|
Personnage de la
mythologie grecque, Psyché
est une jeune fille de la plus rare beauté, inspira une vive passion
à l'Amour (Éros) même. Exposée,
d'après l'ordre d'un oracle, sur une montagne
où elle devait être la proie d'un monstre inconnu, elle s'attendait
à périr lorsque Zéphyre
la transporta dans un palais magnifique, où chaque nuit l'Amour
venait la visiter, mais dans l'ombre et en lui recommandant de ne point
chercher à le voir. La curiosité l'emporta bientôt,
mais une goutte d'huile, échappée de la lampe que Psyché
tenait à la main, tomba sur la cuisse de son amant pendant qu'elle
le contemplait. Il s'éveilla aussitôt et s'envola pour ne
plus revenir; le palais s'évanouit en même temps, et Psyché
fut livrée à Aphrodite, qui,
irritée de ce qu'elle avait séduit son fils, la soumit aux
plus dures épreuves. A la fin cependant, l'Amour, touché
de son malheur, revint à elle, l'épousa et lui donna l'immortalité.
Apulée, dans l'Âne d'or,
La Fontaine, et, au XIXesiècle,
Laprade, ont conté cette fable d'une manière
ravissante. La fable de Psyché a reçu mille interprétations
diverses. On a voulu y voir l'emblème de la beauté de l'âme
(dont le nom grec est psyché), de son union avec le corps,
des épreuves quelle subit sur la Terre et de l'immortalité
à laquelle elle est destinée. Ce qu'elle paraît offrir
de plus clair, c'est que le bonheur ne dure qu'autant que dure l'illusion.
Le
mythe, ses lectures...
La fable de Psyché a une origine
orientale, et est postérieure à l'époque mythologique
de la Grèce. De tous les écrivains grecs et latins dont les
ouvrages nous sont parvenus, Apulée est le seul qui la raconte :
il faut mettre sur le compte de son imagination la plupart des détails
qu'il a multipliés autour de la légende primitive, car ils
ne s'accordent pas avec les monuments de l'art grec inspirés par
le mythe d'Amour et Psyché, et bien antérieurs
au siècle d'Apulée. Parmi les interprétations
de ce mythe, la première en date est celle de Fulgence le Mythographe,
qui l'a expliqué dans le sens des doctrines chrétiennes :
selon lui, la flamme de la lampe que tient Psyché symbolise la flamme
de la passion; la goutte d'huile qui brûle l'épaule de Cupidon,
c'est le stigmate du péché qui s'imprime dans notre chair.
-
Psyché
et Eros, par Gérard (Musée du Louvre).
Les hypothèses des érudits
modernes sont moins arbitraires et moins subtiles. Pour les uns, l'histoire
d'Amour et Psyché est un mythe moral qui a pour but de représenter
les dangers courus par la foi conjugale, la fidélité diversement
éprouvée et triomphant en définitive des périls
qui la menaçaient. Pour les autres, c'est une allégorie de
la destinée de l'âme humaine, qui, d'origine céleste,
est, dans sa prison du corps, exposée à l'erreur; c'est pourquoi
des épreuves lui sont prescrites, afin qu'elle puisse s'élever
à une vue supérieure des choses et aux vraies jouissances.
On a cru encore retrouver dans cette fable un dogme pythagoricien de la
chute de l'âme; une exposition vivante et animée des doctrines
de Platon sur l'âme; une image de l'alliance
mystique de l'âme et de l'amour divin; une théorie de l'amour
idéal; une théorie de l'expiation des péchés,
etc. Quelques-uns enfin, renonçant à pénétrer
le sens caché de l'allégorie, conjecturent qu'Apulée
la reçut à l'état de tradition bien altérée,
la modifia encore à sa guise, et considèrent la manière
dont il l'a mise en scène comme une transition du récit mythologique
aux contes de Fées et où le conte
domine.
|
|
|
...
et ses réécritures
Le mythe de Psyché ne se prête
pas seulement aux interprétations religieuses et philosophiques,
mais mieux encore aux fantaisies des poètes et des artistes. Sa
popularité, en France, date de la publication (1669) des Amours
de Psyché et de Cupidon, par La Fontaine,
sorte de roman pastoral, mêlé de prose et de vers, et où
l'auteur a su se montrer original, tout en imitant Apulée. En 1769,
l'abbé Aubert donna un poème en
8 chants sur le même sujet. Au IVe
chant de ses Veillées du Parnasse, Lebrun a mis dans la bouche
d'Apollon s'adressant aux Muses
le récit de l'histoire de Psyché, qu'il regarde comme le
chef-d'oeuvre de l'imagination grecque. Lamartine,
dans son poème de la Mort de Socrate, a résumé
en beaux vers cette allégorie, en décrivant la coupe de bronze
où Socrate va boire la ciguë, et
sur le contour extérieur de laquelle la sculpture l'a représentée.
Laprade a publié, en 1841, un poème
de Psyché, en 3 chants; il affirme, dans l'introduction,
mais sans en donner de preuve positive, la concordance du sens de cette
fable avec les idées de la Genèse
et de l'Évangile.
On a enfin de Calonne un poème d'Amour et Psyché,
qui ne manque pas d'intérêt. Ce sujet a encore donné
naissance à quelques productions dramatiques et musicales. Dans
un de ses Autos sacramentales,
le poète espagnol Calderon a peint
l'amour de l'âme pour Jésus sous
le voile de l'amour de Psyché et de Cupidon.
A peine le roman de La Fontaine fut-il répandu, que Molière,
sur l'ordre de Louis XIV, y puisa le sujet d'une
tragédie-ballet, qui fut représentée en 1670; il en
avait fait le plan, écrit le premier acte, la 1re
scène du second, et la 1re scène
du troisième; le reste est de P. Corneille;
Lulli composa les airs de danse, et la musique
chantée sur les paroles qu'on devait à La collaboration de
Quinault. En 1678 parut, sous le nom de Thomas
Corneille, un opéra de Psyché, en cinq actes; mais
Fontenelle y eut la plus grande part; Lulli
en fit aussi la musique. En 1857, on a représenté à
Paris un opéra-comique de Psyché,
musique d'Ambroise Thomas.
Dans les oeuvres
d'art, Psyché est presque toujours représentée avec
des ailes de papillon; quelquefois elle est voilée
comme les jeunes mariées, et cache un papillon dans son sein, comme
pour retenir l'âme de son époux. Les statues antiques qui
reproduisent son image, soit seule, soit formant groupe avec celle de Cupidon,
sont nombreuses dans les musées de l'Europe. Le Louvre
possède un groupe où l'on voit Psyché implorer à
genoux la pitié de l'Amour, et une statue de Psyché persécutée
par Vénus. Parmi les bas-reliefs, le plus
remarquable est celui du British Museum de Londres,
représentant une sorte de Banquet nuptial et d'hymen sacré.
Un camée, gravé dans la collection du duc de Marlborough,
offre une charmante composition, qui a le mérite rare d'être
signée de son auteur, Typhon, contemporain d'Alexandre. Parmi les
oeuvres modernes, nous citerons, au Louvre : deux groupes de Canova,
Psyché posant un papillon sur la main gauche de l'Amour, et l'Amour
venant au secours de Psyché; une statue de Pajou, Psyché
abandonnée (1795); une autre de Milhomme (1810); une autre de
Chaudet, représentant l'Amour tenant un
papillon et lui présentant une rose.
-
L'enlèvement
de Psyché, par Prud'hon (Musée du Louvre).
Les oeuvres de peinture
inspirées par le mythe de Psyché ne sont pas nombreuses,
mais très importantes : Raphaël a
peint cette fable sur un plafond du palais Farnèse, à Rome.
Il a aussi laissé des dessins qui traduisent
toutes les situations du récit d'Apulée,
et que Marc-Antoine Raimondi et d'autres graveurs ont reproduits dans 32
ou 38 planches. D'autres dessins furent composés par le même
peintre pour les vitraux que Bernard Palissy
exécuta en 1541 et 1542 au château
d'Écouen : ils ont été reproduits en 45 gravures
par Alexandre Lenoir; on les retrouve en partie, et bien mieux exécutés,
dans 22 eaux-fortes d'Hyacinthe Langlois, conservées à la
Bibliothèque de Rouen. Le musée
du Louvre possède un tableau de Gérard,
Amour et Psyché,
que la gravure a popularisé. Prud'hon, en 1808 peignit une Psyché
enlevée par les Zéphyrs (ci-dessus). On a enfin de Chaudet
un remarquable dessin qui a pour sujet le Triomphe de Psyché,
à laquelle tous les peuples viennent rendre les honneurs divins.
Renan a découvert,
en 1861, aux environs de Saïda (Liban), une suite de peintures antiques,
ayant pour sujet le mythe de Psyché. (P-s.).
|
En
bibliothèque. - l'Introduction
aux OEuvres d'Apulée, traduites en français par Bétolaud,
Paris, 1802, 2 vol. gr. in-18; Fulgence le Mythographe, Mythologiarum
libri Ill, Lyon, 1508, in-8; Montfaucon,
l'Antiquité expliquée, Paris, 1719, t. II, in-fol.; Description
des principales pierres gravées du Cabinet du duc d'Orléans,
Paris, 1780, 2 vol. in-fol.; Alex. Lenoir, Musée des monuments
français, Paris, 1803, t: VI; Hirt, le
livre des figures de la Mythologie; de l'Antiquité et de
l'Art. Berlin, 1805-1816, 2 vol. in-4°; Séroux
d'Agincourt, Histoire de l'art par les monuments, Paris, 1823,
4 vol. in-fol.; Creuzer, Religions de l'antiquité,
trad. par Guigniaut, t. III et IV, in-8°; le comte de Clarac,
Musée de sculpture antique et moderne, Paris, 1850, 7 vol.
gr. in-8°; Saint-Marc Girardin,
Cours de littérature dramatiques, gr. in-18;J.P. Altermann,
L'aurore et Psyché, Le Rocher, 2003.
En
librairie - Jean de Palacio, Les
Métamorphoses de Psyché, Paris, Séguier, 1999.
- Katia Ladril, Eros et Psyché, Bénévent, 2003.
- Leroy, Psyché ranimée par le baiser de l'amour,
Réunion des musées nationaux (Beaux livres), 2003. -
Sonia Cavicchioli, Eros et Psyché, L'éternelle félicité
de l'amour, Flammarion (Beaux livres), 2002. - Erwin Rohde, Psyché,
le culte de l'âme chez les Grecs et leur croyance à l'immortalité,
Bibliothèque des introuvables (psychanalyse), 2001. - Christiane
Noireau, La lampe de Psyché, Flammarion, 2001. - Pascale
Auraix-Jonchère, Isis, Narcisse, Psyché, entre lumières
et romantisme (mythe et écritures du mythe), Presses universitaires
de Clermont-Ferrand, 2000.
Apulée,
Amour et Psyché, Flammarion, 2001. - Le conte de Psyché,
les Métamorphoses, IV à VI, (prés. Geneviève
Don), Bertrand Lacoste, (para-scolaire), 1997. - Jean de la Fontaine,
Les amours de psyché et de Cupidon, Flammarion, 1993.
Véronique
Gély, L'Invention
d'un mythe: Psyché. Allégorie et fiction, du siècle
de Platon au temps de La Fontaine, Paris, Honoré Champion,
2006. - "La fable de Psyché", écrivait Charles
Perrault dans les dernières années du XVIIe siècle,
"est une fiction toute pure et un conte de
vieille" : contre l’opinion établie, il récusait la valeur
allégorique du récit légué par Apulée
et modernisé par La Fontaine. Ce statut
nouveau permettait à Psyché d’entrer dans la mythologie commune,
qui l’avait longtemps tenue à l’écart. Tout comme les errances
et la quête de Psyché elle-même, la compétition
entre allégorie et fiction, termes clés de l’herméneutique
et de l’esthétique classiques, avait pour enjeux la vérité
et la beauté. Cet ouvrage s’attache d’abord à réhabiliter
les allégories de Psyché, en montrant leur richesse et leur
capacité d’invention poétique depuis l’Antiquité
jusqu’à la Contre Réforme, qui a vu Psyché triompher
comme fable chrétienne dans la poésie et sur les théâtres
européens. Il montre ensuite comment la contestation de l’allégorie
a déplacé – du champ de la morale
et de la théologie vers celui de l’esthétique
– la mise en cause des sens et de la sensualité : l’interdit qui
empêche Psyché de voir la forma du dieu est devenu dans les
littératures européennes le lieu d’une réflexion sur
les formes et les genres de ces mêmes littératures. (couv.). |
|
|