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Tezcatlipoca
(= miroir fumant) est le dieu
aztèque de la nuit, de la mort,
et protecteur des confréries de sorciers et du jaguar (société
de jeunes guerriers). Considéré quelquefois comme dieu de
la guerre, ainsi que son frère Tlaloc
avec lequel on l'a confondu mal à propos, on le figurait un casque
orné d'un magnifique panache, avec des ailes au dos, comme on représente
le temps, sans doute pour exprimer son agilité et sa promptitude
à vaincre. C'était aussi le dieu du Nord, dieu du ciel
nocturne et des grottes. Il a été transformé en étoile
polaire (ou en étoile de la Grande Ourse)
après avoir donné le feu aux humains.
Mythologie
et culte.
Tezcatlipoca fut l'un des dieux qui échappèrent
à la vengeance du soleil, parce qu'il avait adoré cet astre
à son lever, tandis que les autres dieux, qui s'étaient prosternés
vers l'occident, furent mis à mort. Tezcatlipoca, voyant que les
humains étaient fort chagrins de la mort de Xolotl, leur maître,
ordonna à l'un d'eux de se rendre à la maison du soleil et
d'en ramener des joueurs d'instruments pour célébrer sa fête.
Comme celui-ci devait s'y rendre par mer, le dieu ordonna aux poissons
et aux tortues de se réunir pour lui former un pont, et lui enseigna
une chanson qu'il devait chanter tort le long du chemin pour les empêcher
de se séparer.
Les Aztèques prétendaient
que c'était depuis cette époque qu'ils célébraient
la fête de leurs dieux par des chants et des danses, et que Ies sacrifices
humains venaient du massacre que Xolotl avait fait de ses frères,
avant de se donner la moort. Il semble cependant que Tezcatlipca ne fut
pas toujours aussi bien porté pour les humains, ou du moins pour
les Toltèques, anciens habitants
du Mexique; car voyant que cette contrée prospérait sous
le gouvernement et la législation de Quetzalcoatl,
il employa la ruse pour éloigner celui-ci et le faire voyager dans
des pays lointains.
Bien plus, les anciens Mexicains l'accusent
d'avoir employé mille ruses, et même ses connaissances dans
la magie pour détruire les Toltèques. Ils disent qu'un jour
il descendit du ciel à l'aide d'une corde faite de toile d'araignée;
qu'ayant pris la forme d'un humain, il se présenta au marché,
sous prétexte de vendre du poivre long, et parvint par sa beauté
à séduire la fille du roi Huemac. Les habitants furent, par
suite de ce rapt, entraînés dans une guerre où il en
périt un grand nombre. Après avoir remporté la victoire,
il les invita à une fête solennelle, et leur apprit, pour
s'accompagner en dansant, un chant magique, dont l'effet était tel
que, sans que rien pût les arrêter, ils se précipitaient
du haut des rochers dans les précipices. C'est sans doute pour cela
que les Aztèques, qui avaient fait invasion dans l'héritage
des Toltèques, avaient pour Tezcatlipoca une vénération
particulière; ils l'honoraient comme le dieu de la pénitence,
et s'adressaient à lui pour obtenir le pardon de leurs fautes.
La représentation de ce dieu était
de pierre noire, aussi luisante qu'un marbre poli; il était vêtu
et paré de rubans. Il avait, à la lèvre inférieure,
des anneaux d'or et d'argent, avec un petit tuyau de cristal, d'où
sortait une plume verte qu'on changeait quelquefois pour une bleue. La
tresse de ses cheveux, qui lui servait de bandeau, était d'or bruni;
et du bout de cette tresse pendait une oreille d'or, un peu souillée
d'une espèce de fumée qui représentait les prières
des pécheurs et des affligés. Entre cette oreille et l'autre,
on voyait sortir des aigrettes, et la statue avait au cou un lingot d'or,
qui descendait assez bas pour lui couvrir tout le sein. Ses bras étaient
ornés de chaînes d'or; urne pierre verte, fort précieuse,
lui tenait lieu de nombril. Elle portail dans la main gauche un chasse
mouche de plumes vertes, bleues et jaunes, qui sortaient d'une plaque d'or
si bien brunie, qu'elle faisait l'effet d'un miroir; ce qui signifiait
que, d'un seul coup d'oeil, le dieu voyait tout ce qui se passait dans
l'univers. De la main droite elle tenait quatre dards, emblème des
châtiments dont les pécheurs étaient menacés.
Tezcatlipoca était le dieu le plus redouté des Mexicains,
parce qu'ils appréhendaient qu'il ne révélât
leurs crimes; et sa fête, qu'on célébrait tous les
quatre ans, était une espèce de jubilé, qui apportait
un pardon général.
Il passait aussi pour le dieu de la stérilité
et du deuil. Dans ses temples où il était honoré sous
ce titre, il était assis dans un fauteuil avec beaucoup de majesté,
entouré d'un rideau rouge sur lequel étaient peints des cadavres
et des ossements. Quelquefois on le représentait tenant de la main
gauche un bouclier avec cinq pommes de pin, et de la droite un dard prêt
frapper; quatre autre dards sortaient du bouclier. Sous toutes ces formes,
il avait l'air menaçant, le corps noir et la tête couronnée
de plumes de cailles.
La fête de Tezcatlipoca avait lieu
du 9 au 19 mai, suivant notre calendrier. La veille
de la fête, le prêtre du dieu
se dépouillait de ses habits, et en recevait d'autres de la part
des nobles qui venaient, avec le reste du peuple, pour obtenir la rémission
de leurs péchés. Les portes du temple étaient ouvertes
à tous les pécheurs repentants, et un des principaux ministres
du dieu sonnait du cor en se tournant vers les quatre vents, comme s'il
eût voulu appeler toute la terre à la pénitence. Après
cela , il prenait de la poussière, et la portait à sa bouche
en montrant le ciel. Tout le peuple imitait le prêtre, et l'on n'entendait
plus que des voix entrecoupées de sanglots, de pleurs et le gémissements.
On se roulait dans la poussière en implorant la miséricorde
divine, et les frayeurs qui troublent la conscience des pécheurs
les plus aveuglés agissaient tellement sur l'esprit des Aztèques,
qu'ils appelaient à leur aide les ténèbres de la nuit,
les vents, les orages, pour échapper plus facilement à la
fureur de ce dieu toujours prêt, disaient-ils, à châtier
les méchants; plusieurs même ne craignaient pas de l'accuser
hautement de leurs désordes, tant le son du cor portait de trouble
et d'agitation dans leur âme. La trompette de la pénitence
sonnait pendant dix jours, et tout ce temps était consacré
à l'affliction et aux larmes.
Le dernier jour, oui portait processionnellement
l'image de Tezcatlipoca, environnée de branches épineuses,
et assise dans une espèce de litière garnie de rideaux. Cette
machine était portée autour du temple par des prêtres
barbouillés de noir, qui avaient la livrée du dieu, et dont
les cheveux étaient en partie tressés avec un cordon blanc.
Deux prêtres marchaient à la tête de la procession,
l'encensoir à la main; et toutes les fois qu'ils encensaient, les
assistants élevaient les bras un regardant le soleil et le dieu
de la pénitence. Pendant la cérémonie, plusieurs se
donnaient la discipline sur les épaules avec des épines;
quelques-uns ornaient de rameaux la cour et le temple, et parsemaient le
chemin de fleurs.
Après la procession et la discipline
des pénitents, chacun faisait son offrande. Les uns apportaient
des joyaux et des objets d'or et d'argent, les autres de l'encens, des
bois précieux, du maïs, etc.; les pauvres offraient des cailles,
que les sacrificateurs jetaient au pied de l'autel, après leur avoir
coupé la tête. Le peuple faisait ensuite un festin. Tout ce
que l'ors servait au dieu portait le nom de viandes sacrées; elle
était servie par des prêtresses conduites par un vieux sacrificateur
vêtu de blanc. Celui-ci les reconduisait au couvent, après
qu'elles avaient dressé la table du dieu; mais lorsque l'heure de
servir le repas était arrivée, les jeunes gens et les officiants
inférieurs prenaient ces viandes et les portaient aux prêtres,
qui seuls avaient le privillège de manger de ces mets sanctifiés.
Après le repas, on sacrifiait un
esclave qui avait été vénéré pendant
l'année précédente, comme la vivante image de Tezcatlipoca;
et la cérémonie finissait, comme celle des autres fêtes,
par des chants et des danses. (A. Bertrand). |
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