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Les
fêtes publiques du Moyen âge
ont été avant tout des fêtes
religieuses. La plupart des fêtes populaires des populations
européennes coïncident avec ces manifestations de la religion
officielle (Les
fêtes chrétiennes). L'Eglise
a pris soin de s'arranger pour cela. Grégoire
le Grand, constatant la difficulté qu'avait le christianisme
à être imposé à des populations attachées
à leurs anciens cultes, prescrivait aux missionnaires qu'il envoyait
chez les Anglo-Saxons d'adopter ainsi
leurs fêtes, comme leurs temples en les transformant et les appropriant
au culte chrétien.
Dans l'Europe latine,
on retrouve donc au Moyen âge, à côté des fêtes
du christianisme, sous leur manteau, d'anciennes fêtes des Celtes,
des Germains, des Grecs,
des Romains; en même temps, soit
assimilées aux grandes fêtes officielles, soit subsistant
à côté d'elles, se conservent des fêtes populaires
nationales. Nous n'en dirons que quelques mots : les Celtes, par exemple,
avaient des fêtes périodiques; telle celle du printemps, dans
l'île Tenby, chantée par le barde Taliesin. On offrait des
boeufs sacrés auprès de la mer;
une procession mystique se déroulait sous la conduite des prêtres;
célébrées en l'honneur d'un dieu solaire, la fête
commençait à l'aurore.
La fête du
Carnaval remonte à des origines celtiques;
on y promenait un mannequin qu'on noyait ensuite; on s'y déguisait
en animaux au dimanche suivant, dimanche des Brandons;
on allumait des feux, on dansait autour; on se promenait avec des torches
brûlant les nids de guêpes. Citons encore la fête analogue
des bourrées de la Saint-Jean; la vieille fête des Semailles,
placée sous l'invocation de saint Mamert avec sa procession noire
des têtes humiliées; Charlemagne
y prit part, pieds nus, cheveux dénoués saupoudrés
de cendres. La fête de l'Avent a été
rattachée, à tort ou à raison, à l'Avane celtique.
La bûche de Noël vient d'une coutume
païenne; on rallume le feu au début de l'année (placé
au solstice
d'hiver) pour symboliser la renaissance du Soleil.
Comme fêtes du printemps on conserve en Espagne
et en Italie,
à l'équinoxe
du printemps (dimanche de Laetare), la fête
où l'on met à mort (en effigie) la plus vieille femme du
village; on scie, ou brûle la poupée; en Ecosse,
cette cérémonie a lieu à Noël. Enfin, l'usage
de planter le mai est très répandu.
Les Germains
avaient des fêtes de saisons, dont les principales (Dult ou Hochzit)
tombaient aux équinoxes et aux solstices. La plus grande était
celle de l'équinoxe d'hiver, fête de Jul ou Joel, dédiée
à Fro ou Freyr, dieu solaire, et symbolisant
la naissance du Soleil; elle se prolongeait depuis l'équinoxe d'automne,
durant douze jours, jusqu'au moment de la fête
des Rois chrétienne; on supposait que les dieux parcouraient
la Terre. Les hostilités étaient suspendues; on se parait
de feuillages verts et on offrait à Freyr des sangliers. La plupart
de ces usages persistent et s'expliquent à la fête de Noël
dans les pays germaniques; de là viennent l'arbre
de Noël, le gui ou le houx dont on décore les maisons, etc.
La fête de l'équinoxe du printemps était dédiée
à Ostara; elle s'est confondue avec Pâques.
La fête du solstice d'été et celle de l'équinoxe
d'automne ont laissé moins de traces, de même que celle du
1er mai dite de Walpurgis.
Les Slaves
ont, comme les peuples de l'Europe
occidentale, gardé sous de nouveaux noms leurs anciennes fêtes.
Celles-ci étaient distribuées selon l'ordre des saisons
et le cours de la vie végétale. Au solstice d'hiver (ou au
24 décembre) fête de Koliada, fête pacifique avec distribution
d'étrennes; le lendemain, fête
des sages-femmes où les filles et femmes sont censées privées
de leur sexe et doivent s'adresser aux sages-femmes pour le recouvrer.
Au solstice d'été (ou au 24 juin), fête de Koupalo,
célébrée par des feux de joie autour desquels on danse
et chante couronné de fleurs; on fait passer le bétail sur
les cendres afin de le préserver des maléfices. Cette fête
se continue sous le vocable de sainte Agrippine. Les Serbes couronnent
leurs maisons et leurs étables de fleurs à la Saint-Jean,
afin d'écarter les mauvais génies. La grande fête
des morts des Slaves était à la nouvelle année;
une seconde au 24 mai, l'une donc en hiver, l'autre au printemps, plus
tardif en Russie
qu'en France
ou en Grèce.
Le sens de ces fêtes est conforme à leur date; de même
les cérémonies et les légendes qui s'y rattachent.
Les Finnois
avaient quatre grandes fêtes, une par saison; pour les semailles
au printemps, la moisson en été, une fête d'actions
de grâce à l'automne, une fête joyeuse en hiver, dite
fête de l'Ours; on célébrait
par des cérémonies le soir du dimanche, du lundi et du jeudi.
La fête principale paraît avoir été celle de
l'hiver, identifiée depuis avec Noël.
On en pourrait citer beaucoup d'autres. Chez les Lives,
c'est celle de l'été (la Saint-Jean) qui a le plus gardé
son caractère primitif.
Des fêtes populaires
proprement dites du Moyen âge (La
religion populaire au Moyen Âge), peu ont atteint une grande
importance; elles font l'objet d'articles séparés (Fête
de l'Ane, fête des Fous, Carnaval,
fête du boeuf gras,
etc.). Quant aux fêtes publiques occasionnelles,
elles prirent un grand développement à partir du XVe
siècle, moment d'organisation des grandes monarchies nationales.
Les plus imposantes avaient lieu lors de l'avènement du sacre
des rois, de leur mariage ou de celui de leur fils, de leur entrée
solennelle dans les villes. Ces fêtes font l'objet des articles Carrousel,
Tournoi, etc. Elles avaient un caractère
militaire prédominant.
Au contraire, la
Renaissance
donna lieu à une série de fêtes archéologiques
ou littéraires très belles, qui sont un des traits les plus
curieux de cette époque; les cortèges, les représentations
scéniques y tinrent une grande place. Les fêtes gouvernementales
devinrent de plus en plus frivoles sous la monarchie absolue; elles étaient
destinées presque exclusivement à l'amusement du monarque
et de sa cour. On peut citer parmi les plus somptueuses celles du règne
de Louis XIV. Il va de soi que, malgré
leur grand apparat, ces fêtes n'eurent jamais l'importance des fêtes
publiques de l'Antiquité
ou des fêtes chrétiennes.
Au contraire, lorsque la Révolution française réorganisa
sur de nouvelles bases la société française, les hommes
d'Etat, sentant bien l'immense importance des fêtes publiques, s'efforcèrent
de lui en donner un système complet qu'on put substituer aux fêtes
religieuses, de même qu'ils substituaient une constitution nouvelle
à l'Ancien régime
(Les
fêtes révolutionnaires, la
fête de la fédération). (A.-M. B.). |
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