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Lulli

Jean-Baptiste Lulli ou Lully est un célèbre compositeur de musique, né à Florence en 1633, mort à Paris le 22 mars 1687. Les uns le disent fils d'un meunier, les autres le prétendent gentilhomme; le fait importe peu pour un homme qui sut conquérir le premier rang dans son art, et, en somme, s'il est né de basse extraction, il mourut gentilhomme, bel et bien anobli et à juste titre. Son nom peut s'écrire indifféremment Lully ou Lulli, car lui-même a donné ces deux orthographes. Lulli étant encore en Italie prit quelques leçons de musique et apprit la guitare. Il avait environ treize ans lorsque le chevalier de Guise, voyageant à Florence, le fit venir en France et le donna à Mademoiselle de Montpensier qui fit du jeune musicien un... marmiton. 
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Lulli.
Jean-baptiste Lulli.

A ses moments perdus, Jean-Baptiste jouait du violon; le comte de Nogent l'entendit et intéressa Mademoiselle à ce talent naissant; celle-ci le mit au nombre de ses musiciens, mais Jean-Baptiste, déjà ingrat, écrivit contre elle une chanson satirique, et elle le chassa. Il travailla alors avec les organistes Métru, Roberdet et Gigault, puis entra dans la grande bande des violons du roi : cette bande se composait d'assez médiocres musiciens, Lulli en forma une autre dite la Petite Bande, qui ne tarda pas à éclipser son aînée. C'est pour ces musiciens qu'il écrivit ses premières compositions.

On sait que Louis XIV dansait souvent dans les ballets joués à la cour; la musique de ces ballets était écrite par de nombreux compositeurs, parmi lesquels on comptait Lulli, puis en 1658 il fit en entier le ballet d'Alcidione; ce fut son premier début important; bientôt vinrent : le Ballet des arts, l'Amour déguisé, enfin la Princesse d'Elide en 1664, et l'Amour médecin. De ce jour, il fut le collaborateur habituel de Molière jusqu'en 1674, où il se brouilla avec lui. C'est ainsi qu'il écrivit en 1669 la musique de Monsieur de Pourceaugnac, dont il joua et dansa le rôle principal, et le Bourgeois gentilhomme, où il remplit le rôle du mufti avec le plus grand succès.

Vers cette époque, Cambert, Perrin et le marquis de Sourdéac avaient fondé l'Académie royale de musique et joué l'Opéra d'Issy (1659), Pomone (1671), les Peines et les Plaisirs de l'amour, avec le poète Gilbert (1672). Perrin était un pauvre bohème incapable de compter, Sourdéac un aigrefin, Cambert un musicien ne s'occupant que de sa musique; l'entreprise, malgré de réels succès, ne pouvait que péricliter et, dans ces conditions, le privilège royal ne pouvait leur profiter longtemps. Il était évident qu'il faudrait bientôt un propriétaire pour ce bien en déshérence; Lulli avait compris tout le parti que l'on pouvait tirer de l'idée de Perrin et Cambert; il se mit à l'affût; au bout de peu d'années, les associés se volaient, se querellaient, se séparaient, et le Florentin, fort de l'appui de Mme de Montespan et profitant de toutes ces discordes, qui avaient fini par indisposer le roi et les juges, faisait tout simplement enlever le privilège à Perrin, payait une légère indemnité à Sourdéac, laissait partir en Angleterre le pauvre Cambert et s'installait à leur place. Ceci se passait en 1672. Le procédé n'était pas très loyal; on cria fort, et un nommé Guichard écrivit un mémoire qui est resté célèbre; mais Lulli avait son génie pour lui, il devait triompher; il ne créa pas, il est vrai, mais il établit réellement en France ce genre noble et majestueux qui a nom tragédie lyrique ou opéra.

Ce ne fut pas dès sa première oeuvre que Lulli atteignit le but qu'il visait. Les fêtes de l'Amour et de Bacchus, par lesquelles il ouvrit son opéra de la salle du Jeu de Paume du Bel-Air, rue de Vaugirard, le 15 novembre 1672, était un ballet qui différait fort peu de ceux que l'on avait joués jusqu'à ce jour, mais voilà qu'avec Cadmus et Hermione (1673) nous voyons apparaître un art vraiment nouveau; Alceste (1674) est bien loin de l'oeuvre magistrale que Gluck écrira plus tard sur le même sujet, mais l'air de Caron et la scène des Ombres révèlent un maître. Avec Thésée (1655), Lulli s'est élevé jusqu'à l'accent tragique dans tout le rôle de Médée. Atys, dit l'Opéra du roi, Isis, dit l'Opéra des musiciens, avec l'air si pittoresque des plaintes de Pan, Psyché (1678), marquent chaque année une nouvelle étape. 

Viennent ensuite Bellérophon (1679), dont le poème est de Corneille, de Fontenelle et de Boileau, Proserpine, une des oeuvres les plus curieuses et les plus travaillées du maître. Avec le Triomphe de l'Amour (1681), qui fut le dernier ballet royal, Lulli revint à sa première manière, mais plus relevée et d'une grâce plus virile; en 1682, la tragédie reprenait ses droits avec Persée, par la beauté des récitatifs, par l'ampleur des idées mélodiques; Phaéton (1683) contient deux beaux duos, mais avec Amadis (1684) et Roland (1685), le maître est en pleine puissance de son génie; lisez le bel air d'Amadis : « Bois épais, redouble ton ombre »; l'air de Médor « Ha! quel tourment »; le choeur si ferme : « Courons aux armes », et vous reconnaîtrez un maître. Dans Armide (1686), le duo d'Hidrao et d'Armide, le bel air : « Il est en ma puissance », le récit véritablement tragique d'Armide : « Le perfide Renaud me fuit », sont des pages de premier ordre et par l'inspiration et par le style.

Armide est le dernier et le plus beau des grands opéras de Lulli; il laissa encore en portefeuille Acis et Galatée, pastorale qui fut jouée en 1686 et imprimée en 1687. La même année on exécuta à l'Opéra Achille et Polyxène, dont le maître avait écrit le premier acte et Colasse, son secrétaire, les quatre derniers. En dehors de sa musique dramatique, Lulli composa un grand nombre d'oeuvres religieuses et parmi les plus connues un Te Deum, et une collection de motets qui a été imprimée en 1684.

Dans le cours de sa vie accidentée, le Florentin eut de nombreuses aventures qui toutes ne sont pas à son honneur, entre autres sa rupture avec Molière, la manière dont il conquit le privilège de l'Académie royale de musique, les procédés peu dignes qu'il employa pour s'attirer la bienveillance du roi. C'était, en somme, un assez vilain caractère, et les mémoires des contemporains nous le montrent sous un assez mauvais jour. Nous ne pouvons rééditer ici ces nombreuses anecdotes, mais on peut se résumer en disant que, si l'homme était peu digne d'estime, le musicien était de premier ordre et qu'il fonda avec l'opéra un genre qui a duré jusqu'à nos jours. On peut ajouter que des grands maîtres comme Rameau, Gluck, Spontini, etc., ont été jusqu'à un certain point ses tributaires.

Lulli avait été secrétaire du roi et anobli en cette qualité; ses titres officiels étaient : écuyer, conseiller, secrétaire du roi, maison, couronne de France et de ses finances, et surintendant de la musique de Sa Majesté. De plus, il était fort riche; il fut enterré dans une chapelle de Notre-Dame-des-Victoires où l'on voit encore son tombeau. Il avait épousé Madeleine Lambert, fille du célèbre chanteur Lambert, dont il eut trois fils :

• Louis de Lulli, l'aîné, naquit le 4 août 1664; il fut comme son père surintendant et compositeur de la chambre du roi. Il écrivit, avec son frère Jean-Baptiste, Orphée, opéra en trois actes (1690); avec Marais, Alcide ou le Triomphe d'Hercule (1693); avec Colasse, le Ballet des Saisons (1695).

• Jean-Baptiste de Lulli, né en 1665, fit ses études théologiques au séminaire de Saint-Sulpice et devint abbé de Saint-Hilaire, près de Narbonne, ce qui ne l'empêcha pas de toucher une pension sur l'Opéra et d'écrire, comme on l'a vu plus haut, une tragédie lyrique d'Orphée avec son frère Louis.

• Jean-Louis de Lulli, troisième fils du grand musicien, naquit en 1667 et mourut en 1688 ayant la survivance de toutes les places de son père. Quoique bien jeune, il signa avec son frère Louis un opéra-ballet, Zéphyre et Flore, qui fut joué en 1688. (H. Lavoix).

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