| Le courage (andreia, fortitudo) était compté par les Anciens au nombre des quatre vertus cardinales. Socrate le définissait comme la science de ce qu'il faut faire dans le danger (Eth. Nic., III,11, 1116b4; Eth. Eud., III, 1, 1229a17). Aristote voyait en lui le milieu entre la lâcheté et la témérité (Eth. Nic., II, 7, 1107a33 et passim). Cicéron (De Officiis, I, 19) approuve l'opinion des stoïciens qui le définissaient la force au service de l'équité. Si, avant de parler de la valeur morale du courage, nous voulons nous rendre un compte exact de sa nature psychologique, nous verrons que le courage véritable suppose : 1° la présence d'un danger et sa connaissance par l'esprit, car ce qui n'est pas connu est pour l'esprit comme s'il n'était pas; 2° la résistance au trouble apporté naturellement par la présence du danger; 3° enfin l'exécution des actes que la raison commande en dehors même de toute considération du danger. Ainsi le vrai courage suppose avant tout la parfaite possession de soi et la réflexion. C'est pour cela qu'Aristote (Eth. Nic., III, 11, 1116b23, 1117a9) se refuse à nommer courage l'insouciance du péril qui vient des dispositions physiques. C'est surtout dans les cas où l'appropriation des actes à la raison exige que la pensée se détourne de la représentation du danger tout en songeant sans cesse à la chose dangereuse, que se manifeste le vrai courage, et il se manifeste d'autant plus que les actes qu'on accomplit nécessitent moins d'efforts et d'absorption musculaire. Le courage civil qui consiste à remplir les fonctions de sa charge, quels que soient les périls qui sont attachés, est ainsi souvent supérieur au courage militaire proprement dit. Le magistrat, sur son siège, rendant un arrêt qui brisera certainement sa fortune, est plus courageux que le soldat qui, grisé par la poudre, s'élance dans la mêlée. A son tour, le soldat qui, l'arme au pied, attend sans bouger les boulets et les obus qui font rage autour de lui, est plus courageux encore que ce magistrat. Si le courage est indispensable pour laisser à l'humain la libre disposition de soi en face du danger, de manière qu'il puisse faire les actes que lui dicte la raison, il est clair que le courage est une vertu. En un sens, il est mêlé à toutes les vertus. L'obéissance à la raison est d'ordinaire pénible et l'humain redoute la peine; il faut donc, en toute circonstance, un certain courage pour obéir à la raison. Mais la vertu, qu'est-elle autre chose que l'obéissance aux ordres que nous dicte la raison? Il faut du courage, et beaucoup, pour triompher d'un défaut ou d'une mauvaise habitude. Il en faut d'autant plus que le plus souvent alors on agit en secret, et que l'applaudissement extérieur ne vient pas en aide. Il semble en effet que la vue des autres humains fortifie notre courage, et c'est un terme profond que le mot encourager. Cependant le vrai courage a-t-il besoin qu'on le tire, pour ainsi dire, du dehors; ne doit-il pas, au contraire, sortir de l'humain vertueux comme une fleur sort de sa tige, et n'est-il pas d'autant plus grand qu'il est ainsi moins extérieur et plus personnel? Le courage est non seulement une vertu, mais une des conditions de la vertu; c'est pour cela que les Anciens en faisaient une des quatre vertus qui donnent naissance à toutes les autres. (G. Fonsegrive). | |