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L'art sacré : l'alchimie alexandrine |
Aperçu
L'art
sacré
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La
chimie au Moyen âge
L'alchimie arabo-musulmane L'alchimie dans le monde chrétien |
Les
noms d'art sacré, d'art divin, ou encore d'art
hermétique a été donné à la chimie
telle qu'elle se pratiquait à partir du IIIe
siècle de notre ère à
Alexandrie
et, bientôt à
Byzance.
C'est le point de départ de cette science, mi-pratique mi-mystique,
qui se prolongera au Moyen âge
sous le nom d'alchimie. Il y a lieu de distinguer
trois éléments dans cette alchimie primitive : 1° un
élément de pratique industrielle; 2° un élément
de mysticisme oriental; 3° un élément
d'explication rationnelle et philosophique.
L'art sacré intègre ainsi les pratiques métallurgiques qui ont pris naissance dans les industries d'Egypte et de Mésopotamie relatives à la préparation des métaux et de leurs alliages, des verres, des pierres artificielles, des étoffes colorées. C'est, de ce point de vue, l'héritier d'un artisanat très ancien. Or, qui dit artisanat dit savoir-faire, mais aussi « trucs de métier », tours-de-main, que l'on se transmet avec parcimonie, secrets de fabrication très prosaïques (fussent-ils, dans l'esprit de celui qui les détient, assortis d'explications magiques) : il en va de la survie économique de l'homme de l'art. On peut ainsi comprendre que les adeptes de l'art sacré aient indiqué la direction des temples de Memphis ou de Thèbes pour désigner l'origine de leur science. Mais c'est moins chez les prêtres de ces temples que chez les artistes qui les ont construit et décorés que se trouve en réalité cette origine. C'est seulement très tardivement, au moment de l'éclosion au grand jour de l'art sacré, que les secrets des anciens artisans se revêtent du costume du mysticisme, puisant dans le Néoplatonisme et dans le Gnosticisme, de formation récente, en même temps que dans de tout cet appareil théorique que les spéculations des anciens physiciens grecs permettent de nourrir. C'est la philosophie grecque, de plus, qui a fourni à l'alchimie la justification rationnelle de ses pratiques et de ses espérances. Le principe très simple sur lequel elles se fondent est que la matière est une par la substance, diverse par les qualités; que l'on peut dépouiller plus ou moins complètement une substance donnée des qualités qui la caractérisent, et la revêtir de qualités nouvelles; que les substances peuvent ainsi se changer les unes dans les autres suivant un processus circulaire, qui revient au point de départ. Hermès Trismégiste, le fondateur mythique Le versant mystique de l'art sacré, et de l'alchimie en général repose sur la doctrine attribuée à Hermès, la plus grande autorité des alchimistes. Surnommé Trismégiste, c'est-à-dire trois fois très grand, Hermès est, disaient-ils, le Thaat des Egyptiens, Mercure, le Dieu du ciel et de l'enfer, le principe de la vie et de la mort. Aussi se nommaient-ils eux-mêmes philosophes hermétiques, et leur science était art hermétique. L'Antiquité classique garde un silence absolu sur les prétendus écrits d'Hermès, cités par les adeptes et les philosophes néoplatoniciens. Au rapport de Jamblique, citant Manéthon, Hermès Trismégiste aurait écrit trente-six mille cinq cent vingt-cinq volumes sur toutes les sciences. De pareilles exagérations, il suffit de les signaler pour les juger. Le serment hermétique.
« Je jure par le ciel, par la terre, par la lumière, par les ténèbres; je jure par le feu, par l'air, par l'eau et par la terre; je jure par la hauteur du ciel, par la profondeur de la terre et par l'abîme du Tartare; je jure par mercure et par Anubis, par l'aboiement du dragon Kerkouroboros, et du chien à trois têtes, Cerbère, gardien de l'enfer; je jure par la nocher de l'Achéron; je jure par les trois Parques, par les Furies et par le glaive, de ne révéler à personne aucune de ces paroles, si ce n'est à mon fils noble et chéri. »Puis, s'adressant à Horus, Isis lui dit : « Maintenant, mon fils, va trouver le cultivateur et demande lui quelle est la semence et quelle est la moisson. Tu apprendras de lui que celui qui sème du blé récoltera du blé, que celui qui sème de l'orge récoltera de l'orge. Ces choses le conduiront, mon fils, à l'idée de la création et de la génération, et rappelle-toi que l'homme engendre l'homme, que le lion engendre le lion, que le chien reproduit le chien. C'est ainsi que l'or produit l'or; et voilà tout le mystère. »Tout cela signifie, en dernière analyse, que pour faire de l'or il faut prendre de l'or. Le secret n'était pas bien merveilleux. Le macrocosme
et le microcosme.
« Hermès nomme, y est-il dit, microcosme l'humain, parce que l'humain ou le petit monde (o mikros kosmos) contient tout ce que renferme le macrocosme ou le grand monde (o megas kosmos). Ainsi, le macrocosme possède de petits et de grands animaux, terrestres et aquatiques; l'humain a des puces et des poux : ce sont ses animaux terrestres; il a aussi des vers intestinaux : ce sont ses animaux aquatiques. Le macrocosme a des fleuves, des sources, des mers; l'humain a des vaisseaux ou intestins, des veines, des sentines. Le macrocosme a des animaux aériens; l'humain a des cousins et d'autres insectes ailés. Le macrocosme a des esprits qui s'élèvent, tels que les vents, les foudres, les eclairs; l'humain a des vents (fusas), des pets (pordas), des fièvres ardentes, etc. Le macrocosme a deux luminaires, le soleil et la lune; l'humain aussi a deux luminaires : l'oeil droit, qui représente le soleil, et l'oeil gauche la lune. Le macrocosme a des montagnes et des collines; l'humain a des os et des chairs. Le macrocosme a le ciel et les astres ; l'humain a la tête et les oreilles. Le macrocosme a les douze signes du zodiaque; l'humain les a aussi depuis la conque de l'oreille ( = krios = bélier, en grec), jusqu'aux pieds, qui se nomment les Poissons (signe du zodiaque qui suit le signe du Bélier). » Correspondance entre « ce qui est en haut et ce qui est en bas », selon Robert Fludd (Utriusqui cosmi historia, 1619). La Table d'Emeraude.
« Il est vrai, sans mensonge, certain, et très véritable que ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour l'accomplissement d'un être unique. Toutes les choses proviennent de la médiation d'un seul être. Le soleil est le père, la lune la mère, et la terre est la nourrice; le Vent l’a porté dans son ventre et la Terre est sa nourrice. C’est le père de la perfection du monde entier. Sa puissance est entière quand elle est métamorphosée en terre. Tu sépareras la terre du feu, ce qui est léger de ce qui est lourd; tu conduiras l'opération doucement et avec beaucoup de précaution : le produit s'élèvera de la terre vers le ciel, et liera la puissance du monde supérieur avec celle du monde inférieur. C'est là que se trouvent la science et la gloire de l'univers; c'est de là que dérivent les belles harmonies de la création. Aussi m'appellé-je Hermès Trismégiste, initié aux trois parties de la philosophie universelle. Voilà ce que j'ai à dire sur l'oeuvre du soleil. »Suivant le P. Kircher, la Table d'émeraude renfermait la théorie de l'élixir universel et de l'or potable (Oedipus Aegyptiacus, t. II). Une chose plus certaine que cette interprétation, c'est que ce code de l'alchimie ressemble aux oracles de l'Antiquité : on y trouve tout ce que l'on voudra. C'était le grand secret de contenter tout le monde. Dans le laboratoire d'un alchimiste alexandrin Si l'on considère maintenant le
versant pratique de l'art sacré, force est de constater que les
vues théoriques des alchimistes les
engagèrent dans une voie sans issue, et dans laquelle ils perdirent
des trésors de persévérance et de génie; mais
pour les juger avec équité il convient de se reporter aux
temps où ils vivaient. Aujourd'hui même que les sciences,
et particulièrement la chimie,
sont arrivées à un si haut degré de perfection, il
ne nous est pas permis de repousser comme une absurdité, l'idée
de la transformation des métaux les uns dans les autres; nous devons
l'écarter seulement, comme étant d'une réalisation
impossible à l'aide des forces ou des agents dont les alchimistes
pouvaient disposer. L'or et le plomb par exemple, ne sont pas essentiellement
distincts par leur nature. Leurs noyaux sont composés simplement
d'un nombre différent de protons
et de neutrons,
certaines réactions nucléaires sont ainsi en mesure de
« transmuter » une noyau de plomb en noyau d'or. Bien
sûr il ne s'agit pas d'alchimie, ni même de chimie, mais de
physique nucléaire, et les concepts à l'oeuvre n'ont plus
rien de commun avec ceux que maniaient les alchimistes.
Effaçons un instant de notre mémoire toutes les découvertes faites pendant le laps de temps qui nous sépare du règne de Constantin ou de Théodose le Grand; transportons-nous un moment par la pensée dans le laboratoire de Zosime, le premier des alchimistes d'Alexandrie, ou d'un des grands maîtres de l'art, sacré; assistons en initiés à quelques-unes des opérations de l'art sacré. Comme on le constatera, le point de départ de toutes les doctrines alors à l'oeuvre était l'observation et l'imitation de la nature. Il ne faut donc, pas s'étonner qu'elles aient été cultivées avec ardeur. L'art sacré était véritablement la chimie des philosophes de l'école d'Alexandrie, et l'alchimie ne fut que la continuation de l'art sacré. Aussi en adopta-t-elle le langage symbolique et les allures mystérieuses; cependant il serait difficile de marquer le passage de l'un à l'autre. : 1° On chauffe de l'eau ordinaire dans un vase ouvert. L'eau bout et se réduit en un corps aériforme (vapeur) en laissant au fond du vase une terre blanche, pulvérulente. Conclusion : l'eau se change en air et en terre. Qu'aurions-nous à objecter contre cette conclusion, si nous n'avions aucune idée de l'existence des matières que l'eau tient en dissolution et qui, après la vaporisation, se déposent au fond du vase? 5° Les vapeurs d'arsenic blanchissent le cuivre. Ce fait, connu depuis longtemps, avait donné naissance à une multitude d'allégories obscures, et d'énigmes mystiques sur le moyen, de transformer le cuivre en argent. Le soufre, qui attaque les métaux, qui les noircit et les transforme en des produits ordinairement noirs, pulvérulents, était un corps tout aussi mystérieux que l'arsenic. C'est avec le soufre qu'on coagulait (solidifiait) le mercure. 6° On fait tomber du mercure en pluie fine sur du soufre fondu, et l'on obtient une matière noire comme I'aile du corbeau. Cette matière chauffée dans un vase clos se volatilise sans s'altérer et se présente avec une éclatante couleur rouge. Ce curieux phénomène ne devait-il pas frapper d'étonnement les initiés à l'art sacré, et agir d'autant plus sur leur imagination, que pour eux le noir et le rouge n'étaient rien moins que les symboles des ténèbres et de la lumière, du mauvais et du bon principe, et que la réunion de ces deux principes représentait, dans l'ordre moral, l'Univers-Dieu?Ainsi, la fameuse théorie de la transmutation des métaux, adoptée par les alchimistes, est fondée sur quelques faits réels, mais non compris et mal interprétés. Au reste, cette théorie, considérée au point de vue de la science d'alors, n'était pas aussi irrationnelle qu'elle nous le paraît aujourd'hui. Le point de départ de tout raisonnement était l'observation et l'imitation de la nature. Les métaux étaient assimilés à de véritables êtres animés, ayant, comme les végétaux et les animaux, leur vie propre; car la division des corps en organiques et en inorganiques, division qui n'a aucune valeur philosophique, est d'une date assez récente. Que voit-on dans la nature? des transformations. Les écrits des chimistes anciens sont pleins d'allusions mystiques et allégoriques sur la germination, sur la génération, sur la transformation de la graine en plante, des fleurs en fruits, etc. Faut-il donc leur en vouloir d'avoir établi
la théorie de la transmutation sur un simple
Je reviens à ce que j'ai dit plus haut si nous voulons juger nos prédécesseurs, il faut nous placer à leur point de vue, et bien nous garder de les condamner en les jugeant à travers le prisme de nos connaissances actuelles. C'est avec ce principe qu'il faut aborder l'histoire des sciences, comme, du reste, l'histoire en général. Et ce que je viens de dire à propos de la théorie de la transmutation des métaux peut également s'appliquer à beaucoup d'autres théories qui avaient eu pour point de départ des faits réels, mais mal compris, faute d'autres découvertes qui restaient encore à faire, et qu'il était alors presque impossible de prévoir. (DV / F. Hoefer). |
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