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David d'Angers

David d'Angers (Pierre-Jean David, dit). - Sculpteur et graveur né à Angers en 1788, mort à Paris le 6 janvier 1856. Le père de David était lui-même un sculpteur sur bois estimable, mais, avec les limites imposées à un tel art, et l'accablante charge de la célébrité de son fils, il ne pouvait guère passer à la postérité. Dès son enfance, l'enfant fut initié à l'art qu'il devait pousser si loin, et, son père étant peu fortuné, ce fut de lui qu'il reçut les premières leçons, en l'aidant dans ses travaux. Au surplus, le père, que la carrière d'artiste avait peu favorisé, songeait-il plutôt à en détourner son fils; mais la vocation fut plus forte. Après avoir appris le dessin avec Délusse, il finit par donner les preuves de telles aptitudes, qu'il triomphe de son père, et à vingt ans, il part pour Paris. Avec un labeur acharné, il réussit à gagner sa vie tout en perfectionnant ses études au Louvre, et il entre enfin dans l'atelier du statuaire Roland. Nous ne pouvons suivre pas à pas une jeunesse aussi bien remplie; qu'il suffise de dire que sauf peut-être un léger et momentané écart, elle fut entièrement consacrée au travail, et qu'elle s'écoula soit au Louvre dans l'étude des maîtres, soit à l'atelier du professeur, soit encore dans la petite mansarde de l'artiste dessinant la nuit à la chandelle. En 1810, il remporte le second grand prix de sculpture à l'Ecole des beaux-arts, avec l'appui de son illustre homonyme Louis David; il entre ensuite dans l'atelier du peintre. Enfin, l'année suivante, il remporte le prix de Rome avec la Mort d'Epaminondas.

Notons pendant son séjour en Italie son commerce avec Canova et quelques rapports avec le sculpteur danois Thorvaldsen. Mais ce sont là des incidents de sa vie à Rome, entièrement consacrée au culte de l'art antique. En 1815, il rentre à Paris qu'il quitte bientôt pour Londres où il va admirer l'oeuvre de Flaxman sans avoir à se louer de ses rapports avec l'homme. A son retour, il est chargé d'exécuter la statue de Condé pour le pont Louis XVI (aujourd'hui de la Concorde), que la mort de Roland avait laissée à peine esquissée, qui figura au Salon de 1817, et qui est aujourd'hui à Versailles. C'est déjà là mieux qu'une figure de concours : le mouvement est admirable de vérité et de vie, et le costume traité d'une manière intéressante, peut-être inconnue jusqu'alors. En 1817, il exécute le buste de Lethière, le fils de l'ancien directeur de l'académie de France à Rome, et c'est déjà maintenant, avec les commandes officielles, le succès qui s'annonce, attristé en 1821 par la mort de son père. Nous voici maintenant à la période critique de la vie de l'artiste, celle où non content de faire de belles choses, il va tenter une rénovation. 
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David d'Angers.
David d'Angers.

En 1824, il achève le monument de Bonchamp, qui fut regardé en France comme le prototype du genre national en sculpture. Puis, après nombre de bustes vient en 1826 le monument de Fénelon où la dignité noble du prélat s'allie d'une manière heureuse aux gracieux détails des trois bas-reliefs qui décorent le soubassement de la figure. 1825 et 1826 sont deux années glorieuses pour David d'Angers; après l'inauguration à Boulogne d'un buste colossal de Henri II, Charles X lui remet la croix de la Légion d'honneur, puis il est élu membre de l'Institut à l'âge de trente-huit ans, et enfin pourvu d'une chaire à l'Ecole des beaux-arts. De cette époque datent les médaillons de Manuel, Ingres, Kératry, etc., et David devient ainsi une sorte d'historiographe de son temps, et non seulement historiographe dans les médaillons des contemporains célèbres, mais jusque dans les détails de ses grandes compositions : tel il se montre dans le monument du général Foy. Si l'on excepte les deux figures, le Génie de la guerre et le Génie de l'éloquence où le souvenir de l'art grec prend les proportions d'une inspiration personnelle, le reste du monument est un document historique du plus haut intérêt. Qu'ils écoutent l'orateur à la tribune ou suivent des funérailles, les plus illustres personnages de l'époque sont là : c'est Royer-Collard, Chateaubriand, Casimir Perier, Benjamin Constant, etc., puis Victor Hugo, Viennet, Charlet, ceux pour qui la postérité a ratifié le jugement de leur temps ou que le seul succès d'un moment a portés jusqu'à nous.

Quelques critiques sans doute pourront être adressées à cette oeuvre; on s'étonnera de cette incohérence apparente du sujet principal drapé à l'antique, pendant que les personnages de second plan portent le costume moderne; mais David d'Angers a répondu à de telles objections par avance; l'art national qu'il a créé s'adresse à la postérité, ambition légitime consacrée par le succès dont l'artiste a joui de son vivant. Cette manière surannée de représenter le sujet principal, le héros, en fait pour ainsi parler une abstraction, un héros en dehors des circonstances et des faits, et à titre de documents pour l'avenir, les bas-reliefs sont là pour perpétuer le souvenir des costumes, des attitudes et des coutumes. Le monument du général Foy date de 1827, il est suivi des médaillons de Dévéria, Schenetz, Duméril, etc., c'est l'époque du plein succès, et l'attentat de 1828, dans lequel David, frappé par un rival qu'il ne voulut jamais dénoncer, faillit perdre la vie, ne manque pas à une carrière trop heureuse au gré des envieux. En 1831, il épouse la petite-fille de La Revellière-Lepeaux, et, ayant à peine pris deux mois de repos, recommence cette existence d'incessant labeur. Guizot lui confie le fronton du Panthéon. Nous avons noté l'attentat de 1828; nous ne pouvons passer sous silence les inimitiés que continue à soulever la fortune du sculpteur et les calomnies dont on l'abreuve. Une fois marié, il rompit plus facilement des relations peu sûres, et après avoir essayé de répondre aux attaques de certaines feuilles, entre autres de La Liberté, il finit par se lasser et garda le silence. Notons ici, pour mieux justifier la défense que nous prenons de David d'Angers, que si on n'admire pas l'oeuvre intégralement, l'homme est digne de toute l'estime et de tout le respect; jamais il n'eût consenti à faire le médaillon d'un homme politique dont le caractère et la conduite ne l'eussent entièrement satisfait, et en 1833, par exemple, il se refuse à entreprendre le buste de Talleyrand. Nous n'énumérerons plus les innombrables bustes et médaillons de David; tout ce qui fut célèbre et estimable à cette époque a revécu sous son ciseau.

Mais si les médaillons du maître d'Angers se comptent par centaines et sont, si l'on veut, la monnaie courante de son génie, il ne négligea pas les oeuvres plus importantes-: les statues d'Armand Carrel, de Cuvier, d'Ambroise Paré et tant d'autres l'attestent. Et cependant, cette tâche effrayante qu'il avait assumée ne l'empêchait pas de se consacrer parfois à la politique, et ce fut une des caractéristiques de cet homme, de faire une fortune rapide et sûre malgré les idées les plus indépendantes. Dès sa ,jeunesse, en 1815, il avait pris part à une insurrection italienne en faveur de Murat, et le voici de nouveau en 1848 lancé dans la politique. Quoique parlant peu, il votait suivant les convictions de toute sa vie, et il siégea à l'extrême gauche lorsque le Maine-et-Loire l'envoya à l'Assemblée constituante. Il ne pouvait manquer d'être frappé le 2 décembre, et c'est peut-être aux fatigues et à la douleur de l'exil qu'il faut attribuer sa mort quatre ans plus tard.

Une oeuvre aussi considérable que celle de David d'Angers serait malaisée à juger si cette nature de fer n'y avait apporté une égalité et une unité qui suffiraient peut-être à constituer le génie. S'il eut le souci de la forme sans lequel ne peut vivre la sculpture et qu'il puisa dans l'étude acharnée de l'antique et de la nature, c'est surtout chez lui la pensée et la vision qu'il faut considérer. Qu'il dessine Louis Bertrand mourant sur son lit d'hôpital ou qu'il modèle Goethe et Chateaubriand; qu'il élève le tombeau du comte de Bourke ou veuille perpétuer le souvenir du poète Gilbert, il a avant tout le souci de faire penser. Ce ne sont pas des hommes qu'il fait, ce sont des génies; il ne représente pas, il symbolise : au reste, avec l'imperfection parfois d'une époque qui ne sut pas échapper entièrement au convenu, mais qui doit le faire juger d'autant plus favorablement. Quant à l'homme, il est inattaquable, et il fut toujours au-dessus de tout soupçon de courtisanerie ou de faiblesse. (Henri d'Argis).

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