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Aperçu
Le XVIIIe siècle russe est une époque de grandes transformations, dont l'impulsion est venue de l'empereur Pierre-le Grand. En 1689, celui qui était déjà tsar en titre, avec son frère Ivan, avait arraché, à dix-ans, le pouvoir effectif au ministre Galitzine et à sa soeur Sophie. Son frère aîné, Ivan, continuant de conserver un titre de tsar de pure forme. Entouré d'une équipe de fidèles, venus souvent de l'étranger (Suisse, Hollande, Écosse), Pierre Ier, s'était très vite lancé dans une politique de réformes, aussi bien politiques, militaires, que dans les domaines de l'éducation et de la culture. Une démarche, dans laquelle il convient également d'inscrire la fondation en 1703 de Saint Pétersbourg, et qui devait aller de pair avec une européanisation à marches forcées du pays.

La mort de Pierre Ier en 1725 ouvre la voie à plusieurs crises dynastiques, qui se solderont, à partir de 1762, et au début du règne de Catherine II, l'autre grand jalon de ce siècle, par le passage de la couronne des tsars des Romanov à la branche des Holstein-Gottorp. Dans l'intervalle plusieurs autres tsarines (ou régentes détentrices du pouvoir effectif). Il s'agira d'abord de Catherine Ire(1725 - 1727), veuve de Pierre Ier, puis d'Anna Ivanovna (1730 - 1740), dont le règne est marqué par l'importance des conseillers allemands, d'Anna Leopoldvna, qui tente brièvement de régner à la place de son fils le tsar Ivan VI, et surtout, ensuite, d'Elisabeth (1741 - 1762), la fille de Pierre le Grand.

Alors que la cour de Russie, au cours des décennies précédentes, s'était voulue hollandaise, puis allemande, avec Elisabeth, elle ne jure plus que par la culture française. Et cela sera particulièrement vrai sous Catherine II (1762 - 1796), correspondante de Voltaire et amie affichée des "Philosophes". Habile propagandiste, celle-ci va inaugurer son règne en affichant une volonté réformatrice du meilleur effet auprès de l'Europe des Lumières. Une illusion qui sera durable, et masquera la dureté d'un règne, marqué par le durcissement la vie des populations russes, et des révoltes matées dans le sang. Poursuivant, par ailleurs la potitique d'expansion territoriale de Pierre le Grand, Catherine II, engage aussi une politique de colonisation de la Sibérie, une "conquête de l'Est" qui sera au siècle suivant, le pendant de la "conquête de l'Ouest" qui se déroule alors sur le continent nord américain  (La découverte de la Sibérie). 
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L'éducation et la culture

Les deux règnes extrêmes du XVIIIe siècle, ceux de Pierre le Grand et de Catherine II, manifestent la même tendance et le même désir : celui d'égaler l'Occident dans toutes les branches de l'activité humaine, et de regagner le terrain perdu durant de longs siècles d'obscurité mentale. C'est le siècle où se crée vraiment la Russie moderne, où la langue se fixe en se dégageant du slavon liturgique, où l'instruction commence à se répandre, où l'esprit scientifique passionne assez le souverain pour qu'il institue une académie, non pas seulement gardienne de la langue, mais instigatrice de travaux et de découvertes, où, enfin, le métier d'écrivain cesse d'être l'apanage du clergé pour se répandre dans les couches supérieures de la société, et pour recevoir sa définitive lettre de noblesse grâce aux travaux de Catherine II.

La Russie va se doter progressivement, à partir de ces règnes, de nombreuses associations archéologiques, historiques (Saint-Pétersbourg, Moscou) et plusieurs sociétés de naturalistes (Saint-Pétersbourg, Moscou, Kharkov, Odessa, Kazan, Kiev). La Société impériale russe de géographie, qui a son siège à Saint-Pétersbourg, remplit en Russie le rôle du Comité des travaux historiques et scientifiques qui fonctionne au ministère de l'instruction publique en France. C'est elle qui sera souvent chargée de l'organisation et de l'équipement des nombreuses explorations scientifiques qui sillonneront l'empire russe et une grande partie du continent asiatique au cours du siècle suivant. Des sections de cette société seront établies sur différents points du territoire, en Europe et en Asie.

A côté de ces vastes associations, il y a lieu de citer les nombreuses et importantes collections scientifiques et artistiques réunies, là encore sous l'impulsion initiale de Pierre le Grand, dans les divers musées et bibliothèques de l'empire (Ermitage, Saint-Pétersbourg, musée Roumiantzov, Moscou; Musée historique, Moscou; bibliothèques publiques dans les principales villes de l'empire) et les observatoires, dont le plus important sera celui de Poulkovo (près Saint-Pétersbourg).

Au total, la Russie à la fin du XVIIIe siècle présente à l'Europe à peu près le même spectacle que la Turquie à la même époque. La cause en est : d'une part, dans l'atteinte portée par Pierre le Grand aux coutumes qui régissaient traditionnellement l'hérédité de la couronne; de l'autre, dans l'impopularité des souverains qui s'entourent d'étrangers, comme Pierre le Grand, mais sans donner, comme lui, de glorieuses compensations à l'amour-propre national. D'ailleurs, de Pierre le Grand à Catherine II, l'oeuvre de réforme est à peu près arrêtée. Beaucoup d'institutions de Pierre le Grand, coûteuses et compliquées, disparaissent : le servage de la noblesse se relâche peu à peu, ,jusqu'à Pierre III qui, au cours de la brève parenthèse qu'avait été son règne de quelques mois, en 1762, avait donné solennellement la liberté aux nobles.

Au cours de ce siècle, l'européanisation de la Russie ne cesse au demeurant de progressert : les étrangers y sont de plus en plus nombreux ; leurs moeurs, leurs modes dominent toute la vie des hautes classes; la partie principale de l'éducation d'un noble, en ce temps, c'est d'apprendre les langues de l'Occident. On l'a dit, jusque vers 1740, la culture allemande est la plus recherchée; sous Elisabeth, la culture française prend le dessus qu'elle gardera longtemps.

Toutes ces transformations n'empêchent pas la Russie de soutenir de nombreuses guerres. Il y en a où elle se laisse entraîner par l'influence de la cour de Vienne, sans intérêt et sans profit (guerre de la succession d'Autriche, guerre de Sept Ans). D'autres sont dirigées contre les ennemis traditionnels de la Russie, Turks et Suédois. Anna Ivanovna réunit à l'empire Azov et les steppes jusqu'au Boug (traité de Belgrade, 1739). Elisabeth enlève à la Suède une nouvelle tranche de la Finlande (traité d'Abo, 1743). Il est à remarquer que, pendant toute cette période, la Russie et la France sont en rivalité presque constante. En effet, les États que la France protégeait traditionnellement, parce qu'ils lui servaient d'instruments contre la maison d'Autriche, Suède, Pologne, Turquie, sont précisément ceux aux dépens desquels la Russie peut et doit s'agrandir.

Les règnes

L'empire de Pierre


Jalons
Le règne de Pierre Ier correspond d'abord à un effort de rapprochement de la russie avec l'Europe sans précédent, ainsi qu'à un renforcement vigoureux du pouvoir autocratique du tsar, qui se revendique désormais empereur de tous les Russies. Le souci d'européanisation du pays, point le plus marquant de cette période, avait sans doute déjà commencé à se faire jour avant l'accession au trône de Pierre Ier. Dès les premiers Romanov, la Russie s'était progressivement ouverte aux étrangers. Mais, cela n'avait rien de comparable avec la résolution désormais affichée de devenir un pays européen parmi les autres. Tout sera fait dès lors pour que la Russie puisse offrir l'illusion d'un Etat centralisé et civilisé suivant le type offert par la France de Louis XIV.

Illusion, car le pays va rester encore longtemps régi par le vieux principe patriarcal sur lequel repose le pouvoir du tsar, et qui, confondant l'autorité paternelle et domaniale avec l'autorité politique, présidait aux rapports du père avec ses enfants, du monarque avec ses sujets, des propriétaires avec leurs esclaves, du supérieur avec ses inférieurs. Sur une organisation sociale qui semblait remonter au onzième siècle, on allait ainsi édifier une diplomatie, une armée régulière, une hiérarchie bureaucratique, des industries de luxe, des écoles, des académies... Illusion aussi, parce que toutes ces réformes, imposées par la force et souvent dans le sang, vont d'abord dans le sens du renforcement du tsar; avec elles, l'autocratie se donne un nouveau visage, mais aussi des outils plus affinés et efficaces.

Le siècle ainsi engagé par Pierre le Grand ouvre au régime des tsars une perspective qui ne sera peu-être pas comprise par certains de ses successeurs, mais dans laquelle vont très habilement savoir s'incrire la politique de sa fille Elisabeth et plus tard celle de Catherine II

Le printemps des tsarines

Pierre le Grand avait modifié les règles de succession au trône. Désormais l'héritier serait désigné par l'empereur en place. L'ironie veut que la mort l'ait surpris avant d'avoir pu désigner son propre successeur, ce qui a débouché au cours du siècle qui a suivi sur plusieurs crises. Sa veuve, Catherine, soutenue par ceux qui avaient constitué la garde rapproché du tsar est brièvement devenue impératrice. Son successeur désigné, l'empereur Pierre II lui non plus ne règnera pas véritablement, ni très longtemps. Le pouvoir effectif passe à cette époque sous la coupe des familles puissantes de l'empire, qui, à la mort de Pierre II le transmettent à une deuxième impératrice, Anna Ivanovna, fille du frère de Pierre le Grand. Celle-ci se détachera de ceux qui l'ont placée sur le trône, pour s'entourer de conseillers souvent venus de l'étranger, et plus particulièrement d'Allemagne. Une situation qui rendra une fois de plus sa succession difficile.

Quand Anna meurt, la couronne passe en principe sur la tête de son petit-neveu, le jeune Ivan VI, dont le pouvoir reviendra en fait à sa mère Anna Leopoldvna, elle-même rapidement renversée par les grandes familles, qui font également assassiner Ivan VI. La couronne est alors attribuée à la fille de Pierre le Grand et de Catherine Ire, Elisabeth Pétrovna. Celle-ci va régner, dans un contexte relativement calme, pendant une vingtaine d'années. Son règne sera marqué par une ouverture de la Russie à la culture française.

A la mort d'Elisabeth, le problème de la succession donnera lieu à une nouvelle convulsion, avec l'accès au trône, puis l'assassinat quelques mois plus tard de Pierre III, qui laissera sa place à son épouse, Catherine II, la dernière tsarine

Catherine II, entre ombre et Lumières

Le règne de Catherine II (1762-1796) a commencé dans des circonstances plutôt suspectes par le détrônement et l'assassinat de son mari, - au détriment de son fils mineur, grâce à quelques aventuriers hardis - tels que les Orlov - et à la complicité tacite des hauts fonctionnaires. Elle a régné trente-trois ans sans qu'aucune tentative sérieuse ait été faite pour la renverser. Ce n'est pourtant pas que son gouvernement fut parfait : le favoritisme est devenu, sous elle, une sorte d'institution d'Etat, et les ressources de le Russie ont été livrées à l'avidité de la série d'amants qui se sont succédé dans les bonnes grâces de l'impératrice.

Mais il s'est trouvé que ce favoritisme même - une carrière ouverte à l'ambition de tous les jeunes Russes - a contribué à affermir le pouvoir de l'impératrice; que quelques uns des favoris, les Orlov et Potemkine surtout, ont été des gens de tête et d'action. Mais les causes principales qui ont permis à Catherine II de régner paisiblement ont été d'abord la sécurité qu'elle a donnée à tout le monde - sous elle, pas de brusques disgrâces, pas de sévérités inutiles - et ensuite, et surtout, les succès de sa politique extérieure.

On peut caractériser, d'une façon générale, cette politique en disant que Catherine II s'est efforcée de se tenir à l'écart des querelles de l'Occident - ce que ses prédécesseurs n'avaient pas su faire - et de se confiner dans les visées traditionnelles de la Russie; c'est-à-dire d'agir, soit en Pologne, soit en Turquie, soit en Suède.

Après Catherine

Mais la série des révolutions n'est pas close. Le règne du successeur de Catherine II, le fils de Pierre III, Paul Ier, (1796-1801) est un intermède avant celui d'Alexandre ler, qui ne compterait pas dans l'histoire de l'Europe, si Paul ne s'était joint à la deuxième coalition contre la France révolutionnaire. Les armées russes, sous le feldmaréchal Souvorov, y trouvent des succès en Italie, puis une défaite à Zurich. Paul Ier, se rapprochait de la France quand, en 1801, une révolution de palais, provoquée moins par le brusque revirement de sa politique extérieure que par les extravagances et la barbarie de son despotisme, en débarrassa la Russie. Paul Ier, sera assassiné en 1802, au profit de son fils, Alexandre Ier, à la mort duquel, en 1823, il y aura encore des troubles .

Les piliers du régime

Les grandes familles

Le XVIIIe siècle russe a connu, avec les règnes de Pierre Le Grand, Elisabeth, et Catherine II des périodes de relative stabilité intérieure. Mais ces périodes ont également été ponctuées par plus d'une révolution de palais. Des convulsions qui sont venues rappeler qu'il n'existe pas de régime politique, fut-il aussi autocratique que l'était celui des tsars qui ne doive reposer sur l'assentiment d'une partie plus ou moins importante de la population qu'il régente, ou tout au moins d'une classe politique. En russie, 94 % de la population de cette époque est soumis au régime du servage, et n'a pas grand chose à dire. En revanche, une poignée de familles puissantes (les Dolgorouki, les Bestoujev, les Galitzine, les Schouvalov et les Orlov, notamment), dont l'importance déborde souvent du seul XVIIIe siècle, on joué pendant toute cette période un rôle clé. Parfois très mal traités, leurs représentants ont souvent été aussi les les faiseurs et défaiseurs de tsars.

Aventuriers, gigolos et autres parvenus

Le mode de fonctionnement d'un pouvoir autocratique des tsars, par sa nature même, instaure un type de rapports de force avec la puissance aristocratique, qui favorise l'irruption dans le jeu politique de toutes sortes d'individualités. Souvent, il s'agira d'aventuriers jaillis de nulle part ou presque, à l'image de Tolstoï, Menchikov, âmes damnées de Pierre Ier, et plus tard, de Biren, et de ces autres soldats sortis du rang, comme les frères Panine, susceptibles d'y retourner à l'occasion, ou ces amants de tsarines, à la manière de Razoumovski et de Potemkine. Ils viennent souvent d'Allemagne (Bassewitz, Osterman, Münnich, etc.) ou d'ailleurs, chercher dans un pays neuf les opportunités d'une vie nouvelle. Tous parviendront à s'insinuer assez dans les interstices du jeu politique, pour en être tour à tour les leviers et les pions, mais à l'occasion, pour en devenir aussi un temps les maîtres. Véritables gangsters ou simples profiteurs, ils représentent un autre versant du pouvoir des tsars.

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