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Antoine-Marie
Schyrle de Rheita est un astronome'
né vers 1597, en Bohème, mort
à Ravenne en 1660. Il entra dans l'ordre
des capucins et se fit une réputation comme théologien et
comme prédicateur. Il est surtout connu pour avoir exécuté,
d'après les idées de Képler,
la lunette astronomique à deux verres convexes et le télescope
dioptrique à trois verres où les images sont redressées.
C'est de lui que viennent les deux termes utilisés en optique d'oculaire
et d'objectif.
Son ouvrage principal s'intitule Oculus Enoch et Eliae, sive Radius sidereomysticus, pars prima, authore R.P.F. Antonio Maria Schyrleo de Rheita, ord. Capucinorum concionat., etc opus [...] non tam utile quam jucundu, Antewerpiae, 1645. Nous enempruntons à Delambre l'analyse qui suit : La dédicace de l'ouvrage est à Jésus-Christ; une seconde est adressée à Ferdinand III, empereur, et aux sept électeurs. Dans une préface verbeuse, l'auteur nous apprend qu'après avoir longtemps examiné les systèmes de Ptolémée, de Copernic, de Tycho et des autres astronomes, il s'est convaincu que dans tous on trouvait des choses superflues, déplaisantes, et peu conformes aux phénomènes. Il a fait la découverte d'un centre unique, auquel personne n'avait encore pensé (il ne daigne pas songer à Képler); il a fabriqué un zodiaque commun à tous les astres, et qui se meut le long de l'écliptique, d'un mouvement égal à celui du Soleil moyen. Ce zodiaque s'adapte également au système de Copernic et à celui de Tycho, avec une exactitude presque incroyable; mais en bon capucin, on pense bien qu'il donne la préférence à Tycho. Il admet les excentriques
comme démontrés et indispensables; on dirait qu'il n'a pas
l'idée du mouvement elliptique, il ne le combat en nul endroit,
et n'en fait pas la moindre mention. Il rejette les épicycles A tout cela il faut
joindre l'écliptique du Soleil Le Soleil mobile
entraîne avec lui tous les centres des excentriques; les planètes En fait, il s'est
borné à retourner le système de Tycho, à peu
près comme Tycho avait retourné celui de Copernic; il supprime
les épicycles, mais, ce dont il ne se vante pas, c'est qu'il les
remplace par des hypocycles; au lieu de faire tourner sur l'excentrique
le centre d'un petit cercle appelé épicycle, cercle superposé,
il fait tourner le centre de l'excentrique sur la circonférence
d'un petit cercle auquel il ne donne pas de nom, et que j'appelle hypocycle,
cercle placé en dessous. Du reste, il n'appuie ses hypothèses
sur aucune démonstration, sur aucun
calcul, et réellement il n'en a aucun besoin.
![]() Page de garde de l'Oculus Enoch et Eliae de Schyrle de Rheita. Il soupçonne
que les étoiles Le Soleil ne tourne
qu'une fois en un an; les taches Une autre idées
non moins bizarre, est que, dans le système de Copernic, la chaleur
devrait être proportionnelle au rayon du parallèle; elle serait
absolument nulle aux pôles où le parallèle se réduit
à un point; car, dit-il, c'est le mouvement qui produit la chaleur.
Il ne désespère pas qu'on n'ait un jour des lunettes qui grossissent de 3 à 4000 fois, qui nous feront beaucoup mieux connaître la Lune. Il a déjà préparé un binocle dont il se promet de grands effets. Il donne à la Lune une atmosphère, et si l'on n'y voit aucun nuage, il l'attribue à l'extrême chaleur. Il nous donne une carte de la pleine Lune, telle qu'il l'a vue dans sa lunette. Il reproduit quelques-unes des idées du Songe de Képler, sur l'astronomie des habitants de la Lune. Il appelle Antichthones ceux qui sont dans l'hémisphère qui nous est invisible. Il a l'air de nous dire que les habitants de la Lune verraient des phases au Soleil; il veut dire, apparemment, qu'elle a des points pour lesquels le Soleil ne se lèverait pas tout entier. Il croit que dans la Lune l'été et l'hiver ne seraient chacun que de 14 jours 3/4; que les fruits n'auraient pas le temps de croître et de mûrir, et qu'ainsi la Lune n'est pas habitée. Il attribue les marées Il émet l'opinion singulière que Saturne n'est pas éclairé par le Soleil, mais par les compagnons qu'il a sans cesse à ses côtés, à moins que Saturne ne soit lumineux par lui-même, et n'éclaire les deux globes qui l'accompagnent. Il trouve à
Jupiter En parlant des satellites
qu'il a vus en grand nombre autour de Jupiter, et qu'il n'a pas revus,
il n'en donne ni les révolutions, ni les distances, que sans doute
il n'a pas eu le temps d'observer; il ne parle que des quatre sur lesquels
on ne peut élever aucun doute; il en donne les distances en diamètres
de Jupiter, et les fait de 10, 6, 4 et 3, ce qui n'est pas d'une grande
exactitude. Selon lui, les quatre diamètres sont 1736, 1185, 822,
549, ce qui n'est pas non plus bien juste; car le troisième est
le plus gros de tous. Il nous dit que le premier et le troisième
sont les plus brillants, et que ceux-là se trompent qui croient
que ces satellites reçoivent toute leur lumière du Soleil
ou de Jupiter. Cette planète lui paraît la plus grande et
la plus belle de tout le Système solaire Képler avait
été obligé de recourir à l'ellipse pour les
mouvements de Mars; il se vante de la représenter par son excentrique,
et cela jucunde et utiliter, sans épicycle, Ses hypothèses
charmantes sont tombées dans l'oubli, et l'ellipse de Képler
est restée. Il appelle Vénus Il a fait exécuter un planétologe ou planétaire, sur lequel on voit toutes les planètes se mouvoir, conformément à son système, sans aucune roue, et seulement à l'aide d'un poids, comme celui d'une horloge, ou bien encore avec des roues dont il a calculé le nombre des dents. Il décrit ensuite son binocle dans un appendice dont le titre est Oculus astronomicus binoculus, sive praxis dioptrices. En l'an 1609, un opticien batave qu'il nomme Joannes Lippensum de Zélande, ayant joint par hasard un verre convexe et un verre concave, vit avec admiration que cette combinaison faisait paraître les objets plus gros et plus voisins. Ayant donc placé ces deux lentilles dans un tube, à la distance la plus convenable, il faisait voir aux passants le coq du clocher. Le bruit de cette invention s'étant répandu, les curieux venaient en foule pour admirer ce prodige. Le marquis de Spinola acheta la lunette; et il en fit présent à l'archiduc Albert. Les magistrats ayant mandé l'opticien, lui payèrent assez chèrement une lunette pareille, mais à la condition singulière qu'il n'en vendrait, ni même n'en ferait aucune autre; ce qui explique, nous dit Rheita, comment une invention si fortuite et si admirable était restée quelque temps inconnue. Elle se répandit enfin; elle fut perfectionnée, et Galilée, par ses découvertes, lui donna la plus grande célébrité; cette lunette, cependant, étant assez incommode parce qu'elle avait trop peu de champ, Rheita sentit la nécessité de mettre en pratique les idées de Képler; il assembla deux lentilles convexes; mais, comme tout a ses inconvénients, les objets étaient renversés, ce qui, au reste, ne lui paraît pas un grand mal. Il y remédia depuis, en ajoutant un second oculaire. Il est incroyable, nous dit-il encore, combien le champ fut augmenté; il pouvait apercevoir à la fois, et compter de 40 à 50 étoiles, parce que le champ était devenu cent fois plus grand que celui de Galilée. Animé par ce succès, il chercha si, en réunissant deux lunettes dans le même tube, il ne verrait pas encore mieux; les objets lui parurent beaucoup plus vifs et presque deux fois aussi distincts, ce dont on pourra facilement se convaincre par l'expérience. Le Gentil qui, a renouvelé l'épreuve, en parle dans le même sens. L'auteur explique ensuite la manière de tailler et de polir les verres, et de leur donner la forme hyperbolique suivant les idées de Descartes. Il est aussi l'auteur des mots objectif et oculaire, qui sont restés. Il donne une table des dimensions des deux verres sphériques qui composent une lunette. Si la longueur focale de l'objectif est 1, il donne à l'objectif une ouverture de 0,013, et à l'oculaire une ouverture de 0,025. Les verres hyperboliques admettent des ouvertures plus grandes, parce que la réunion est plus exacte que dans les verres sphériques. Il a reconnu la nécessité de couvrir les bords de l'objectif, pour avoir des images nettes. Plus le rayon de l'oculaire sera court en comparaison du rayon de l'objectif, plus grande aussi sera l'amplification; on peut la porter jusqu'à 3000. Il emploie le diaphragme pour arrêter les réflexions latérales. Pour son binocle, il prescrit de placer en avant de l'oculaire une sorte de masque où l'on puisse faire entrer le front, le visage et le nez, afin d'avoir les yeux toujours à la même place quand on observe. Les deux oculaires seront écartés de la distance des deux prunelles; les centres des objectifs doivent être plus écartés l'un de l'autre, à mesure que l'objet est moins éloigné. Pour produire l'écartement le plus convenable, il fait tourner une roue dentée entre les deux objectifs. Il indique ensuite d'une manière énigmatique, et par des lettres transposées, quelques autres idées qu'il promet de développer un jour. Nous ignorons s'il a tenu parole. Ici se termine la
partie physique et astronomique; l'autre est intitulée Theoastronomia,
opus theologis et verbi Dei praeconibus utile et jucundum. Il est délié
à la Vierge Marie. De tous les ouvrages
imprimés, aucun ne mérite mieux que cette partie le titre
de capucinade. Vénus y est tantôt la déesse et tantôt
la Vierge Marie, et tantôt l'Église
catholique. Mars Il explique ensuite la vision d'Ezéchiel, et nous apprend qu'il était défendu aux fidèles de lire cette vision avant l'âge de 40 ans, quelque instruits qu'ils fussent d'ailleurs. Selon lui, elle figurait le jugement dernier et la fin du monde. Le cardinal Cusa, par le compte des années jubilées qui avaient eu lieu depuis la création du monde jusqu'à Ezéchiel, depuis Ezechiel jusqu'au premier avènement de J.-C., conjecturait que le second aurait lieu en 1700. Rheita admet le calcul (en 1645), et il en conclut que le Jugement dernier n'était plus bien éloigné. Il nous rassure un peu en disant que personne ne connaît ce temps, pas même les anges, et il se flatte que la fin du monde n'est pas si prochaine, malgré tous les signes avant-coureurs qui lui paraissent l'annoncer. - ![]() Fronstispice de l'Oculus Enoch et Eliae de Schyrle de Rheita. L'ouvrage du révérend
Père est en général ennuyeux et fantasque. La planche
qui est en tête de l'ouvrage (ci-dessus) nous donne déjà,
comme le titre, une idée du style et du caractère du bon
capucin. Elle contient une figure qui représente le Père
éternel tenant une chaîne à laquelle le monde est suspendu;
deux bouts de la chaîne passent par les mains de J.-C. et du Saint-Esprit;
de là la chaîne passe par les mains de plusieurs anges; chacune
des deux parties se divise en deux branches qui passent par les mains de
plusieurs princes, au nombre de sept; les deux se réunissent et
soutiennent une espèce de globe sur lequel est inscrit la Terre,
Oculus, Énoch, etc. Ce globe, dans sa partie inférieure,
repose sur le dos de l'empereur qui, sous ses pieds, a l'inscription :
Atlas S. R. imperii. Le fond est rempli d'images tirées de
l'Apocalypse |
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