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Les Chameaux
Chameaux de Bactriane, Dromadaires
Les Chameaux appartiennent à l'ordre des Artiodactyles (Ruminants de Cuvier) et à la famille des Camélidés, à laquelle appartiennent aussi les Laminés (Lamas, Vigognes). Les animaux de ce groupe se séparent des Ruminants par toute leur organisation, mais spécialement par la dentition, la conformation de l'estomac et celle des pieds, le tout présentant un ensemble archaïque très prononcé : on se trouve en présence d'un type d'Ongulés qui s'est spécialisé de bonne heure (à l'époque miocène), et s'est peu modifié par la suite. On peut dire qu'il est en voie d'extinction, ce type n'existant plus guère qu'à l'état domestique sur l'ancien continent, et se trouvant confiné, dans l'Amérique méridionale, sur la chaîne des Andes. Nous ne traiterons ici que des Camélidés propres à l'ancien continent et dont la région est la vaste bande de déserts qui s'étend de la Mongolie au Sahara.-
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Tête de Dromadaire.
Un Dromadaire d'Abou Dhabi. Source : The World Factbook.

La dentition des Camélidés est plus complète que celle des Ruminants. La mâchoire supérieure conserve chez l'adulte une paire d'incisives (la troisième) et les jeunes en ont une seconde paire en avant (la deuxième); il est donc probable que le foetus a les trois paires d'incisives normales des Ongulés à dentition complète. Derrière l'incisive on voit de chaque côté une canine bien développée, puis dans le milieu d'un intervalle assez grand une petite prémolaire caniniforme; viennent ensuite les molaires au nombre de cinq paires (deux prémolaires et trois arrière-molaires), qui sont comme celles des antres Ruminants à quatre tubercules présentant la disposition sélénodonte habituelle. A la mâchoire inférieure, on trouve trois paires d'incisives bien développées, proclives comme celles des chevaux, une forte canine, puis un vide ou barre occupé, chez le jeune seulement, par une petite prémolaire caniniforme caduque, et enfin cinq molaires en série correspondant à celles de la mâchoire supérieure dont la première (prémolaire) est elle-même souvent caduque. La formule dentaire est donc (chez l'adulte des deux sexes) :

I.1/3 + C. 1/1 + M. 6/5 ou 6/4 x 2 = 40 ou 38 dents.
Le crâne a la région du chanfrein singulièrement proclive et les os nasaux peu développés surtout quand on les compare à ceux du cheval. Les Chameaux ruminent, mais leur estomac est moins compliqué que celui des Ruminants à cornes (Ruminants proprement dits). Le feuillet n'existe pas ou est rudimentaire, et la panse, qui joue le rôle de réservoir d'eau, est garnie de papilles solides en forme de cellules d'abeille qui se continuent dans le bonnet, affectent dans le feuillet l'apparence de fortes lames parallèles, et sont beaucoup moins développées dans la caillette. Ces réservoirs permettent au Chameau de supporter la soif pendant les longues traversées du désert. La disposition du squelette des membres est aussi remarquable : les métacarpiens et métatarsiens médians qui supportent les deux doigts seuls développés sont soudés dans leur milieu en forme de canon., mais l'extrémité inférieure de cet os unique est bifurquée, indice évident de la séparation primitive des deux os. Le pied est très différent de celui des autres ruminants : l'animal marche sur la sole et non sur les sabots qui sont petits, relativement à la dimension du pied et protègent seulement la partie antérieure des doigts, plus semblables sous ce rapport à des ongles qu'à de véritables sabots. La plante du pied est large et fortement calleuse, d'où le nom de Tylopodes (pieds rembourrés) qu'on donne souvent à ces animaux : cette disposition leur permet de marcher plus aisément sur le sable où enfonce le pied des chevaux.

Il existe des callosités à la poitrine, aux coudes, aux poignets, au genou et au talon. La bosse simple chez le Dromadaire, ou double chez le Chameau, n'est formée que de tissu graisseux, et s'élève ou s'abaisse suivant que l'animal est plus ou moins bien nourri; c'est une sorte de réserve qui lui permet de jeûner longtemps. La lèvre dépourvue de mufle est fendue et la queue, assez longue, est terminée par une touffe de poils. Le pelage est abondant surtout sur le sommet de la tête, le cou, le dos et particulièrement sur les bosses et aux avant-bras du Chameau; assez court mais laineux partout ailleurs. Ordinairement d'un fauve gris pâle qui rappelle la couleur du sable, il est quelquefois brun, noir ou presque blanc, variant beaucoup comme chez tous les animaux domestiques. La femelle n'a qu'un seul petit.

La frugalité du Chameau est proverbiale : il semble organisé pour résister aux privations et aux fatigues des longues routes à travers les déserts de l'Asie et du nord de l'Afrique; c'est la seule monture et la seule bête de somme qui résiste impunément à ces privations avec aussi peu de nourriture. Les plantes les plus chétives et les plus coriaces lui suffisent, mais il préfère à tout les feuilles et les branches des Mimosas dont il broie les épines sans difficulté; dans le désert, on le nourrit avec quelques mesures de doura (maïs ou sorgho). La petite quantité de liquide emmagasinée dans les cellules de son estomac lui permet de résister à la soif. De tous les animaux domestiques, le Chameau est le plus rétif et le plus hargneux; ce n'est jamais sans une résistance désespérée, qui se traduit par des airs furieux et des cris discordants, qu'il se soumet à son maître et s'agenouille pour se laisser charger du fardeau qu'on lui destine. Sa morsure est des plus redoutables. Son allure est une sorte d'amble aussi rapide que le trot du meilleur cheval, mais très fatigante pour le cavalier à cause du déhanchement de l'animal qui lui imprime un mouvement combiné de roulis et de tangage exigeant une grande habitude pour se maintenir en selle. L'animal ne peut longtemps soutenir le galop et cette allure est encore plus désagréable pour le cavalier qui ne la lui laisse jamais prendre.

Une ou deux bosses...
Il existe deux espèces dans ce genre : le Chameau et le Dromadaire ; le premier, surtout répandu en Asie, est essentiellement un animal de bât; le second, presque seul connu en Afrique, est plutôt un animal de selle, qui se prête mieux que le Chameau aux allures rapides.

Le Chameau.
Le Chameau de Bactriane (Camelus bactrianus), est moins haut sur jambes que le Dromadaire : sa bosse antérieure placée sur le garrot tombe souvent à droite ou à gauche, la bosse postérieure est plus solide. Il est plus grand que son congénère, son poil est plus touffu et ses avant-bras sont garnis de manchettes. Sa couleur est d'un brun plus ou moins roussâtre. 

On a cru longtemps qu'il n'en existait pas de représentants à l'état sauvage, mais le voyageur Prjevalski en a rencontré, dans la seconde moitié du XIXe siècle, des troupes plus ou moins nombreuses dans les steppes asiatiques, sur les bords du Tarim (dans le Turkestan oriental), près du lac Lob-Noor, dans le Sud de la Dzoungarie, sur les premières pentes du plateau du Tibet, au Nord-Ouest de Tsaïdam, etc. 
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Chameaux de Bactriane.
Chameaux de Bactriane. Avec deux bosses, s'il vous plaît...
(Photo : Gary M. Stolz).

Ces Chameaux sauvages ont les bosses beaucoup moins développées que les animaux domestiques. Le Chameau est le principal et presque l'unique animal domestique des tribus nomades qui habitent l'Asie centrale, du désert de Gobi à la Crimée. On utilise sa chair, son lait, sa laine; il sert de monture et de bête de somme. Il résiste bien au froid. De ses steppes d'origine, le Chameau s'est étendu sur presque tout le centre et l'ouest de l'Asie, en Chine, en Iran, en Asie Mineure.

Le Dromadaire.
Le Dromadaire (Camelus dromedarius), ou Chameau à une seule bosse, commence à se montrer plus au Sud et à l'Ouest, en Arabie, pays d'où on le considère comme originaire. De là, les Arabes l'ont importé au VIIe siècle en Égypte et dans le Sahara algérien, puis dans le Soudan et la Sénégambie.Il ne prospère pas dans le sud de l'Afrique. Ses jambes sont plus hautes, son poil moins long, surtout au cou et aux avant-bras, sa couleur plus claire que celle du Chameau, souvent isabelle ou presque blanche. On en distingue plusieurs variétés : tel est le Dromadaire brun du Caucase, plus fort, et de couleur foncée comme le Chameau : on le préfère comme bête de somme à cause de sa force. 
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Dromadaires.
Dromadaires. Photo prise au zoo de Denver.

Une variété plus grande, de couleur grise, se trouve en Egypte. Une troisième est le Dromadaire blanc, qui a sur le dos des poils plus longs que la variété précédente. La race de selle la plus légère est appelée hedjin ou Chameau de pèlerin. C'est sur le dos de montures de ce genre que les Touareg du Sahara passent leur vie. Le Chameau s'est acclimaté dans le Sud de l'Europe : dès l'année 1622, Ferdinand II de Médicis fit transporter des Dromadaires en Toscane : à San-Rossore, près de Pise, se trouve une grande plaine sablonneuse ou ces animaux ont prospéré depuis et vivent comme dans leur pays d'origine; c'est de là que viennent la plupart de ceux que l'on voit dans les jardins zoologiques. 

L'espèce a été également introduite, et utilisée autrefois pour les transports, au Mexique et dans le sud des États-Unis, en Bolivie et à Cuba. On a même utilisé le Chameau comme monture de guerre, dans les temps modernes, à l'exemple de Mithridate en Asie Mineure et de Bonaparte pendant l'expédition d'Égypte. En Perse, en Birmanie et en Abyssinie on s'est servi des Chameaux pour transporter l'artillerie de montagne.

Paléontologie.
L'histoire géologique des Chameaux est des plus instructives. C'est dans l'Amérique du Nord que ce type se montre pour la première fois dans le miocène. Les véritables Camelidae ont été précédés sur ce continent par les Paebrotheriidae (G. Paebrotheriuin Cope), qui ne diffèrent en réalité des Chameaux que par la conformation du carpe et du tarse, dont les os sont encore bien distincts; ce type est du miocène inférieur. En remontant encore plus loin, on trouve dans l'éocène les genres Pantolestes, Ithygrammodon et Stibarus formant la famille des Pantolestidae de Cope, et qui appartiennent à la ligne ancestrale des Chameaux. Sur l'ancien continent l'Ànoplotherium est le type qui s'en rapproche le plus par la forme de ses dents, ainsi que Cuvier l'avait déjà reconnu, initie ces herbivores éocènes s'éloignent encore notablement des Camélidés. Au contraire, dans le miocène apparaît le genre Protolabis (Cope), que ce dernier auteur considère comme la souche de tous les Camelidae au même titre que le Gelocus est la souche de tous les Ruminants à cornes (Bovidae et Cervidae). Cope suppose que le Protolabis avait déjà les os du pied soudés en forme de canon, et ses dents étaient sélénodontes. Le Protolabis transmontanus provient des couches à Ticholeptus de l'Orégon qui sont postérieures à l'étage de John Day (miocène moyen). Il avait la taille d'un Daim. Deux autres espèces un pou plus grandes (Prot. heterodontus et Pr. prehensilis) sont du miocène supérieur. A la même époque apparaît le G. Procamelus (Leidy), qui se rapproche encore plus des Chameaux et dont ou connaît trois espèces variant de la taille d'un Mouton (P. gracilis), à celle d'un Cerf (P. occidentalis), et même à celle d'un Chameau (P. robustus); ce genre est du Sud des Etats-Unis (Colorado, Kansas, Nouveau-Mexique), région qui, par sa constitution géologique, ressemble beaucoup aux steppes de l'Asie centrale.

A la même époque, et dans la même région, apparaît le type ancestral des Lamas, proches cousins des Camélidés : le genre Pliauchenia (Cope), est également des couches de Loup-Fork au Nouveau-Mexique. Enfin, les genres Holomeniscus et Eschatius du pliocène de la Californie et du Mexique, terminent la série des Camelidés nord-américains et se rapprochent également des Lamas. A partir de cette époque, ce type disparaît de l'Amérique du Nord par suite d'une double migration; les Lamas (Auchenia), suivant la chaîne des Andes, se sont dirigés vers le Sud, et vivent actuellement dans l'Amérique méridionale où ils n'existaient pas avant le pliocène, les Chameaux ont émigré à l'Ouest, sur le continent asiatique relié à cette époque à l'Amérique septentrionale par une large bande de terre qui fermait au nord l'océan Pacifique. En effet, nous voyons le genre Camelus apparaître tout d'un coup dans le pliocène des monts Siwaliks ; le Camelus sivalensis avait la taille du chameau actuel; une seconde espèce, C. antiquus, est du même gisement, en Inde. Au Pléistocène, ce genre s'est étendu jusqu'en Sibérie, car le Merycotherium sibiricum de Bojanus n'est qu'une espèce du même genre, et jusque dans le sud de la Russie (Camelus Knoblochi Brandt des bords de la Volga). Enfin, il est intéressant de noter qu'à la même époque le Dromadaire a vécu en Algérie (C. dromedarius fossilis Thomas), de telle sorte que cette espèce après avoir disparu, comme animal vivant à l'état sauvage, du nord de l'Afrique, y a été ramenée, de longs siècles après, comme animal domestique, par l'invasion des Arabes. L'évolution des dents des Camélidés à travers les âges géologiques est identique à celle qui s'observe encore chez le jeune Chameau depuis sa naissance jusqu'à l'âge adulte; ainsi les genres Paebrotherium, Protolabis et Procamelus avaient encore trois paires d'incisives supérieures et quatre prémolaires de chaque côté; ce nombre diminue progressivement dans les genres Pliauchenia et Camelus, et le genre Lama (Auchenia) n'a qu'une paire d'incisives et une paire de prémolaires inférieures seulement, chiffre inférieur même à celui du Chameau. (E. Trouessart).

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