|
. |
|
Jean Auguste Dominique' Ingres est un peintre né à Montauban le 29 août 1780, mort à Paris le 14 janvier 1867. Comme la plupart des grands artistes, Ingres sentit sa vocation s'affirmer de bonne heure, mais il dut se partager dès son enfance entre l'emploi de musicien au théâtre de Toulouse et son goût indomptable pour le dessin. Son père était un sculpteur fort adroit, qui ne douta jamais de son fils, sans savoir d'abord exactement quelle serait la grandeur de sa destinée. Après avoir travaillé à Toulouse chez Roques, chez Vigan, puis chez Briand, paysagiste trop calligraphique, Ingres fut envoyé à Paris en 1796. Il fut admis parmi les élèves de David et obtint le prix de Rome en 1801. Grand admirateur de Raphaël, Ingres se plia également à l'esthétique de David; s'il a pris à celui-ci un peu de sa froideur dans les sujets historiques, il s'est inspiré sans doute de lui pour la facture vivante et précise de ses portraits. De Rome, Ingres envoya Oedipe devant le Sphinx (1808); Jupiter et Thétis (1811); Romulus vainqueur d'Acron(1812), puis Virgile lisant à Auguste et à Octavie le VIe chant de l'Enéide. Il resta à Rome de 1806 à 1820, à Florence de 1820 à 1824, à Paris de 1824 à 1834, puis retourna à cette époque à Rome pour remplacer Horace Vernet dans les fonctions de directeur de l'Académie. Pendant son premier séjour dans la Ville éternelle, il eut à lutter âprement contre la vie et exécuta pour des étrangers beaucoup de portraits à la mine de plomb, environ 300, tous de premier ordre, à des prix tristement bas. En 1820, il s'établit à Florence avec sa seconde femme. Là, il se heurta encore à une vie peu aisée, qui ne refroidit pas cependant les ardeurs de son apostolat esthétique. C'est de cette époque que date le Voeu de Louis XIII, dont le grand succès détermina son retour à Paris. En pleine possession de lui-même, il composa alors l'Apothéose d'Homère et le Martyre de saint Symphorien. Ingres. L'Apothéose d'Homère, 1827. Les années ne modifièrent pas son goût obstiné pour l'idéalisme et les grands sujets historiques; quand il remplaça Horace Vernet à Rome, il demeura fidèle à ses anciennes convictions, et de cette époque datent Stratonice, la Petite Odalisque, la Vierge à l'hostie et le portrait de Cherubini. On peut se demander pourquoi Ingres fut opposé en son temps à Delacroix si violemment dans les polémiques d'alors. Adorant Gluck, Mozart et Raphaël, Ingres avait un parti pris classique évident. Pour avoir songé à exclure Shakespeare de l'Apothéose d'Homère, il fallait qu'il ressentit une véritable haine contre tout ce qui ressemblait au romantisme. Il trouvait « Raphaël au-dessus d'Holbein pour les portraits »; Rubens lui semble « un grand peintre qui a tout perdu et où il y a du boucher », et il dit « comparer Rembrandt à Raphaël, ce serait blasphémer ». Cependant, il a le culte de Philippe de Champaigne, notamment de ses Religieuses de Port-Royal. S'il ne goûte pas beaucoup Léopold Robert, il n'en est pas plus romantique pour cela, et il éprouve de l'horreur pour le Naufrage de la Méduse de Géricault. On peut affirmer, sans être enclin au paradoxe et malgré ses propres assertions, qu'Ingres était plutôt réaliste qu'idéaliste, et qu'il avait un sens bien plus profond des figures contemporaines que des grands personnages historiques. Le magistral portrait de Bertin, absolument parfait comme mouvement et comme dessin et d'une couleur si juste, suffirait à le prouver. Elle fut donc bien vaine la lutte des esprits autour d'Ingres et de Delacroix, si différents dans leur génie, dans leur manière et n'ayant de commun qu'une sincérité intégrale et une foi sans limites. Delacroix, toujours tourmenté, indique un mouvement plus qu'il ne précise un contour; il rend plutôt une physionomie dans son ensemble qu'il ne cherche à en fixer les linéaments intimes. Il se préoccupe enfin, à un haut degré, de la couleur vibrante et joue des complémentaires en virtuose. Ingres, au contraire, Grec par instinct, a, comme David, le souci de la perfection linéaire et du trait; sa couleur est souvent neutre et son modelé amolli par un excès de soin; tout ce qui peut lui sembler une contorsion romantique lui devient odieux, et dans toutes ses vastes compositions se développe une sérénité décorative et presque sculpturale qui nuit à la fièvre de la vie. Ajoutons qu'il se soucie peu du paysage, qu'il n'a jamais peint de ces terrains vigoureux, de ces flots superbes et de ces ciels dramatiques qui sont familiers à Delacroix et dont celui-ci semble faire pour ses personnages un accompagnement scénique et harmonieux. Aussi bien l'imitation des maîtres adorés par Ingres, c.-à-d. Raphaël et Mozart, génies si peu tourmentés, doit aboutir nécessairement à une suppression académique de tout ce qui se rattache à une expression intense et heurtée de la vie. Sans qu'il s'en doutât peut-être, Ingres se figeait dans la contemplation de ces modèles. Ingres. Raphaël et la Fornarina, 1814. Principales oeuvres d'Ingres : Peinture : Antiochus envoie à Scipion l'Africain ses ambassadeurs et Oedipe chargés de lui remettre son fils prisonnier (1800); Parmi les études peintes et les portraits, citons : Ingres père (1804); Napoléon, premier consul (1805); Napoléon, empereur (1806); la reine Caroline Murat (1813); le sculpteur Lemoine (1819); Charles X (1829); Bertin aîné (1833); Cherubini (1842); Princesse de Broglie (1853); Mme Ingres, née Ramel (1859), puis son ami, le sculpteur Bartolini, le Comte Moté, de Norvins, Mmes Gonse, de Rothschild et d'Haussonville, le Duc d'Orléans. Enfin dans ses dessins, signalons les cartons coloriés pour les verrières de la chapelle Saint-Ferdinand à Sablonville, et pour la chapelle de Dreux, puis les portraits de Calamatta, deDavid d'Angers, d'Hippolyte Flandrin, de La Fontaine, de Molière, d'Achille Murat, de Lucien Murat, du Comte de Nieuwerkerke, de la famille Reisch, de Philibert Rivière, de Mme Rivière, de Bochet (ces trois derniers au Louvre), de Sudre et de Walckenaer. Ingres, La Comtesse d'Haussonville, 1845. Les oeuvres d'Ingres ont été gravées par de Fournier, Marius Reinaud, Dien, Henriquel Dupont, Mme Girard, Gaillard, Pradier, Landon, Desvachez, Martinet, Réveil, Bracquemond, Caroline Naudet, Riffaut, Salmon, Piaud, Normand, Baudran, Pollet, Alphonse-François Leroux, Calamatta, Bisson-Collard et Léopold Flameng. Elles ont été lithographiées par Sudre, Emile Lassalle, Raymond Balze, Gsell, E. Marc, Mme Varcollier, Léon Noël, Mauzaisse, Galimard, Gérard-Fontallard, Charles Basin. Ingres a gravé lui-même le portrait de Gabriel de Pressigny, évêque de Saint-Malo (1816). Il a lithographié son Odalisque en 1813 et son portrait de Frederic-Sylvestre North Douglas (1815), puis un cul-de-lampe pour l'introduction au voyage en Franche-Comté du baron Taylor en 1825. Le musée de Montauban possède dans sa belle collection léguée par Ingres des études, des copies et des tableaux inachevés du maître. (Charles Grandmougin).
|
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|