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Le jardin d'Eden |
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Éden,
c'est-à-dire en hébreu délices, est le nom
donné dans la Genèse![]() ![]() ![]() L'Eternel Dieu (Yahveh) avait planté un jardin en Eden, du côté de l'orient, et il y avait mis l'homme qu'il avait formé. Et l'Éternel avait fait germer de la terre tout arbre désirable à la vue, et bon à manger; et l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin; et de là il se divisait en quatre fleuves. Le nom du premier est Fiscon (Phiscon); c'est celui qui coule autour de tout le pays d'Avila, ou l'on trouve l'or, le bdellion et la pierre d'onyx. Le nom du second fleuve est Guihon; c'est celui qui coulé autour de tout le pays de Cus. Le nom du troisième est Hiddekel (Chidékel); c'est celui qui coule vers l'orient de l'Assyrie. Et le quatrième fleuve est le Phrat (Euphrate). Yahveh prit donc l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden, pour le cultiver et pour le garder (Genèse, I, 8-15).Ce texte fait le bonheur ou le désespoir des théologiens, car il a permis et permet toujours aux un de composer, pour la localisation des fleuves et des contrées qu'il nomme, des traités qui ne satisfont guère que ceux qui les écrivent, et aux autres de tenter l'entreprise a leur tour. L'opinion la plus courante le plaçait dans l'ancienne Médie ![]() - ![]() Le Paradis terrestre, par Breughel l'Ancien. A
la recherche du Paradis terrestre
![]() Le Jardin d'Eden représenté dans les Très riches Heures du Duc de Berry (ca; 1410). |
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Il serait long d'indiquer toutes les situations géographiques qui ont été assignées au Paradis terrestre depuis les temps antiques jusqu'au dix-septième siècle [1], Un savant prélat, qui a marqué sa place parmi les écrivains élégants du siècle de Louis XIV, Daniel Huet, évêque d'Avranches, essaya, en 1691, d'éclairer cette question difficile, et il convient lui-même qu'avant de se former sur ce point une opinion admissible, il s'est vu plus d'une fois sur le point de mettre de côté ce sujet de dissertation que lui avait donné à traiter l'Académie française. | [1] Voy. à ce sujet Santarem, Histoire de la cosmographie et de la cartographie, avec atlas; 3 vol. in-8. | |||
"Rien, dit-il, ne peut mieux faire connaître combien la situation du Paradis terrestre est peu connue que la diversité des opinions de ceux qui l'ont recherchée. On l'a placé dans le troisième ciel, dans le quatrième, dans le ciel de la lune, dans la lune même, sur une montagne voisine du ciel de la lune, dans la moyenne région de l'air, hors de la terre, sur la Terre, sous la Terre, dans un lieu caché et éloigné des hommes. On l'a mis sous le pôle arctique, dans la TartarieEn poursuivant, du reste, on voit que l'évêque d'Avranches ne tarde pas à faire un choix au milieu de tant d'opinions diverses se contredisant parfois entre elles. II place la demeure du premier homme "sur le canal que forment le Tigre et l'Euphrate joints ensemble, entre le lien de leur conjonction et celui de la séparation qu'ils font de leurs eaux, avant que de tomber dans le golfe Persique ![]() Les études du savant prélat trouvèrent, du reste, un continuateur zélé plus d'un siècle après lui. Erro y Aspiroz reconnaît toute la valeur des recherches de son prédécesseur; il modifie seulement d'une manière presque insensible le point où les recherches doivent s'arrêter pour avoir définitivement le lieu d'habitat où vécurent nos premiers parents. Le Paradis terrestre (la chose, selon lui, n'était plus douteuse) se rencontrait un peu au-dessous de l'antique cité d'Apamia, au confluent du Tigre et de l'Euphrate; et, de même qu'il prouvait que les descendants immédiats d'Adam, si ce n'est Adam lui-même, parlaient la langue escualdunac, de même il n'hésitait pas à tracer d'une main ferme, sur une belle carte géographique dont il orna son ouvragé, les contours du Paradis [3]. ![]() Les quatre fleuves du paradis terrestre, d'après la mappemonde du Rudimentum. Il faut reconnaître que ces dissertations ont moins d'agrément que les traditions du Moyen âge. A partir du quatrième siècle jusqu'à l'époque de la Renaissance, rien n'est plus répandu que les légendes qui portent d'heureux voyageurs aux portes du Paradis terrestre. Ces sortes d'itinéraires sont mêlés ordinairement à d'autres, récits. Dans son fameux voyage, saint Brandan aborde bien le rivage désiré; mais il n'y trouve plus qu'un désert, les délices en ont disparu pour reparaîtra un jour : un ange du ciel l'a prédit. Dans la légende plus fameuse encore qui porte le nom de saint Patrick, Oweins, le bon chevalier, quitte un moment l'Enfer et arrive, après maint danger, devant une porte qui s'ouvre pour lui laisser voir des jardins magnifiques : ce sont ceux d'Éden. Gotfred de Viterbe renverse toutes les idées que ses prédécesseurs avaient réunies : Ie Paradis terrestre est au delà de la Bretagne, aux confins de la Terre. De pieux voyageurs l'ont vu sur une montagne d'or, portant une ville toute d'or elle-même. L'Imago Mundi de Pierre d'Ailly le restitue au monde asiatique; mais il le rend plus inaccessible encore : il le place derrière un mur de feu qui monte jusqu'au ciel. Jacques de Varagio a orné sa légende dorée de ces poétiques pérégrinations, et le monde oriental a célébré; par la voix de Moschus ou de Pallade, la sainte expédition de Macaire, auquel l'ange vengeur refuse l'entrée de l'Éden. Mais parmi ces légendes nous ne connaissons en réalité qu'un seul voyage bien caractérisé par son titre, c'est le voyage de saint Amaro [4] au Paradis terrestre. Bien des gens seront surpris nous n'en doutons pas, de l'aridité que présente le Paradis terrestre sons la main du miniaturiste plein de foi qui a essayé d'en offrir à son siècle une représentation. Ce n'est pas certainement par une fantaisie bizarre d'artiste ou de géographe que Fra Mauro, auquel nous empruntons la gravure ci-dessous, a entouré de murailles crénelées le jardin où s'élève la fontaine qui devait rafraîchir l'Éden de ses eaux vivifiantes.
En agissant ainsi, il s'est conformé
à l'opinion qui plaçait le Paradis terrestre en Judée.
Le Cantique des cantiques |
[2]
De la situation du Paradis terrestre; chez Jean
Anisson, 1 vol. in-12.
[3] El Mundo primitivo, ò Exàmen filosòfico de la antigüedad y cultura de la nacion vascongada; Madrid, 1815, 1 vol. pet. in-4°, avec cartes. Rien de plus curieux, dans cet examen philosophique, que la série d'étymologies dont Erro consolide son opinion. L'Euphrates, par exemple, ne veut dire autre chose que jardin abondant en délices. Notre auteur le prouve ainsi : La voyelle e signifie suave, amène, mou, délicieux; et toutes les qualités que rappellent ces expressions; le u exprime l'abondance; faratz, faratza, jardin; et la terminaison ez ou es équivaut à l'article de. Le mot E-u- faratz-es ou sa contraction Eufratzes nous donne donc la signification voulue. Nous faisons grâce au lecteur des autres mots ainsi décomposés. [4]
Sant Amaro est un saint voyageur essentiellement portugais, et dont les
aventures merveilleuses ont été racontées sans la
belle langue de Camoëns.
L'une des plus anciennes traductions espagnoles, si ce n'est le texte original,
date du seizième siècle; nous donnons ici son titre pour
l'instruction des curieux : la Vida del biennaventurado sant Amaro,
y de los peligros que passo hasta que lellgo al Parayso terrenal. Ou
lit à la fin : "Deo gracias. Fue impressa la presente Vida del
bienaventurado Sant Amaro, en la muy noble y mas leal ciudad de Burgos.
En casa de Juan de Junta, a veynte dias del mes de febreyro de mil quinientos
y LII años." In-4°.
[5] Voy. Voyageurs anciens et modernes, t. Ill, note de la page 468; Navarreté, Coleccion de viages, etc. |
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Lors de son troisième
voyage, où il découvrit pour la première fois le continent
américain, il fut persuadé, non pas seulement qu'il était
arrivé à l'extrémité de l'Asie, mais encore
qu'il ne pouvait pas être très éloigné du Paradis
terrestre. L'Orénoque lui paraissait devoir être l'un des
quatre grands fleuves qui, selon la tradition; descendaient du jardin habité
par nos premiers parents. Voici comment il s'exprime à ce sujet
dans sa lettre aux monarques espagnols datée d'Haïti![]() "Les saintes Écritures attestent que le Seigneur créa la Paradis et y plaça l'arbre de la vie; et en fit sortir les quatre plus grands fleuves de l'univers, le Gange de l'Inde, le Tigre, l'Euphrate... (s'éloignant des montagnes pour former la Mésopotamie et, se terminer en Perse), et e Nil qui naît en Éthiopie |
[6]
Si l'on veut étudier un peu plus attentivement ce sujet, on
aura recours au mémoire de Letronne indiqué
plus loin, et à l'Histoire de la géographie du nouveau
continent, par de , t. III.
[7] Bouches occidentales de l'Orénoque. |
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Le savant Letronne
lut, en 1826, à l'Académie des inscriptions et belles lettres,
un mémoire sur ce que les pères de l'Église croyaient
relativement à la situation du Paradis terrestre. Joseph et les
premiers Pères grecs le plaçaient vers les sources de l'Indus
et du Gange; mais si le Paradis était en effet situé dans
cette partie du continent asiatique, comment n'y était-on jamais
parvenu? comment aucun voyageur n'en avait-il entendu parler? Il fallait
supposer que Dieu n'avait pas voulu qu'on vît le Paradis depuis le
Déluge. Cette réponse ne paraissait
pas satisfaisante à tout le monde. Alors on imagina que le Paradis
pouvait être situé beaucoup plus loin à l'orient, de
l'autre côté de l'océan Indien, dans une partie inconnue
et opposée à l'Inde et au pays de Tsina (la Chine). Saint
Clément de Rome, Saint Basile, Tatien,
Constantin d'Antioche, Jornandès,
Bède le Vénérable et beaucoup
d'autres, étaient d'opinion, comme l'avait été Cosmas,
qu'il existait un océan impossible à traverser, au delà
duquel il y avait d'autres mondes.
![]() Le Monde d'après une miniature de Cosmas, moine du VIe siècle. Christophe Colomb
suivait donc l'opinion des Pères de l'Église qui plaçaient
le Paradis à l'orient de la terre habitable.
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"Le premier (des quatre fleuves du Paradis) a nom Phison ou Ganges [8], c'est tout un, et court parmi l'Inde. En laquelle rivière il y a moult de pierres précieuses et moult de bois d'aloès et de gravelles d'or. Et l'autre a nom Nilus ou Gihon (Ghion, Géon), qui va par l'Éthiopie
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[8] Le Phison était le Danube, suivant Severianus de Gabala et l'historien Léon Diacre. |
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