| Le mot esthétique (du grec aisthèsis, sensation), fut créé par Baumgarten. Par son étymologie, exprimerait simplement l'idée de sentir. Cependant il désigne l'étude des seules émotions qui se rapportent à la beauté. C'est que, si beaucoup de nos jugements ont pour objet le vrai, d'autres ont pour objet le beau, et s'appuient, non pas tant sur des idées plus ou moins régulièrement liées ensemble, que sur un sentiment que tous les humains doivent éprouver à la vue de certaines choses, belles ou sublimes. Et comme pour marquer que c'est surtout le sentiment qui juge ici, et non plus l'entendement seul ou la raison, et encore un sentiment épuré et affiné sous le nom de goût, le mot esthétique a été choisi par opposition à celui de logique. Voici les principales divisions proposées classiquement pour l'esthétique : Une première partie, à la fois métaphysique et psychologique, contient l'analyse et la discussion de l'idée du beau et des autres idées qui s'y rattachent, du sublime, de la grâce, de la dignité; du joli, etc.; la description des sentiments qui les accompagnent, et des facultés par lesquelles l'esprit humain crée le beau ou le perçoit, tels que l'imagination, le goût. Une seconde partie comprend l'étude du beau dans la nature et dans l'art, les principes de l'art et ses lois générales; la théorie des beaux-arts pris chacun en particulier, architecture, sculpture, peinture, musique, poésie, etc. Une dernière partie est l'histoire générale de l'art et de ses formes principales à ses différentes époques. Elle doit étre distinguée des recherches de l'archéologie et de l'érudition, quoique la connaissance positive des principaux monuments de l'art soit nécessaire pour la traiter. L'esthétique est une discipline presque toute moderne; les recherches sur le beau et l'art ne sont pourtant pas inconnues à l'Antiquité : on en trouve déjà des traces dans les Entretiens de Socrate (Xénophon, Mém. sur Socr., liv. III). Platon établit une discussion régulière sur le beau dans plusieurs de ses dialogues (Hippias, Phèdre, le Banquet; il traite de l'art au 10e livre de sa République, au 2e et 7e livre des Lois. La Poétique d'Aristote peut être considérée comme un fragment d'esthétique. Plotin dans ses Ennéades (VI) a laissé un remarquable traité sur le beau. Si Augustin avait compose sur ce sujet un livre qui est perdu. Sa théorie devenue célèbre est indiquée dans ses Confessions et dans son livre sur la musique. Le Moyen âge et la Renaissance n'offrent rien qui intéresse la science du beau. La philosophie au XVIIe siècle est tournée également vers d'autres questions de l'ordre purement métaphysique. Le traité du P. André sur le beau, et celui de Crousaz font seuls exception. Au XVIIIe siècle les questions sur le beau et l'art attirent l'attention des philosophes; la science du beau est détachée des autres sciences philosophiques par un disciple de Wolf, par Baumgarten, qui l'appelle esthétique. Par la suite, elle n'a cessé d'être cultivée en Angleterre, en Écosse, en France, et surtout en Allemagne. Il suffit de mentionner les travaux de Burke, d'Hutcheson, et de Reid en Angleterre et en Écosse; en France, ceux de Diderot, de Batteux, de Dubos au XVIIIe siècle, ceux de Cousin, de Jouffroy, au XIXe siècle; en Allemagne, ceux de Kant, de Schiller, de Jean Paul, de Schelling et de Hegel. Les principaux auteurs classiques a lire ou a consulter sont : Platon, Dialogues ci-dessus cités; Aristote, Poétique; Longin, le Traité du sublime; Plotin, 1re Ennéade, ch. VI; le P. André, Essai sur le beau; Diderot, les Salons; Batteux, Les beaux-arts ramenés à un seul principe; Kant, Critique du jugement; Schiller, Lettres sur l'éducation esthétique, et petits écrits; A. W. Schlegel, Leçons sur l'histoire et la théorie des beaux-arts; Schelling, Écrits philosophiques, et en particulier le Discours sur les arts du dessin; Hegel, Cours d'esthétique; Jouffroy, Cours d'esthétique; Cousin, Du Vrai du Bien, et des Beau; Töpffer, Menus propos d'un peintre genevois,; Ch. Levêque, Etude sur la science du beau; Ed. Chaignet, Les Principes de la science du beau; Tonnelé, Fragments sur l'art et la philosophie, etc. (B.-D.). | |