Le nagualisme

• Le nagual (ou chulel chez les Mayas) est considéré comme la partie animale ou invisible de l'individu, qui peut prendre la forme d'un animal ou d'une créature mythique. C'est un esprit qui accompagne et protège la personne tout au long de sa vie.

• Le tonal est la partie visible et matérielle de l'individu, représenté par le corps physique Le tonal est ce que les autres voient et connaissent.

Certains praticiens du nagualisme croient en la capacité de se transformer temporairement en leur nagual, permettant ainsi de voyager dans le monde autre ou de se cacher dans le monde physique. Les chamanes ou guérisseurs, en particulier, sont considérés comme ayant une connexion particulière avec leur nagual. Ils peuvent l'invoquer pour guérir, prédire l'avenir, ou communiquer avec d'autres esprits. L'initiation à la pratique du nagualisme implique souvent une série de rites de passage où le noviciat acquiert la connaissance et les compétences nécessaires pour se connecter à son nagual.

Le nagualisme va au-delà de simplement associer un animal à une personne; il implique également des pratiques et des rituels destinés à entretenir et à renforcer ce lien spirituel. Ces pratiques peuvent inclure des prières, des offrandes, des danses et d'autres formes de célébration ou de communication avec le monde spirituel représenté par le nagual.

Dans certaines traditions, la connaissance du nagual d'une personne peut influencer les relations sociales, les mariages, et les alliances. Le nagual est également associé à la magie et à la sorcellerie. Les individus peuvent porter des amulettes ou des talismans représentant leur nagual pour se protéger contre le mal et les forces négatives. Certains individus sont considérés comme ayant le pouvoir de se transformer en leur nagual ou de contrôler les forces surnaturelles associées à leur animal. Ces individus sont souvent respectés et craints à la fois. Les praticiens du nagualisme utilisent des incantations, des rituels, et des offrandes pour entrer en contact avec leur nagual et d'autres esprits. Le chamanisme est une composante importante du nagualisme, impliquant des voyages spirituels, des visions, et des expériences extatiques pour interagir avec les mondes surnaturels.

Il convient de noter que le nagualisme n'est pas une religion structurée avec des dogmes ou des rituels standardisés, mais plutôt une croyance, une composante de l'imaginaire, qui varie d'une communauté à l'autre et même d'une famille à l'autre. Il est intégré aux croyances et pratiques religieuses plus larges, y compris le catholicisme, qui a été introduit dans la région par les Espagnols.

Expressions du nagualisme.
De nombreuses légendes et mythes aztèques et mayas mettent en scène des figures ayant un nagual puissant, comme les héros mythiques qui combattent des créatures surnaturelles ou répondent aux appels des dieux. Les conceptions nagualistes peuvent aussi apparaître constitutives de certains dieux.

• Mythe de Tezcatlipoca. -  Tezcatlipoca, un dieu aztèque associé à la nuit, le destin et la magie, est couramment représenté sous la forme d'un jaguar. Il est dit qu'il peut se transformer en ce félin pour accomplir des actes divins et surnaturels.

• Mythe de Xolotl. - Xolotl, le frère jumeau de Quetzalcoatl, est  associé à la transformation en chien. Il est un guide des morts et un protecteur des âmes, symbolisant la dualité entre la vie et la mort, et la connexion entre le monde des vivants et celui des morts.

• Légendes du Popol Vuh. - Dans le Popol Vuh(Les langues et la littérature maya),  les histoires des jumeaux Hunahpú et Xbalanqué montrent des scènes de transformation, où ils prennent la forme d'animaux pour tromper les dieux et accomplir des exploits héroïques.

• Légende de la Mère des maïs. -  Cette légende maya raconte l'histoire d'une femme qui se transforme en serpent pour protéger la culture du maïs. Elle représente la protection et la fertilité, deux aspects importants de la vie et de la magie naguale.

• Codex aztèques. - Le codex Borgia contient des illustrations représentant des naguals sous forme d'animaux, tels que des jaguars et des serpents, ainsi que des figures humaines entourées de symboles magiques. Le codex Fejérváry-Mayer montre des scènes de transformation où des êtres humains se transforment en animaux, symbolisant l'union entre le nagual et le tonal.

• Art maya. - La stèle de Quiriguá, datant du VIII^e siècle, représente le roi Cauac Sky en train de se transformer en un oiseau, une manifestation de son nagual. Les fresques de Palenque, en particulier celles de la tombe de K'inich Janaab' Pakal, montrent des scènes où des personnages se transforment en animaux, tels que des serpents et des oiseaux, illustrant les voyages surnaturels et les transformations naguales.

• Têtes Colossales de Tula. - Ces sculptures monumentales, associées à la civilisation toltèque, montrent des guerriers jaguars, symboles de force et de protection, et liés aussi à la notion de nagual.

Conceptions apparentées au nagualisme.
Il existe à travers le monde de nombreuses conceptions qui peuvent  être rapprochées du nagualisme même si elles procèdent de traditions très différentes. Elles sont généralement en relation étroite avec des conceptions chamaniques et reposent sur une base animiste dans laquelle les individus peuvent se transformer en animaux pour accéder à des pouvoirs surnaturels ou pour voyager dans le monde des esprits.

Les chamanes inuits (angakok) utilisent fréquemment des formes animales pour se connecter aux esprits et aux forces surnaturelles. Le chamane peut entrer en transe et se transformer en animal, comme un caribou ou un ours polaire, pour interagir avec le monde autre et obtenir des conseils ou des pouvoirs.  Comme les Inuits, les populations sibériennes, telless que les Tchouktches et les Evenks, pratiquent un chamanisme où les chamans se transforment en animaux, comme les rennes ou les ours, pour voyager dans le monde des esprits. 

En Chine, le taoïsme inclut des concepts de transformation et de dualité. Les taoïstes croient en une harmonie entre l'humain et la nature, et certaines pratiques chamaniques impliquent des transformations animales pour atteindre des états de guérison ou de clairvoyance. Dans le shintoïsme japonais, les kami sont lles esprits des éléments naturels et des animaux, et les prêtres peuvent interagir avec eux pour obtenir des pouvoirs ou des connaissances surnaturelles.

Les chamanes polynésiens, ou tohunga, disent utiliser des formes animales pour voyager dans le monde autre. Ils peuvent se transformer en oiseaux ou en poissons pour obtenir des connaissances ou des pouvoirs surnaturels. Les Māoris de Nouvelle-Zélande croient en des esprits animaux appelés atua, qui peuvent être invoqués ou utilisés par les chamans pour guérir ou protéger. La transformation et l'union avec ces esprits sont des aspects clés de cette croyance.

Les chamanes du Soudan utilisent souvent des formes animales pour se connecter à l'esprit et aux forces surnaturelles. Ils peuvent entrer en transe et se transformer en animaux, comme les lions ou les serpents, pour interagir avec le monde surnaturel. L'animisme bantou, largement pratiqué en Afrique centrale et australe, comprend lui aussi des croyances en des esprits animaux et des forces surnaturelles. Les chamanes peuvent utiliser ces esprits pour guérir ou protéger, et les transformations animales sont couramment associées à ces pratiques.