| Khosroès I ou Chosroès I, dit le Grand, en perse Khosrou, roi de Perse (531-579), de la dynastie des Sassanides, fils de Kobad (Cabadès et d'une princesse ephthalite, né vers 498-499, mort en 579. Quoique plus jeune que ses frères, il fut associé à l'empire et désigné comme successeur par Kobad dès l'an 513 (ainsi qu'en fait foi une médaille d'or frappée à cette occasion, mais il ne succéda en réalité qu'à la mort de ce dernier en 531. Les mages ayant fait quelques difficultés pour le reconnaître, il fit périr ses frères et un certain nombre de nobles (Procope). Les auteurs orientaux, pehlvis, arabes, persans et syriaques le citent comme le modèle des rois et le comparent à Salomon et à Alexandre. II prit de son vivant le titre de Anoushirvan, Nouchirvan, nom sous lequel il est surtout connu (en pehlvi, Anuchirubân = « à l'âme immortelle »). Au moment de son accession au trône, la Perse était depuis longtemps engagée dans une guerre contre l'empire byzantin, « l'ennemi héréditaire »; et en même temps contre les Huns ephthalites qui ravageaient l'Iran oriental; mais le pays était épuisé par ces guerres et l'entretien d'une nombreuse armée sur les frontières. Nouchirvan fit la paix avec Justinien et profita de cette trêve pour faire des réformes intérieures; il réorganisa les finances, fit refaire le cadastre afin d'arriver à une meilleure répartition des impôts (Tabari) et rétablit la discipline dans l'armée. Il s'attaqua ensuite à la doctrine de Mazdak, hérésiarque qui avait été soutenu par Kobad, et il poursuivit ses sectateurs; le plus grand nombre fut mis à mort et leurs biens confisqués. Les frontières du Nord-Est et du Nord-Ouest de la Perse étaient ouvertes aux irruptions des Ephthalites d'un côté et des Huns du Caucase de l'autre (Les Huns); Khosroès visita lui-même les frontières et fit construire des forteresses dans les défilés de Derbend, le long de la mer Caspienne, à Sari, à Gourgan et à Amol, sur le fleuve Oxus, dont le cours formait la limite avec les Tatares. C'est à cette époque qu'il facilita la fondation du petit royaume des Chervanides pour protéger la frontière du Caucase. En l'an 539, Khosroès reçut des ambassadeurs de la part de Vitigès, roi des Goths, qui l'engageaient à déclarer la guerre à Justinien; les Arméniens, de leur côté, demandaient à être affranchis du joug des Byzantins. Khosroès, cédant à ces sollicitations, entra sur le territoire de l'Empire avec une puissante armée et s'empara de la Syrie. Antioche fut pris et pillé, les habitants furent transportés en Babylonie et établis dans une ville qui fut fondée sous le nom d'Antioche de Khosroès (Weh Antiokh Khosrou, Roumiah des Arabes, dont l'emplacement est inconnu) en 540. L'année suivante, il pénétra dans la Lazique et en chassa les Romains; la guerre continua ainsi pendant dix ans avec Justinien, en Cappadoce, dans le Caucase, l'Arménie et la Mésopotamie. Les sièges de Petra d'Ibérie et d'Edesse sont célèbres. Des préliminaires de paix furent entamés entre les deux empires et le traité ne fut signé qu'en 563, tout à l'avantage des Perses. Par ce traité, Justinien leur abandonnait plusieurs provinces et consentait à leur payer pendant 50 ans un tribut de 30 000 pièces d'or. Dans l'intervalle, Khosroès avait tourné ses armes vers l'Iran oriental et s'était rendu maître du Kaboulistan, du Segistan et du Tokharistan (Afghanistan actuel) jusqu'à l'Iaxarte; mais il rencontra les Turks qui venaient d'apparaître sur le bord de ce fleuve. Grâce à leur concours, il détruisit la puissance des Ephthalites (Huns) qui régnaient dans la Transoxiane depuis plus de cent ans (555); à la suite de cet événement, il épousa la fille de Zingibou Mokan, le khaqân des Turks (V. dans Tabari et Firdousi le récit très curieux de ce mariage dont naquit Hormisdas IV, lui-même père de Khosroès II). Le nom de cette princesse était Fakem ou Falegh d'après Masoudi, Kaïem d'après les historiens arméniens. Mais cette amitié ne fut pas de longue durée : les Turks recherchèrent l'alliance des Byzantins. En 558, Askel (Ysekikolo des Chinois), un des khaqâns des Turks Tou Kioue, envoya une ambassade à Constantinople pour détourner l'empereur de faire alliance avec les Avars. En 569, Zingibou (que les auteurs byzantins appellent Dizaboul) envoie de son côté, auprès de Justin II, une mission dont le chef était Maniakh. Les historiens contemporains nous ont laissé le souvenir de ces relations diplomatiques qui ont existé entre Constantinople et les Turks et notamment du voyage de Zimarque en Asie centrale, tant au point de vue du commerce de la soie dont les Perses voulaient conserver le monopole que contre Khosroès (571), mais celui-ci triompha de ses ennemis : les Turks furent battus sur les bords de I'Oxus par le prince héritier Hormisdas, qui leur imposa un traité; en même temps, l'armée coalisée des Byzantins, des Arméniens, des Ibériens, des Mosches, des Alains et des Lazes fut défaite en plusieurs campagnes successives par Bahram Tchoubin, général des armées perses (568-574). Une trêve de trois ans fut alors conclue; mais, dès 576, Justin ayant refusé de payer le tribut, les hostilités recommencèrent, cette fois à l'avantage des Byzantins qui remportèrent une grande victoire près de Mélitène sur les Perses; ils les poursuivirent jusqu'au delà du Tigre et sur les bords de la mer Caspienne, et pénétrèrent même en Hyrcanie. Khosroès proposa la paix à l'empereur Tibère II qui avait succédé en 578 à Justin II, mais après une courte suspension d'armes, les hostilités recommencèrent en Mésopotamie et ne cessèrent que l'année suivante, par la mort de Khosroès (579). En dehors des guerres avec Byzance, il faut citer parmi les principaux événements du règne de Khosroès : la révolte de l'un de ses fils, Anôshazâd (« le fils de l'Immortel », Anaswzados de Procope), qui avait tenté de s'emparer du trône et qui fut tué dans une bataille (560); la guerre contre les Homérites ou Himyarites du Yémen, qui étaient les alliés des Byzantins et avec lesquels Justinien avait créé des relations au point de vue du commerce de la mer Rouge et de l'océan Indien. Les historiens (grecs, syriaques, arabes) sont très peu précis et souvent contradictoires sur ces événements. Il est certain toutefois que Khosroès se rendit maître du Sud de l'Arabie vers 576 et que le Yémen tomba sous la dépendance de la Perse et resta gouverné par des princes persans jusqu'à 640. D'après les auteurs musulmans, Khosroès alla jusqu'en Inde où il fut accueilli triomphalement à Moultân ; il revint en Perse par le Mekrân et le Baloutchistan. C'est à la suite de ce voyage qu'il reçut d'un rajah (que le Modjmel appelle Dâbshelin) de nombreux présents, parmi lesquels de la soie, du satin et un jeu d'échecs (tchatrandj) sur l'origine duquel Firdousi donne de curieux détails; en même temps, Bouzourdjmir, conseiller intime du Nouchirvan, inventa en Perse le jeu de trictrac (nard). De son côté, Nouchirvan envoya dans l'Inde un mobed nommé Barzouï qui rapporta de cette contrée le fameux livre de contes, Calilah et Dimnah, qui fut de suite traduit du sanscrit en pehlvi et plus tard en arabe et dans plusieurs autres langues. Dans de nombreuses versions que l'on possède de ce livre célèbre, le nom de Anouchirvân a été altéré en Xirben, Nixhuen, Anastres Kasri, etc. ( l'édition latine de J. Derenbourg). Les auteurs orientaux prêtent à Nouchirvàn une série de discours, de lettres et de sentences sur la morale et la politique. La littérature pehlvie a même conservé le texte d'un prétendu testament religieux de ce roi (l'original pehlvi a été publié avec une traduction anglaise en 1887 par Casartelli). Enfin, dans un discours attribué à Khosroès, Barhebraeus fait de ce souverain un chrétien attirant les chrétiens à sa cour et protégeant à la fois le christianisme et le zoroastrisme. Il est intéressant de mentionner aussi les lettres que le faghfour de la Chine et le roi de l'Inde ont adressées à Nouchirvan ainsi que les présents merveilleux qu'ils lui envoyaient (Masoudi, Mirkhond, Firdousi). | |