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On donnait, au
Moyen âge, les noms de Fête
des fous ou Fête des Innocents, et ceux de fête
de l'Âne, des Sous-Diacres, c.-à-d. des Diacres-soûls,
des Cornards, des Libertés de décembre, et d'autres encore,
suivant les provinces, à des divertissement qui avaient ordinairement
l'église pour théâtre
et les ecclésiastiques pour acteurs (La
religion populaire au Moyen Âge).
En certaines églises, pendant les
trois jours de saint Etienne, de saint Jean et des Innocents (fin décembre),
un jeune clerc décoré du titre d'évêque des
fous, Episcopus stultorum, occupait le siège épiscopal,
revêtu des ornements pontificaux, à l'exception de la mitre,
qui était remplacée par une sorte de bourrelet. A la fin
de l'office, il recevait les mêmes honneurs que le véritable
prélat, et son aumônier prononçait une bénédiction,
dans laquelle il demandait pour les assistants le mal de foie, une banne
de pardons, vingt bannes de maux de dents, et deux doigts de teigne sous
le menton (Mémoires de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, t. VII, p. 254).
La Fête des fous, dit Millin, donnait
lieu à des cérémonies
extrêmement bizarres. On élisait un évêque et
même dans quelques églises un pape des fous. Les prêtres,
barbouillés de lie, masqués et travestis de la manière
la plus folle, dansaient en entrant dans le choeur et y chantaient des
chansons obscènes; les diacres et les sous-diacres mangeaient des
boudins et des saucisses sur l'autel, devant
le célébrant, ,jouaient sous ses yeux aux cartes et aux dés,
et brillaient dans les encensoirs de vieilles savates. Ensuite on les charriait
tous par les rues, dans des tombereaux pleins d'ordures, ou ils prenaient
des poses lascives, et faisaient des gestes impudiques (Monuments inédits,
t. II, pp. 345 et suiv.). Ce n'était pas seulement dans les cathédrales
et les collégiales que ces joyeusetés se célébraient:
elles étaient aussi pratiquées dans les monastères
des deux sexes.
A diverses époques, des évêques
s'étaient efforcés soit de supprimer ces farces cléricales,
soit de les amender. Maurice, évêque de Paris, mort vers 1196,
tenta vainement de les abolir dans son diocèse. En 1265, Odon, archevêque
de Sens, prohiba les dissolutions qui accompagnaient la fête des
Fous et de l'Âne, mais sans interdire la fête
elle-même. Des actes du chapitre de Sens indiquent qu'elle était
encore permise en 1314 et 1517. En 1441, la faculté de Paris, à
la requête de quelques évêques, adressa à tous
les prélats et chapitres une lettre pour la condamner; l'année
suivante, Charles VII enjoignit à tous
les maîtres de théologie d'en interdire la célébration
dans les églises collégiales; mais ces mesures radicales
paraissent n'avoir pas produit de résultat sérieux.
Un concile tenu dans la dernière
moitié du XVe siècle ne parle
encore que des abus qu'il faut retrancher, tels que les travestissements,
la parodie du chant ecclésiastique, la nudité et les facéties
trop brutales; il limite à trois seaux l'eau qu'on peut jeter sur
la tête du préchantre lors de la fête de l'âne.
Il semble que ce furent l'apparition du Protestantisme
(La Renaissance)
et les railleries des hérétiques qui provoquèrent
une réformation plus péremptoire. Un arrêt du parlement
de Dijon (19 janvier 1552) ordonna aux choraux
et aux habitués de l'église Saint-Vincent et des autres églises
de son ressort, de célébrer le jour
des Innocents et autres jours,
"sans faire
aucunes insolences et tumultes ès dites églises, vaguer en
icelles et courir parmi les villes, avec danses et habits indécents
à leur état ecclésiastique" .
Il enjoignit aux juges ordinaires royaux des
lieux, et à tous substituts du procureur général,
de pourvoir étroitement à l'exécution de cet arrêt.
Il servit de signal et de modèle à tous les règlements
qui furent faits alors sur cette matière. Cependant, quand le pouvoir
civil entreprit de les faire observer il rencontra presque partout la résistance
des chanoines et des habitants. La fête des Fous fut conservée
à Provins jusqu'au XVIIe
siècle. Une lettre de Neuré à Gassendi
constate qu'en 1645 les Cordeliers d'Antibes
fêtaient encore les Innocents, avec les joyeusetés de l'ancien
rite. (E. H. Vollet). |
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