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Henri Welschinger
est un historien et écrivain
français, né à Muttersholtz (Bas-Rhin)
le 2 février 1846, et mort à Viroflay le 3 novembre 1919.
Muttersholtz est un petit bourg, situé à huit kilomètres
Sélestat. Le père de Henri
Welschinger était fonctionnaire de l'administration des contributions
directes; son grand-père, après avoir fait les guerres
de la Révolution et de l'Empire,
avait fini sa carrière comme colonel de la garde, sous Louis
XVIII. Sa mère était lorraine.
Henri Welschinger avait commencé ses études à Strasbourg, quand ses parents vinrent se fixer à Paris, en 1857; il les accompagna et suivit les cours de l'institution Notre-Dame-des-Champs, où il remporta de brillants succès scolaires. En 1867, il entra aux archives du Corps législatif, s'en éloigna un moment pendant la guerre de 1870, pour servir dans un corps de mobiles, aux avant-postes de Paris, puis fut délégué à Bordeaux comme archiviste de l'Assemblée nationale et revint avec celle-ci à Versailles, où il continua ses fonctions. Lorsque le Sénat fut constitué, en 1876 Welschinger fut choisi pour être chef du service des procès-verbaux; il occupa ce poste pendant quarante-deux ans, jusqu'en 1918. C'est par la poésie que Welschinger accéda aux lettres, en publiant, en 1877, un poème sur André Chénier. Bien que sa production poétique se réduise à quelques poèmes (Charlotte Corday [1879], le Phare [1880], A Dieu vat [1882], le Sabot du petit mousse [1884]) et n'occupe dans son oeuvre qu'une place secondaire, elle doit au moins être signalée, car Welschinger garda toujours quelque chose de son premier tempérament, et cette survivance du poète, imaginatif et enthousiaste, qui se retrouve assez fréquemment dans l'oeuvre même de l'historien, en explique certains caractères. Assez vite, cependant, les fonctions qu'il occupait auprès de l'Assemblée nationale et ses attributions de secrétaire-archiviste des grandes commissions d'enquête parlementaire, familiarisant Welschinger avec les pièces d'archives, lui avaient inspiré le goût des études historiques. Aussi, sans déserter entièrement le domaine de la pure imagination, ainsi que l'attestent quelques romans, comme Ranza (1881) et un acte en vers, la Fille de l'orfèvre, écrit avec Octave Lacroix et représenté à l'Odéon en 1884, Welschinger s'était peu à peu acheminé vers d'autres travaux. Dès 1880, il avait fait paraître un volume sur le Théâtre de la Révolution. Ce sujet n'avait guère été traité jusqu'alors que dans les ouvrages de Th. Muret (l'Histoire par le théâtre) et de Jauffret (le Théâtre révolutionnaire), vieux déjà de plus de dix ans. Welschinger apportait dans son travail plus d'informations et de méthode. Au lieu de se borner aux oeuvres restées fameuses : le Charles IX, de J.-M. Chénier, les Victimes cloîtrées, de Monvel, l'Ami des lois, de Laya, Paméla, Madame Angot, il refaisait jour par jour, peut-on dire, avec une remarquable abondance de documents, toute l'histoire de l'art dramatique de 1789 à 1799. Cet ouvrage fut couronné par l'Académie française. Peu après, en 1882, Welschinger publiait la Censure sous le premier Empire, travail minutieux, où il examinait successivement l'organisation de la censure de 1810 à 1815, les hommes qui, comme Fouché, Nogaret, Barère, Etienne, Portalis, en dirigèrent le fonctionnement, et les applications que ces hommes en firent aux livres, aux journaux et aux théâtres. Enfin un curieux travail sur les Almanachs de la Révolution (1884), qui passait en revue, en les classant, les nombreux almanachs politiques, littéraires et techniques parus entre 1788 et 1800,clôtura cette période de formation, durant laquelle Welschinger s'était tenu aux confins de la littérature et de l'histoire, plus proche, cependant, de cette dernière, où il allait désormais se confiner. L'oeuvre historique de Welschinger peut
se répartir en deux groupes d'ouvrages : les uns se rapportant à
l'époque de la Révolution
et de l'Empire, les autres
concernant l'histoire de l'Allemagne
et des relations franco-allemandes.
La contribution de Welschinger à l'histoire du premier Empire est plus importante. C'est d'abord le Duc d'Enghien, publié pour la première fois en 1888, livre d'érudition solide et d'un récit plein de mouvement. L'auteur en a donné, en 1913, une nouvelle édition, où il a mis à profit les documents nouveaux, publiés entre temps, notamment l'important recueil de Boulay de la Meurthe. Il n'en soutient, d'ailleurs, qu'avec plus de force la thèse qu'il avait adoptée en 1888 et qui tend, après un minutieux examen, à rejeter l'entière responsabilité du drame de Vincennes sur Talleyrand et Bonaparte. A propos du Divorce de Napoléon (1889), Welschinger, qui avait dépouillé le dossier du procès, en publiait pour la première fois toutes les pièces, jusqu'alors tenues secrètes; mais, de plus, à l'aide des mémoires et des correspondances des contemporains, il cherchait à dégager les conséquences — selon lui désastreuses — que cet événement avait eues pour la politique de Napoléon. Le Roi de Rome (1897) compte parmi les principaux ouvrages de Welschinger. Avant de l'écrire, l'auteur avait fait le voyage d'Autriche, pour se rendre compte sur place de la vie intime du duc de Reichstadt à Vienne, à Schoenbrünn, à Baden. Aussi tout en réservant une large place aux intrigues politiques qui se nouèrent autour du roi de Rome, s'attacha-t-il surtout à reconstituer la physionomie personnelle du jeune prince, qui apparaît dans cette étude assez semblable — quoique moins maladive — à celle qu'en devait tracer peu après Rostand, dans l'Aiglon. Le dernier ouvrage de Welschinger se référant à l'époque napoléonienne est le Pape et l'Empereur, étude de la lutte qui se poursuivit entre Napoléon et Pie VII, de 1804 à 1815. Ce livre parut en 1905. Cinq ans auparavant, Welschinger avait indiqué la nouvelle orientation de ses études en publiant un Bismarck — repris en 1912 — où il présentait un raccourci vigoureux de tonte la carrière politique du chancelier. On y peut lire, au début du volume, un portrait de Bismarck et, à la fin du livre, un parallèle avec Richelieu, qui sont de très belles pages. L'émotion patriotique qui anime cette étude n'en altère point l'impartialité. Welschinger s'acheminait ainsi vers son ouvrage capital sur les Causes et les Responsabilités de la guerre de 1870 (1910). Dans les deux volumes qui le composent, l'auteur ne s'était pas borné, en recueillant les résultats des travaux antérieurs, à donner une exacte expression de l'état des connaissances sur la question; il avait, en outre, grâce à ses sources personnelles d'information, apporté d'intéressantes nouveautés, entre autres la fameuse carte au liséré vert, où figurent les premières exigences territoriales de la Prusse en 1871. D'autre part, en opposition aux allégations d'Émile Ollivier, il établissait d'une façon décisive la responsabilité du gouvernement impérial dans la déclaration de guerre. Quoique certaines thèses — notamment, en ce qui touche à la question romaine — aient pu prêter matière à discussion, ce travail a une indiscutable valeur, qui lui assura l'estime des historiens. L'Empereur Frédéric III, que Welschinger publia en 1917, a moins pour objet d'offrir une biographie détaillée du père de Guillaume II que de mettre en lumière l'antagonisme qui existait entre ce souverain et Bismarck. Pour cela, Welschinger s'est servi du Journal que Frédéric avait rédigé pendant la guerre de 1870 et dont la publication, au lendemain de la mort de l'empereur, fut l'occasion d'un retentissant procès, intenté — pour sa honte — par Bismarck aux éditeurs. Il y a, dans ce volume, des pages émouvantes sur la lente et douloureuse agonie de Frédéric à San-Remo. Cette analyse de la production historique de Welschinger, à laquelle il faut joindre encore quelques ouvrages, tels que les Bijoux de Mme du Barry (1880), le Maréchal Ney (1893), la Protestation de l'Alsace-Lorraine en 1871 (1914), la Belgique héroïque (1915), les Leçons du Livre jaune (1915) et enfin, l'Alliance franco-russe (1919), serait néanmoins incomplète, si l'on ne mentionnait, en outre, ses multiples études dispersées dans diverses revues. En 1897, Welschinger fut chargé de tenir le feuilleton d'histoire contemporaine au Journal des Débats, et il s'acquitta jusqu'à ses derniers jours de ces fonctions avec une scrupuleuse régularité. Il fournit, en outre, à la Revue des Deux Mondes, à la Revue de Paris, à la Revue Bleue, à la Revue Encyclopédique, etc., une collaboration abondante. Le Nouveau Larousse le compta parmi ses rédacteurs. En 1907, il avait été appelé à recueillir à l'Académie des sciences morales et politiques la succession de son compatriote, Himly; les comptes rendus de cette compagnie témoignent de l'ardent labeur de l'académicien. La mort, enfin, l'a pris, alors qu'il mettait la dernière main à un ouvrage considérable sur Talleyrand. Cette abondance même desservit un peu Welschinger auprès de certains esprits. On lui a reproché, parfois, de composer ses ouvrages trop hâtivement, au risque de négliger certaines sources, ou de ne pas contrôler suffisamment sa documentation. On aurait tort, cependant, de généraliser ce reproche. Si l'on peut regretter que sa critique n'ait pas été plus serrée, il faut reconnaître que Welschinger a, néanmoins, enrichi le domaine historique d'un nombre considérable de documents, inconnus avant lui. Il ne serait pas moins injuste de lui faire grief d'avoir manqué de cette impassibilité que l'on exige ordinairement de l'historien. Mais n'oublions pas que Welschinger avait été poète à ses débuts. Quand il écrit, c'est moins pour raconter que pour faire partager sa propre conviction. De là cette fougue, cette passion même qui animent tous ses ouvrages et confèrent à ses récits — parfois un peu touffus — une force d'émotion, où transparaît la personnalité même de l'auteur. Le grand mérite, en effet, de son oeuvre est d'être sincère : l'artifice en est absent, et l'on sent très bien, quelque sujet qu'il traite, que Welschinger s'y est livré tout entier. Très profondément attaché à sa terre d'Alsace, qu'il a célébrée dans les Souvenirs d'un Alsacien (1884), Sainte Odile, patronne de l'Alsace (1901), Strasbourg (1905), Welschinger avait un patriotisme ardent qui l'inspira plus d'une fois dans le choix de ses sujets et le guida toujours dans leur mise en oeuvre. Il n'estimait pas que l'historien ne dût être « d'aucun temps, ni d'aucun pays »; mais cette ardeur généreuse, que soutenait, d'ailleurs, une érudition méthodique, ne l'a pas empêché d'établir solidement un certain nombre de faits historiques et d'arracher à la légende plusieurs figures dont il a fixé définitivement les traits. (F. Guirand). |
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