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Vénus
Premières approches
Vénus est pour nous l'astre le plus brillant du ciel, après le Soleil et la Lune. Nous retrouvons son nom et son culte dans toutes Ies langues anciennes. Et il n'est pas anodin, de ce point de vue de remarquer que le nom Vénus est généralement double. Il existait une dénomination pour le soir et une autre pour le matin. Souvenir d'une époque où l'on ne savait pas encore qu'il s'agissait d'un seul et même astre. Beaucoup plus tard, quand les premières lunettes ont été utilisées pour l'observation du ciel, Vénus dévoilera une autre de ses caractéristiques : la planète présente des phases bien marquées comme la Lune. Ce sera pour Galilée la preuve que cet astre tourne bien autour du Soleil et non de la Terre comme ont le pensait auparavant, et donc un élément en faveur du système de Copernic
Dates clés :
685 av. J.-C - Identité explicitement reconnue à Babylone de Vénus, étoile du soir, et de Vénus, étoile du matin.

1610 - Découverte des phases de Vénus, par Galilée.

Les noms de Vénus

Elle est la seule planète dont Homère, ait parlé; il la désigne par l'épithète de Callistos, la Belle : "Esperos, le plus bel astre-étincelant dans le Ciel " (Iliade, XXII - 318), Dans un autre chant de l'Iliade (Ib. XXIII, 226), Homère parle encore de Vénus " l'étoile matinale", phôsphoros, qui annonce la lumière au monde et paraît suivie de l'Aurore. On lit aussi dans la Bible ces mots qui paraissent se rapporter à Vénus : "Ô Lucifer, toi qui paraissais si brillant au point du jour!" (Isaïe, XIV, 12). Chez les Égyptiens, elle était nommée P-nouter-tiaou, le dieu du matin, et «Vennou hesiri », l'oiseau Vennou d'Osiris. Les hiéroglyphes la représentent sous la forme de cet oiseau, et aussi sous celle d'une étoile accompagnant le symbole d'Osiris :

Chez les Indiens, Vénus était appelée Sukra, c'est-à-dire l'éclatante, Daitya-Guru, la souveraine des Titans. Chez les Babyloniens, elle portait le nom d'Anadid, mot écrit plus tard Nana, dans le livre des Maccabées (Liv. 1, chap V, 13 et 15) (Ancien Testament) et Nahit dans les Actes des martyrs. On l'appelait Nahid chez les Persans. Chez les Arabes, elle portait le, nom de el Zohra, qualification qui appartient à la même racine que l'hébreu Zohar, « splendeur du ciel ». Dans les livres religieux des Sabéens, elle est nommée "flamme, chaleur, esprit". Sa qualification orientale ordinaire était «la lumineuse». Il y à bien des siècles que son nom a été donné par les astronomes chaldéens au sixième jour de la semaine, - le vendredi : Veneris dies. En Chine, Vénus était nommée T'ai-pé, la grande blanche, très certainement à cause de son éclatante lumière. Elle portait aussi primitivement deux noms : Khiming, l'ouvreuse de la clarté, comme étoile du matin, et, comme étoile du soir Tchang-Kang, la tardive. Cette planète était affectée à l'occident, mais on avait déjà remarqué qu'elle était de temps à autre visible pendant le jour. On a même dit que ses phases aient été connues, car il est écrit que quand elle est parfaitement arrondie, la paix doit régner dans l'univers.

 

[1] Cicéron, De natura deorum, lib. Il.

L'étoile du soir et du matin...
Son orbite étant inférieure à celle de la Terre, et beaucoup plus petite que la nôtre, Vénus reste toujours, comme Mercure, dans les environs du Soleil, dont elle nous réfléchit la lumière avec une grande vivacité d'éclat; mais elle peut s'éloigner de lui beaucoup au delà de la plus grande élongation de Mercure.

Lorsqu'elle se trouve dans la moitié de son orbite qui précède le Soleil, elle se montre le matin à l'orient, avant le lever du Soleil, le précédant plus ou moins, selon sa distance angulaire, tantôt de une heure, tantôt de deux heures, tantôt même de trois heures. Aussi l'a-t-on, dès une haute Antiquité, distinguée sous les noms d'étoile du matin, de Lucifer. Lorsqu'elle se trouve dans la moitié de son orbite qui suit le Soleil, elle se montre le soir à l'occident, allumée dans le crépuscule avant tous les autres astres du firmament, et restant en retard sur le Soleil, de une, deux ou même trois heures, suivant sa distance angulaire à cet astre. C'est ce qui l'a fait nommer aussi étoile du soir, Vesper, et qui lui a donné son nom plus populaire encore d'étoile du berger. Parmi les anciennes mentions, remarquons entre autres celle de Cicéron
« Stella Veneris, quae Lucifer dicitur cum antegreditur Solem, cura subsequitur autem Hesperus. »[1].
Il a fallu cependant une longue série de remarques pour constater que l'étoile du matin et l'étoile du soir ne sont qu'un seul et même astre, dont les apparitions sont successives. Il est même probable que dans cette oeuvre d'identification, les apparitions de Mercure ont dû nuire et retarder la découverte de la vérité. Aussi voyons-nous qu'en effet les cultes et les attributs, de Mercure et Vénus sont parfois confondus.

 

[1] Cicéron, De natura deorum, lib. Il.

Quand Vénus voyageait en Enfer

Les mythes ont autre chose à faire que d'exprimer de façon sibylline des connaissances scientifiques. Cela ne signifie pas qu'à l'occasion de tel ou tel récit, on ne puisse pas découvrir en filigrane quelle est la lecture que la culture dans laquelle le mythe est pertinent fait de tel ou tel phénomène. On peut ainsi citer deux exemples de mythes dans lesquels l'identité de Vénus étoile du soir et Vénus étoile du matin semble affirmée. Les premiers concernent Inanna / Ishtar en Mésopotamie, le second cycle mythologique celui de Quetzalcoatl au Mexique. dans les deux cas la transformation passe par le voyage d'un symbole vénusien en enfer...


Quetzalcoatl.

Dans les mythes mésopotamiens, Inanna / Ishtar, déesse couramment associée à la planète Vénus descend aux Enfers rejoindre son amant Dumuzi / Tammuz, et dans l'épisode se défait de ses bijoux, de la même façon, selon Aveni, que la planète Vénus perd de son éclat avant de disparaître le soir à l'ouest. Quant au mythe mésoaméricain de Quetzalcoatl, il décrit comment le roi de Tula chasse de son trône, part vers l'ouest, meurt après avoir perdu de sa force et se retrouve aux enfers, avant de réapparaître à l'Est. Selon Iwaniszewski, on retrouverait dans ce voyage les différentes phases du cycle vénusien.



En bibliothèque - Anthony Aveni, Conversing with the planets, 1994. Stanislaw Iwaniszewski, Mitologia y arqueoastronomia, in Historia de la astronomia en Mexico, 1986.
Pythagore paraît être le premier chez les Grecs qui ait enseigné l'identité de Vénus et d'Hesperus, identité dont il avait sans doute puisé la connaissance en Orient. En tout cas, c'est de Babylone que provient la plus ancienne observation datée, attestant de cette prise de conscience, et cette fois de façon beaucoup moins ambiguë que celle qui peut résulter de l'interprétation d'un mythe. Elle est de l'année 685 avant notre ère, et conservée sur les tablettes de terre cuite qui sont au British Museum (Monthly notices, juin 1860). La voici : 
"Le 25 du mois de Thamuz, Vénus cessa d'être visible à l'ouest, resta invisible pendant sept jours, et le 2 du mois d' Ab, elle reparut a l'orient. Le 26 du mois d'Ellul, Vénus cessa de paraître à I'occident, resta invisible pendant onze jours, et le 7 du deuxième Ellul on la revit à l'est."
Par ailleurs, Ptolémée nous a conservé dans l'Almageste plusieurs observations égyptiennes de la même planète, dont: la plus reculée date du 17 Messori de la 13e année du règne de Ptolémée Philadelphe, la 476e année de l'ère de Nabonassar, date qui correspond au 12 octobre de l'an 271 avant notre ère : c'est une conjonction de Vénus avec une étoile de la Vierge, avec l'étoile Eta, qu'elle a éclipsée. 
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Un témoignage bizarre

S'il fallait en croire le témoignage de l'Antiquité, Vénus aurait subi des modifications extraordinaires. Saint Augustin (Cité de Dieu, liv. XXI chap, VIII), rapporte, d'après Varron, qu'elle aurait changé de couleur, de grandeur, de figure et de cours...

Ce fait serait arrivé du temps du roi Ogygès, dont le Déluge asiatique a conservé le nom. Le récit de Varron n'offre pas assez de garanties pour être admis. Mais, si l'on veut admettre que le souvenir des peuples ait vraiment conservé quelque, trace d'un événement analogue, il n'est pas nécessaire d'attribuer de pareils changements à la, planète (ils seraient d'ailleurs impossibles quant au changement de cours). Flammarion a ainsi essayé de les expliquer en supposant qu'une comète se serait montrée le soir, au couchant quelques jours après que Vénus eut disparu vers se conjonction; et qu'on l'ait prise pour, Vénus elle-même, et qu'on ait attribué à celle-ci les aspects plus ou moins bizarres de la comète...

La découverte des phases

On comprend sans peine que Vénus, gravitant comme Mercure dans une orbite intérieure à celle de la Terre, doit tourner vers nous tantôt son hémisphère éclairé par le Soleil, tantôt son hémisphère obscur, tantôt une partie de l'un et de l'autre, et par conséquent présenter comme la Lune des phases correspondant aux angles qu'elle forme avec le Soleil et la Terre. Ces phases sont invisibles à l'oeil nu [1] à cause de la petitesse à laquelle se réduit pour nous le disque de la planète. Aussi se servait-on, au XVIe siècle, de cette absence de phases visibles pour contester la vérité du système de Copernic. On rapporte même que Copernic, lui-même, entendant cette objection, aurait répondu que "Dieu se réservait peut-être de les révéler un jour". Le siècle suivant, la lunette d'approche les montrait à Galilée.


Dimensions comparées des quatre phases
principales de Vénus.

C'était au mois de septembre 1610. L'astronome, qui venait de construire de ses mains le premier instrument d'optique qui ait été dirigé vers le ciel contemplait le soir les merveilles du firmament, agrandies et multipliées par ce nouvel organe; l'atmosphère transparente de l'Italie lui permettait de sonder les profondeurs de l'espace, et souvent il s'arrêtait, comme il nous le raconte lui-même, ébloui et fasciné. Vénus, la belle planète descendait dans les feux éteints du crépuscule lorsqu'en dirigeant sa petite lunette vers elle, il crut reconnaître une phase rappelant tout à fait celles de la Lune. Malheureusement, la brillante planète disparut, et le ciel se couvrit les jours suivants, sans qu'il ait eu le temps de vérifier sa découverte. Soucieux, toutefois, d'en conserver la priorité, l'astronome l'enferma sous un anagramme dont lui seul avait la clef, et envoya cet anagramme à Képler. Le voici : 

Haec immatura à me jam frustrà leguntur. o. y.
phrase assez obscure qu'on peut traduire par : 
Ces choses non mûries ont déjà été lues, mais en vain, par moi.
Il reste deux lettres superflues. En reprenant toutes ces lettres, et en les plaçant dans un autre ordre, on reconstruit la phrase suivante, qui est la véritable : 
Cynthiae figuras emulatur mater Amorum.
La mère des Amours est l'émule de Diane dans ses aspects.
Hévélius : observations des phases de Vénus
Observations des phases de Vénus 
consignées par Hévélius dans sa Sélénographie (1647). 
[1]On donne à cela, une impossibilité physique : en principe l'oeil humain est un instrument optique trop petit pour avoir une résolution suffisante. On signale cependant quelques observations des phases de Vénus à l'oeil nu. Webb
affirme qu'un certain Théodore Parker les a remarquées, en Amérique, au Chili, lorsqu'il n'était âgé que de douze ans et ignorant de leur existence, et qu'on les auraient vues en Perse en se servant d'un verre foncé. Au mois de mai 1868, on les aurait distinguées, et, paraît-il, sans trop de difficultés, sous l'atmosphère si rarement limpide de France. Il en aurait été de même à l'île de la Réunion au mois de juillet 1883.
 

 

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