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L'Hindouisme |
Aperçu | Doctrines et sectes | Le culte et les pèlerinages |
Originaire de la civilisation védique de l'Inde (deuxième et premier millénaire avant J.-C.), l'hindouisme offre une très grande diversité de croyances et de pratiques. Il ne se reconnaît aucun fondateur ou autorité religieuse. L'hindouisme est basé sur de nombreux textes : les plus anciens sont les hymnes connus sous le nom de Védas; viennent ensuite les commentaires appelés Brâhmanas (Brahmanisme), qui sont de date plus récente; plus voisins de nous encore sont les manuels de dévotion, intitulés Sutras et Upanishads, et les recueils de légendes ou Puranas. Cette religion est caractérisée par la disparition des anciens dieux védiques, réduits à l'état d'entités nominales, par le détrônement, en tant que dieu suprême, de Brahmâ (mascul.) et son association avec deux dieux nouveaux, Vishnou et Shiva (Çiva), pour constituer la Trinité indienne, ou Trimourtî, expression des trois états actifs de l'Ame universelle correspondant aux trois qualités essentielles (gounas) : Brahma se transformant en Brahmâ, le créateur, avec la qualité de radjas (activité); en Vishnou, le conservateur, avec la qualité de sattva (bonté); en Shiva le destructeur, avec celle de tamas (obscurité, passion). Ces dieux eux-mêmes sont vénérés dans leurs manifestations plutôt que dans leur propre personne : Vishnou dans ses incarnations (avatâras), surtout dans celles en Krishna et en Râma, et Shiva dans les personnifications féminines de son énergie, les shaktis (çaktîs) : Pârvatî, Prithivî, Kâli, Dourgâ, etc. De là, les vishnouistes et les shivaïstes, formant les deux grandes sectes. Le culte hindouiste concerne une ou plusieurs divinités, le plus souvent avec la prière rituels au sein de la propre maison des croyants. Le culte a été profondément modifié dans le sens de la superstition par l'invasion des cultes archaïques, du mysticisme et du tântrisme, culte des shaktis de Shiva au moyen de cérémonies magiques, de pratiques de sorcellerie, de formules, figures et gestes mystiques (mantras, vidjas, yantras, moudrâs). Ces pratiques, qui constituent presque exclusivement la religion des classes populaires, sont enseignées dans une série volumineuse de livres nommés Tântras. Ajoutons la vertu rédemptrice attribuée par la religion hindoue à certains pèlerinages (notamment à celui du Gange) et à la prononciation in articulo mortis des noms sacrés de Vishnou ou de Shiva, qui a le pouvoir d'ouvrir immédiatement aux fidèles les portes des paradis respectifs de ces dieux. L'hindouisme à l'épreuve des siècles II est impossible de marquer l'époque où l'hindouisme a pris définitivement sa physionomie actuelle; il est sans doute du même âge que la littérature dont il se réclame; mais la date des Puranas, des Againas, des Tantras est sujette à hypothèses. La question se pose même si complexe qu'il est téméraire d'en espérer une solution; les livres sacrés de l'hindouisme se présentent comme la refonte parfois tardive de textes anciens, identiques en partie à leurs modèles, en partie aussi transformés. Autrefois, par un étrange retournement, l'hindouisme a été présenté comme l'héritier à peine déguisé du bouddhisme antérieur; l'adresse des brahmanes aurait substitué au rituel égoïste et sec de la tradition védique une religion d'amour et de foi, servilement copiée sur le type du bouddhisme. En fait, à travers les maigres renseignements épars, l'hindouisme nous apparaît comme antérieur à la prédication même du Bouddha Sakyamouni. Les hymnes védiques dessinent la figure de Shiva-Roudra en un relief vigoureux, avec une intensité de vie et de réalisme qui détonne dans ce panthéon sacerdotal; le haut rang qu'ils assignent d'autre part à Vishnou ne cadre pas avec le rôle effacé qu'ils lui font jouer dans l'histoire céleste. Les personnages qui doivent former leur cortège se laissent dès lors entrevoir dans une sorte de pénombre. Plus tard, la mythologie populaire du bouddhisme trahit une imitation évidente et ne s'explique que par un hindouisme étrangement analogue à l'hindouisme moderne. Les épopées brahmaniques, Ramayana et Mahabharata, longtemps ballottées au gré d'une critique fantaisiste entre le Xe siècle av. J.-C. et le Xe ap. J.-C., mais rendues finalement à une vénérable antiquité, sont fondées sur le système complet de Les monnaies des Indo-Scythes (L'histoire de la Bactriane) attestent la puissance du shivaïsme aux premiers temps de l'ère chrétienne, et Vasoudeva, synonyme de Krishna, figure dans leur onomastique royale. Les inscriptions des premiers siècles de l'ère chrétienne exaltent la dévotion des plus puissants souverains à Shiva, à Vishnou, au Soleil. Les biographies plus ou moins romanesques du grand docteur Sankara, le champion de l'adualisme védantique, énumèrent un nombre considérable de sectes réformées ou anéanties par leur héros, vers la fin du VIIIe siècle. Les uns adoraient Vishnou sous des aspects divers : Bhaktas, Bhagavatas, Vaichnavas, Pancharatras, Vaikhanasas, Karmahinas; d'autres lui préféraient Shiva : Shaivas, Raudras, Ugras, Bhaktas, Jangamas, Pashupatas; d'autres adressaient leur culte à Brahma, à Agni, au Soleil, soit immatériel, soit concret, à Ganesh et ses six formes, aux épouses diverses des dieux, à Indra, à Kouvéra, à Yama, à Varuna, à Garuda, à Sécha, à Soma, aux Esprits, à l'espace, aux corps célestes, aux lieux saints. L'intervention de Sankara, si puissante que fût sa personnalité, n'a pas sensiblement modifié le développement de l'hindouisme; la propagande armée, souvent fanatique, de l'islam, ne l'a entamé qu'assez faiblement; les prédications des missionnaires chrétiens ne l'ont pas ébranlé. Kala Bhairab, forme terrifiante du dieu Shiva, à Katmandou (Népal). Loin de s'éteindre ou de se transformer, l'hindouisme gagne en vigueur et en force d'expansion; les chemins de fer ont rapproché les pèlerinages et multiplié les pèlerins; les routes ouvertes dans des contrées où elles étaient inconnues ont donné passage au brahmane en quête d'aventures; les chefs gonds ou bhils invoquent de fantaisistes généalogies pour se rattacher aux héros classiques; des tribus tenues à l'écart s'encadrent bon gré mal gré dans le système des castes et y introduisent leurs dieux, leurs légendes et leur iconographie. La caste est à la fois l'arme de conquête et aussi l'arme de défense de l'hindouisme; l'individu enserré dans ce réseau n'en peut plus sortir; la mort civile et la mort sociale l'attendent à l'issue. D'autres forces encore, moins tyranniques, mais également puissantes, maintiennent la tradition : l'éducation domestique, sans aucun complément d'instruction, abandonnée aux femmes, ignorantes autant que dévotes; l'enseignement des écoles primaires, nécessairement fondé sur les textes classiques où la religion pénètre et domine toutes les idées; l'influence spirituelle du gourou, qui ne perd pas de vue son initié et le visite à des intervalles périodiques pour l'entretenir du devoir et du salut; les fêtes religieuses qui traduisent à l'esprit, aux oreilles et aux yeux, dans des cérémonies, des récits, des images, des spectacles, les incidents de l'histoire divine; la lecture publique des grandes épopées, parsemée de commentaires instructifs et de leçons édifiantes; enfin et surtout le sentiment religieux des Hindous et qui se trahit dans leur constante préoccupation du salut, dans leurs conversations pieuses, dans leur goût de dilettantes pour les controverses théologiques et qui les porte toujours à écouter le premier prédicateur venu. Quel que soit l'avenir politique et économique réservé à l'Inde du XXIe siècle, son avenir religieux reste assuré pour longtemps encore. Les mythologies hindouistes La mythologie des Hindous est particulièrement complexe. Une certaine confusion s'ajoute à cela, qui provient à la fois de la nature des documents et du caractère des dieux. Les documents que nous possédons sur cette mythologie datent d'époques très différentes. Or les mythes hindous n'ont pas cessé de se modifier; le panthéon indien n'est pas demeuré immuable; depuis la composition du premier hymne védique jusqu'à la compilation des dernières Puranas, l'imagination mythologique n'a jamais été en repos. En second lieu, la langue des diverses sources mythologiques, et en particulier des hymnesvédiques, est loin d'être connue avec certitude. Il n'est pas rare que des exégètes très savants donnent à une phrase, parfois même à un mot, des interprétations très diverses, sinon contradictoires. Enfin les dieux eux-mêmes et les mythes que les Védas nous font connaître ne sont pas fixés avec précision : suivant la pittoresque expression de Bréal, le métal où ils ont été coulés est encore en fusion. La mythologie du dharma brahmanique. Mythologie de la caste guerrière.
Mythologie de la caste sacerdotale. Mythologie populaire. Les démons. Au début, la ligne de démarcation entre les démons et les dieux n'est pas très nette. On traduit généralement Dévas par dieux, et Asouras par démons mais, en fait, les uns comme les autres sont essentiellement des êtres doués d'une puissance remarquable et mystérieuse qui se manifeste à la fois par des caractères moraux et des attributs physiques. Varouna, par exemple, qui jouit d'un prestige moral extraordinaire, est donné pour un asoura, tandis qu'Indra, incontestablement moins affiné, est un deva. Le soleil, Soûrya, est appelé le chapelain asourique des Dévas. D'une manière générale, il est évident que les divinités populaires, peu ou pas aryennes d'origine, sont décrites comme démoniaques par les Aryens. Certaines d'entre elles sont restées des démons jusqu'à nos jours. Les autres ont été incorporées plus ou moins tardivement au panthéon brahmanique, conservant presque toujours d'ailleurs certaines particularités qui révèlent leur origine. Par exemple, les formes terrifiantes du culte de Shiva, sous son aspect destructeur, le fait que tous les démons sont parmi ses sectateurs, et qu'il est parfois appelé seigneur des démons (Bhoûtapati), semblent bien indiquer l'origine non aryenne de cette divinité. La mythologie abstraite des Brâhmanas. Brahman, terme neutre, bien plus ancien que le nom masculin du dieu Brahmâ, désigne l'essence de la caste brahmanique, comme Kshatram désigne l'essence de la caste kshatriya. Toute existence, toute connaissance dépendront du brahman, comme tout l'ordre social a sa clef de voûte dans la caste brahmanique. Brahman, c'est encore Om (Aum), la syllabe sacrée, l'âme éternelle qui pénètre tout l'univers et qui en est la cause. La mythologie syncrétique de l'hindouisme. Vishnou. Vishnou et l'oiseau solaire Garouda. (Népal, XVIIe ou XVIIIe s. Musée de Patan). Photos : © Serge Jodra, 2011. Voici quelques noms ou épithètes de ce premier principe : Svayambhou (Swayambhu), qui existe par soi-même; Ananta, l'infini; Yajñeshvara, le seigneur du sacrifice; Hari, le ravisseur (qui s'empare des âmes pour les sauver); Janârddana, celui qui capte l'adoration des gens; Moukounda, le libérateur; Madhava, fait de miel; Keshava, le chevelu (ses cheveux étant les rayons solaires); Nârâyana (source et refuge des êtres). La variété de ses formes s'explique historiquement par la fusion de dieux et de demi-dieux divers en une figure unique, sous l'action d'un sentiment particulier, sorte de piété inconnue au brahmanisme primitif, que les Hindous appellent bhakti, et qui est faite de confiance, d'amour et de don de soi à la divinité. Dans les intervalles entre les créations successives, Vishnou sommeille sur les eaux cosmiques, couché sur le serpent Shecha qui lui fait un dais de ses sept têtes en éventail. Cet assoupissement n'est pas la mort, mais un état où la virtualité du dieu mûrit lentement pour éclore ensuite en un nouvel univers. Ces alternances de repos et d'activité, bien qu'elles durent chacune des milliards de siècles, sont régulières et sûres comme un rythme organique : l'Inde les considère comme l'inspir et l'expir de la divinité. A chaque cycle de création correspond un « avatar » (littéralement : descente) du dieu Vishnou. Ces avatars sont en principe au nombre de dix, mais la richesse de l'imagination populaire a largement dépassé ce nombre. Shiva. Shiva Nataraj (Shiva dansant). Le shivaïsme nous donne une splendide synthèse cosmique, où la vie et la mort ne cessent de s'engendrer l'une l'autre, mais où la vision lucide et sereine les domine toutes deux. Les mythes cosmogoniques. Les Védas considèrent le monde - ciel, atmosphère, terre - tantôt comme construit à la façon d'une oeuvre d'art, tantôt comme issu d'un développement organique. Le Xe livre des hymnes opère la transition entre les mythes védiques et la spéculation philosophique des brahmanes. Avant l'être et le non-être, un chaos aquatique et ténébreux. Puis un germe de vie, doué d'unité, vient à naître en développant une sorte de chaleur spontanée, le tapas - à la fois échauffement, sueur et ferveur ascétique. Ce principe ressentit et manifesta ensuite le besoin d'engendrer (X, 129). Selon une autre explication, il y eut un géant primordial, homme cosmique, Pouroucha ou Purusha (le Mâle). Les différentes parties du monde sont ses membres, et dans son unité cet individu constitue tant le premier sacrificateur que la première victime (X, 90). Ce terme de pouroucha désignera dans la métaphysique ultérieure le principe spirituel. Dans l'oeuvre de la création intervient, en des sens différents selon les traditions, un oeuf d'or, hiranyagarbha. Produit par les eaux primitives ou mis au monde par Prajâpati, cet embryon donne naissance au dieu suprême, par exemple le Brahman (Shatapatha Brâhmana, VI, i, i, 10). Dans cet oeuf étaient les continents, les mers, les montagnes; les planètes et les divisions de l'univers; les dieux, les démons et l'humanité. On dit que Brahmâ naquit : c'est une manière familière de dire qu'il se manifesta (Vishnou-purâna). Au bout de mille ans, l'oeuf s'ouvre et Brahmâ, qui en sort, médite et commence l'oeuvre de la création. Voyant la terre enfoncée sous les eaux, il prend l'aspect d'un sanglier et, plongeant, la soulève sur ses défenses. Les vieilles divinités védiques sont, à cette époque, ravalées à un rang inférieur, même Varouna et Indra, qui ont contribué, une fois créés les éléments essentiels du monde, à en établir les dimensions. Le brahmanisme conserve ainsi l'antique croyance védique selon laquelle les dieux maintiennent, sans l'instituer, l'ordre fondamental des choses. Des dieux à profusion. « La mythologie des Aryas védiques, écrit-il dans l'introduction de son ouvrage sur la Religion védique, est étroitement liée à leur culte, et ces deux aspects de leur religion doivent être étudiés simultanément. Le sacrifice védique, par les rites mêmes qui le constituent, ou tout au moins par la plupart des formules ou ces rites sont décrits, nous apparaît d'abord comme une imitation de certains phénomènes célestes. Les phénomènes dont il s'agit peuvent se ramener à deux groupes: ceux qui accompagnent le lever du soleil et que j'appellerai phénomènes solaires; ceux qui accompagnent après une longue sécheresse la chute de la pluie, et que j'appellerai phénomènes météorologiques. Dans l'un et l'autre groupe, la mythologie védique distingue des éléments mâles et des éléments femelles : l'élément mâle est, dans les phénomènes solaires, le soleil lui-même; dans les phénomènes météorologiques, l'éclair. Les éléments femelles correspondants sont l'aurore et la nue [...]. Ces divers éléments sont susceptibles de représentations diverses qui constituent l'anthropomorphisme et le zoomorphisme mythologiques [...]. Les figures d'animaux les plus fréquentes sont, pour les mâles, l'oiseau, le cheval ailé ou non, le taureau et le veau; pour les femelles, la cavale et surtout la vache. Entre les êtres des deux sexes s'établissent, soit sous leur forme humaine, soit sous leurs formes animales, des rapports mythiques représentant les relations supposées des éléments entre eux.»Tel serait donc, d'après cet auteur, le principe général de la mythologie hindoue. On a été tenté de s'inspirer de cette idée pour interpréter les très nombreux mythes de l'Inde. Ainsi le combat d'Indra contre le serpent Vritra ne serait-il qu'une image mythique destinée à exprimer que « l'éclair fend les nuages orageux et les oblige à laisser tomber la pluie et à laisser voir le soleil ». On ne saurait être trop ciconspects devant ce genre d'interprétations, qui fait fi de la polysémie des mythes, qui fait justement toute leur force. - En Inde, les dieux sont partout... L'eschatologie hindouiste Selon le Rig-Véda, les morts sont ou ensevelis, ou incinérés. La crémation se répandit de plus en plus, et passa pour la façon normale d'atteindre, dans l'autre monde, un habitat définitif, au Soleil ou aux étoiles. Plus tard, toutes sortes de distinctions apparaissent. Seul le principe spirituel, asu ou manas, va au Soleil, emporté vers cet astre par Agni. Selon le Shatapatha Brâhmana, il y a deux voies pour les justes : vers les Pères (pitri) et au Soleil, plus une autre pour les méchants, l'enfer (nâraka). Alors que dans les Védas le royaume de Yama était un paradis pour les bons, dans les Purânas il est aussi un lieu d'expiation pour les méchants.
Selon les Upanishads, il faut discerner l'acheminement à Brahmâ, fruit de la connaissance parfaite, obtention d'un séjour d'où l'on ne revient pas, et l'acheminement au ciel, d'où, après jouissance de la rétribution méritée, l'on revient naître ici-bas. Ainsi apparaît une distinction qui prendra le plus vigoureux relief dans la foi des bouddhistes : d'une part, la transmigration (samsâra) sans fin, condition normale de l'existence; d'autre part, la possibilité de s'affranchir à jamais de cette transmigration, c'est-à-dire l'acquisition du nirvâna, pour ceux qui ont compris à fond la structure des choses. Les cieux sont un lieu où l'on possède les mêmes biens que sur cette terre, mais sans risquer les inconvénients de l'existence terrestre. On s'y trouve nanti d'un corps glorieux. La notion d'enfer, qu'on découvre pourtant dans l'Atharvavéda, s'est généralisée postérieurement. Elle ne présente pas un caractère largement indo-européen comme l'idée d'une résidence des bienheureux dans la lumière céleste. (A19 / NLI / MG / Sylvain Lévi).
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