l'encoignure des rues, existaient des sièges de pierre
ornés de verdure destinés à lui servir de lieu de
repos, sièges sur lesquels il était défendu de s'asseoir.
On le disait descendu du ciel à l'aide d'un fil d'araignée.
A son arrivée sur la terre, il avait combattu, poursuivi et chassé
de l'Anahuac Quetzacoatl.
La
principale image de Tezcatlipoca, richement parée, était
en teotetl (pierre divine), sorte de marbre noir brillant. Ses oreilles
étaient ornées d'anneaux d'or, et de sa lèvre inférieure
pendait un tube de cristal renfermant une plume verte ou bleue simulant
une pierre précieuse. Ses cheveux étaient retenus par un
cordon d'or auquel pendait une oreille du même métal, emblème
de la prière des affligés. Sa poitrine était couverte
d'or massif, et ses bras portaient des bracelets également en or.
Une émeraude figurait son nombril, et il tenait de la main gauche
un éventail d'or garni de plumes multicolores, figurant un miroir
à l'aide duquel il voyait ce qui se passait sur la terre. Parfois,
pour symboliser sa justice, on le montrait assis sur un banc, enveloppé
d'une étoffe rouge sur laquelle étaient brodés des
crânes et des ossements humains. Il tenait alors de la main gauche
un bouclier et quatre flèches, tandis que sa main droite, levée,
se disposait à lancer un dard. Tout son corps était peint
en noir, et sa tête couronnée de plumes de perdrix.
•
Le
dieu de l'air, chez toutes les nations de l'Anahuac, se nommait
Quetzacoatl,
c'est-à-dire serpent orné de plumes. C'était le fils
d'Ométeuctli et de Chalchiuitztli
( = Pointe d'émeraude) On racontait
qu'il avait été grand prêtre de Tula, que c'était
un homme à peau blanche, de haute taille, au front large, aux grands
yeux, aux cheveux noirs et longs, à la barbe touffue. Par décence,
il portait toujours d'amples vêtements, et il était si riche
qu'il possédait des palais d'argent et de pierres fines. Industrieux,
il avait inventé l'art de fondre les métaux et celui de travailler
la pierre. Les lois qu'il avait données aux hommes prouvaient son
savoir, et sa vie austère sa sagesse. Tous les hommes étaient
riches alors et les Aztèques croyaient que le règne de Quetzacoatl
avait été l'âge d'or de la contrée qu'ils habitaient.
Au
milieu de sa prospérité, Tezcatlipoca, pour une raison inconnue,
lui apparut sous la forme d'un vieillard et lui révéla que
la volonté des dieux ordonnait qu'il se rendît dans le royaume
(imaginaire) de Tlapallan. Il se mit aussitôt en route, escorté
de nombre de ses partisans qui chantaient des hymnes. Lorsque Quetzacoatl
atteignit Cholula, les habitants de cette
ville lui confièrent le pouvoir suprême. Les Cholultèques
apprirent de lui à fondre les métaux, art qui les rendit
célèbres par la suite.
Après
un séjour de vingt années à Cholula, Quetzacoatl résolut
de continuer son voyage vers Tlapallan. Les Cholultèques confièrent
le gouvernement de leur ville aux mandataires de leur bienfaiteur, en souvenir
de l'amitié qu'il avait pour eux. Peu à peu, le bruit de
la mort de Quetzacoatl se répandit; il fut alors proclamé
dieu par les Toltèques de Cholula,
puis déclaré protecteur de leur cité, au centre de
laquelle ils élevèrent en son honneur une haute montagne
qu'ils couronnèrent d'un temple. De Cholula, le culte de Quetzacoatl,
vénéré comme dieu de l'air, s'étendit dans
tout le pays. Quetzalcoatl avait disparut en annonçant son retour
à la tête d'hommes au visage blanc, et, comme on sait, les
Indiens crurent sa prophétie accomplie lors du débarquement
des Espagnols sur les côtes de leur pays.
D'après
Sahagun, les ornements les plus ordinaires des images de Quetzacoatl étaient
une mitre tachetée comme la peau d'un tigre, une chemisette brodée,
des boucles d'oreilles en turquoises, puis un collier d'or supportant de
fins coquillages. Les jambes de ces images étaient serrées
dans des guêtres en peau de tigre, et
leurs
pieds chaussés de sandales noires. A leur bras gauche pendait un
bouclier, et elles tenaient de la main droite un sceptre garni de pierres
précieuses, insigne dont l'extrémité se recourbait
comme celle de la crosse d'un évêque.
•
Huitzilopochtli,
Uitzilopochtli
ou Mexitli, le terrible dieu de la guerre, dont le nom signifie
le guerrier gaucher, était sans contredit la divinité la
plus honorée chez les Aztèques, qui se considéraient
comme ses protégés spéciaux. Les uns prétendaient
que ce dieu était un pur esprit, d'autres qu'il était de
nature humaine. Sa mère, Coatlicue, avait été mise
enceinte par une boule de plumes. Les fils de celle-ci, redoutant la honte
qui rejaillirait sur eux de sa délivrance, résolurent de
la tuer. Excités par leur soeur Coyolnauhqui, plus exaltée
qu'eux, ils sedisposaient à commettre le crime qu'ils avaient prémédité,
lorsque naquit Huitzilopochtli, un bouclier dans la main gauche, un dard
dans la main droite, la tête surmontée d'un panache vert,
le visage rayé d'azur, la jambe gauche ornée de plumes. Aussitôt
né, il fit apparaître un serpent qui, transformé en
torche, consuma Coyolnauhqui, comme la plus coupable. Éclairé
par ce flambeau, le dieu se précipita lui-même sur ses frères
et les massacra. Ces faits consternèrent ceux qui en furent témoins
et valurent au terrible nouveau-né le nom de Tétzahuitl
(épouvante).
Protecteur
attitré des Aztèques, ce fut Huitzilopochtli, selon leurs
traditions, qui les amena près des lacs au milieu desquels ils fondèrent
la ville de Mexico. Là, ils érigèrent cet immense
temple si vanté par les Espagnols, où se dressait une statue
colossale de la féroce divinité. Cette statue était
de bois et d'une taille gigantesque; elle le représentait assis
sur un siège peint en bleu, aux quatre angles duquel sortait un
serpent monstrueux. Son front était peint de même en bleu,
sa figure et le derrière de sa tête étaient couverts
d'un masque d'or, au-dessus duquel un second était attaché
à la nuque. Sur sa tête, il portait un casque de la forme
d'un bec d'oiseau, orné de plumes; au cou, un collier composé
de dix coeurs humains en or. Il tenait dans la main droite une grosse
massue bleue ou une sorte de sceptre torse bleu, et à la gauche,
un bouclier orné de cinq bouquets de plumes, figurant une croix.
•
Xipe
Totec (le chauve ou l'écorcheur, de Xipeua = écorcher)
était était seulement considéré par les Aztèques
comme le dieu des orfèvres; mais il était la principale divinité
des populations qui habitaient les bords de la mer; il tirait son origine
de Zapotlan dans la province de Jalisco.
On
le vénérait d'autant plus qu'il se vengeait de ceux qui négligeaient
son culte en les affligeant de maux de tête et d'ophtalmies, sans
compter la gale et les abcès. On lui immolait tous les ans un grand
nombre de victimes humaines. On traînait par les cheveux les victimes
destinées à ses autels. Les prêtres, après les
avoir écorchées, se revêtaient de leur peau et célébraient
devant sa statue une espèce de tournoi ou de jeu de cannes. C'était
là, paraît-il, une menace à l'adresse de ceux qui dérobaient
de l'or ou de l'argent, et que l'on châtiait par ce terrible supplice.
Il
était représenté moitié jaune et moitié
fauve, et vêtu d'une peau humaine, et tenait à deux mains
un sceptre qui se terminait par une tête de pavot d'où sortait
un carquois rempli de flèches.
•
Tlaloc
est le dieu de la pluie et du tonnerre. Il porte un masque.
C’est le protecteur des paysans. Il avait pour compagne Chalchiuhtlicue
et était le frère de
Tezcatlipoca, avec lequel ou le confond parfois. Garcilaso
de la Vega dit qu'ils partageaient entre eux le pouvoir souverain sur
la guerre, et qu'ils étaient égaux en forces et uniformes
en volonté. C'est pourquoi, ajoute-t-il, on ne Ieur offrait, à
tous deux qu'une même victime, et les prières s'adressaient
également à l'un et à l'autre. II apparaît cependant
que les attributions des deux frères étaient plus distinctes
que ne le fait entendre cet auteur.
Tlaloc
habitait sur la crête des montagnes, et sa demeure, Tlalocan, était
abondamment pourvue de nourriture. Là habitaient les déesses
des céréales et, en particulier, du maïs.
Tlaloc
possédait quatre cruches contenant l'eau dont il se servait pour
arroser la terre. L'eau de la première était bonne et faisait
pousser le maïs et les fruits; celle de la deuxième faisait
naître les toiles d'araignée et provoquait la maladie des
céréales; celle de la troisième se transformait en
gelée et celle de la dernière faisait périr tous les
fruits.
Le
culte de Tlaloc était le plus horrible de tous. Quantité
d'enfants et de nourrissons lui étaient sacrifiés. Pour les
fêtes en son honneur, les prêtres partaient à la recherche
d'un grand nombre de bébés et les achetaient à leurs
mères. Après les avoir tués, ils les faisaient cuire
et les mangeaient. Si les enfants pleuraient et versaient d'abondantes
larmes, les spectateurs s'en réjouissaient et disaient que la pluie
était proche.
•
Le soleil et la lune, le premier sous le nom de Tonatiuh, la seconde
sous celui de Mezili, furent divinisés par les Aztèques.
Le genre humain reconstitué, tous les demi-dieux eurent leurs serviteurs
et leurs partisans. Mais le soleil primitif s'étant éteint,
ils se réunirent à Teotihuacan autour d'un grand feu, et
déclarèrent à leurs serviteurs que celui d'entre eux
qui oserait se jeter dans ce brasier serait transformé en soleil.
Aussitôt
un homme plus intrépide que ses compagnons, Nanahuatzin, se précipita
dans les flammes et descendit en enfer. Les assistants demeurèrent
dans l'attente, très anxieux de savoir sur quel point du ciel allait
apparaître le nouveau soleil. Enfin, l'astre se leva du côté
nommé depuis lors orient, puis, à peine au-dessus de l'horizon,
il se tint immobile. Les demi-dieux l'invitèrent à continuer
sa course, et le soleil répondit qu'il le ferait lorsqu'ils seraient
tous morts.
Cette
réponse consterna les demi-dieux; un d'eux, nommé Citli,
saisit son arc avec colère et lança vers le soleil une flèche
que celui-ci évita en s'inclinant. Citli, sans plus de succès,
lança deux autres flèches. Irrité à son tour,
le soleil repoussa un des dards vers le provocateur et le lui cloua sur
le front, blessure dont mourut l'audacieux. Consternés du malheur
arrivé à leur frère et ne pouvant lutter contre le
soleil, les demi-dieux résolurent de mourir par la main de Xolotl,
qui, après leur avoir ouvert à tous la poitrine, se tua ensuite
lui-même.
Les
hommes demeurèrent attristés de la mort de leurs maîtres.
Mais bientôt Tezcatlipoca ordonna à l'un d'eux de se rendre
au séjour du soleil et de le prévenir que, pour le voyage
qu'il devait entreprendre sur la mer, on lui disposerait un pont de baleines
et de tortues. Le dieu apprit lui-même au messager une chanson que
celui-ci devait chanter durant sa mission. De là, selon les Aztèques,
venait non seulement la découverte de la musique, mais leur coutume
de célébrer la fête de leurs dieux par des chants et
des danses.
Un
mythe à peu près semblable à celui qui se rapportait
à la naissance du soleil avait cours pour celle de la lune. Imitant
l'exemple de Nanahuatzin, un homme s'était jeté dans le foyer
allumé à Teotihuacan; seulement, les flammes ayant diminué
d'intensité, il en sortit moins brillant que son prédécesseur,
et fut transformé en lune. Dans les plaines de Teotihuacan, existent
les ruines des deux temples dont l'un (la "Pyramide du soleil"), dédié
à l'astre du jour et l'autre (la "Pyramide de la lune") à
celui de la nuit, consacraient cette antique tradition.
• Alors
que Tezcatlipoca était la personnification du bon principe,
et Mictlanteuctli était celle du mauvais. Lui et Mictlancihuatl,
sa soeur et sa compagne (car il ne paraît pas que les Mexicains aient
jamais regardé leurs dieux comme mariés), étaient
des divinités infernales. On croyait qu'ils habitaient un lieu obscur
et froid, situé vers le nord ou dans les entrailles de la terre
: on nommait aussi le dieu des Enfers Tzanternac, ce qui, d'après
Torquemada , signifie celui qui baisse la tête, mais qui semble pouvoir
faire dériver plus naturellement du mot tzantetl, qui signifie
rebelle.
Le
temple de ces dieux, sur lequel les Espagnols nous ont donné, d'ailleurs,
fort peu de détails, se nommait Tlaxica, ou le nombril de la terre.
Mictlanteuctli et Mictlancihuatl, étaient très honorés.
On leur offrait des sacrifices nocturnes, et leur grand prêtre se
peignait le corps en noir pour remplir ses fonctions.
•
Xiutécuhtli,
le dieu Turquoise, est le dieu du feu et de l'année. On l'appelle
aussi l'Ancien dieu (Huehueteotl) ou encore Xiuhcoatl
(= Serpent de feu) est le dieu qui guide le Soleil dans sa course. C’est
également le dieu du feu et du foyer. Il porte une couronne d’étoiles.
Le serpent turquoise fournit ses vêtements et il est représenté
avec un visage rouge ou jaune. Les trois pierres du foyer sur lesquelles
reposent la plaque de cuisson et la marmite lui sont consacrées.
Il descendit sur la terre dans l'âge du feu, ou second cycle, appelé
Tlatonatiuh, ou l'âge rouge.
•
Cihuacoatl
ou Cihuacohuatl (Femme-serpent). était considérée
comme la première femme qui eût enfanté, et elle mettait
invariablement au monde des jumeaux. Elle se laissait souvent voir, toujours
richement parée et chargée d'un berceau au fond duquel reposait
un nouveau-né; cette apparition présageait un malheur. Les
Aztèques voyaient une incarnation de cette déesse dans le
tabac. |
•
Centeotl (de centli = maïs mûr, et teotl = divinité),
est une divinité dont le genre - masculin ou féminin
- différait selon les traditions ou les auteurs. La forme
masculine portait les noms de Cintéotl et Centeotltecuhtli
(le Seigneur du maïs), sa forme féminine ceux de Chicomecóatl
et de Centeotlcíhuatl (la Dame du maïs). Ce dieu ou déesse
était qualifié de tonacayohua (= soutien de notre
chair). Outre la divinité du maïs, Centeotl était aussi
la divinité de l'ébriété et celle des lapidaires,
car elle passait pour être l'un des quatre inventeurs de l'art de
tailler les pierres précieuses. Sa chapelle était la quarante-cinquième
du grand temple de Mexico; on y sacrifiait chaque année un jeune
homme portant ses insignes, ainsi que des captifs. Certains lui donnaient
pour mère (ou bien pour épouse) Xochiquétzal, déesse
associée à la sexualité, patrone des accouchements
et des artisans et des artistes, et pour père Piltzintecuhtli ,
dieu du soleil naissant et des substances hallucinogènes.
Sous
sa forme féminine, c''était une sorte de Déméter
était surtout adorée par les Totonaques, habitants du littoral
de Veracruz, qui voyaient en elle leur principale
protectrice. Ils lui édifièrent au sommet d'une montagne
un temple imposant desservi par de nombreux prêtres, temple dans
lequel se rendaient des oracles. Les Totonaques affectionnaient cette divinité
qui repoussait les victimes humaines et se contentait de l'immolation de
cailles, de tourterelles et de lapins. Ils croyaient qu'elle les défendait
contre les dieux qui réclamaient du sang.
A Mexico,
c'est pendant le quatrième mois, Hueytozotli, que l'on célébrait
la fête de Centeotl. Après avoir présenté à
sa statue les prémices du maïs, on célébrait
devant la divinité une espèce de combat simulé. Dans
le huitième mois, nommé Hueytecuhilhuitl, on la fêtait
de nouveau sous le nom de Xilonen. A cette époque, le roi et les
nobles offraient des festins au peuple pendant l'espace de huit jours,
au bout desquels on sacrifiait une femme qui portait son costume et à
qui l'on donnait son nom.
Lors
des fêtes de Centeotl, le seuil des maisons était arrosé,
dès le matin, par le sang que chacun de leurs habitants devait se
tirer des oreilles; en outre, toutes les portes se garnissaient de palmes
ou de joncs, coutume qui rappela aux Espagnols celle du jour des Rameaux.
Bien que Centéotl, chez les Totonaques, se contentât d'offrandes
de fleurs, de fruits et plus particulièrement d'épis de maïs,
les prêtres aztèques n'hésitaient pas à lui
sacrifier des animaux et des victimes humaines.
•
Xoalteuctli
, dieu de la nuit, était, selon les uns, une personnification de
la lune, selon les autres, une divinité distincte, Xoaticitl (déesse
des berceaux). Il protégeait particulièrement les prêtres
qui étaient chargés de veiller la nuit dans les temples,
et l'on croyait que c'était lui qui envoyait les songes. Son nom
signifie le médecin nocturne, et il était le dieu des enfants
au berceau.
Les dieux secondaires
• En
tête des dieux considérés comme secondaires par la
mythologie aztèque, vient se ranger Xacateuctli ou Yacatécutli
(celui qui guide), lequel présidait au commerce. Les négociants
aztèques, très nombreux et très bien organisés,
le fêtaient deux fois par an, par des sacrifices et des banquets.
•
Mixcoatl
(Serpent des nuages) était la principale divinité et le dieu
de la chasse des Otomis, qui, vivant dans les forêts, étaient
presque tous chasseurs. Les Aztèques le regardaient aussi comme
le dieu de la chasse, et célébraient sa fête dans le
quatorzième mois, nommé Quetcholli, par une chasse générale
dont on lui offrait les prémices. On lui immolait aussi des enfants,
et l'on croyait que les âmes de ceux qui avaient été
ainsi sacrifiés venaient tous les ans conduites par un serpent nommé
Xiuhcoatl , pour assister à sa fête. Ce dieu possédait
deux temples à Mexico.
•
Opochtli
(Main gauche ou celui qui est à gauche) était aussi un dieu
de la chasse et de la pêche : on croyait que c'était lui qui
avait inventé les filets et autres engins destinés à
capturer le poisson, ainsi que l'usage des rames. Son idole était
noire et vêtue d'une étole verte. Quelques auteurs l'ont confondu
avec Amimitl, divinité des Otomis.
•
Amimitl,
adoré particulièrement à Cuitlahuac, ville située
dans une petite île du lac Chalco, était considéré
comme le dieu de la pêche. On le redoutait beaucoup, parce qu'on
croyait que c'était lui qui envoyait les dysenteries, les maladies
de poitrine et en général toutes celles qui sont causées
par l'humidité.
•
Les nombreuses salines qui existent encore autour de Mexico occupaient
de nombreux ouvriers, et ils avaient pour protectrice Huixtocihuatl,
déesse du sel, à laquelle on sacrifiait des jeunes filles.
•
La déesse Tlapotlazénan ou Tzapotzaltenan présidait
à l'art de guérir. On lui avait donné ce nom,
parce qu'elle était la principale divinité de Tuapula et
on lui attribuait la découverte des principaux médicaments
en usage, et surtout celle de l'uxitl, sorte de térébenthine
qui servait de base aux onguents.
•
Ixtlilton
(Visage noir), nommé aussi Tlatetecuin ou
Tlaltecuin
(Celui qui frappe ou creuse la terre), semble avoir présidé
aussi à la médecine. Les pères portaient dans
son temple leurs enfants malades, et s'efforçaient de faire danser
les pauvres petits devant l'idole, leur dictant les prières qu'ils
devaient réciter pour recouvrer la santé. Après cette
cérémonie, les enfants buvaient une liqueur préparée
par les prêtres.
•
Tezcatzoncatl,
dieu du vin, était désigné sous plusieurs noms peignant
les effets de l'enivrante boisson qu'il avait inventée. On l'appelait
Téquéchmécaniani
(celui qui étrangle) ou Téotlahuiani (celui qui submerge).
Trois cents prêtres, dans la seule ville de Mexico, étaient
consacrés à son culte. Le jour où l'on célébrait
sa fête, le prêtre chargé de le représenter se
chaussait de sandales blanches, parait ses cheveux de plumes de héron,
et ornait le manteau dont il se. couvrait les épaules de petits
coquillages blancs.
•
Coatlicue
ou Coatlantona (Jupe de couleuvre), déesse de la terre cultivée
et des fleurs, était la mère de Huitzilopochtli. Les jardiniers,
à l'entrée du printemps, lui offraient des guirlandes de
fleurs habilement tressées, art charmant dans lequel les Indiens
excellent encore.
•
Coyolxauhqui
ou Cojolxauqui (= Celle qui a des grelots peints sur le visage)
est la déesse aztèque de la Lune. Elle est la soeur des Centzon
Huitznahua (les 400 astres du Sud), avec qui elle s’est associée
pour combattre leur frère Huitzilopochtli. Décapitée
à la fin, elle est le symbole du triomphe du Soleil sur les ténèbres.
•
Tlazoltéotl
ou Tlacalteutli se nommait aussi Ixquina ( = la Dernière)
et Tlaquani (= la Mangeuse d’immondices). C'est une déesse venue
du nord de la côte du Golfe du Mexique et tardivement introduite
dans le panthéon aztèque. Incitatrice à la luxure,
elle est associée à tout ce qui est charnel. Et à
ce titre, elle préside aussi à l'enfantement.
Ses
prêtres, au nom de Tezcatlipoca, avaient le droit d'accorder un pardon
absolu aux coupables qui venaient leur avouer leurs erreurs ou leurs crimes,
et c'était là une véritable confession auriculaire.
Le pénitent devait éviter de retomber dans les péchés
dont il avait obtenu l'absolution, car Tezcatlipoca ne pardonnait la même
faute qu'une seule fois.Des sacrifices humains lui étaient également
offerts (on revêtait la statue de la déesse de la peau de
la victime).
Tlazoltéotl
avait quatre soeurs, qui comme elle étaient les déesses de
l'amour charnel : Tiacapan, Teicu (la cadette), Tlaco (de Tlacotla =
aimer) et Xocoyotzin ou Xucotzin. Elles correspondaient, par leurs
attributions, à la Vénus impudique
des Anciens.
•
Cihuacoatl
(= Femme-serpent) est la déesse de la terre-mère, elle
préside aux naissances. Elle est également la protectrice
des femmes mortes en couches.
•
Napateuctli
(Quatre fois seigneur) possédait une chapelle - deux d'après
Sahagun - dans le grand temple de Mexico. Il était le protecteur
des ouvriers en sparterie. On le disait bon, libéral et toujours
prêt à pardonner les injures, il passait pour être un
des ministres de Tlaloc.
•
Omacatl
ou Oméacatlomacatl (Deux-roseau) est appelé par Sahagun
le dieu de la joie mais des réjouissances. Il assistait, du moins
en image, aux banquets que donnaient les grands seigneurs. Dans ces occasions
on empruntait au temple la statue consacrée à ce dieu, et
on la plaçait au milieu des convives. Négliger ce soin, c'eût
été s'exposer à un malheur. La description que Sahagun
fait de sa représentation est presque entièrement semblable
à celle de Xiutécuhtli, le dieu du feu.
•
Tonantzin
(Notre mère) est considérée comme la mère du
maïs. Son temple s'élevait près d'une colline, à
3 kilomètres de Mexico. Presque au même endroit se dresse
aujourd'hui le sanctuaire catholique de Notre-Dame de Guadalupe, vierge
prétendument apparue à l'Indien Juan Diégo, et que
les Mexicains modernes ont adoptée pour patronne. Jusqu'en 1853,
le clergé toléra que les Indiens, vêtus comme ils l'étaient
au temps de Montezuma, se livrassent à la danse dans l'intérieur
même de la chapelle. Par la suite, l'archevêque de Mexico a
cru devoir interdire ces divertissements, qui s'exécutaient autrefois
en l'honneur de Tonantzin. Mais les Indiens sont tenaces dans leurs coutumes
: chassés de l'église, ils dansent maintenant sur son parvis.
•
Téotéoïnan,
comme l'indique le sens aztèque de son nom, était la mère
des dieux; les blanchisseuses l'invoquaient sous le nom de Técitzin.
•
Chicomecoatl
(= Sept-Serpent) est la déesse de l’eau et du maïs. On
lui suppose une forme archaïque à Teotihuacàn où
l’on a découvert une tablette ornée d’un oeil de serpent
accompagnée du chiffre sept.
•
Ilamateuctli
(la Vieille déesse). On lui sacrifiait une femme dans le dix-septième
mois, nommé Tititl. Peut-être une autre désignation
de Centeotl (ou la Terre). Quelques auteurs, induits en erreur par son
nom, l'ont prise pour la déesse de la vieillesse.
•
Aguar,
selon Cabeza de Vaca, était la divinité principale de la
province de Jalisco. On croyait qu'il avait créé toutes choses
et demeurait dans le ciel; mais ils n'en avaient pas de représentation
, et on le regardaient comme un pur esprit.
•
Iacateuctli
(le Seigneur qui nous guide) était le dieu du commerce. On le représentait
en costume de voyage, et un bâton à la main. Sa figure était
tachetée de blanc et de noir, ses oreilles étaient en or,
et il portait sur la tête deux panaches de plumes vertes. Il était
vêtu d'un manteau bleu, couvert d'un filet noir et brodé de
quelques fleurs. Il avait aux pieds des sandales bien travaillées,
attachées par des courroies de cuir jaune ornées de coquillages.
D'après Sahagun, il avait cinq frères, nommnés Chiconquiahuitl,
Xomoquil, Nacxitl, Cochimetl et Yacopitzaoatl. Ce ne sont peut-être
que des surnoms de la même divinité. Sa fête de se célébrait
dans le neuvième mois, nommé Tlaxuchimaco. On y sacrifiait
un grand nombre de victimes, et cette fête était d'autant
plus brillante que les marchands étaient très riches et très
considérés. Ils regardaient aussi leurs bâtons de voyage
comme des espèces de dieux pénates, et, à la fin de
chaque journée, ils les réunissaient en un faisceau, et leur
sacrifiaient en se tirant du sang de diverses parties du corps avec des
épines d'agave.
•
Macuilxochitl
(Cinq fleurs) était, selon les uns, un des surnoms de la déesse
Chalchiuhtlicue,
compagne de Tlaloc, et, selon d'autres, une divinité particulière
qui présidait aux fleurs. On le représentait sous la figure
d'un homme écorché ou peint en rouge; sa bouche et sa barbe
étaient peintes de noir, de blanc ou de bleu clair. Il portait une
couronne d'un vert clair avec un panache de la même couleur. Il avait
autour du corps une pièce d'étoffe rouge qui lui pendait
jusqu'au milieu des cuisses. Ce dieu portait au bras gauche un bouclier
blanc, sur lequel étaient quatre pierres placées deux par
deux; il tenait dans la main droite un coeur, surmonté d'un panache
vert d'où pendaient des houppes de plumes vertes et jaunes.
•
Nappatecachtli
(Quatre fois seigneur) était le dieu des fabricants de nattes. Son
image était toute noire avec des taches blanches sur la figure.
Sa tête était ornée d'une couronne blanche et noire,
surmontée de trois panaches de plumes vertes; elle avait autour
des reins une étoffe blanche et noire qui pendait jusqu'aux genoux;
ses sandales étaient blanches : il portait dans la main gauche une
feuille de nénuphar, et dans la droite une écharpe blanche
peinte de fleurs noires.
•
Miquizili,
la Mort, semble n'avoir été rataché à aucune
mythe. Cette divinité était pourtant adorée et figurée
par un monstre prêt à saisir une invisible proie.
•
Ehecatl
est le dieu huastèque du vent. On le représente sous la forme
d’un singe (ozomatli) dans la culture aztèque, où
il est rapproché de Quetzalcoatl.
•
Yocipa,
que l'on nommait aussi Otonteuctli , n'était adoré
que chez les Otomis.
•
Xochipilli
(= Prince des fleurs) est le dieu du printemps, de la danse, de la musique,
de la poésie et de l’amour.
• Tlahuizcalpantecuhtli
(= Seigneur de la maison de l’aube) est le dieu de l’étoile
du matin (planète
Vénus), il est identifié à Quetzalcoatl, seigneur
de l’Aurore. Parfois divinité de mauvais augure, propagateur des
maladies.
Groupes de divinités
• Les
Cihuapipilli
étaient les femmes mortes en couches. Après leur mort elles
allaient par bandes dans l'air et donnaient des paralysies et d'autres
maladies aux enfants, en entrant dans leur corps. C'était particulièrement
dans les carrefours qu'elles exerçaient leurs maléfices.
Pour les éviter il y avait des jours de l'année où
les parents ne laissaient pas sortir leurs enfants. Pour les apaiser, on
leur offrait, dans leurs temples et dans les carrefours, des pains qui
avaient la forme de divers animaux. On les représentait pâles
et vêtues de blanc rayé de noir; leurs cheveux étaient
relevés sur leur front, de manière à former des cornes
qui se croisaient.
•
Les Tepitoton (= les petits dieux) étaient des dieux domestiques,
sortes de pénates, que l'on représentait par des figurines.
Les rois devaient posséder six de ces statuettes dans leur demeure,
les nobles quatre et les plébéiens deux. Sur les routes et
dans les rues des villes, ces images se voyaient par centaines. Il
semble qu'ils représentaient les compagnons de Tlaloc.
[Les
"Centzon" ou "400" , autrement dit "les Innombrables" :]
• Les
Centzon
Huitznahua ou Centzonhuitznahua (= les quatre cents astres
du sud) sont les fils de la déesse Coatlicue, frères
de Coyolxauhqui et de Huitzilopochtli. Ils voulaient mettre à mort
leur mère parce qu'elle avait conçu miraculeusement le dieu
Huitzilopochtli, mais ils furent égorgés par celui-ci. Leurs
représentants, ainsi qu'un grand nombre de captifs, étaient
annuellement sacrifiés en l'honneur de leur vainqueur, lors de la
fête panquetzaliztli, dans la 17e chapelle du grand temple de Mexico,
appelée Huitznahuac teocalli.
• Les
Centzon
Mimixcoa (= les quatre cents serpents des Nuages) étaient
les frères des Centzon Huitznahua. Ils pésidaient aux astres
du Nord.
• Les
Centzon
Totochtin ou Centzontotochtin (= les quatre cents lapins)
sont les quatre cents dieux de l’ivresse provoquée par l’absorption
de pulque (sève d’agave fermentée). Ce sont les compagnons
de Tezcatzoncatl. Quelques villes leur offraient des esclaves en sacrifice.
Il semble que c'étaient celles où l'on cultivait l'agave
pour la fabrication du pulque. La 44e et la 65e chapelles du grand temple
de Mexico leur étaient consacrées et on y sacrifiait, la
nuit, lors de la fête de Tepeilhuitl, trois captifs auxquels on donnait
les noms de tepuztecatl, toltecalt et papaztac.
|
La figuration
des dieux.
Les divinités
grecques, selon la juste remarque de Orozco, laissaient admirer à
leurs dévots leurs formes correctes, caressées avec amour
par le pinceau des peintres ou le ciseau des sculpteurs, et les déesses
montraient avec une impudique placidité leurs grâces plastiques.
Chez les Aztèques, les images des dieux sont effrayantes, et le
plus souvent défigurées par un symbolisme fantastique. Les
représentations des dieux aztèques sont chastes d'attitude
et toujours couvertes de vêtements. Elles portent l'empreinte d'imaginations
sévères, rudes, mélancoliques, qui ne sacrifient pas
aux raffinements sensuels, et cherchent le respect dans la terreur.
-
Mictlantecuhtli,
dieu de la mort.
Les métamorphoses.
Il y a, dans la mythologie mexicaine,
quelques exemples de métamorphoses.
Ainsi l'on racontait qu'un nommé Xapan, ayant résolu de faire
pénitence sur une montagne, fut tenté par une femme et commit
un adultère. Il fut aussitôt décapité par Xaotl,
que les dieux avaient chargé de veiller sur sa conduite. Non content
de ce châtiment, Xaotl poursuivit la femme, qui fut transformée
en scorpion. Les dieux, considérant alors que leur mandataire avait
outrepassé sa mission, le métamorphosèrent à
son tour en sauterelle. C'est à la honte du délit qui lui
avait valu sa transformation que les Aztèques attribuaient la coutume,
bien connue des naturalistes, qu'a le scorpion de se cacher sous les pierres
et de fuir la lumière.
Le calendrier aztèque
Outre les dieux que nous venons d'énumérer,
la mythologie mexicaine en comptait deux cent soixante autres auxquels
étaient consacrés autant de jours de l'année. Les
noms des jours des treize premiers mois du calendrier
aztèque sont aussi ceux de divinités secondaires.
La nécessité de bien connaître
les jours heureux ou néfastes et de fixer
les nombreuses fêtes de leur religion, a
poussé les Aztèques à un calcul précis du temps.
Mais des considérations astrologiques
ont singulièrement compliqué leur système de computation.
En voici un très sommaire aperçu : l'année
mexicaine, ou tonalpohaualli, se composait de 365 jours, répartis
en 18 vingtaines, auxquelles on ajoutait 5 unités complémentaires.
Ces vingtaines, appelées faussement mois
par les Espagnols, portaient le nom de la fête qui se célébrait
leur dernier jour. Elles provenaient d'un cycle, nommé tonalamatl,
sans doute employé antérieurement à l'année
solaire et auquel les Mexicains restaient très attachés.
Il était formé de 260 jours groupés à la fois
en 20 treizaines de chiffres et en 13 vingtaines de signes. Parvenu à
la fin du cycle, on reprenait les séries à leur origine.
Chaque jour était ainsi pourvu d'un signe et d'un chiffre dont on
continua à se servir pour marquer les dates de l'année solaire.
Par ce système le premier jour de l'année ne reprenait le
même chiffre et le même signe que tous les 52 ans. Mais pour
distinguer au cours de l'année le 1er
jour du 261e ou par exemple le 8e
du 268e, portant respectivement les mêmes
caractéristiques, les Aztèques faisaient intervenir 9 divinités
qui régissaient à tour de rôle la destinée des
jours, les Yohualtecuhtin, ou « Seigneurs de la nuit », dont
l'une des effigies, placée successivement devant les chiffres et
les signes journaliers du calendrier, évitait toute confusion (260
n'étant pas divisible par 9, le 261e
jour n'avait pas la même effigie que le Ier).
En dehors du tonalamatl et de l'année
solaire, la révolution synodique de
Vénus
servait aussi aux Aztèques pour mesurer le temps. L'année
vénusienne compte 584 jours. La combinaison de ces trois cycles
créait d'autres périodes dans le détail desquelles
nous ne pouvons entrer ici.
Le calendrier réglait la vie rituelle
marqué par de nombreux sacrifices humains, destinés à
régénérer le Soleil et à retarder la fin du
monde en nourrisant avec du sang les dieux garants de l'ordre cosmique;
le sang étant considéré comme l'énergie à
la fois des corps et du cosmos.
Les sacrifices humains
Tous
les historiens conviennent que nulle part les sacrifices
humains n'ont été organisés plus en grand que
dans le Mexique, et particulièrement chez les Aztèques. C'était
dans la vue d'immoler paisiblement des hommes à leurs dieux que
les Aztèques épargnaient le sang de leurs ennemis pendant
la guerre, et qu'il s'efforçaient de faire un grand nombre de prisonniers.
Montezuma ne fit pas difficulté d'avouer à Cortez
que, malgré le pouvoir qu'il avait de conquérir une fois
pour toutes la province de Tlaxcala, il se refusait cette gloire, pour
ne pas manquer d'ennemis, c'est-à-dire pour assurer des victimes
à ses temples.
Herrera
nous fournit les détails des cérémonies du sacrifice.
On rangeait les victimes sur une longue file environnée d'une multitude
de gardes. Un prêtre descendait du temple, vêtu d'une robe
blanche, bordée par le bas de gros flocons de fil, et portant dans
ses bras la représentation d'une divinité composée
de farine de maïs et de miel. Elle avait les yeux verts et les dents
jaunes. Le prêtre descendait les degrés du temple avec beaucoup
de précipitation. Il montait sur une grande pierre qui était
comme attachée à une plate-forme fort haute, au milieu de
la cour, et qui se nommait quahtixicali. Il passait sur la pierre par un
petit escalier, tenant toujours la statuette entre ses bras; et se tournant
vers les captifs, il la montrait à chacun, l'un après l'autre,
en leur disant : « c'est ici votre dieu. »
Ensuite descendant
de la pierre par un second escalier opposé à l'autre, il
se mettait à leur tête, pour se rendre par une marche solennelle
au lieu de l'exécution, où ils étaient attendus par
les ministres du sacrifice. Le grand temple de Mexico
en avait six, qui étaient revêtus de cette dignité;
quatre pour tenir les pieds et les mains de la victime, le cinquième
pour la gorge et le sixième pour ouvrir le corps. Ces offices étaient
héréditaires et passaient aux fils aînés de
ceux qui les possédaient.
Celui qui ouvrait
le sein des victimes tenait le premier rang, et portait le titre suprême
de Topilzin. Sa robe était une sorte de tunique rouge et
bordée de flocons. Il avait sur la tête une couronne de plumes
vertes et jaunes, des anneaux d'or aux oreilles, enrichis de pierres vertes,
et sur la lèvre inférieure, un petit tuyau de pierre, de
couleur bleu céleste. Les cinq autres avaient la tête couverte
d'une chevelure artificielle, fort crépue et renversée par
des bandes de cuir qui leur ceignaient la moitié du front. Ces bandes
soutenaient de petits boucliers de papier peints de différentes
couleurs qui ne passaient pas les yeux. Leurs robes étaient des
tuniques blanches entremêlées de noir. Le topilzin avait la
main droite armée d'un couteau de caillou, fort large et fort aigu.
Un autre prêtre portait un collier de bois de le forme d'un serpent
replié en cercle.
Aussitôt que
les captifs étaient arrivés à l'amphithéâtre
des sacrifices, on les faisait monter, l'un après l'autre, par un
petit escalier, nus et les mains libres. On étendait successivement
chaque victime sur une pierre. Le prêtre de la gorge lui mettait
le collier; et les quatre autres la tenaient par les pieds et les mains.
Alors le topilzin appuyait le bras gauche sur son estomac; et lui ouvrant
le sein, de la main droite, il en arrachait le coeur, qu'il présentait
au Soleil pour lui offrir la première vapeur qui s'en exhalait,
après quoi se tournant vers la représentation du dieu, qu'il
avait quittée pendant l'opération, il lui en frottait la
face, en accompagnant cette cérémonie de quelques invocations
mystérieuses. Les autres prêtres jetaient le corps du haut
de l'escalier, sans y toucher autrement qu'avec les pieds; et les degrés
étaient si raides, qu'il était précipité dans
un instant. Tous les captifs destinés au sacrifice recevaient le
même traitement jusqu'au dernier. Ensuite, ceux qui les avaient pris,
et qui les avaient livrés aux prêtres, enlevaient les corps
pour les distribuer entre leurs amis, qui les mangeaient solennellement.
Dans toutes les provinces
de l'empire, ce cruel usage était exercé avec la même
ardeur. On voyait des fêtes, où le nombre des victimes était
de cinq mille, rassemblées soigneusement pour un si grand jour.
Il se faisait des sacrifices à Mexico, qui coûtaient la vie
à plus de vingt mille captifs. Si l'on mettait trop d'intervalle
entre les guerres, le topilzin portait les plaintes des dieux à
l'empereur, et lui représentait qu'ils mouraient de faim. Aussitôt
on donnait avis à tous les caciques, que les dieux demandaient à
manger. Ainsi commençait la xoxiyaoyotl ou guerre fleurie
: toute la nation prenait les armes; et sous quelque vain prétexte,
les peuples de chaque province commençaient à faire des incursions
sur leurs voisins pour des razzias destinées à ramenées
le plus de captifs possible.
-
Sacrifice
humain : un prêtre aztèque arrache le coeur
de
la victime pour l'offrir à Huitzilopochtli.
Il y avait d'autres
sacrifices qui ne se faisaient qu'à certaines fêtes, et qui
se nommaient Racaxipe Velitzli, c'est-à-dire écorchement
d'hommes. On prenait plusieurs captifs que les prêtres écorchaient,
et de leurs peaux ils revêtaient autant de ministres subalternes,
qui se distribuaient dans tous les quartiers de la ville, en chantant et
dansant à la porte des maisons. Chacun devait leur faire quelque
libéralité; et ceux qui ne leur offraient rien étaient
frappés au visage, d'un coin de la peau qui leur laissait quelques
traces de sang. Cette cérémonie, qui ne finissait que lorsque
la peau commençait à se corrompre, donnait aux prêtres
le temps d'amasser de rapides richesses.
Dans quelques autres
fêtes, il se faisait un défi entre le sacrificateur et la
victime. Le captif était attaché par un pied à une
grande roue de pierre. On l'armait d'une épée et d'une rondache.
Celui qui s'offrait pour le sacrifie, paraissait avec les mêmes armes;
et le combat s'engageait à la vue du peuple. Si le captif demeurait
vainqueur, non seulement il échappait au sacrifice, mais il recevait
le titre et les honneurs que les lois du pays accordaient aux plus fameux
guerriers; et le vaincu servait de victime.
Enfin dans les grands
temples on nourrissait pendant toute l'année un esclave
qui représentait la principale divinité, et dont le sort,
après avoir joui des honneurs de l'adoration, était d'être
sacrifié à la fin de son règne.
Quoiqu'une partie
des victimes humaines fût sacrifiée, dans le grand temple,
et que les Aztèques eussent l'usage
de manger la chair, ils réservaient les têtes, soit comme
un trophée qui faisait honneur à leurs victimes, soit, à
en croire Herrera, pour se familiariser avec l'idée de la mort.
Le lieu qui contenait
ce dépôt était devant la principale porte du temple,
à la distance d'un jet de pierre. C'était une espèce
de théâtre, de forme longue, bâti de pierres, à
chaux et à ciment. Les degrés par lesquels on y montait étaient
aussi de pierres, mais entremêlés de têtes d'hommes
, dont les dents s'offraient en dehors. Aux côtés du théâtre,
il y avait quelques tours, qui n'étaient composées que de
têtes, en plusieurs compartiments; et, de quelque côté
qu'on y jetât les yeux, on ne voyait que des images de mort. Sur
le théâtre même, plus de soixante poutres, éloignées
de quatre ou cinq palmes les unes des autres, et liées entre elles
par de petites solives qui les traversaient , offraient une infinité
d'autres têtes, enfilées successivement par les tempes. Le
nombre en était si grand, que les Espagnols en comptèrent
plus de 130,000,
sans y comprendre celles dont les tours étaient fabriquées.
La ville entretenait
plusieurs personnes, qui n'avaient d'autre fonction que de replacer les
têtes qui venaient à tomber, d'en remettre de nouvelles, et
de conserver l'ordre établi dans cet abominable lieu.
Le nagualisme
Ajoutons qu'au Mexique et ailleurs en Amérique
centrale
existait une forme de totémisme individuel qui était en même
temps une forme de chamanisme, appelé
nagualisme
par les anthropologues, où l'homme se sentait, à la suite
d'un rêve révélateur, vivre en étroite communion
avec une sorte de double, appelé son nagual ou
nahual
(ou encoure chulel chez les Mayas),
un métamorphe qui apparaissait généralement sous la
forme d'un animal, mais parfois aussi d'une chose ou même d'un
être humain capable de jeter des sorts. (L. Biart /
A. Bertrand / R. d'Harcourt). |
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