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Mendelssohn

Moses ou Moïse Mendelssohn est un philosophe né à Dessau le 26 septembre 1729, mort à Berlin le 4 janvier 1786. il était fils d'un pauvre maître d'école juif appelé Moses. Lui-même porta longtemps le nom de Moses Dessau, suivant l'ancienne mode juive. Son père l'astreignit de bonne heure à l'étude de l'hébreu, de la Bible et du Talmud. Ces études prématurées déterminèrent chez le jeune Moses une maladie nerveuse et une déviation de la colonne vertébrale dont il ne guérit jamais. A quatorze ans, il partit malgré la résistance de sa famille pour continuer à Berlin ses études hébraïques. Il y vécut dans le plus grand dénuement, mais il apprit promptement l'allemand, le latin, le français, l'anglais, en même temps que les mathématiques et la philosophie. En 1750, un riche marchand de soie le tira de la misère en lui offrant dans sa maison un poste de précepteur. 

Dans les loisirs que lui laissaient ces fonctions, Mendelssohn se familiarisa avec les systèmes de Locke, de Shaftesbury, de Spinoza, de Leibniz et de Wolff. En 1754, son protecteur l'associa à ses affaires et lui en laissa la succession que Mendelssohn conserva jusqu'à sa mort. C'est en 1754 qu'il fit la connaissance de Lessing et lui soumit ses Philosophische Gespräche que celui-ci se hâta de publier secrètement et sans nom d'auteur (Berlin, 1755, in-8). Cet ouvrage défendait l'optimisme de Leibniz contre le Candide de Voltaire. La même année parurent les Briefe über die Empfindungen (id.) traduit en français (Recherches sur les sentiments moraux par Th. Abt, Genève, 1763, m-12 et Berlin, 1764, in-8), où l'auteur explique les différences du plaisir et de la douleur, non plus, comme Leibniz, par le plus ou moins de clarté des représentations mais par leur rapport avec la perfection morale. 

Mis en relation par Lessing avec les libraires et les cercles philosophiques, Mendelssohn se lança avec la plus grande ardeur dans l'étude de l'esthétique. Cependant, tenté par un sujet mis au concours par l'Académie de Berlin sur l'évidence en métaphysique, il écrivit une brochure; Ueber die Evidenz in den metaph. Wissenschaf ten (Berlin, 1764; 2e éd., 1786, in-8) qui obtint le premier prix tandis que le second était décerné à Kant. Il défendait cette opinion que la métaphysique ne le cède pas en évidence ni en clarté aux mathématiques. Il défendait en passant l'argument ontologique (Dieu), posait comme évidente la loi qui nous oblige à tendre vers la perfection et esquissait une déduction psychologique des lois de la pensée. Bientôt parut une oeuvre longtemps méditée, Phaedon, oder über die Unsterblichkeit der Seele, Berlin; 1767, in-8), ouvrage souvent réédité, traduit en français par Junker (Amsterdam; 1773, in-8); sorte de remaniement original du célèbre dialogue platonicien (Platon, Phédon), où nous trouvons un Socrate quelque peu travesti en philosophe du XVIIIe siècle. Ce livre, d'une réelle beauté de forme, a joui d'une popularité peu commune. 

En 1769, sur l'invitation de Lavater qui le mettait en demeure de réfuter la démonstration du Christianisme de Bonnet ou de se convertir, il écrivit une brochure, Schreiben an Lavater (id., 1770, in-8), qui était une véritable profession de foi religieuse. Sans méconnaître le caractère hautement moral du fondateur du christianisme, Mendelssohn se déclare peu satisfait par une apologétique fondée sur la foi aux miracles et proclame son attachement â la religion mosaïque. Cette franchise fut mal récompensée : élu en 1771 membre de l'académie de Berlin, il vit son élection annulée par Frédéric II. L'ouvrage suivant, Ritualgesetze der Juden (id., 1778, in-8), où il justifie les plus minutieuses pratiques du judaïsme, montra qu'il n'était pas disposé à faire de concessions sur ce chapitre. D'ailleurs il n'admettait pas que l'Etat eût le pouvoir d'intervenir dans le détail des institutions religieuses et lui reconnaissait simplement le droit de lutter contre l'athéisme, le fanatisme et l'immoralité.

L'ouvrage où il soutient cette thèse, Jerusalem oder über religiöse Macht und Judenthum (id., 1783, in-8), a été déclaré par Kant le chef-d'oeuvre de Mendelssohn. C'est au moins le premier plaidoyer philosophique allemand en faveur de la tolérance. Mais pour la beauté de la forme cet ouvrage le cède encore aux célèbres Heures du matin (Morgenstunden, oder Vorlesungen über das Dasein Gottes (id., 1785, in-8, souvent réédité). Cet ouvrage provoqua entre l'auteur et Jacobi une polémique qui fut l'occasion du dernier ouvrage de Mendelssohn Mendelssohn an die Freunde Lessings, publié après la mort de l'auteur (id., 1786, in-8).

Comme les indications qui précèdent ont pu le laisser entrevoir, la philosophie de Mendelssohn n'offre pas une originalité proportionnée à la vogue dont elle a joui. Ce philosophe, avec un grand art dans la forme, s'est contenté de développer les preuves déjà popularisées par Wolff en faveur de l'existence de Dieu et de l'immortalité et les idées des déistes français sur la tolérance. Mais il occupe une place importante dans l'histoire des idées en Allemagne. Il a été l'un des plus brillants et des plus sincères propagateurs dé l'Aufklaerung (Lumières). La meilleure édition de ses oeuvres complètes est celle qu'a publiée son petit-fils avec une notice biographique (Leipzig, 1843-44, 7 vol. in-8). Les écrits proprement philosophiques ont été réunis par Mor. Brash en édition spéciale (Leipzig, 1880, 2 vol. in-8). (Th. Ruyssen).

Félix Mendelssohn-Bartholdy est un compositeur allemand, né à Hambourg le 3 février 1809, mort à Leipzig le 4 novembre 1847. Il eut pour aïeul Moïse Mendelssohn (ci-dessus), le philosophe juif, défenseur opiniâtre de la liberté de pensée, et pour père Abraham Mendelssohn, le riche banquier dont la fortune assura au jeune artiste une existence indépendante et heureuse. Ce n'est que de loin en loin et en de rares occasions, dans les annales de l'art, qu'il nous est donné de rencontrer un homme, peintre, sculpteur, musicien ou poète, également favorisé par la fortune et parle talent : la vie de Mendelssohn fut pourtant une de ces heureuses exceptions, et, en l'étudiant, on se trouve en face d'un musicien qui peut cultiver à loisir sa nature d'artiste, lui laisser accomplir son évolution naturelle, sans précipiter jamais son développement, sans hâter non plus l'heure de l'inspiration.

Mendelssohn fut élevé dans la religion luthérienne, que son père avait embrassée et, tandis que sous la direction de Berger, qui lui enseigna le piano, et de Zelter, son professeur d'harmonie et de contrepoint, il apprit tout ce qui se peut apprendre de technique musicale, son esprit, naturellement curieux, aspirait à une culture plus générale et s'ouvrait à toutes les connaissances humaines : ce point seul suffit à le distinguer de tant d'autres musiciens dont l'esprit est trop souvent fermé à ce qui n'est pas leur art. Mendelssohn se familiarisa avec l'Antiquité classique et fit même paraître à Berlin, en 1826, chez Dümmler, une imitation en vers de l'Andrienne de Térence; il traduisit encore plusieurs autres poètes et, outre sa langue maternelle, l'allemand, parlait le français, l'anglais et l'italien; l'historien de Mendelssohn, Joseph Sittard, affirmait qu'il dessinait à merveille et Fétis nous apprend qu'il excellait dans tous les exercices du corps.

Sa formation musicale ne resta pas en retard : l'homme, qui la domina, fut incontestablement le vieux Zelter, un original, un bourru, qui avait en haine la banalité et la convention. Il out pour son élève une affection vive et sincère; en 1821, il l'emmena à Weimar, où il le présenta à Goethe, et le souvenir des jours passés en là compagnie du poète impressionna longtemps le jeune artiste. En 1824, Mendelssohn avait donné au public ses premières compositions, trois quatuors avec piano et une sonate pour piano et violon; en 1827, il produisit une scène lyrique, les Noces de Gamache, où l'on ne vit que l'oeuvre d'un écolier « qui veut faire ses preuves » et qui fut froide ment accueillie. Cet échec fut sensible à Mendelssohn quelques temps encore, il resta à travailler à la maison paternelle et en 1829, il partit pour l'Angleterre, la France, et l'Italie. Au mois d'avril 1829, en effet, nous le trouvons à Londres, où sa bonne mine, sa fortune, son talent lui valurent un excellent accueil ; la Société philharmonique joua sa symphonie en ut mineur, ce fut un succès; Mendelssohn quitta Londres, visita l'Ecosse et, l'année suivante, s'en fut en Italie en passant par Munich, Salzbourg et Vienne; au mois de novembre 1830, il était à Rome, où il rencontra Berlioz; au printemps suivant, il passa deux mois à Naples et, en décembre 1831, il avait traversé la Suisse et était à Paris, où il exécuta au Conservatoire son concerto de piano en sol mineur et dirigea l'ouverture du Songe d'une nuit d'été.

Déjà, la timidité du jeune homme avait fait place à l'orgueil de l'artiste et, le succès aidant, le caractère dédaigneux et hautain de Mendelssohn s'affirma de plus en plus nous le surprenons à qualifier de « perruque » une quintette de Boccherini, à déclarer que Paris, où il n'avait pas trouvé le triomphe qu'il rêvait, « est le tombeau de toutes les réputations », et déjà, comme plus tard, à ne sympathiser avec personne. Mais déjà sa réputation commençait à s'affirmer, et cette année 1832 marque dans l'histoire de ses oeuvres une période vraiment féconde.

Il était retourné à Berlin, puis, après un voyage à Londres, revint à Dusseldorf où il avait accepté une place de maître de chapelle. Son renom le fit choisir pour diriger avec Ries, son ami, les fêtes musicales du Rhin, mais une fois encore, l'orgueilleuse nature de Mendelssohn changea cette amitié en jalousie et les deux musiciens se brouillèrent, non sans que Mendelssohn ait tenu sur son rival des propos qui n'avaient rien d'artistique et si, à Dusseldorf, Mendelssohn se lia avec le poète Zimmermann, il s'aliéna les sympathies de tous : compositeurs, musiciens, amateurs; deux ans après son entrée en charge, il dut démissionner. 

Libre, il accepta en 1832 la direction des concerts à Leipzig et se maria. Sur ces entrefaites, Frédéric-Guillaume IV le nomma maître de chapelle à Berlin (1841). Ce fut l'époque de ses meilleures inspirations; il écrivit Antigone, Oedipe roi, le Songe d'une nuit d'été, etc. De nouveau, Mendelssohn sentit autour de lui peu de sympathie; les Berlinois ne le goûtaient pas. La perte sa soeur, Mme Hansel, l'affecta vivement et le chagrin altéra sa santé. On le fit voyager; on l'emmena en Suisse, à Baden et à Interlaken. Soins inutiles! une première attaque d'apoplexie, dont il sortit indemne, en fit craindre une seconde et, en 1847, Mendelssohn succombait au mal redouté.

Le catalogue schématique de l'oeuvre de Mendelssohn a été donné par Fétis dans sa Biographie des musiciens; Breitkopf et Haertel l'ont refait de nouveau. Cette oeuvre est en effet considérable; mais dans les genres divers qu'il a abordés, Mendelssohn a été inégalement inspiré : ses symphonies, au nombre de quatre, ont été l'objet de jugements divers; sa musique religieuse semble faite pour la scène plutôt que pour l'autel, mais on ne peut nier que le concerto n'ait mieux servi le talent de Mendelssohn et que la musique de chambre ne l'ait porté à son complet épanouissement; c'est par là sans doute qu'il prend place immédiatement après les grands maîtres classiques. 

Toutes ces oeuvres d'ailleurs ont les mêmes qualités et les mêmes défauts; la caractéristique en est une élégance poussée jusqu'à la recherche. Claire avant tout pourtant et distinguée, cette musique laisse éclater la nature aristocratique de Mendelssohn; mais, s'il est vrai que seule la souffrance peut faire éclore le génie, qu'elle seule peut éveiller chez l'artiste des accents sublimes qui provoquent le trouble et l'admiration, Mendelssohn, qui n'a jamais souffert, ni dans son coeur, ni dans sa vie, est avant tout un charmeur et ne peut prétendre qu'au talent, et, comme un poète anglais a pu dire que le génie est l'indice de la divinité inspirant la nature humaine, nous dirons que Mendelssohn nous a révélé tout ce que l'homme peut produire sans le secours du ciel. (Pierre Aubry).



SBrigitte François-Sappey, Felix Mendelssohn, Fayard, 2008. - Né en 1809 dans une famille favorisant tous les dons, Mendelssohn fut un enfant prodige, un chef d'orchestre magnétique, un organisateur de festivités édifiantes, un homme de haute culture. Brigitte François-Sappey, qui lui avait consacré un petit ouvrage, développe ce travail en un livre plus ample où elle met l'accent à la fois sur l'oeuvre de Mendelssohn et, surtout, sur son inscription dans son époque. L'homme privé se distingue difficilement de l'artiste, tant ses attachements sont le plus souvent musicaux : sa soeur Fanny, douée comme lui mais moins encouragée, est son interlocuteur privilégié; plus tard, les amitiés qu'il suscite (Schumann, Berlioz...) jalonnent sa vie. Premier né de la "génération de 1810", qui vit éclore tant de génies (Schumann, Chopin, Liszt, Wagner...), Mendelssohn incarne le "génie de son temps" . Se situant dans la continuité germanique (il ressuscite les Passions de Bach dans des concerts d'envergure), il contribue à donner à l'Allemagne une de ses plus belles illustrations. (couv.).
Karl-Theodor Nathan Mendelssohn est un constructeur d'instruments allemand, né à Berlin le 8 décembre 1782, mort à Berlin le 5 janvier 1852. Mécanicien à Berlin, puis industriel en Silésie, il a, le premier à Berlin (1810), construit une machine à diviser les cercles. Il a en outre apporté de notables perfectionnements à un grand nombre d'instruments : machine pneumatique à plateau de verre, qui porte son nom, sextants, cercles de Borda, instruments de passage, etc. C'est lui qui a fondé, en 1839, la société polytechnique de Berlin. (L. S.).
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