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La continuité

Philosophie

Métaphysique.
En métaphysique, la continuité se réfère à la nature de l'existence et du changement. La question centrale est de savoir si les objets et les êtres changent de manière continue ou s'il y a des interruptions ou des sauts dans leur existence. Aristote est l'un des premiers à élaborer une théorie sophistiquée de la continuité. Dans ses écrits sur la physique, il explique que le changement est un processus continu. Selon lui, la nature a horreur le vide, et donc, les transitions dans la nature se produisent sans interruption. Sa distinction entre puissance et acte  permet de comprendre le devenir et le changement de manière continue. Inspiré par Aristote, Thomas d'Aquin développe une ontologie dans laquelle la création divine est un acte continu. Dieu soutient en permanence l'existence du monde. La notion de continuité se manifeste également dans sa conception de la hiérarchie des êtres, allant des minéraux aux plantes, aux animaux, et aux humains, chaque niveau étant lié de manière continue.

Descartes affirme la continuité de la pensée et de l'existence du sujet pensant à travers le cogito ("Je pense, donc je suis"). Leibniz propose le principe de continuité (lex continuitatis), selon lequel les changements dans la nature se produisent de manière continue, sans sauts ("la nature ne fait pas de sauts"). Il applique ce principe à la fois en métaphysique et en mathématiques. Sa théorie des monades, qui sont des substances simples, implique une continuité dans le développement de chaque monade.

Peirce défend l'idée que la continuité est une caractéristique fondamentale de la réalité. La continuité sous-tend l'univers et notre compréhension de celui-ci. Les distinctions que nous faisons entre les objets et les événements sont des simplifications ou des abstractions utiles, mais elles ne reflètent pas une discontinuité véritable dans la nature. Il étend la notion de continuité à la connaissance et à l'esprit humain. Il propose que la pensée et l'expérience sont également continues. 

Bergson propose une vision dynamique et continue de la vie et de l'évolution, en opposition aux conceptions mécaniques et discontinues de la nature. Son concept d'élan vital suggère une force continue et créatrice dans l'évolution de la vie. Il introduit également le concept de durée, une continuité de l'expérience intérieure et du temps vécu, distincte du temps mesuré mathématiquement. Whitehead, avec sa « philosophie du processus », voit la réalité comme une série de processus interconnectés et continus. Il rejette la notion de substances statiques en faveur d'un flux constant d'événements.

Philosophie des sciences, logique et philosophie du langage.
Bachelard a introduit le concept de rupture épistémologique pour parler de la manière dont la connaissance et la compréhension d'un domaine particulier évoluent au fil du temps. La rupture épistémologique implique un bouleversement radical des cadres conceptuels, des méthodes de recherche et des paradigmes qui guident la pensée dans ce domaine. Dans La Structure des révolutions scientifiques, Kuhn discute des changements de paradigmes en science, où il est  question de savoir si ces changements sont continus ou discontinus. Kuhn, comme Bachelard, soutient que les révolutions scientifiques introduisent des discontinuités, mais il reconnaît aussi des périodes de science normale où la continuité prédomine dans le développement des connaissances scientifiques. 

La continuité dans la logique et la philosophie du langage traite de la manière dont les concepts et les significations peuvent rester stables ou évoluer. La logique classique distingue les propositions vraies et les propositions fausses sans solution de continuité entre les deux. Mais des logiques non-classiques (comme la logique floue) introduisent des notions de continuité dans les valeurs de vérité.

La continuité de la signification dans le langage, et comment les significations peuvent évoluer sans rupture complète, est aussi une question clé. Dans leur oeuvre Principia Mathematica, Bertrand Russell et Alfred North Whitehead ont travaillé sur les fondements des mathématiques pour établir une continuité logique entre les propositions mathématiques. W.V.O. Quine propose de son côté que nos connaissances forment un tout continu et interconnecté (holisme épistémologique et remet en cause les distinctions nettes entre les vérités analytiques et synthétiques.

Mathématiques

Analyse.
En analyse mathématique, la continuité décrit le comportement des fonctions lorsqu'elles sont observées de près, intuitivement si elles peuvent être tracées sans lever le crayon de la feuille.

Définitions.
Une fonction f est continue en un point a de son domaine si la valeur de f(x) approche f(a) à mesure que x s'approche de a. Formellement, cela se traduit par la condition suivante (version epsilon-delta) :

Pour tout ϵ > 0, il existe un δ > 0 tel que pour tout x dans le domaine de f, |x−a| < δ    |f(x)−f(a)| < ϵ.
Une fonction f est continue sur un intervalle I si elle est continue en chaque point de cet intervalle.

Une fonction f est uniformément continue sur un ensemble E si :

ϵ>0,  δ>0 tel que  x, yE, |x−y|<δ   | f(x)−f(y)| < ϵ.
Propriétés de la continuité.
Opérations de fonctions continues. - Si f et g sont continues en un point a, alors  f+g, f−g,  fg, et f/g​ (pour g(a)≠0) sont continues en a.

Les fonctions composées sont continues : si f est continue en a et g est continue en f(a), alors gof est continue en a.
 
Types de discontinuités.

• Discontinuité de première espèce (simple). -  La limite à gauche et la limite à droite existent mais sont différentes, ou une des deux est différente de la valeur de la fonction au point considéré.
 
• Discontinuité de deuxième espèce. - La limite de la fonction n'existe pas à un point.
Théorèmes importants liés à la continuité.
• Théorème des valeurs intermédiaires. - Si f est continue sur un intervalle [a,b]et si k est une valeur entre f(a) et f(b), alors il existe un point c  [a,b] tel que f(c)=k

 Théorème de la borne supérieure et inférieure. -  Si f est continue sur un intervalle fermé et borné [a,b], alors f atteint une borne supérieure et une borne inférieure sur cet intervalle.

Discontinuités.
Les points où une fonction n'est pas continue sont appelés points de discontinuité. Il existe plusieurs types de discontinuités :
Discontinuité de saut : La fonction fait un saut à ce point.

Discontinuité infinie : La fonction tend vers l'infini ou moins l'infini à ce point.

Discontinuité de type « trou » : La fonction n'est pas définie à ce point, mais a une limite qui existe.

Exemples de fonctions continues et discontinues
• Continues. - Les polynômes, les fonctions exponentielles, les fonctions sinus et cosinus sont des exemples de fonctions continues sur l'ensemble des réels.

• Discontinue. - La fonction partie entière est discontinue en chaque entier.

Topologie.
En topologie, la notion de continuité est une généralisation de la continuité des fonctions réelles dans le cadre des espaces topologiques. 

Espaces topologiques.
Un espace topologique est un ensemble X muni d'une collection T de sous-ensembles de X, appelée topologie, qui satisfait les conditions suivantes :

• X et l'ensemble vide  sont dans T.

• L'union de n'importe quelle collection d'ensembles dans T est également dans T.

• L'intersection de n'importe quel nombre fini d'ensembles dans T est également dans T.

Les éléments de T sont appelés ouverts.

Continuité.
Soient (X,TX) et (Y,TY) deux espaces topologiques. Une fonction f : X→Y est dite continue si pour tout ouvert VTY​, l'image réciproque f−1(V)TX. En d'autres termes, une fonction est continue si l'image réciproque de tout ensemble ouvert de Y est un ensemble ouvert de X. Exemples :

• Continuité dans . - Considérons les espaces topologiques (,Tstandard) où Tstandard​ est la topologie standard sur  (les ensembles ouverts sont les unions d'intervalles ouverts). Une fonction f: â†’ est continue au sens topologique si et seulement si elle est continue au sens de la définition classique (epsilon-delta).

• Continuité de l'inclusion. - Si A est un sous-ensemble de X avec la topologie induite, l'inclusion i:A→X définie par i(a)=a pour tout aA est une fonction continue.

Propriétés de la continuité.
On a les propriétés suivantes :
• Composition. - Si f:X→Y et g:Y→Z sont deux fonctions continues entre espaces topologiques, alors la composition g∘f:X→Z est également continue.

• Continuité locale. - Une fonction f:X→Y est continue si pour chaque x  X et pour tout voisinage V de f(x) dans Y, il existe un voisinage U de x dans X tel que f(U)V.

• Topologie produit . - Pour deux espaces topologiques X et Y, la topologie produit sur X×Y est la topologie la plus fine telle que les projections πX:X×Y→X et πY:X×Y→Y sont continues.

Sciences de la nature

Physique.
La notion de continuité en physique est fondamentale et se retrouve dans diverses branches de cette science. Elle renvoie à l'idée qu'une certaine grandeur ou un certain phénomène évolue de manière continue, sans sauts abrupts ou interruptions. 

La continuité est une hypothèse sous-jacente à de nombreuses théories et modèles en physique, assurant que les grandeurs physiques varient de manière lisse et prévisible. Cette notion permet d'appliquer des outils mathématiques puissants, comme le calcul différentiel et intégral, pour analyser et prédire les phénomènes naturels.

Les lois physiques sont ordinairement exprimées par des équations différentielles, qui supposent implicitement que les solutions de ces équations (comme la position, la vitesse ou le champ) sont des fonctions continues et, le plus souvent, différentiables.

En physique classique, les propriétés physiques comme la densité, la température, ou le champ électromagnétique sont considérées comme des fonctions continues de l'espace et du temps. Exemples :

 â€¢ Champ de température. -Dans un matériau homogène chauffé, la température varie de manière continue à travers le matériau.

• Champ électromagnétique. - Les champs électriques et magnétiques sont des fonctions continues de l'espace et du temps.

La trajectoire d'une particule est une courbe continue dans l'espace-temps. 

En mécanique des fluides, le principe de continuité est essentiel. L'équation de continuité exprime la conservation de la masse dans un fluide en mouvement. Pour un fluide incompressible, cela se traduit par : ∇⋅v⃗=0, où v⃗ est le champ de vitesse du fluide.

En électrodynamique et en théorie des champs, la continuité des charges et des courants électriques est décrite par l'équation de continuité :
∂Ï∂t+∇⋅J⃗=0, où Ï est la densité de charge et J⃗ le courant électrique.

En thermodynamique, la continuité peut être rompue lors des transitions de phase. Par exemple, lors de la solidification de l'eau, la densité change de manière discontinue à la température de fusion.

En relativité générale, les solutions des équations d'Einstein décrivent un espace-temps continu et différentiable. Les singularités, comme les trous noirs, sont des points où cette continuité est mise en défaut.

Quantum et discontinuité.
Il est intéressant de noter que la physique quantique introduit des éléments de discontinuité (comme les sauts quantiques d'énergie), contrastant avec la continuité classique. Cependant, les fonctions d'onde, solutions de l'équation de Schrödinger, sont des fonctions continues et différentiables de l'espace et du temps.

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Dictionnaire Idées et méthodes
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