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Musiques et danses > La danse
Histoire de la danse
La danse en Espagne
L'art de la dans est cultivé de longue date en Espagne. Les écrivains romains nous ont décrit le pas des danseuses de Gadès (Cadix), très analogue au fandango et au boléro avec les inévitables castagnettes. Dès cette époque la Bétique, qui correspond à l'Andalousie, était regardée comme la terre classique de la danse. Aujourd'hui encore chaque cité y a sa danse caractéristique, le jaleo à Xerez, l'ole gaditano à Cadix, la rondeña à Ronda, etc. 

Au XVIe siècle, lorsque sévissait l'Inquisition, on dansait autant que jamais et les érudits rapprochaient le meneo de la crissatura romaine et le zapateado ou le taconeo du lactisma. En tout cas, les crotalia sont incontestablement les castagnettes, l'instrument musical par excellence des Espagnols. De même on rapproche du tympanum des anciens le tambour basque (el pandero, la pandereta). 
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Manet : Ballet espagnol.
Ballet espagnol, par Edouard Manet, 1862.

Les danses des Basques ont été décrites par J.-J. de Iztueta dans un traité en langue basque sur « les anciennes danses du Guipuzcoa et leurs règles » (Saint-Sébastien, 1824); il en expose en détail trente-six, avec le chant et les attitudes. Une des principales est la danse des lances (pordon dantza) qui est exécutée à la fête de Saint-Jean-de-Tolosa en souvenir de la bataille de Beotibar (Guipuzcoanes contre Navarrais) par des hommes maniant des bâtons en guise de lance; ils s'alignent, chantent et gesticulent vivement. La danse tient encore une place essentielle dans les cérémonies du pays basque et jusqu'à une époque récente on ouvrait par un bal l'assemblée provinciale de Guipuzcoa. La danse nationale des Basques est le saut basque qui comporte un grand nombre de variantes.

Les Maures, conquérants de la péninsule espagnole, y apportèrent leurs danses et leurs mélodies, lesquelles ont conservé encore beaucoup de caractère dans le sud de l'Espagne; il est juste de rappeler que les populations à demi-phéniciennes de ces contrées avaient déjà des danses voluptueuses analogues à celles qui firent du temps de l'empire romain la réputation des femmes de Gadès. On considère la plupart de ces danses comme des formes affaiblies de la chika, la famille de danses que l'on retrouve en Afrique. Elle a été portée en Amérique par les esclaves noirs et trouve place dans toutes les fêtes religieuses des anciennes colonies espagnoles. La mélodie en est particulière, le mouvement très rapide; la danseuse tient un mouchoir ou les coins de son tablier; leur grand art est dans les flexions des hanches et des cuisses, tandis que le buste reste immobile; le danseur s'élance vers elle d'un saut, se retire, revient comme pour s'en emparer; on conçoit que ces attitudes voluptueuses expriment par une mimique saisissante toutes les péripéties de la lutte amoureuse et de l'existence progressive des acteurs. 

On peut rattacher à la chika toute une série de danses; un autre type est la moresque, danse très vive avec sauts en hauteur et cabrioles, peut-être d'origine grecque, qui est encore dansée, dans presque tous les pays riverains de la Méditerranée, en Grèce, en Albanie, en Serbie, en Corse, en Espagne, etc.; c'est une danse guerrière, d'un caractère dramatique; en Corse et en Espagne elle représente un combat contre les Sarrasins, Ia délivrance de Jérusalem ou de Grenade, ou bien encore la prise d'Aleria et de Mariana par le comte Hugues Colonna. Cette danse a beaucoup de caractère ; elle parait demi-religieuse et demi-profane. Elle passa au XIVe siècle en Angleterre et dans toute l'Europe.

En somme, on peut distinguer en Espagne deux groupes de danses, celles du Nord dont le type est donné par les danses basques, celles du Midi qu'on dérive des danses mauresques. Parmi les premières, il faut citer celle du roi Alphonse qu'on fait remonter au Xe siècle et dont l'accompagnement était une romance qui lui a valu son nom. Les jongleurs et ménestrels jouant souvent des airs de danse (baladas, dansas) ne se bornaient pas à chanter, mais aussi accompagnaient des danses. 

Nous citerons parmi les danses espagnoles du Moyen âge, tombées généralement en oubli au XVIe siècle : la gibadana; l'alemanda, venue d'Allemagne, dont il sera parlé plus bas; Lope de Vega, dans sa Dorothée, déplore l'abandon de ces deux danses anciennes; on nomme encore le tourdion, dont la vogue se dessina quand on en revint aux danses basses; le piedegibao, etc. 

La principale danse de société des Espagnols du XVIe siècle est la pavane ou pava d'Espagne; la pavane est une danse solennelle qualifiée par excellence de grande danse; les princes y figurent en manteau de gala, les chevaliers avec le manteau et l'épée, les magistrats en robes, les dames avec leur robe à longue traîne; on les compare au paon qui fait la roue; de là serait venu le nom de la danse, à moins qu'on ne le dérive simplement de la ville italienne de Padoue. La première étymologie a l'avantage de bien répondre aux attitudes des danseurs ceux-ci se déplaçaient lentement, tournant selon un pas grave et mesuré, relevant en arrière leur manteau à l'aide des bras et de l'épée de manière à imiter exactement la démarche du paon. En Allemagne, on joignait ordinairement la pavane à la gaillarde, d'ailleurs plus légère, afin d'en égayer le sérieux.

Parmi les danses populaires de l'Espagne au XVIe siècle, on distinguait deux catégories : les bayles (bailes) et les dansas (danzas); dans les premières on remuait autant les bras que les jambes; à cette catégorie appartenaient les danses les plus légères où l'on cherchait surtout la souplesse et l'agilité (bayles picarescos). Il faut noter que tandis qu'en Italie la danse dramatique eut pour origine des ballets organisés par les archéologues de la Renaissance, en Espagne elle eut, comme le théâtre, une origine populaire. Dès le Moyen âge et principalement au XVIe siècle, lors des fêtes religieuses, on joint aux autos des danses. On nous dit que le cardinal Ximenes restaura à Tolède l'ancien usage des danses dans le choeur de l'église pendant le service divin. Cet usage s'est perpétué jusqu'à nos jours, et, à Séville, par exemple, un corps de danseurs est attaché à la cathédrale. Ce sont des enfants de choeur de douze à dix-sept ans, qu'on nomme seises; ils ont encore l'ancien costume bleu et blanc avec feutre orné de plumes, le manteau et l'écharpe; ils exécutent devant le maître-autel une danse grave au son de castagnettes d'ivoire accompagnée de chants religieux; on a rapproché cette danse de celle que David exécuta devant l'arche.

A côté de ces danses d'un mouvement calme et d'un caractère presque austère s'en développent d'autres plus vives et plus voluptueuses que le peuple préfère, abandonnant totalement les anciennes, au grand désespoir des écrivains. Ils énumèrent beaucoup de ces nouvelles danses dont ils blâment l'allure lascive, las gambelas, el pollo, le rastroso, la gorrona, la perra mora, el zapateado, la gira, etc. 

La plus en vogue était la gallarda ou gaillarde, dont on appréciait surtout la gaieté. Elle se dansait sur la mesure trois-quatre et comportait cinq pas; comme la pavane, elle avait trois reprises de quatre, huit ou douze mesures; elle était constamment accompagnée de chants, parfois sans instrument de musique

A côté de la gaillarde on ne peut omettre la sarabande, la chaconne et l'escarraman, d'un caractère plus voluptueux, qui eurent une vogue presque exclusive sur toutes les scènes espagnoles à la fin du XVIe siècle et au XVIIe. La sarabande était considérée par les moralistes comme d'invention diabolique; ils obtinrent une interdiction qui ne fut pas observée. 

La sarabande était exécutée par des femmes seulement; la chaconne l'était par des couples de danseurs et danseuses. Elle avait été empruntée aux Basques et fut accueillie avec grande faveur se propageant au XVIIe siècle dans toute la péninsule et remplaçant la sarabande. Cervantès, dans ses Nouvelles exemplaires, en fait l'éloge. Elle domina pendant tout le XVIIe siècle et ne fut détrônée qu'au suivant par le fandango. D'Espagne elle s'était répandue en France et de là dans l'Europe entière. Proscrite par le pouvoir comme immorale, elle fut si énergiquement réclamée par le peuple qu'on dut continuer de la tolérer sur la scène; le public espagnol goûtait surtout la danse quand il assistait à une représentation dramatique. 

A la chaconne et la sarabande il faut ajouter comme danses analogues l'escarraman; et le zorongo.

Ces danses populaires ne demeurèrent pas en possession du théâtre; elles en furent chassées par les danses scéniques proprement dites, les grands ballets à la mode italienne, surtout à dater du règne de Philippe IV; ceux-ci, donnant lieu à des divertissements plus variés, à des mouvements d'ensemble et des combinaisons qui s'accordaient mieux avec une action dramatique, triomphèrent et restèrent maîtres de la scène. La sarabande, la chaconne ont donc à peu près disparu au début du XVIIIe siècle. Mais le peuple conserva des danses analogues, d'un caractère un peu moins libre. On les groupe sous le nom de seguidillas; combinant la danse et le chant, sur la mesure trois-quatre en général, elles ressemblaient fort au bolero, qui a conservé leurs figures, leurs retrains et leurs pauses, mais en ralentissant l'allure. 
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Goya : l'Enterrement de la sardine.
Représentation d'une danse dans
l'Enterrement de la sardine, de Francisco Goya (1819).

De ces seguidillas sont dérivées la plupart des danses populaires actuelles de l'Espagne. Nous en indiquerons donc sommairement les principaux traits. Aux accords de la guitare, les danseurs, groupés en paires, s'alignent face à face, séparés les uns des autres par une distance de trois à quatre pas. Après un prélude, lorsque le guitariste attaque l'air de danse, à la quatrième mesure, on commence les mouvements accompagnés de chant et de claquement des castagnettes. A la neuvième mesure se place une pause où l'on n'entend plus que la guitare; puis on change de place; après une promenade accomplie avec une silencieuse gravité, la danse recommence; on revient à ses places; la troisième partie de la seguidilla est brusquement interrompue à la neuvième mesure et l'usage veut que chaque danseur s'arrête instantanément, comme figé dans l'attitude qu'il prenait à cet instant. Les pas de seguidilla sont très variés; on emploie ceux du fandango, de la jota, d'autres danses, cambrant le corps et les bras, danseurs et danseuses se rapprochent et s'écartent alternativement; de temps à autre, ils frappent le talon bruyamment (taconeo). Une description ne peut rien rendre de la grâce féerique que déploient dans leurs moindres mouvements les danseuses andalouses; leur souplesse et leur élégance dans ces attitudes surpassent infiniment le charme des mouvements trop géométriques de nos ballets classiques; nul saut, aucun effort ni de tour de force. Des seguidillas vient le fandango, danse lente sur la mesure six-huit, exécutée par deux personnes, au son des castagnettes; la précision des mouvements qui suivent exactement la musique est très grande. Le fandango séduit par sa mimique tendre et abandonnée au début, passionnée à la fin; il n'a pris toute sa grâce que lorsqu'il est devenu une danse populaire affranchie de la correction sévère que lui maintenait la bonne société. 

La tirana est une danse andalouse, analogue au fandango, dont l'air n'a que quatre vers. On en peut rapprocher encore la jota aragonaise, exécutée par trois personnes qu'accompagnent deux chanteurs.

Le bolero, dérivé également des seguidillas, a été inventé, dit-on, par le fameux danseur don Sebastian Zerezo, en 1780. Comme le fandango, il est dansé par deux personnes qui enchaînent leurs mouvements; mais il a conservé plus de retenue, la tendresse y prévaut sur la passion. La mesure trois-quatre et le temps sont ceux du menuet, le rythme est très accentué. Les différentes parties du bolero sont la promenade ou paseo, qui sert de prélude; les traversias ou changements de place; les differencias où l'on exécute les pas de danse proprement dits; après un nouveau changement de place vient le finale selon la règle posée pour la seguidilla. Souvent le bolero est chanté avec accompagnement de guitare. Une des principales difficultés de cette danse tient à la précision du rythme. 

La cachucha est dansée par un cavalier seul ou plutôt par une dame seule avec accompagnement de castagnettes; les mouvements des bras et du buste lui donnent comme aux autres danses espagnoles sa grâce et son expression. Fanny Elsler y fut inimitable. Par la combinaison du bolero et de la cachucha, on a créé les seguidillas toleadas. 

Parmi les autres danses andalouses, on peut nommer encore la guaracha exécutée par une seule personne, qui s'accompagne elle-même en pinçant sa guitare, sur la mesure trois-huit ; la rapidité croissante de l'allure rapproche la guaracha des danses italiennes; le vito, le calaferas de Cadix, le chairo, le panaderos, le jaleo, etc. L'olé de Cadix parait être la même danse qu'admiraient les anciens Romains. Elle doit ce nom à l'exclamation « Olé » dont on encourage la danseuse; celle-ci y déploie plus que dans aucune autre sa souplesse; elle se ploie jusqu'à toucher la terre des bras et des épaules, se renverse comme pâmée et semble flotter sur le sol, se redresse d'un bond en frappant ses castagnettes. 

Consacrons encore une mention à la folie d'Espagne, danse plus grave, sur la mesure trois-quatre en deux parties de huit mesures chacune, composée par Corelli; elle passionna la noblesse espagnole.  (A.-M. B.).

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Dictionnaire Musiques et danses
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